Chapitre VII : Le Manoir de la Lumière

Le module se balançait doucement, berçant son passager. Rikonaïen jeta un œil dans le rétroviseur. Aquanos dormait, appuyé contre la vitre. Il sourit et claqua des doigts. Son véhicule se mit à vibrer, et quitta la route. Une voix s'échappa de la radio de  la voiture.

- Route habituelle ?

- Route habituelle, répondit le Coloré de l'Eau.

*****

Aquanos rêvait. Il était assis au bord d'un lac dont l'eau reflétait un ciel d'aurore. Il leva les yeux. Le ciel était bleu et calme, parcouru par des nuages qui se traînaient paresseusement. Le jeune homme se pencha et plongea sa main dans la surface aqueuse. L'eau ondula comme le dos d'un serpent et prit la teinte du sang. Effrayé, l'adolescent recula. Les nuages s'assombrirent, recouvrant le ciel. Une voix ancestrale, grave et monstrueuse, jaillit du cœur du lac.

- Le dernier Élémentaire est arrivé ! Le cercle est complet. Que s'enchaînent les maillons du destin !

Un œil gigantesque, noir et blanc, nuit et jour, vie et mort, emplit toute la surface du lac.

- Viens me trouver, Aquanos. Viens et accomplis ton destin...

*****

Aquanos sursauta et ouvrit les yeux. Sa peau était couverte de sueur. Il faisait nuit. La lueur de la lune l'apaisa. Rassemblant ses esprits, il se souvint. Il était en route pour... Pour où, au fait ? Il s'avança sur son siège.

- Maître ? On va où, au juste ?

L'adulte se retourna.

- A un endroit qu'on appelle le Manoir de la Lumière.

- Et on y est bientôt ?

- On approche. Regarde.

L'adolescent détacha sa ceinture de sécurité et s'avança, scrutant la nuit à travers le pare-brise.

- Je vois rien.

Rikonaïen eut un petit rire.

- C'est normal. L'Ile est invisible.

L'adulte ferma les yeux. Des flammèches azurées crépitèrent sur sa peau.

- Ô gardiens de la Lumière ! Celui que j'apporte avec moi est bon. Ouvrez ses yeux, qu'il contemple !

Aquanos jeta un regard autour de lui. Rien n'avait changé. Il allait en faire la remarque à son maître, lorsqu'il vit deux étoiles plus grosses et plus brillantes que les autres. Elles s'avançaient de plus en plus vite, effaçant bientôt tous les autres astres.

- N'aie pas peur, Aquanos. Ils ne te feront aucun mal.

À la fois fasciné et effrayé, l'adolescent s'approcha de sa vitre et y posa la main. Il sentait à travers la fine couche de verre la chaleur de l'étoile. Son nom franchit instantanément les limites de son esprit, s'imposant à lui.

- Vous êtes Kiffa Boréal. Et vous, lâcha-t-il en se retournant vers la seconde étoile, Kiffa Austral. Les deux Plateaux de la Balance.

"Exactement. Tu es intelligent, petit. Ferme les yeux quelques secondes."

L'adolescent obéit, laissant glisser ses paupières vers le bas. Il se retrouva seul dans un espace noir.

"Moi, Kiffa Boréal, déclare ce garçon sage et vif. Qu'il reçoive ma bénédiction !"

L'œil droit d'Aquanos s'ouvrit soudain. Le moindre détail semblait exacerbé, comme décuplé.

"Moi, Kiffa Austral, déclare cet homme fort et bon. Qu'il reçoive ma bénédiction !"

L'œil gauche d'Aquanos s'ouvrit à son tour.  Et il vit. Au milieu de la nuit, chatoyante comme une gemme, une minuscule île volante. Il se colla à sa fenêtre, stupéfait.

- Pas croyable ! Une Île invisible !

Rikonaïen sourit, amusé par la surprise de son élève.

- Les deux Plateaux sont les gardiens de notre secret. Ils empêchent les intrus de voir le Manoir de la Lumière. Nous allons atterrir, dit l'adulte en empoignant le volant de son véhicule.

Le module perdait peu à peu de l'altitude. Il se posa assez brusquement sur l'herbe verte et douce. Aquanos ouvrit la porte du véhicule et sortit, levant les yeux au ciel.

- Les étoiles sont magnifiques, par ici.

- Oui, lui répondit son maître. En l'absence de toute pollution lumineuse, on peut voir jusqu'à la bordure de la Galaxie. Viens, il est l'heure de dormir.

Le jeune homme étouffa un bâillement et sourit. Il ouvrit le coffre et sortit sa valise. Son maître le mena jusqu'à sa chambre. Elle était assez grande, blanche et vide. Il posa son sac, vida et rangea ses affaires et allait se coucher lorsque Rikonaïen l'arrêta.

- Attends ! Je veux que tu mettes ça pour dormir, lui dit-il en lui tendant un bracelet de cuir centré par une pierre bleue.

- Pourquoi ?

- Je t'expliquerai demain. Dors bien.

- Vous aussi, maître.

Il ferma sa porte, enfila son bracelet et s'allongea. Le sommeil ne tarda pas à le reprendre.

*****

- Il est arrivé.

Rikonaïen s'assit et se tourna vers les autres adultes devant lui. Il y en avait un aux cheveux rouges et courts, une aux cheveux bruns, un aux cheveux blonds, une aux cheveux verts, le jeune homme aux cheveux violets à l'étage chez Rikonaïen, Mistoraï et son ami aux cheveux blancs. Celui aux cheveux de feu se redressa et soupira.

- Enfin ! C'est le dernier.

- Silence, Fìrotià. Ton élève est arrivé juste avant le mien. Tu n'as pas de remarques à faire.

L'adulte rouge se leva, prêt à se battre.

- Fìrotià ! Assieds-toi.

L'adulte obéit à regrets, serrant les dents et les poings.

- Nous sommes donc au complet, résuma l'adulte blond.

- Exactement, Elektrismos. Espérons que tout se passe bien.

- Il n'y a pas de raison que ça se passe mal.

Le jeune homme aux cheveux violets bâilla et se redressa.

- Bon, on s'en fiche, il est arrivé et voilà. On peut aller se coucher ?

- Chronos ! Nous n'avons pas fini.

- Alors changeons de sujet !

- Bien. Il n'est pas suffisamment entraîné. Tu devras t'en occuper, Rikonaïen.

- A vos ordres, maître Luxara.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top