Partie 27 : Vingt-septième Saut d'Ange
Pov Maryane :
─ Accélère ! Fis-je en appuyant plus fort sur l'accélérateur.
J'avais sauté dans la voiture dès que son message vocal m'était parvenu aux oreilles.
"Tu me manques..."
Moi, pas son petit ami.
Matthew n'avait pas posé de question en me voyant soudainement si agitée, ouvrant même la portière avec un sourire mélancolique.
Étrange.
Je n'étais qu'à quelques kilomètres de l'endroit où résidait la barman, quatre peut-être ?
Pourtant, ils me semblaient interminables.
─ Avance ! Avance...
Sa voix m'avait paru si inquiète au téléphone que je n'avais pas hésité une seule seconde, plaquant tout pour aller la retrouver.
J'avais toujours l'espoir qu'elle change d'avis et quitte son petit ami pour être avec moi...
Je pense que personne ne me jetterait la pierre en espérant cela.
Si jamais Shira me rejetait... Je ne savais pas ce que je ferais.
J'imagine que je n'aurais qu'à sourire et partir dignement comme le font les femmes fières et indépendantes.
Sauf que je n'étais ni fière, ni indépendante, ce qui faisait une différence de taille non négligeable à mes yeux.
Nous y étions.
La maison où vivait actuellement Shira se dessina devant moi.
J'arrive mon amour...j'arrive.
Je sortis le plus rapidement que je le pus et courus presque jusqu'à la porte.
Toquant avec force, j'attendis d'apercevoir celle qui illuminait mes nuits...
En vain.
Elle ne m'a peut-être pas entendue...Réessaye.
Ma deuxième tentative fut aussi vaine que la première.
Un échec.
Je sonnai donc, le doute ayant pris possession de mes pensées.
Elle ne serait pas partie tout de même...?
Pourtant je dus me rendre à l'évidence ; la voiture n'était plus là et personne ne me répondait.
Pourquoi m'avait-elle alors envoyé ce message si empreint de désespoir une heure auparavant ?
"Tu me manques..."
Ça t'amuse de m'humilier, Shira ? Tu savais très bien que j'aurais été là, quoi que tu puisses faire. Pourtant tu n'as pas hésité à m'appeler en renfort, jouant sur l'amour que je te porte.
Je m'assis sur le tapis de porte, soufflant bruyamment.
Il ne me resta plus qu'à rentrer.
Au moment où je pris la décision de m'en aller, une voiture se gara sur le coté.
Sa voiture.
Le cœur battant, j'attendis de l'apercevoir.
Elle sortit, la mine défaite, les yeux si embués et le visage si déçu que je me retins à mon tour de pleurer.
La barman derrière elle n'en menait pas large, se mordant la lèvre en plaçant une main protectrice sur son ventre.
Dès qu'elle me vit, les larmes de Shira se mirent à jaillir et, boitant avec le soutien de l'armoire à glace, elle se précipita sur moi, le corps secoué de sanglots intarissables.
─ Je suis là..., fis-je en l'étreignant. Je suis là.
Elle hocha la tête contre ma poitrine, ses larmes mouillant mon haut.
Je passai une main dans son dos, la montant et descendant dans le but de la réconforter.
─ Tout va bien...tout va bien...chut...chut, murmurai-je contre ses cheveux.
Elle poussait des gémissements de détresse qui me broyaient le cœur.
─ Parle-moi.
Dis-moi quoi faire pour arranger les choses...
─ Ca n'a pas marché... Ca n'a pas marché..., fit-elle en pleurant.
─ Quoi mon cœur ? Qu'est ce qui n'a pas marché ?
Elle ne répondit pas, renforçant mon sentiment d'impuissance.
Je la berçai contre moi, le cœur au bord des lèvres.
Le couple derrière elle se retira, rentrant chez eux les épaules basses, l'air de porter tout le poids du monde sur leurs épaules.
─ Explique-moi, Shira. Dis-moi quoi faire, la suppliai-je d'une voix tremblotante.
─ Je n'ai pas pu la sauver...
─ Sauver qui ?
Elle secoua la tête, pleurant doucement.
Je pris délicatement sa tête et la relevai vers moi, enlevant avec tendresse les mèches qui encadraient son visage.
─ Ecoute-moi, chérie, écoute-moi. Tu vas me suivre et m'expliquer tout ça, d'accord ? Tranquillement, sans omettre le moindre détail... Et après, nous trouverons une solution, ensemble. Tu te sens capable de faire ça pour moi ?
Elle hocha la tête, hoquetant sous le flot de ses larmes.
Je lui pris doucement la main, redoutant un refus.
Il n'en fut rien ; au contraire, ses doigts se serrèrent contre les miens, comme si elle me suppliait de ne pas la laisser.
Je l'entraînai lentement vers ma voiture, ouvrant la portière passager.
Elle monta sans un mot, attendant que je fasse de même.
Lorsque ce fut fait, je m'emparai de ses paumes et les massai doucement.
─ Raconte-moi.
Elle inspira profondément, tenant de se calmer.
─ Je devais faire à Jade toutes les manipulations qui m'ont gâché la vie...Toutes ses menaces, la pression que je subissais chaque jour et la perversité qui l'animait. Sa vie était en jeu. Je savais que Steve était derrière moi, à l'abri de son regard mais une fois arrivée devant elle... J'ai explosé, j'ai vidé mon sac et lui ai sauté à la gorge. Elle s'est débattue avec des excuses toutes plus improbables les unes que les autres...Son avocat a acquiescé à chacune d'elles. C'est le plus influent de la ville, les témoignages de Charley et les policiers présents n'ont pas fait le poids.
Le rythme de sa voix devint plus pressant, le flot des paroles de plus en plus désespérées.
─ Je suis retournée chez elle, passant au peigne fin chaque recoin de chaque pièce dans l'espoir de le trouver...Elle avait ce fichu contrat chez son avocat. Ma plainte n'a pas abouti. Il me reste une heure pour trouver quelque chose sinon...
─ Sinon quoi ?
Elle se mit à détourner les yeux.
─ Shira ? Sinon quoi ?
─ Sinon, elle tuera la seule personne que je n'ai jamais aimée.
Quoi ?
─ Raconte-moi tout depuis le début.
Elle acquiesça, déglutissant lentement.
─ Sarah était mon professeur... mon mentor. Une danseuse étoile qui avait décidé de faire briller ses élèves plutôt que son image. J'étais folle d'elle, elle était mon monde. Ma mère n'a jamais accepté cette relation, elle haïssait mon choix. Une fille en couple avec une autre ? Là où nous étions, c'était considéré comme une tare...une honte qui devait à tout prix être dissimulée. Un soir...tout a basculé. Jade était hors d'elle, entraînant par ce fait ma fureur. Elle avait dénigré Sarah, une fois de plus. Nous sommes sorties de la maison en trombe. L'obscurité, la pluie et la fatigue ne sont pas une bonne association. C'est là que ton ami m'a rentré dedans. Sarah est tombée dans le coma : Jade avait vu en cet accident un moyen de me faire plier. Elle a rédigé un contrat stipulant qu'elle avait le contrôle de tous les soins médicaux concernant Sarah et moi. Elle pouvait débrancher le fil qui tenait Sarah en vie et enlever ma prothèse. Au fil du temps, sa rancœur a atteint son point culminant. J'ai eu droit à l'ultime retranchement : partir dans un asile psychiatrique ou me faire retirer ce qui m'était le plus cher. J'ai... j'ai voulu me battre, à tort. Je me suis lourdement trompée : j'aurais dû partir lorsqu'il en était encore temps. J'étais trop orgueilleuse... trop fière. Et ça a tout gâché. J'ai tout gâché, conclut-elle en serrant nos mains jointes.
─ Shira...Regarde-moi, fis-je calmement.
Elle m'obéit, peu sûre d'elle.
─ Tu as fait le bon choix.
─ Bien sûr que non ! Regarde où j'en suis.
─ Tu as choisi de vivre. Je suis sûre que Sarah ne t'en voudra jamais pour ça ; elle ne souhaitait que ton bonheur. Tu n'es ni folle, ni faible, Shira. Tu n'auras jamais ta place dans un endroit pareil.
─ Elle va la débrancher, petit génie...Elle va la débrancher.
─ Survivre relier à une machine n'est pas une vie, et tu le sais. Ecouter les autres parler de votre mort sans être capable de réagir...c'est une torture qu'elle vit depuis cinq ans maintenant. Ne plus avoir la capacité de bouger, être conscient sans l'être...Si le corps de Sarah est en vie, son esprit est bel et bien mort. Personne ne survit à ça, personne.
─ Sarah est vivante ! Hurla t-elle, des flammes dans les yeux.
─ Elle est entre la vie et la mort... c'est cruel, Shira. C'est une torture qu'on lui inflige tout les jours...
Elle ferma ses yeux, la tête basse.
─ Elle ne peut pas me quitter...
─ Il faut que tu la laisses partir. Tu le lui dois bien ça.
Elle rouvrit les yeux, lasse.
─ Mets- toi à ma place : si la personne que tu aimais était dans cette situation... La tuerais-tu ?
Toi. Cette personne...c'est toi.
─ Je ne lui infligerais pas ça. Jamais. Alors oui, je la laisserais partir, parce qu'elle le mérite.
─ Je n'en suis pas capable...
─ Aimerais-tu que Jade le fasse à ta place ? Tu peux encore l'aider, avant qu'une autre personne ne te retire ce droit.
Elle se mordit la lèvre, crispant ses mains.
─ Non.
─ Jade ne te laissera pas le choix.
─ Je sais...je sais.
Son état me brisa le cœur.
Elle l'aime encore.
Elle. Pas moi.
J'eus un sourire empreint de tristesse, acceptant le sort.
─ Tu y arriveras, chérie. Tu y arrives toujours.
J'enlevai mes mains des siennes et me redressai.
─ J'espère que tu trouveras la paix, Shira. Je l'espère vraiment.
─ Maryane ? me dit-elle interloquée.
Je ne suis pas douée pour les adieux...
─ Je ne me mettrai plus en travers de sa route, promis. Je t'appréciais beaucoup, tu sais. Énormément. Je ne m'épancherai pas là-dessus, ça te rendrait mal à l'aise. Si tu as besoin de quoi que ce soit...appelle-moi.
Ses yeux s'écarquillèrent, elle semblait enfin comprendre.
─ Petit génie...
Je lui souris, le cœur bouleversant de tendresse.
─ Pour ce que ça vaut, je suis désolée. Désolée que tu sois obligée de te mettre dans une telle position, d'être obligée de lui faire ça. Je sais que tu l'aimes. Je le vois. J'espérais...que tu puisses l'oublier, me préférer à elle. Je ne sais pas ce que j'imaginais, c'est absurde, n'est-ce-pas ?
Ne craque pas...
Une lueur s'enflamma dans ses yeux.
─ Mary...
─ Non. Ne dis rien. Je n'attends pas de réponse, je sais que ce n'est pas réciproque.
C'était une triste vérité.
─ Tu n'en sais rien, intervient-elle d'une voix douce.
─ Au contraire. Cette passion que tu as en parlant d'elle, cette tendresse dans ta voix...C'est-ce que je n'aurai jamais.
─ Ne pars pas, me supplia t-elle en agrippant mon poignet.
─ Tu t'accroches à moi pour garder la tête hors de l'eau, c'est normal. Mais je ne supporterai que tu aimes une autre.
J'ouvris la portière, bien décidée à rentrer à pied s'il le fallait.
Shira se pencha à la vitesse d'un éclair et la ferma juste avant que je ne sorte.
─ C'est faux. Je ne pense pas à Sarah lorsque je suis avec toi...J'arrive presque à oublier, chuchota t-elle en me retenant.
Adorable Shira, ça ne suffit pas.
─ Adieu, lui dis-je d'une voix douce avant de me retourner.
Je sentis mes mains agripper mon T-Shirt avant que mon corps ne soit retourné vers elle.
Shira me regardait droit dans les yeux, respirant avec rapidité.
Nous nous dévisageâmes en silence, avant qu'elle ne se rapproche doucement, comblant la distance.
Nos visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre et mon cœur battît à toute allure en voyant cette proximité.
Sa main remonta alors sur ma nuque et elle se redressa.
Puis, avec une lenteur insoutenable, ses lèvres effleurèrent les miennes avec douceur.
J'entrouvris les miennes, avide d'émotion et la laissai m'embrasser, profitant des sensations que ce baiser faisait naître en moi.
Mes mains se joignirent derrière sa tête, caressant ses cheveux cerise.
Elle me mordilla la lèvre, caressa ma clavicule du bout des doigts.
Cerise.
Je la sentis se détendre contre moi, répondant avec une farouche ardeur qui me fit sourire contre ses lèvres.
Je devais rêver ; j'avais enfin ce que je désirais.
Nous cessâmes de nous embrasser, nos fronts collés entre eux tandis que nous respirâmes lentement.
Je ne me faisais pas confiance et préférait ne rien dire, profitant simplement d'être avec elle.
Pourvu qu'elle ressente la même...
Il ne me restait qu'à espérer que le ciel entende ma prière.
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J'avais envie d'un long chapitre tendre avec...le premier baisé de notre couple !
Comment l'avez-vous trouvé ?
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