Chapitre 1 - Message
J'ouvre doucement ma fenêtre pour ne pas réveiller mes parents. Je ne veux pas qu'ils aient à s'inquiéter de quelque chose de plus me concernant. Si quelqu'un me voyait, il se demanderait sûrement pourquoi une adolescente normale de seize ans fugue. Enfin, peut-être pas « normale ». La personne en question prendrait probablement quelques secondes à me détailler avant de se questionner.
En effet, avec mes cheveux, mes yeux et ma peau naturellement bleus, je ne ressemble à aucun être humain normalement né. Je pense avoir attrapé une maladie, même si elle ne me fait souffrir en aucun cas, contrairement à toute la crème et à tout le maquillage que je mets pour dissimuler cette étrange couleur. Au lieu de faire payer à mes parents une énorme somme d'argent pour une opération dangereuse, je préfère me mettre des produits partout pour qu'on ne remarque pas que je suis différente.
Le seul bémol est qu'à force d'en mettre depuis mon plus jeune âge, j'ai développé une légère intolérance qui me cause des démangeaisons. Heureusement, il y a bien un moyen de les apaiser, mais pas dans l'immédiat : l'eau de mer. Si je ne vais pas faire quelques baignades régulières, mes semaines se transforment en véritable calvaire. Malheureusement, la plage la plus proche, nommé Blanche en raison de son sable, se trouve à une heure de route en voiture.
Le seul moyen de m'y rendre sans déranger mes parents est de demander à ma meilleure amie sur qui je peux compter, Olivia, ainsi qu'à sa grande sœur, Erica, la seule à posséder une voiture de nous trois. Leur seule différence est leur couleur de cheveux (brune pour l'aîné et blonde pour la benjamine), sinon elles ressemblent à deux jumelles, alors que deux ans les séparent. Alors que je commence à m'impatienter à la gare désaffectée non loin de chez moi, je les vois arriver dans la petite voiture d'Erica.
- Vous en avez mis du temps, j'ai cru que vous ne viendrez jamais, je fais en ouvrant la portière arrière. Vous vous êtes fait arrêter par des policiers ou quoi ?
- Marre-toi, on a failli se faire choper par nos parents, me répond l'aîné.
- Allez, démarre, sinon on va être en retard pour le réveil, intervient Olivia.
***
- La dernière à l'eau doit payer les glaces la prochaine fois ! je m'exclame en courant sur le sable encore chaud.
- Ce n'est pas juste, tu es toujours la première, me répond ma pote.
Elle a raison, mes pieds quittent déjà la partie sèche de la plage pour s'engouffrer dans la mer, alors que les sœurs sont seulement en train de sortir de la voiture. Je m'élance vers un endroit plus profond afin d'apprécier le contact de l'eau salée contre ma peau. La lune est brillante, je peux donc voir de petits poissons s'approcher de moi au travers de la surface. En essayant de les caresser, je me rends compte qu'ils se laissent faire. Quelles magnifiques écailles !
Alors que les frangines s'amusent de leur côté, sans trop oser rentrer dans l'eau, je joue avec les poissons ange flamme. Comment je connais leur nom ? Peu importe, j'ai dû le lire quelque part. La seule chose qui importe est qu'ils sont vraiment dociles et que l'occasion ne se reproduira probablement pas. Quelque chose d'absolument inattendu se produit alors : au moment où j'en touche un, une voix apparaît dans ma tête.
Sans que je sache comment, ni pourquoi, je suis persuadée que cette voix est celle du poisson que je suis en train de toucher. « Princesse Aqua, vous courez un grand danger. Vous devez venir avec nous dans les profondeurs aquatiques. Nous vous protégerons au péril de nos courtes vies. » Quoi ? Qui ça, « nous » ? Quel danger ? Pourquoi j'entends la voix d'un poisson dans ma tête ? Il doit y avoir des produits toxiques dans la mer pour que quelque chose comme cela se produise, il faut que je parte d'ici !
Je sors de l'eau le plus vite que je peux et coure vers la voiture. Je me change à toute vitesse et m'installe à l'intérieur en fermant les fenêtres. Je reste sans bouger, jusqu'à ce que les filles reviennent. Nous rentrons dans un silence pesant. Elles se sont rendu compte que je ne suis pas dans mon état normal, mais plutôt mourir que de leur dire que j'ai des hallucinations. Lorsqu'on arrive à la gare, avant de me laisser, Erica engage la conversation.
- On est un peu en avance, tu veux nous dire ce qu'il s'est passé ?
- Ce n'était trois fois rien, j'avais juste un peu froid, je lui réponds.
Je me rends compte en même temps que je prononce ces mots que c'était la pire excuse que je pouvais sortir. Nous sommes en plein mois de juillet et cela faisait longtemps que notre région n'avait pas eu un début de mois aussi chaud. Néanmoins, les filles ne me posent pas plus de questions. Comme à notre habitude, elles m'accompagnent en marchant jusqu'à chez moi, de peur qu'il ne m'arrive quelque chose. Sur le chemin, ma meilleure amie prend la parole à son tour.
- Au fait, on voulait t'annoncer qu'on part aux Bahamas pour le reste des vacances, la semaine prochaine. Je suis désolée, on ne pourra plus t'accompagner.
- Mais c'est formidable ! je m'exclame.
- Quoi ? Si tu ne voulais plus aller à la plage, tu n'avais qu'à nous le dire.
- Non, pas ça. Tu rêves depuis toute petite de visiter ces îles ! C'est une occasion en or !
- Tu as raison, murmure-t-elle.
Elle n'a pas l'air convaincue. Je suis un peu triste qu'elles m'abandonnent. Après tout, elles ont bien le droit de s'amuser elles aussi ! Quoi qu'il en soit, je vais soit devoir trouver un autre moyen de me rendre à la mer, soit devoir arrêter ces produits, le temps des vacances. Nous arrivons finalement devant chez moi. En faisant le moins de bruit possible, je rentre par la fenêtre. Un détail retient alors mon attention : la lumière du salon, que je perçois sous la porte, est toujours allumée.
Il est trois heures du matin et, normalement, mes parents sont déjà couchés depuis un bon moment. Ce n'est pas normal. Dehors, mes amies voient bien à ma mine que quelque chose ne va pas. Elles enjambent la fenêtre à leur tour et prennent conscience de ce qui cloche. J'espère que ce n'est qu'une erreur de leur part, mais quelque chose me souffle que non. J'ouvre la porte séparant les deux pièces prudemment et m'arrête net en découvrant l'horreur de la scène.
Je ne peux pas croire à ce que je suis en train de voir. Non, c'est impossible... Je reste pétrifiée devant le spectacle le plus effroyable qu'il m'ait été donné de voir de toute ma vie. C'est le cri d'Olivia qui me ramène à la réalité. Les corps de mes parents gisent dans une mare de sang, le leur, sans aucun doute, en plein milieu de la salle. Leurs blessures sont un mélange de brûlures et de traces de griffes, comme si un animal était passé par ici. Je m'approche d'eux, retenant mes larmes.
J'ai l'impression d'être en plein dans un cauchemar. Si seulement tel était le cas. Mes jambes se dérobent sous l'avalanche d'émotions qui me tombe dessus. Qui a bien pu faire ça ? Et pourquoi ? Ils n'ont rien fait qui puisse mériter un tel carnage. Si j'avais été là, j'aurais subi la même chose. Je serais morte avec eux. Je ne sais pas si je dois me réjouir d'être en vie ou si j'aurais préféré partager leur sort. Je remarque alors un papier à l'écart. Lorsque je l'ouvre, je remarque que le message y étant inscrit est tapé à l'ordinateur.
« Chère Mizu,
J'ai tué tes parents, comme tu peux le constater. Ils n'étaient pas aussi parfaits que tu pouvais le croire, ou qu'ils te laissaient l'imaginer. C'est sans regrets que j'ai accomplis ce geste. Ils faisaient des expériences sur des personnes non « normales », dotées de pouvoirs et avec un physique différent des gens que tu côtoies. Nous faisons partis tous les deux de cette catégorie de personnes, que l'on appelle des Surnaturels. Tes parents savaient que tu n'étais pas une humaine à part entière et, tôt ou tard, ils te réservaient le même sort qu'à ceux se trouvant au sous-sol. Comprends-tu ? Moi aussi, j'ai une famille, et il vaut mieux qu'on ne s'en prenne pas à elle. Je ne suis pas resté, car je doute que tu aurais pu garder ton sang-froid face à moi, sachant que je suis l'auteur de cette scène de crime. Tu aurais déchaîné tes pouvoirs, gardés jusque-là enfermés, sur moi. Ta maison, et les alentours probablement aussi, n'auraient pas survécu et nous nous serions fait repérer. Ce qui aurait été inutile, vu que je sais que je suis capable de te battre facilement en toutes circonstances. Je suis certain que nous nous rencontrerons dans peu de temps. Je te prie d'aller voir dans le sous-sol qui se trouve sous le tapis dans la chambre de tes parents, si tu tiens à savoir ce qu'ils te réservaient.
À très bientôt Mizu, princesse de l'Empire des océans,
Ton dévoué P. B. »
Au bas de ces mots se trouve une signature, faite avec ce qui me semble être du sang. La tristesse que je ressentais s'est transformée en une violente colère. J'ai envie de frapper dans un mur de toutes mes forces pour la faire passer. Je froisse la lettre à la place et la jette le plus violemment possible par terre.
- Je trouverai celui qui a fait ça, puis je le tuerai le plus douloureusement possible, je me promets.
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