Partie 19 : Dix-neuvième Contretemps
POV Maryanne :
─ Je ne comprends pas, fis-je en secouant la tête.
Nous étions sur le chemin du retour, l'humeur si morose que personne n'osait en changer l'atmosphère.
Je ne comprenais pas la réaction de Shira : son ton, ses paroles excessives m'avait surprise, choquée.
C'est comme si elle le connaissait, comme si Matt avait commis quelque chose d'irréparable.
Celui-ci, muet comme une tombe, s'était renfermé sur lui-même.
Exactement comme lors de notre rencontre.
J'avais tenté de le faire réagir, parlant pour ne rien dire, le poussant à me dire quelque chose.
En vain.
Le regard affublé d'horreur, d'angoisse et de tristesse, l'homme enjoué s'était retiré, retranché derrière des barrières impénétrables, un mur qui me tenait à l'écart.
La seule chose qui aurait pu le faire réagir ainsi, concernait son accident.
"Ta faute."
Impossible...
Comment Shira pouvait-elle être au courant de cet accident ? Était-elle la sœur de Joy, l'ancienne petite amie de Matt ?
Je n'avais pas souvenir d'une quelconque sœur, mais cela pouvait très bien être une cousine. Une parente proche ou une amie brisée.
"Ta faute".
C'était injuste, Matthew ne méritait pas qu'on lui jette cette histoire au visage, pas après toutes ses années de souffrance, de reconstruction de soi-même.
─ Ce n'est pas vrai Matt. Ce n'est pas ta faute, fis-je d'une voix douce en le voyant si détruit.
Ces paroles avaient démoli tout ce que nous avions entrepris de faire.
Rien ne restait.
─ Matthew...
─ Ne dis rien, m'interrompa-t-il d'une voix ferme.
─ Tu sais que c'est faux.
Il ne me regarda pas, se concentrant sur la route.
─ Au contraire, c'est insupportablement vrai.
─ Elle n'avait pas à te balancer ça au visage.
─ Bien sûr que si.
Comment avait-elle pu lui faire ça ?
Je n'en revenais toujours pas.
─ Je n'arrive pas à y croire...Comment ose-t-elle ? Qui était-elle donc pour te juger ?
─ La première personne concernée. Crois-moi.
Hein ?
─ Qu'est-ce que tu....
─ Ne dis rien. Je ne veux rien entendre, je n'ai pas la force nécessaire pour tout recommencer.
Je me tus, gardant ce que je pensais pour plus tard.
En voyant Shira partir avec la barman, toutes pensées cohérentes avaient déserté mon esprit, un farouche instinct possessif prenant le dessus sur mon comportement civilisé.
J'avais supplié Matt de venir avec moi, prenant ma voiture avec une rapidité du tonnerre.
Je m'en voulais désormais.
Nous nous arrêtâmes devant l'hôtel où Matt séjournait, le moteur vrombissant sans s'interrompre.
Il sortit en claquant la portière avec plus de force que nécessaire.
Super...
─ Matt, je suis désolée ! Fis-je en essayant de le rattraper.
Il ralentit sa marche, me laissant tout juste le temps d'être à ses côtés avant de recommencer à accélérer.
─ Matt...
─ Tu n'as rien fait, pas la peine de t'excuser.
─ Bien sûr que si, je n'aurais jamais dû te pousser à y aller.
Il haussa ses épaules, ouvrant la porte avant de s'effacer.
─ Tu ne pouvais pas savoir, me répondit-il d'un ton glacial.
J'aurais dû pourtant...
Il avait atteint la porte de la chambre lorsque je l'arrêtai.
─ Que sait-elle exactement ?
Il se figea.
─ Tout. Elle sait tout.
─ C'était la sœur de Joy ?
Son dos se raidit.
─ Joy était fille unique, fit-il d'une voix rauque.
─ Qui alors ? Une cousine ? Une amie ?
─ Rien de tout ça. Je préférerais que tu partes, j'ai besoin d'être seul.
─ Je ne te laisserai pas broyer du noir...
─ J'en ai besoin. Certaines choses doivent être remémorées.
Il ouvrit la porte, se retourna et me regarda.
─ Je suis désolé mais je préfère que tu retournes chez toi.
Je secouai la tête, une boule se formant dans ma gorge.
─ Mary...
─ Je reste.
─ Tu ne...
─ Ne t'en fais pas, je resterai devant la porte.
─ Tu risques d'y passer la nuit tu sais ?
─ J'ai le temps et la patience nécessaires.
Il me fixa pendant plusieurs secondes, avant de m'embrasser le front avec tendresse.
─ Bonne nuit, Chaton.
─ Bonne nuit, Matt.
Il ferma la porte, me laissant dans l'obscurité du couloir solitaire.
Je m'assis sur le sol et attendis.
J'avais une longue nuit devant moi.
Des petits bruits me firent relever la tête.
C'étaient des faibles gémissements, de légers cris d'angoisse et de détresse.
Matthew !
Je me relevai d'un bond, avant de frapper à la porte de toutes mes forces.
─ Matt ! Matt !
Un long silence entrecoupé de petits hoquets me répondirent.
─ Matthew ! Ouvre cette fichue porte ! Toute de suite ! Hurlai-je en m'activant de plus belle.
Il ne bougea pas.
La panique me fit crier de plus en plus fort.
─ Boucle-la, on dort ! fit une voix de l'autre côté.
─ Je m'en contre fiche ! Matt, bouge !
J'attendis une bonne minute avant d'agir.
Je descendis à l'accueil, bien décidée à rentrer à l'intérieur de sa suite.
Je vis un homme compter sa monnaie et le halai :
─ S'il vous plait ?
Il me regarda, surpris.
─ Oui ?
─ Pourrais-je avoir les doubles de la chambre soixante-treize, s'il vous plait ?
─ Matthew Parrish n'est pas là ?
─ Non, je suis sa nouvelle copine vous voyez ? Il m'a demandé de lui rapporter quelque chose à l'intérieur mais je n'ai pas les clefs...
Il fronça ses sourcils.
─ Où est-il ?
─ Chez moi. Nous sommes allés en boite, il a un peu trop bu, alors je l'ai laissé cuver sur mon canapé pour aller lui chercher...quelque chose.
Faites que ça marche...
─ Bien sûr ! fit-il en la décrochant du porte-clefs.
Yes...!
─ Merci, excellente soirée Monsieur, lui répondis-je en la lui arrachant presque de la main.
Je montai les escaliers quatre à quatre sans attendre sa réponse, soucieuse de l'état dans lequel était Matthew.
Mes mains tremblotaient avec force et, inquiète, je dus m'y prendre à deux fois avant de pouvoir ouvrir la porte.
Les pièces étaient dans le noir complet, à l'exception de la salle de bain.
Je pris peur en imaginant son corps gisant par terre et me précipitai vers la lumière.
Ce que je vis me glaça d'effroi : Matthew était recroquevillé sur lui-même si immobile que je ne le vis pas respirer.
─ Matt ?
Je m'abaissai à sa hauteur, le ventre noué.
─ Matthew ?
Ma main se referma sur son biceps, le secouant légèrement.
─ Matthew ? M'enquis-je d'une voix douce.
Ce fut à ce moment précis que je remarquai la tache cramoisie qui semblait s'étaler sur son torse.
─ Oh mon dieu ! Matt, qu'est-ce que tu as fait ? M'écriai-je en courant chercher une serviette imbibée d'eau froide.
Je me laissai tomber à ses pieds, cherchant l'origine de tout ce sang.
─ Merde, merde, merde ! Matt, où as-tu mal ? Je t'en prie, dis-moi où tu as mal !
Il souleva sa tête, son regard vitreux croisant le mien.
─ Matt, oh mon Dieu, Matthew ! Réponds-moi bon sang ! Lui dis-je, l'angoisse perçant le timbre de ma voix.
Il ne répondit pas, me faisant paniquer pour de bon.
Je repoussai ses bras et arracha sa chemise, poussant un hoquet de stupeur lorsque je vis son torse : deux larges lignes ensanglantées barraient son cœur, assez profondes pour que je puisse voir un surplus de liquide écarlate giclé sur ses avant-bras.
Il en gardera des cicatrices à vie.
─ Tu as recommencé...Tu avais promis, tu m'avais promis ! Fis-je en épongeant frénétiquement le sang.
Tout ce sang sur mes mains...
La salle de bain se saturait peu à peu d'une odeur de rouille et de sel, insupportable.
─ Tu avais promis ! L'accusai-je en pansant ses blessures avec sa chemise déchirée.
«─ Promets-moi, Matthew. Promets-moi que tu arrêteras de te faire du mal.
─ Peu importe
─ Promets-moi. -Fis-je d'une voix mortellement sérieuse.
─ Bien : je te le promets.
Je retroussai ses manches pour caresser du pouce l'une des nombreuses cicatrices qui barraient ses bras.
─ Plus jamais, Matt. Plus jamais. »
─ Tu avais une promesse à tenir Matthew...A moi.
Son regard embué croisa le mien.
─ Je sais, murmura-t-il. Je sais.
─ Pourquoi ?
Pourquoi ne pas avoir pris la peine de m'en parler ?
─ Je ne dois jamais oublier. Jamais. Elle ne l'oubliera jamais.
Ses paroles n'avaient aucuns sens.
─ Qui ça ?
─ Shira. Elle ne l'oubliera jamais, m'expliqua-t-il comme le ferait un enfant torturé, emprisonné dans ses propres cauchemars.
─ Oublier quoi ? Demandai-je d'un ton doucereux.
Il éclata d'un rire où l'on discernait de la douleur.
─ Tu devrais te renseigner sur elle, Chaton, au lieu de perdre ton temps avec moi.
─ Je ne perds jamais mon temps avec toi.
─ Va donc lui dire, elle qui sait la vérité à présent. Va lui demander la raison de ses insomnies, de ses pleurs, de ses crises d'angoisses, de ses cauchemars. Va lui dire que tu prendras ma défense même après ce que j'ai fait.
─ Je ne comprends pas.
─ Dis-lui, toi qui es si miséricordieuse, que je suis responsable de son accident.
Shira a eu un accident ?
─ Dis-lui que je suis celui qui a déserté, trop peureux, trop lâche pour affronter la réalité. Dis-le lui Mary. Dis-le lui et aie le courage de revenir me voir après.
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