Partie 14 : Quatorzième Basque

Pov Shira :

Pourquoi est-ce que je me fourre toujours dans des situations pas possibles ? Je dois être maso..., pensai-je avant de soupirer.

J'étais assise sur un tabouret, le corps droit comme un piquet à attendre qu'elle fasse son apparition.

Idiote.

La foule était déjantée, les personnes se confondaient entre elles, sous une atmosphère étouffante de sueur et d'alcool...

Je déteste ce genre d'endroit.

Il ne me restait plus qu'à attendre... et pour ne pas avoir l'air plus cruche que je ne l'étais : boire.

Boire et attendre.

Quel programme !

Je plissai mes yeux dans l'espoir de l'apercevoir.

Aucun petit génie en vue.

Mes doigts tapotèrent le bord de mon verre, et irritée, mes lèvres se pincèrent.

Elle était sûrement avec ce fameux Matt qui lui était si indispensable.

C'est l'alcool qui parle...c'est l'alcool qui parle. Ok, cet argument aurait eu plus de poids si j'étais réellement soûle.

Et un verre de Mojito ne me le permettrait pas.

Je savais que j'aurais dû partir une fois le verdict rendu, profiter que personne ne me regarde et sortir discrètement par la porte de derrière...

J'allais le faire...lorsque je l'ai vu. Ou plutôt : j'avais vu Maryane se jeter dans ses bras.

Bon sang, cesse un peu de te comporter comme une femme jalouse! Ce n'est peut-être pas son petit ami...

Alors pourquoi était-il si proche d'elle ?

Pourquoi est-ce que j'avais ressenti le besoin de les étriper tous les deux en les voyant collés ensemble ?

Pourquoi est-ce que je me sentais si trahie ?

Qu'importe, ça passera. Je partirai demain et ne la reverrai plus. Fin de l'histoire.

Il n'y avait rien à ajouter à cela.

Vingt et une longues minutes plus tard, alors que l'envie de prendre les jambes à mon coup me tiraillait, des acclamations enjouées fusèrent à ma gauche.

Qu'est-ce que...?

Nom de dieu : c'était elle.

Rectification : c'étaient eux.

Mon petit génie semblait en transe, dansant comme si rien n'existait autour, un sourire béat aux lèvres.

Matt était à côté d'elle, l'accompagnant dans tous ses mouvements avec la rapidité d'un félin, paumes ouvertes, le corps de Maryane serré contre lui.

Il a dû faire de la danse lui aussi, ce n'est juste pas possible de se mouvoir aussi vite.

Je ne voyais pas son visage mais la gente féminine avait l'air d'apprécier.

Evidemment, il fallait qu'il soit blond...un vrai Ken.

Le couple était au centre de la piste, sous le regard appréciateur de la foule qui les entourait en formant un cercle parfait.

Ken la souleva, enchaînant les figures avec une rapidité déconcertante.

Je suis sûre qu'il est en train de sourire.

Mes lèvres se pincèrent.

Ne pense pas à ça...

Pourtant, il me fut impossible de détourner le regard, comme si mon esprit torturé réclamait cette source de souffrance, habitué à ce petit pincement dans le cœur et ce chemin ronceux dont les pointes acérées percèrent les méandres brumeux de mes pensées envieuses et exclusives.

J'avais conscience que tout ce que je vivais était mal : non pas que le fait d'éprouver quoi que ce soit était anormal... seulement je trahissais la seule promesse que je m'étais faite : ne plus rien ressentir.

En un sens, ça avait marché (par moment seulement): je réussissais à ne pas réagir dans certaines situations, restant aussi impassible que possible.

On m'avait affublée du surnom de "serpent de glace", signe que mon simulacre marchait.

Cependant...

Cependant, la sensation de perdre le peu d'emprise qui me restait de moi-même se faisait de plus en plus ressentir, une émotion effroyable qui me coupait le souffle et me glaçait le sang sans que je sois capable d'y faire face.

Parfois même, le souvenir d'être enchainée au passé était si vivace, si insupportable qu'il me fallait des heures pour réussir à revenir, chaque réveil étant plus pénible que le précédent, les moments pour retrouver ma lucidité de plus en plus prolongés...

Qui sait ? Je suis peut-être réellement cinglée !

Même si c'était le cas, je ne laisserai jamais personne me contraindre à vivre enfermée dans un nouvel enfer, si droguée qu'il me serait impossible de vivre correctement, d'avoir des pensées cohérentes...

Et ce, même si je représentais un danger pour les autres : la liberté m'était trop chère.

Lorsque je regardais Maryane, je regrettais d'autant plus ma situation, me haïssant de ne pas avoir les capacités de vivre comme tout le monde.

Je n'avais et je n'aurais jamais cette insouciance dans le regard, ce rire en travers de la gorge...cette chance de pouvoir sentir mes deux jambes fouler le sol...

La vie a fait ce que je suis : un être froid, rancunier et vengeur. Je n'ai pas eu le choix... je devais survivre.

Et ils paieraient.

Tous.

Arno, Jade, le chauffard... ils souffriraient tous comme j'avais souffert.

Peu importe si je finissais ma vie derrière les barreaux ; d'une manière ou d'une autre, mon châtiment ne sera pas vain.

Inconsciente des pensées noires qui remplissaient ma tête, petit génie dansait encore, porté par les applaudissements et les sifflements admiratifs de ses spectateurs.

Je n'avais jusque là pas fait attention à sa tenue : grossière erreur.

Nom de dieu !

Son haut était...diabolique, révélant la courbe de ses seins sans en montrer davantage, attisant le désir sans remédier à la descente des flammes.

L'inclinaison de son cou me donnait envie de promener mon nez dessus, afin de sentir cette odeur florale de jasmin et d'orchidée que j'avais déjà pu sentir l'autre jour.

Et cette jupe, quelle jupe ! Elle mettait en valeur ses jambes interminables, s'arrêtant à la limite de la décence, découvrant sa peau douce et soyeuse jusqu'en haut de ses cuisses...

Son visage était tourné vers la droite, ses cheveux se déroulant sur son épaule en une cascade éclatante.

Ses lèvres rouges me donnèrent envie de les mordre, de les toucher, de les effleurer de mes lèvres...

Parmi ces quelques trois cents personnes, je ne vis qu'elle : elle et son sourire, elle et son déhanché hypnotique, elle et ses yeux si fascinants...

Elle.

─ Elle est magnifique, n'est-ce pas ? fit une voix à ma gauche.

Je me retournai et vis la barman qui m'avait servie précédemment, des tatouages multicolores serpentant sur ses bras, se pencher vers moi.

─ La grande brune aux yeux pers.

─ Hein ? M'écriai-je en glapissement.

─ Tu la regardes depuis tout à l'heure...

─ Et alors ? Fis-je en lui répondant d'un ton mordant, presque agressif.

Elle me souriait, l'air de bien se ficher de moi.

─ Et alors rien du tout... J'expose des faits.

─ Non, elle n'est pas magnifique, repris-je d'une voix plus douce.

─ Non ?

─ Elle est sublime, fis-je en écho avec mes pensées.

Ses yeux se mirent à pétiller.

─ Ҫa t'écorche la bouche de te l'avouer, hein ?

Oui.

─ Absolument pas.

Les yeux de Maryane rencontrèrent alors les miens et malgré la distance, l'électricité qui passa dans nos regards me donna un frisson.

Ses lèvres s'entrouvrirent légèrement, surprise.

Notre connexion dura plusieurs secondes, assez pour me procurer une douce chaleur dans le creux du dos et me faire perdre mes moyens.

Puis Matt l'emporta avec lui, lui chuchotant quelque chose à l'oreille qui la fit sourire.

Petit salopard...

─ Ҫa ne te plaît pas.

Je détournai le regard pour me concentrer sur elle.

─ Pas plus que les questions qui ne regardent pas la personne concernée.

─ Je vois, me dit-elle en souriant. Je suis Charley.

Elle s'arrêta pour juger ma réaction.

J'acceptai sa main tendue et la serrai dans la main.

─ Shira.

─ Tu sais que si tu ne vas pas la chercher, c'est l'Apollon blond qui le fera.

Ses sourcils blonds s'arquèrent, attendant ma réponse.

─ Je ne vois pas de quoi tu parles.

─ J'étais pareille avant de me rendre compte de l'importance de l'erreur dans laquelle je plongeais.

Je la dévisageai, essayant de comprendre ce qui pouvait l'amener à me dire cela.

─ Je ne fais aucune erreur.

Un client attira son attention et elle disparut pendant plusieurs secondes, avant de revenir à la charge.

─ Tu vois le videur, de l'autre côté de la salle ? me dit-elle en s'asseyant à côté de moi.

Une armoire à glace à la mine féroce était postée à côté de la sortie de secours, survolant la superficie de la pièce d'un regard menaçant.

─ Hum ?

─ C'est mon mari, Steve.

Mes yeux s'écarquillèrent et je regardai la bague qui ornait le doigt de Charley comme s'il s'agissait d'une créature sur le point de me sauter dessus.

─ Je sais, c'est impressionnant ! Gloussa-t-elle sans se départir de son sourire.

─ C'est quelque chose en effet. Dis-moi, il tire toujours la même tête ?

Elle rigola, regardant Steve avec amour et une pointe de fierté qui m'était inconnue.

Elle regardait son mari comme s'il était la huitième merveille du monde.

─ Il y a longtemps, j'ai commis la pire erreur de toute mon existence...J'étais trop arrogante, trop fière pour accepter mes défauts et ça a failli me coûter son amour. S'il ne m'avait pas ouvert les yeux, s'il ne m'avait pas donné de seconde chance... je ne serais pas là, heureuse et comblée.

Il y a longtemps, j'ai commis la pire erreur de toute mon existence...

─ Quel âge as-tu exactement ?

─ J'ai trente-cinq ans.

─ Et Steve ?

─ Trente-huit.

Je fus légèrement surprise : ils n'avaient pas l'air d'en faire plus de vingt-neuf ans à tout casser.

─ Tu te trompes. Je n'ai rien à voir avec toi et Steve, je n'aime pas Maryane.

Oui. Non. Je ne sais pas...

Elle se pencha davantage vers moi, chuchotant presque.

─ Tu vois cette lueur que j'ai dans les yeux lorsque je le regarde ?

Je hochai la tête, incertaine.

─ Tu as la même lorsque tu la regardes.

Non !

─ Non, c'est impossible.

Elle me tapotait la main d'un air compatissant.

─ La chute risque d'être rude, ma pauvre...

─ C'est impossible, répétai-je en secouant la tête.

Impossible...

─ Shira...

─ Je la connais à peine...

─ Je ne connaissais presque pas Steve lorsque je suis sortie la première fois avec lui et...

─ Je suis en couple, lâchai-je d'un ton brusque en l'interrompant.

Elle s'arrêta aussitôt.

─ Quoi ?

─ Je suis en couple.

─ Pourquoi ne pas l'avoir dit d'emblée dans ce cas ?

Parce que je ne me sens pas à la hauteur...

─ Je n'ai pas l'habitude d'en parler...

─ Il ne t'a pas accompagné...? fit-elle en tournant la tête dans l'espoir de l'apercevoir.

─ Nous ne nous...affichons pas.

Nous ne pouvons plus à présent.

─ Comment est-il ?

J'eus un sourire attendri en pensant à son visage.

─ Adorable. Magnifique. Sensible...

─ Un parfait spécimen n'est-ce pas ?

─ C'est un ange. J'ai beaucoup de chance de l'avoir...

Pourquoi regardais-je encore Maryane ?

─ C'est son petit ami ? me demanda Charley en regardant activement la scène.

Je grinçai des dents.

─ Je ne sais pas.

Leur petit numéro s'arrêta enfin, me détendant légèrement avant de me crisper à nouveau la seconde d'après.

Où vont-ils ?

Incapable de me contrôler, je bondis sur mes deux pieds en les voyant quitter le Carmen, cafouillant sans pouvoir m'arrêter.

─ Je dois y aller, merci beaucoup.

Elle leva la main en signe d'apaisement.

─ Pas de problème, j'étais ravie de t'avoir rencontrée. Maintenant, rattrape là avant qu'il ne soit trop tard !

J'eus un piteux sourire et me hâtai de combler la distance qui me séparait d'eux, tentant de ne bousculer personne au passage...

Où est-elle ?

Je sortis hors d'haleine, mon cœur cognant douloureusement dans ma cage thoracique lorsque je les vis enfin.

Ils étaient en train de s'engouffrer dans un taxi, ignorant que je leur courais presque après.

C'était trop tard.

Il y a parfois des choses que la vie ne nous offrira jamais : rencontrer le bonheur en fait partie.

Malchance un jour, malchance toujours...

Il n'y avait rien à ajouter à cela et le souvenir de mon amour en tête me l'apprit.


___________________

Bonjour (ou bonsoir, tout dépend de l'heure :) ) !

Non, ne me faites pas cette tête ! Oui, je peux comprendre que je vous ai choqués mais vous comprendrez qu'il s'agit d'une bonne chose...non ?

Je ne pouvais laissez Shira toute seule quand même ! ;)


Il faut dire que carburer à l'Oasis fruit rouge et l'Ice The tropicale porte ses fruits !

Ce ne sera bientôt plus le cas malheureusement, je dois me concentrer sur mes projets d'art plastique et croyez-moi j'ai du boulot...

J'espère que le prochain chapitre vous plaira (je n'ai pas fini de vous surprendre, mouahahaha !)

XOXO








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