Chapitre 6
Nous sommes dimanche, il est actuellement 16h52, et mon esprit est partagé entre deux désirs tout aussi fort l'un que l'autre.
D'un côté, aller dans ce café, peut-être le revoir, peut-être pas.
De l'autre, rester chez moi, et me morfondre sur le canapé en mangeant des crêpes industrielles, avec une tonne de chocolat et de chantilly.
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Nous sommes toujours dimanche, il est maintenant 17h15, et je suis assise dans le métro, très occupée à me demander pourquoi dans les dilemmes, je ne prends jamais la deuxième option.
Je suis sûrement folle, je n'en ai jamais douté, les seuls qui en doutent sont Camille, évidemment, et Skyler, mais c'est beaucoup moins évident.
C'est d'ailleurs étonnant qu'il cherche à me parler, car je le suis pourtant bel et bien, et il aurait dû le comprendre durant notre dernière entrevue.
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Il est 17h31, et à présent, je suis debout, devant le café, incapable de faire un pas en avant, ou en arrière. Les gens me bousculent pour passer, mais je n'arrive pas à bouger.
— T'as conscience que tu gène le passage. Fait en voix derrière moi, grave.
Mon dieu il est vraiment là en plus...
— Jil. Décale toi.
Je me retourne vivement et cours me réfugier dans ses bras, guidée par un sentiment indescriptible.
Il ne bouge pas d'un centimètre. A la place, il me pousse gentiment vers une table sur laquelle est déjà posée trois tasses de café vide.
— Tu savais que j'allais venir ?
— Non, j'espérais simplement.
— Tu es là depuis longtemps ?
— Une heure, je savais que si tu venais ce serait entre 16h, et 18h.
— Je déteste savoir que tu me connais à ce point.
Un sourire forcé s'affiche sur son visage.
— Fait moi une liste de tous les problèmes, physiques et psychiatriques dont tu souffres aujourd'hui.
— Je suis épileptique, je fais des malaises tous les jours, je ne supporte pas la vue du sang...
— T'es aussi bipolaire, et...
— Comment ça bipolaire ?
— Tu viens de te jeter dans mes bras, avant-hier tu me criais dessus en me hurlant que tout était ma faute.
— Je...
— Et tu t'es créé de faux souvenirs en plus de ça. Et dans ces souvenirs, je suis le méchant à ce qu'il paraît.
— Tu...
— Je quoi ? Je mens ? Non je ne mens pas Jilane, je suis on ne peut plus sérieux, mais c'est pas forcément le meilleur endroit pour en parler.
— Pourquoi m'avoir dit de venir ici alors ?
— Tu serais venu si j'ai demandé à te voir dans une ruelle à l'écart du monde ?
— Non.
— Voilà pourquoi je t'ai incité à venir ici.
— Pourquoi tu voulais me voir ?
Il ne répond pas, et interpelle un serveur pour commander un autre café. Chose faite, il sort de son sac un carnet très abimé. Il en tire une feuille, qu'il pose devant moi, sans un mot. La feuille est assez vieille, mais pas encore jaunit par le temps, elle est dans un état lamentable, déchirée, froissée, des morceaux ont été recollés entre eux avec du scotch. Le dessin est à peine visible, pourtant je sais exactement duquel il s'agit. Mon visage...
— Je l'ai retrouvé il y a peu, je sais pas pourquoi je l'ai gardé, mais je l'ai réparé. Je l'avais mis dans un sale état à notre... Séparation.
— Tu voulais juste me le montrer ?
— Non, je voulais te parler d'autre chose.
— Fais vite, je préfèrerai ne pas rester là.
— On peut aller ailleurs.
— Je n'irai nulle part avec toi.
— Pourquoi ?
— J'en sais rien, peut être parce que tu m'as violée connard, tu vois une autre raison ?
— C'est justement ça que je voulais mettre au clair avec toi. C'est de ça dont je parle quand je mentionne les faux souvenirs.
— Tu es en train de faire quoi Skyler ? Tu essayes de me persuader que j'invente tout ?
— Exactement, parce que c'est le cas merde !
— J'aurai jamais dû venir. Je vais y aller avant de te jeter ton café à la figure.
Je me lève, attrape mes affaires et le fusille du regard, avant de faire volte-face pour rejoindre le métro.
— Je t'aime encore.
Je me fige, et me retourne lentement vers lui. Il paraît totalement sérieux, et cela a le mérite de m'effrayer davantage.
Putain de merde, tuez-moi je vous en supplie...
— Ça t'amuse ? De dire des choses comme ça sans gêne, et sans le penser le moins du monde.
— Ça m'amuse pas de le dire Jil, crois moi.
— Alors pourquoi tu racontes des conneries pareilles ?
— C'est pas des conneries merde ! Je suis sérieux, c'est pour ça que j'ai attendu à l'hôpital que tu te réveilles, que je t'ai donné rendez-vous, et que je veux t'aider. Tu détruits l'image que t'as de moi avec tes souvenirs à la con !
— C'est toi qui l'a dit.
— De quoi ?
— « On doit plus jamais se revoir, je te l'ai dit cette nuit, je vais partir, je m'arrangerai pour Evelyn. »
— Oui je l'ai dit, et je regrette, mais c'était la meilleure chose à faire sur le moment.
— Me fuir, après avoir abusé de moi ?
— Sauf que j'ai pas abusé de toi, t'étais entièrement consentante.
— Comment tu le sais ?
— Je t'ai laissé beaucoup d'occasions de me renvoyer, tu l'as pas fait !
— Tu devais être trop bourré pour le constater.
Il me jette un regard noir, et s'approche de moi. Dans le passé il était déjà grand, à présent il l'est encore plus, il me dépasse d'au moins une tête.
— C'est ça que t'as raconté à Camille ?
— Ne la mêle pas à ça.
— Elle s'y est mêlée toute seule, elle m'a giflé à l'hôpital. Elle m'en veut clairement pour quelque chose, alors tant que je te le demande gentiment, tu lui as raconté que je t'avais violé ?
— Oui, parce que c'est la vérité !
— J'ai compris. C'est bon, j'arrête. Je t'ai violé, comme un crétin, parce que c'est ce que je vaux, je suis pareil à un violeur, on a vécu presque un an et demi ensemble, je t'ai jamais touché Jilane, je n'ai jamais insinué la moindre chose, montré le moindre désir, dépassé les limites avec toi, pourquoi je t'aurai violé avant mon départ ?
— Je suis pas dans ta tête, Skyler.
— C'est toi qui m'a embrassé la première. Quand je suis revenu, c'est toi qui m'a embrassé, en larmes. C'est toi qui m'a emmené à ta chambre, qui t'es déshabillée devant moi. J'ai dit non à plusieurs reprises, t'étais pas toi-même, j'étais contre. T'as continué, j'ai cédé.
— T'es qu'un con.
— Sûrement oui, mais au moins je suis pas dans le déni, contrairement à toi, Jilane Azema.
— Va te faire foutre McCray. Et n'essaye plus de me parler, ou j'irai porter plainte.
— Tu peux pas aller à la police je te signale.
— Moi j'irai pas en prison, mais dans un hôpital.
— Bah vas-y, pars, je t'en prie. Passe une très bonne soirée.
Sur ces mots, il tourne les talons, et retourne s'asseoir sur la terrasse du café.
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