Partie 10 : Dixième Glissade
Pov Shira :
« Ton temps s'est rallongé de deux jours. Je n'ai pas pu faire plus. Ne dis rien à ta mère au sujet de ma liaison avec Ilanka, je t'en supplie. Je suis désolé. »
Désolé ? C'est tout ?
─ Incapable de m'annoncer la nouvelle en face...j'hallucine.
Il est temps de songer à ce plan B...
J'avais consciencieusement retiré une partie de l'argent qui m'était interdit d'accès, détournant la coquette somme de trente-cinq mille euros avec toutes les précautions possibles et inimaginables...
Certaines de mes affaires étaient bouclées et j'avais d'ores et déjà signé une lettre attestant mon départ...
Me manquait juste une personne qui pouvait m'héberger.
Ma liste était ridiculement courte.
Bon ok, je n'ai qu'une personne...deux si Dieu veut. Mais ce n'est pas la peine d'en faire tout un plat. Restons zen.
Il ne restait plus qu'à espérer qu'Adeline ne me claquerait pas la porte au nez.
D'accord, j'imagine que je rêve un peu là...
Si le plan B ne me concernait pas, le plan C dite le plan Catastrophique me condamnerait assurément.
Son but ?
Prendre mes valises, tout l'argent que j'avais sur moi et fuir ailleurs.
La question qui me tourmentait était la suivante : où exactement ?
Je savais que Jade ne lâcherait pas l'affaire.
Pas avec la somme d'argent dont je disposais réellement.
À l'époque où la perversité de mes parents n'atteignait pas son sommet, ma grand-mère avait légué son importante fortune à la seule personne qui comptait le plus pour elle...
Moi.
Toutefois, cette petite anecdote joyeuse comportait un léger hic : ce qu'allait devenir cet argent.
La suite logique des événements aurait dû être le transfert de cet héritage vers un compte bloqué jusqu'à ma majorité...
Si c'était si simple...
Mes tuteurs, avares, avaient prévu le coup : le banquier était un ami et leur devait une faveur...
La combine était créée.
Ma pauvre grand-mère ne vit rien arriver.
On lui avait proposé de mettre l'argent entre les mains d'un homme de confiance qui le garderait jusqu'à ce que je sois en âge de le réclamer.
Elle s'est éteinte une semaine après, avec la certitude que ma vie serait dorénavant sûre et glorieuse.
Elle avait tort.
Ses yeux se sont à peine éteints...
Jade avait aussitôt rebondi pour recevoir l'argent, se détournant de son corps.
Jamais je ne l'oublierai.
Son Alzheimer était une occasion rêvée pour empocher un maximum d'argent.
Éric n'avait pas rechigné, laissant à ma mère tout le loisir de la manipuler à sa guise...
Faire ça à sa propre mère...
Personne ne pouvait tomber plus bas.
Personne.
J'aurais dû partir plus tôt...avant ce chantage. Avant d'avoir rencontré mon petit génie.
À l'époque, partir ne me semblait pas nécessairement la solution.
Je songeai plutôt à un procès, à porter plainte, n'importe quoi que la justice puisse faire pour m'aider.
J'étais naïve...
Je me retrouvai maintenant coincée.
J'attendis, la jambe engourdie par la fatigue, la tête empreinte de pensées toutes plus mélancoliques les unes que les autres...
Et tourne le vertige de la mélancolie comme défilent les troubles de mon passé...
Le stress me rendait parfois plus créative qu'à l'accoutumée.
La maison qui se dressait en face de moi était la signification même d'une vie de famille rêvée...
Maison Blanche, volets bleus...incroyable, il y a même la balançoire et le Labrador !
J'exagérais légèrement : les murs extérieurs étaient d'un beige plutôt clair, les volets d'un bleu presque pâle et Julia était un labrador croisé malinois.
Mais quand même...
─ Shira ! s'écria une petite voix innocente.
Je vis une fillette courir en ma direction, sa robe à volants bleus à paillettes flottant derrière elle, la gonflant en un ballon ovale.
─ Tatie Shira !
Je m'abaissai pour la réceptionner, récupérant au passage un bisou sonore sur la joue.
─ Coucou, petite puce.
La petite puce s'accrochait à moi comme un petit singe à sa branche, me montant presque dessus.
Tu m'as manquée...
─ Tu es revenue ! Tu es revenue !
J'embrassai avec tendresse son front, heureuse de pouvoir la serrer dans mes bras.
─ Bien sûr, je t'avais dit que je reviendrais.
─ Tu m'as manqué ! Maman a dit que tu ne reviendrais jamais...
─ Kalie ! Viens ici tout de suite, ne reste pas là ! Hurla une voix qui me glaça le sang.
Le moment est venu...
Le visage revêtu de rage, je vis Adeline se précipiter vers moi et m'arracher ma petite princesse des bras, comme si mon toucher était le facteur d'une maladie mortelle et contagieuse.
─ Sors ! Je ne veux plus te voir, ici. Jamais. Tu ne devais jamais revenir !
Ses hurlements ne percutèrent plus vite qu'une voiture et je me revis devant cette porte, six mois après le drame...
Flash-Back :
Je me tenais devant la porte d'entrée, l'estomac noué.
─ Tu peux le faire...tu peux le faire...respire.
Puis, j'appuyai sur la sonnette d'un geste tremblotant.
La porte s'ouvrit aussitôt.
Le visage rayonnant d'Adeline se transforma en me voyant, la mine si brûlante de haine que je ne pus que reculer.
─ Adeline..., soufflai-je en voulant plaider ma cause.
─ Maman ?
Le petit corps de Kalie apparut derrière ses jambes.
Son regard croisa alors le mien.
─ Tatie Shira ! Piailla-t-elle en voulant s'approcher.
─ Non ! La voix de sa mère l'arrêta net.
Ce fut à ce moment précis que je sus quelle serait ma réponse.
─ Tu ne peux pas revenir ! Tu ne dois jamais revenir ! Tu m'entends ? Sors de nos vies sale monstre ! Je t'interdis de ma la prendre aussi...Tu aurais dû mourir ce soir-là, tu aurais dû mourir !
Elle emporta ensuite ma petite fée et claqua la porte.
─ Je reviendrai Kalie ! Je ne t'abandonne pas ! Criai-je en espérant que la fenêtre entrouverte lui permette d'entendre mes dernières paroles...
Monstre...
Fin du Flash-Back
Je ne me défendis pas, la laissant déverser sa rage à mon encontre sans vraiment réagir.
─ Je suis désolée...
M'excuser semblait être la seule solution.
─ Tu n'aurais jamais dû venir, grogna-t-elle en serrant sa fille dans ses bras.
─ Désolée.
Je regrettai d'avoir songé à Adeline pour m'accueillir.
Un rottweiler aurait été plus civilisé.
─ Shira ! Regarde mon bracelet ! Gazouilla la petite fille de trois ans en me tendant sa petite main ornée d'un motif La Reine des Neiges.
─ Elle va partir, n'est-ce pas Shira ? fit Adeline d'un ton menaçant.
J'acquiesçai doucement, le cœur en miettes.
─ Au revoir, Princesse. Prends soin de toi.
─ Tu pars, Tatie ?
Son petit menton tremblotait.
─ Oui, je pars.
─ Pourquoi ?
Sa petite mine innocente me fit d'autant plus mal.
─ Shira a fait quelque chose de mal, mon cœur. Elle ne mérite pas que tu sois triste pour elle, intervient sa mère en me foudroyant du regard.
─ C'est vrai. Je ne mérite pas que l'on ressente quoi que ce soit pour moi. Néanmoins, je mérite que l'on m'écoute.
─ Tu as perdu ce droit depuis cinq ans maintenant. J'aurais dû le savoir bien avant pourtant, j'aurais dû t'empêcher de détruire ma famille... Mais tu étais une si bonne comédienne, je n'ai rien vu venir.
Je serrai les poings, prenant sur moi pour ne pas hurler alors que Kalie était dans les bras de sa mère.
─ Je n'ai jamais simulé quoi que ce soit. Jamais. Tu peux me considérer comme un monstre, une raclure, ce que tu veux, je m'en contre fiche. Mais jamais de menteuse, tu m'entends Adeline ? Je n'ai jamais menti.
Elle me dédaigna du regard, crachant son avis sans épargner la petite.
─ C'est de ta faute ! Tout est de ta faute ! Tu aurais mieux fait de pourrir dans cette voiture ! Je te hais !
Le visage de Kalie se décomposait, et ne sachant comment réagir je restai sans rien dire.
Comment expliquer à cette petite que la situation dans laquelle elle vit, est entièrement de ma faute ?
Je m'approchai alors, et l'embrassai sur la joue, un dernier pas vers elle avant de me retourner.
─ Je t'aime Princesse...Sois gentille, d'accord ?
Elle hocha la tête, des petites larmes coulant sur ses joues potelées.
Je me retournai, les épaules hautes mais tressaillantes et partis sans demander mon reste.
Les pleurs de Kalie résonnaient encore dans mes oreilles une fois mon retour dans l'éternel couloir, ricochant sans que je ne puisse rien faire.
C'est officiel, je suis foutue.
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