Pov Maryane :

Je me tenais sur l'estrade, l'excitation pulsant dans mes veines.

L'heure de la revanche avait sonné.

Je savais que cette fois-ci serait la bonne ; cela ne pouvait tout simplement pas se passer autrement.

Point.

─ Maryane Faure, fit laconiquement la voix de la jurée rousse.

Ok, concentre-toi...fais le vide. Laisse-toi emporter.

Et la musique démarra.

Dès les premières notes, mes muscles se gonflèrent à bloc, et emportée, j'oubliai tout : qui j'étais, où j'étais.

Mes pas étaient rapides, fluides et aérés, ma posture aussi gracieuse que je le pus.

Je tournoyais, voltigeais, tendant mes pointes comme pour m'ancrer dans le sol.

J'étais à cent-dix pour-cent de ma forme, comme Shira le voulait, et même avec les muscles en compote, je ne souhaitais qu'une seule chose : ne jamais m'arrêter.

Avez-vous déjà ressenti la sensation de planer dans les airs, d'avoir le cœur si léger qu'on pouvait à peine le sentir battre dans sa poitrine ?

C'était ce qui m'arrivait.

Les fourmillements dans les jambes et la musique assourdissante dans mes oreilles ne me dérangeaient pas : au contraire, ils accentuaient ce sentiment merveilleux que je redoutais de voir un jour disparaître.

J'étais à ma place.

Tout simplement.

Je dansai pendant ce qui me parut quelques secondes seulement lorsque la musique toucha à sa fin.

Epuisée, je regardai devant moi, attendant le verdict.

Les deux rousses me regardèrent, surprises.

─ Parfait, balbutia une des deux. C'est tout simplement parfait.

A côté d'elles se trouvait Shira, une lueur féroce brillant dans le regard : "je suis fière de toi" semblait-elle vouloir dire.

─ Nous sommes donc d'accord sur ce point : cette deuxième chance est entièrement méritée..., fit Shira d'une voix traînante, à l'exact opposé avec la lueur que j'avais aperçue plus tôt.

─ Oui, bienvenue dans l'équipe...-Murmura Ilanka (si ma mémoire était bonne), presque à contrecœur.

J'ai réussi, bon sang, j'ai réussi...!

L'envie de sautiller sur place me prit d'un seul coup, et j'ai réussi à me contenir tant bien que mal, souriant à m'en décrocher la mâchoire.

─ Merci.

─ La deuxième épreuve se déroulera dans cinq jours, nous te contacterons ultérieurement pour plus d'informations...-Me dit l'autre jurée aux cheveux lisses.

─ Tu te sens prête à relever le défi ? fit Shira, un léger sourire aux coins des lèvres.

─ Bien sûr !

Ilanka la regardait, une ombre passant sur son visage.

Je voulais vraiment savoir pourquoi, elle ne m'inspirait pas confiance...

Sa tête ne me revenait tout simplement pas.

J'avais la sensation qu'il se tramait quelque chose, et pas seulement du positif.

Peut-être que l'éclat vengeur dans les yeux de la Danseuse hongroise alertait seulement mes sens...

On aurait dit qu'elle se doutait d'une chose et se préparait à l'exploiter.

Je savais qu'à présent, mon nom figurait sur la liste officiel des concourantes pour la deuxième phase du test.

C'était d'ailleurs pour cela qu'un ordinateur était posé sur le bord de la petite table où était réunie l'équipe de Danseuses.

─ Tu peux disposer maintenant..., me dit Ilanka d'une voix légèrement méprisante.

Shira se tourna vers elle, plissant ses superbes yeux verts.

Je m'inclinai et partis en me tapant les mains.

Yes, yes, yeeees !

Je n'entendis pas la jurée au tempérament de feu me suivre...

─ Mary ! Cria une voix douce et grave.

Je courus vers la source de l'appel, euphorique.

─ Matt !

Il me réceptionna en souriant, me serrant dans ses bras avant de me faire voltiger dans les airs.

─ Félicitations Chaton ! Je suis fier de toi !

Il m'embrassa la joue, partageant l'intense émotion dans laquelle je me noyais lorsqu'un toussotement se fit entendre derrière moi, nous figeant tous les deux : Shira se tenait, froide et glaciale, ses yeux si empreints de fureur que la foudre aurait pu s'y abattre.

De là où elle était, seules les mains de Matthew étaient visibles, mais j'avais l'impression que ce qu'elle venait de voir ne lui avait pas plu.

De la jalousie ?

Impossible.

─ Tu avais oublié ça, lâcha-t-elle d'un froid mordant en me balançant mon téléphone.

─ Merci.

Je sentis une légère pression sur ma hanche mais ne me tournai pas.

─ Mary ?

Je dévisageai toujours Shira, incapable de détourner les yeux.

─ Hum ?

Celle-ci me regarda sans flancher, brûlant de dire quelque chose mais se contenant tout de même.

─ Que dirais-tu d'aller au Carmen pour fêter ta victoire ?

─ Super, marmonnai-je avant de me rendre compte de ce que je venais de dire. Attendant...quoi ?

Matt dans une boite de nuit branchée ? Mon dieu il va devenir fou si nous y allons...

Je le regardai, sourcils froncés.

Shira partit discrètement, l'air hors d'elle.

─ C'est hors de question.

Je ne t'infligerai pas ça...

Il sembla tout d'un coup plus réservé, presque gêné...

─ Je ne boirai pas si c'est ça qui t'inquiète...Je me tiendrai tranquille, promis, murmura-t-il en se frottant la mâchoire.

Comment pouvais-je le lâcher devant un bar rempli de toutes sortes d'alcools forts, avec l'air saturé de whisky frais ?

─ Je ne te ferai pas ça, Matt. Une boite de nuit ? Tu finiras par craquer au bout d'une heure...

Il se mit à plisser des yeux, ses joues se creusant, signe qu'il grinçait des dents.

─ Merci pour cette dose revigorante de confiance...

─ Je ne dis pas ça pour t'enfoncer ou quoi que ce soit d'autre, tu sais très bien que ça ne repose pas sur un problème de confiance. Bon sang, je ne vais pas m'amuser à te trainer là-bas en sachant que tu vas souffrir ! Range-moi cet égo et allons ailleurs. Où tu veux.

─ Je veux que nous nous amusions au Carmen. Ce n'est pas comme si j'étais un vieil alcoolique sauvage qui se jette sur une bière dès qu'il en voit une ! Les bars,

boites de nuits, ne sont pas forcément là pour me faire consommer. Une limonade me suffit ! Qui sait, je vais peut-être pouvoir casser cette image de célibataire sénile ? fit-il en souriant.

Je lui retournai son sourire.

Je savais que ces paroles étaient seulement destinées à me rassurer: Matthew ne se remettrait jamais en couple, pas après avoir eu le cœur aussi brisé.

Ce n'était pas faute d'essayer.

─ Ok.

─ Mais encore ?

─ C'est d'accord.

Ses irrésistible fossettes apparurent sur son visage, me rappelant combien la beauté de Matthew était appréciée chez la gente féminine.

─ Je vais te dévergonder, petite.

Euh, ce n'était pas prévu au programme, ça...

─ Non ?

─ Ne sois pas si paniquée, tu ne sors presque pas, tu n'as aucune expérience folle pour ton âge et tu es beaucoup trop prude : il est temps que cela change. Crois-en mon expérience d'ado en conflit et laisse faire l'expert.

─ C'est bien ça qui me fait peur figure-toi...

Et je ne parlais pas de son ancien problème d'alcool.

─ Prépare-toi à te découvrir sous un nouveau jour: ce soir, la Mary qui sommeille en toi prendra le dessus.

Je n'étais pas franchement convaincue mais qu'importe : tout pour lui faire plaisir.

─ Tu es sûr de toi, là ? Fis-je en triturant l'ourlet de ma jupe pour la centième fois.

─ Evidemment que oui ! Regarde-toi, tu es divine ! S'exclama-t-il derrière moi.

En effet, le changement était radical : J'avais troqué mes tenues simples et sophistiquées pour un haut au décolleté plongeant, une mini-jupe noire et des escarpins de dix centimètres.

Côté maquillage, rien de trop extravagant : seules mes lèvres étaient d'un rouge feu, les rendant plus rondes et pulpeuses.

J'ai l'impression d'être une escorte...Je n'aurais jamais dû écouter cet imbécile...

Certes, Matt s'était parfaitement occupé de ma mise en beauté (ce mec aurait dû travailler chez l'Oréal...) : mes cheveux relâchés, formaient une cascade lisse, et la couleur de mes lèvres pouvaient facilement hypnotiser n'importe quel ivrogne mais...

J'ai quand même l'air d'être payée pour marcher sur le trottoir, en restant tout à fait politiquement correct, bien sûr.

─ En route, mauvaise troupe ! s'exclama Matt en tapant dans ses mains. Qui paye me suive !

Finalement, il se retrouva seul pour aller vider les poubelles.

Bien fait !

─ Dis-moi ?

─ Oui, ma fidèle alliée ?

─ Oh grand génie de la lampe, comment arriverons-nous à entrer dans ce bordel? Lui fis-je en glapissant lorsque je me retrouvai une nouvelle fois plaquer contre le ventre d'un géant barbu de deux mètres au tatouage tête de mort recouvrant son crâne rasé.

─ Le destin est avec nous, me répondit-il en me sortant son plus beau sourire.

Le destin ? Qu'est-ce que le destin venait faire ici ?

─ Dis-moi, est-ce que tu vois des champignons bleus, par pur hasard ?

─ Tu lis en moi comme dans un livre ouvert, ma parole !

Mais bien sûr...

Au bout de deux heures et demi de patience mise à rude épreuve, la file se fit moins longue... jusqu'à ce que notre tour arrive.

Le prix de l'entrée faillit me causer une crise cardiaque.

Je ne veux pas racheter le club, je veux juste une place ! Les sièges sont en or à l'intérieur ?

Matt me devança et paya les deux places sans s'être concertés.

Je le foudroyai du regard.

Il était déjà venu là.

Je me hâtai de rentrer avant de me faire écraser par la foule de derrière, entrainant Matthew avec moi.

Il n'était que vingt-trois heures vingt-quatre et le Carmen était déjà bondé .

Du son Pop électro inondant les bruits extérieurs, nous nous perçâmes un chemin entre les personnes déchainées qui se déhanchaient sur la piste.

L'atmosphère était oppressante: pas de tout ce que j'avais l'habitude de fréquenter.

Nous nous dégotâmes une place près du DJ, non loin d'un bar, malheureusement.

Matt semblait néanmoins détendu, toutefois je savais que cet air cachait sûrement une émotion toute autre.

La peur de replonger.

Je vis un groupe de femmes sveltes, blondes aux formes affriolantes, poser des regards remplis de convoitise sur le corps de mon ami.

Je ne pouvais pas le nier : Matthew avait cette classe et ce charisme qui ne laissaient personne indifférent, mais je ne l'avais jamais aperçu autrement que comme mon meilleur ami...un frère que je n'ai jamais eu.

D'ailleurs celui-ci ne semblait pas les voir, ou du moins, il refusait de les voir.

Seul le bar semblait l'intéresser.

Je n'aurais pas dû accepter...

Les muscles de ses épaules étaient raides et ses doigts pianotaient à un rythme effréné sur son pantalon, les phalanges blanchies sous l'effort.

Distrais-le. Maintenant.

Linkin Park retentit alors, provoquant une vague d'excitation chez les nombreux danseurs.

J'attrapai sa main pour attirer son attention.

Il détourna le regard pour se concentrer sur moi, clairement soulagé de cette distraction.

─ Tu voulais du changement, non ?

Il acquiesça d'un mouvement vigoureux et je lui souris avec une idée en tête.

─ Dansons ! M'exclamai-je avant de faire quelque pas, la main de Matt posée au creux de mes reins.

Un sourire carnassier aux lèvres, il se mit à me faire voltiger en l'air comme des centaines de fois ces dernières années.

─ Tu es sûre de toi, là ? dit-il en riant, avant que je ne me colle à lui.

─ Dois-je te rappeler qui de nous était sur le point de vomir après chaque représentation ?

Ses doigts se raccrochèrent à ma taille avant de me faire pivoter, nos mouvements aussi rapides qu'il y a deux ans.

─ Peste.

Notre danse était assez décalée face à Numb*, trop lente et gracieuse pour être parfaitement calée aux rythmes des basses, mais qu'importe : son regard était à nouveau redevenu clair et chatoyant.

Le passé n'aura pas sa place ce soir, nous fêterons un futur que j'espérais meilleur.

J'y veillerai.

Numb*= nom d'une chanson du groupe Linkin Park.

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Et me voici avec le retour de Matthew !

Comment le trouvez vous ? Avis positif ? Négatif ?

J'attend vos remarques ! :)