X. Le jour se lève
J'avais immédiatement ouvert mes yeux et je m'étais redressée, une main posée sur ma poitrine. Ma gorge était serrée et je sentais que mes yeux étaient déjà mouillés. Mon réveil sonne sept heures vingt. Lentement, je l'éteins puis vérifie la date sur mon portable. Ce n'était pas possible... C'était sûrement un mauvais rêve, une hallucination...Mais non. La date indiquait encore Jeudi 21 Juin 2018. Je m'allonge sur le dos lourdement et scrute le plafond. Je pousse un petit gémissement de tristesse et ferme les yeux un instant. Je pose une main sur ceux-ci et inspire profondément. Où est-ce que je m'étais trompée pour en arriver là ? Mon propre père. Mon assassin, ainsi que celui de Spencer. Je me lève à nouveau et reste assise longuement sur mon lit, le regard dans le vide. Mon réveil indiquait sept heures cinquante quand je suis sortie de mes pensées. Je renifle et sans aucune motivation je soulève la couette de mon lit. J'avais aussi peur et je ne comprenais pas pourquoi. Je m'habille lentement et pour la première fois, j'entends ma mère m'appeler et ajouter un « Tu vas être en retard. ». Je prends directement mon sac et descend lentement les marches, la mines triste et perdue. J'entends la voix de mon père m'appeler à son tour. Je lève lentement mon regard et laisse tomber mon sac sur les marches. Je fixe mon père. Il fronce des sourcils.
— Nesee, ça ne va pas ?
Je ne dis rien. Papa se tourne et appelle Maman. Elle arrive.
— Nesee ? dit-elle à son tour.
J'avale ma salive puis me tourne vers elle. Je la regarde longuement puis regarde à nouveau Papa puis elle.
— J'ai fait un cauchemar, je lâche au bout d'un moment.
— Tu devrais manger quelque chose, tu as le teint pâle, indique mon père.
— Je n'ai pas faim.
De l'entrée, on pouvait entendre le son de la télévision.
— « Et voilà un flash spécial... » déclare le présentateur.
Tous les trois, on s'avance vers la cuisine. On était planté dans l'encadrement de la porte et on fixait l'écran au fond de la pièce.
— «Wesley Washington, un lycéen de Carnathenum High School est décédé dans des circonstances tragiques. Le corps a été retrouvé hier soir. Nous ignorons encore les causes du décès mais un individu a été arrêté dans la nuit. » annonce le présentateur.
Je fais une moue en fixant la photo de Wes. Il avait l'air si souriant, si heureux. Je secoue la tête.
— J'aurais aimé le connaître un peu plus, j'avoue.
— C'est malheureux de voir ça, ajoute mon père.
— Je pense surtout à ses parents, quelle affreuse histoire... Je pense aller leur présenter mes condoléances ce soir. Il me semble que Madame Washington travaille à la bibliothèque.
J'avais entendu mon père déglutir juste à côté de moi. Je m'étais tournée vers lui. Il m'avait lentement souri puis il était allé sur la table de la cuisine pour boire son café tout en fixant la télévision. Maman s'était rapproché de celle-ci pour continuer à entendre ce que les informations pouvaient dire sur Wes. Moi ? Je fixais mon père et je le vis. Ce petit sourire caché derrière sa tasse de café. Je fixe ensuite le sol et je réfléchis. Et là...C'était comme si on m'avait frappé un plein ventre, comme si mon sang n'avait fait qu'un tour. Je l'avais eu sous mon nez depuis le début. Pourquoi la télévision était allumée spécialement ce jour-là alors que d'habitude, on ne la regardait pas et on se contentait de fixer notre bol de céréales ? Je m'étais trompée sur tout. Hugo était juste... Hugo. Le véritable coupable dans cette histoire est mon père. Il avait allumé la télévision pour savoir si son plan n'avait pas foiré. Il avait tué Wes. Je relève lentement la tête sur mes parents. J'avais l'impression que je n'arrivais plus à respirer et je sentais que mes yeux brillaient déjà sous les larmes. Ma mère s'était retournée tandis que je me reculais lentement.
— Nesee ? m'appelle-t-elle les sourcils froncés.
— Je vais être en retard.
Et j'étais partie en courant de la maison. Je ne voulais pas rester là-bas une seconde de plus. Je cours jusqu'à l'arrêt de bus, à bout de souffle. Je l'avais rattrapé à temps et sans réfléchir, je m'étais assise à côté de Spencer, au fond. Elle m'avait regardé d'un air surpris. J'ai commencé à pleurer. Je ne savais plus quoi faire et elle ne savait pas comment réagir.
— Euh...Nesee ? Ça ne va pas ?
Je m'étais tournée vers elle.
— Il faut qu'on parle.
Je n'avais rien dis le reste du trajet et elle non plus. On était descendue silencieusement du bus. En voyant Hugo, je l'avais stoppé avec ma main. Il était surpris de me voir avec Spencer.
— Toi aussi, on va parler.
Il jette un rapide coup d'œil à Spencer. Sans attendre, je les emmène dans la salle B12, en passant derrière le bâtiment. Je ferme doucement la porte puis je me retourne, m'essuyant les yeux.
— Vous devriez vous asseoir.
Ils s'exécutent, toujours aussi perplexes. Je m'avance, restant debout.
— Je...Je sais ce que vous avez prévu de faire. Et je ne vous en veux pas d'accord ? (Je lève ma main pour les empêcher de parler.) Je sais que vous aviez prévu de simuler ta mort Spencer, pour me faire comprendre à quel point tu as souffert pendant toutes ces années où je te harcelais, mais, ce n'est pas important et que je voudrais que tu saches Spencer que je m'excuse réellement et que je regrette chacune de mes paroles et chacun de mes gestes, j'explique calmement.
Spencer et Hugo se regardent. Hugo avait l'air apeuré tandis que Spencer avait l'air perdue.
— C'est une sorcière ! crie Hugo.
Je roule des yeux. Spencer lui donne un coup de coude et lève son regard sur moi.
— Nesee, comment.... Comment tu sais tout ça ? Comment tu as découvert tout ça ?
Je soupire.
— C'est... Bon d'accord. Je vais tout vous expliquer. Vous pourrez ensuite me prendre pour une folle mais croyez-le ou non, c'est la stricte vérité.
Et je leur ai tout dis. Du début à la fin, comme j'avais fait avec Cory. De l'annonce de la mort de Wes il y a X jours à la fête de la musique de la vieille. Je n'avais pas encore mentionné mon père, ni le fait que je soupçonnais Hugo mais je comptais bien le faire. Ce dernier me regardait avec la bouche grande ouverte et Spencer semblait en pleine réflexion.
— D'accord, d'accord... Mais si tout ça est vrai et que tu es ici aujourd'hui... Alors tu n'as pas réussi à découvrir le meurtrier de Wes et à me sauver... Que s'est-il passé ?
Je restais sans voix pour le moment. Je ne savais pas par où commencer. Je fixe longuement Hugo, honteuse puis repose mes yeux sur Spencer.
— J'ai cru que c'était Hugo le meurtrier parce que je pensais qu'il était tombé amoureux de toi, qu'il avait été jaloux de Wes et que c'était pour ça qu'il t'avait aidé à monter ce plan pour te venger.
Hugo semblait outré.
— Woh,woh, woh. Attends ? Je n'ai jamais touché Wes de ma vie ! Je veux dire... Amoureux de... D'elle ? (Il montre Spencer du doigt). Non merci ! Je l'ai aidé parce que tu m'intéressais plus meuf.
J'observais Hugo, essayant d'en placer une.
— Merci, je dis.
Je voulais continuer à parler mais Hugo continuait à se plaindre. Spencer me fixait longuement. Elle savait que ce n'était pas terminé, je le voyais dans ses yeux.
— Hugo, ferme là, lâche Spencer tout en continuant à me fixer.
Je la remercie silencieusement.
— Mais j'ai changé d'avis, parce que tu es mort Hugo. Et j'ai enfin vu notre meurtrier, qui est d'ailleurs aussi celui de Wes et ça, j'en suis sûre : mon père.
Hugo était de plus en plus sous le choc. Encore une mauvaise nouvelle et il allait en perdre sa mâchoire. Spencer restait de marbre, c'était comme si elle était figée sur place.
— Le seul problème, c'est que j'ignore pourquoi et pour arrêter mon père, il me faut des preuves et...
— Moi je sais pourquoi, lâche Spencer, les yeux fermés.
Hugo nous regardait une par une. Il ne lui manquait plus que les popcorns. Je fronce des sourcils.
— Comment ça ?
— Tu devrais t'asseoir, m'indique-t-elle à son tour.
— Non, ça va.
Je la sentais très mal cette conversation.
— J'étais amoureuse de Wes. Sincèrement, mais un jour, on est tous faible. Je... J'ai énormément culpabilisé et je regrette encore aujourd'hui... C'était en Novembre dernier, pour la rencontre parents-professeurs. C'est... C'est une erreur que je paierai à tout jamais. J'ai... On a eu une liaison, lui et moi. Je... Ça s'est passé qu'une seule fois et je te jure qu'on n'a jamais recommencé.
J'étais sous le choc. Trahie, encore une fois. Spencer était une garce, une salope, tous les noms imaginables. Je voulais la gifler. J'étais en colère contre elle. Mais je comprenais... Son coup de téléphone dans le jardin. Sa visite inattendue au lycée. Son mensonge sur son travail... C'était pour Spencer. Je m'étais finalement assise, sous l'émotion. Je continuais à la fixer et une larme coulait sur ma joue. J'avais hâte d'entendre la suite de son conte de fée.
— Mais, mais... Mais ton père s'est mis à m'envoyer des messages, à m'a téléphoné, à venir me voir chez moi ou au lycée et ça... Tous les jours. Je lui ai dit d'arrêter de me suivre de faire tout ça mais il s'est construit une relation fictive avec moi. Je... J'en pouvais plus et je l'ai dit à Wes. Il était tellement en colère...Hier soir, il avait donné rendez-vous à ton père et il n'en n'est pas revenu... Quand je l'ai appris ce matin, je... Je ne voulais pas le croire mais maintenant que tu nous as raconté ton histoire, je crois bien que ton père est son assassin.
J'étais à la fois en colère contre elle mais aussi contre mon père. Malgré les ordres de Spencer, il la harcelait. Il la traquait. C'était un... Un pervers. Je comprenais mieux ses mensonges. Je lâche un long soupire. Hugo ne disait plus rien, choqué par le spectacle qui se déroulait sous ses yeux. J'avais envie de la gifler. Et j'avais envie d'arracher les yeux de Spencer.
— Mais Nesee, ce n'est pas tout... Il savait que tu me harcelais et il était tellement en colère contre toi... Il disait que je l'appartenais et que personne d'autre que lui-même ne pouvait me faire de mal.
Ce qui expliquait pas mal de choses. Spencer pleurait et moi aussi.
— On a été conne et on n'a rien vu venir, je lâche.
Spencer se lève. Je la fixe.
— Je...Je suis désolée Nesee, vraiment désolée, je comprendrais que tu m'en veuilles à vie...
Je ferme un instant les yeux puis essuie mes joues.
— Spencer, on en parlera plus tard. On a un meurtrier à arrêter.
Hugo semblait avoir retrouvé ses esprits. Il se lève d'un bond.
— Nesee, tu ne crois pas qu'il faudrait prévenir Juliette et Jesse ?
Je secoue la tête.
— Non, il y a... Il y a déjà trop de personnes impliquées dans cette histoire.
— Mais... Ce sont tes meilleures amies.
Il n'avait pas tort. Mais si c'était le mieux pour les protéger de mon père...
— D'accord. Allez les chercher, je dois aller voir quelqu'un moi aussi. Rendez-vous à la salle de répétition.
Je me lève d'un bond à mon tour, et je sors de la salle B12 encourant. Il fallait que je le dise aussi à Cory. Il m'avait dit qu'il voulait aussi être au courant, pour pouvoir me soutenir. Quand je suis arrivée, il était seul dans la salle et c'était parfait. Je m'étais avancée vers lui. Je lui avais parlé d'abord tout doucement, pour le mettre un peu dans l'ambiance. Il avait été surpris, oui Cory, je connaissais ton nom. Et puis, je lui avais tout expliqué, sans filtre. Je lui avais aussi parlé de nos nombreuses conversations et de nos rencontres. On s'était assis et je lui avais expliqué longuement et il y avait eu un grand silence.
— C'est... commence-t-il.
— ... Dingue, hein ? je termine.
Je l'entends déglutir.
— Je peux comprendre Cory... Si t'as besoin de temps pour réfléchir à tout ça...
Je commençais à me lever. Il se lève à son tour, posant ses mains sur mes épaules. Il avait encore hésité, ce qui me faisait sourire.
— Non, non, je... Si le moi d'une autre vie t'as dit de me faire confiance, alors c'est le cas. C'est sûr que c'est une histoire... Je n'arrive même pas à trouver les mots mais... Je suis là et je ne te laisserai pas tomber Nesee.
Je hoche lentement la tête puis je viens le serrer dans mes bras. Je sentais son souffle chaud sur mes cheveux. Il me serre timidement à son tour. D'un coup, on se détache. Jesse et Juliette venaient d'arriver en courant. Elles s'étaient arrêtées à l'encadrement de la porte. Elles étaient essoufflées et elles me fixaient. Spencer et Hugo étaient derrière eux.
— C'est vrai pour ton père ? demande Juliette.
Je hoche lentement la tête, une nouvelle fois. Jesse fait une moue puis entre dans la pièce pour me prendre dans ses bras. Juliette nous rejoint et on se câline toutes les trois. Apparemment, Hugo et Spencer les avaient déjà mis au parfum de ma situation. Jesse se détache de moi.
— Mais attends... Tu n'es pas devenue dingue en vivant ce truc ?
Je hausse les épaules.
— Tu me crois ?
Elle sourit lentement.
— Il y a... Il y a tellement de choses que j'aurais dit, que tu n'aurais jamais deviné alors oui.
Je la prends encore dans mes bras. La cloche de 8h avait sonné depuis un bon bout de temps, mais on s'en fichait. On était tous à l'extérieur du lycée, ne sachant pas quoi faire. Je regarde l'heure sur mon portable.
— Si je comprends bien Spencer et si je recalcule tout, mon père ne va pas tarder à venir au lycée pour pouvoir te voir. Sa voiture sera garée dans le parking arrière...
— Tu proposes quoi ? demande Hugo.
Je soupire.
— J'en sais rien.
Je passe une main sur mon front. Je réfléchis un instant, me mordant la lèvre. Je me tourne vers les autres.
— On va changer les règles du jeu.
Ils me regardent tous, interrogateurs.
— Spencer, tu n'iras pas le voir et nous tous, on n'ira pas non plus au cours. On va aller chez moi, d'accord ? On va essayer de trouver un moyen pour qu'il avoue.... Non ! J'ai mieux.
Je les regarde à mon tour.
— Cory, tu pourras nous déposer chez moi avec Spencer ?
— Pas de soucis et après, qu'est-ce qu'on fait ? demande Cory.
Je me tourne vers chacun d'eux puis revient au centre.
— Écoutez, je... Je ne peux pas vous mettre en danger. Je crois avoir un plan mais vous devez me faire confiance, d'accord ? Cory va nous déposer chez moi avec Spencer et ensuite vous irez tous chez Jesse. Elle habite le plus proche de chez moi. Juliette, Spencer te diras quand mon père sera rentré, généralement c'est vers quinze heures. Si après dix minutes, on ne te renvoie pas de message, appelle la police. Je vais cacher mon portable pour pouvoir le filmer dans le salon. Et aussi une autre dans l'entrée... Hugo, la caméra de Tic et Tac, elle fonctionne ?
Il me regarde encore avec ses yeux de biche apeuré. Il avait enfin compris que je ne rigolais pas avec cette histoire de boucle temporelle.
— C'est celle de mon père, on peut passer chez moi et ensuite vous déposer.
Les autres n'avaient pas encore gueulé pour mon plan.
— Je...
— Ça ne nous plaît pas, coupe Jesse.
Les autres acquiescent.
— Je ne veux pas que vous soyez blessé. Cette histoire c'est... Spencer et moi, on affecte tous les deux mon père. Et s'il a déjà tué avant, alors il n'hésitera pas à vous blesser si vous êtes avec nous. Je vous demande juste de me faire confiance. D'accord ?
Ils soupirent mais ils savaient que j'avais raison.
— On y va, je dis en voyant l'heure.
Papa avait été voir Spencer « dans une autre vie » comme disait Cory mais quand elle se faisait passer pour morte, il ne rentrait pas avant quinze heures, même quand je rentrais super tôt. On s'était tous serré dans la 404 de Cory. On avait eu peur de croiser la police, mais on a eu de la chance. On s'est arrêté chez Hugo, il m'a donné sa caméra puis on est allée chez moi. Spencer et moi, on est descendu de la voiture et on a regardé les autres s'en aller lentement. On avait l'impression que c'étaient des adieux. On est ensuite rentrée chez moi et on est montée dans ma chambre. J'ai expliqué mon second plan à Spencer. On attendait sagement dans ma chambre et je devais descendre à quatorze heures trente pour installer les caméras et attendre mon père dans le salon.
— Comment tu as réagi la première fois où tu m'as vu, ou plutôt, entendu mourir ?
Je me tourne vers elle, surprise.
— Pourquoi tu me demandes ça ?
— Par curiosité.
Je soupire.
— Je m'en suis rendue malade Spencer. Plus tu mourrais, plus j'étais triste parce que plus j'apprenais à te connaître.
— Sérieux ?
Elle me fixait.
— Bien sûr ! Je suis humaine Spencer, j'ai des sentiments. Tu m'as foutu vraiment mal avec tes conneries.
Elle se rapproche avec un mince sourire aux lèvres.
— C'est bon à savoir alors... Je veux dire, que tu te sois autant inquiétée. Ça prouve que tu as changé.
Je lui souris à mon tour. Elle se met à jouer machinalement avec ses mains.
— Je me disais... Après tout ça... Qu'on pourra peut-être devenir amie ?
Je me mets à rire.
— On verra.
Elle baisse la tête.
— Mais ce serait cool... Même si t'as couché avec mon père.
— On pourra s'organiser un combat à la loyal si tu veux. Genre fight club.
— Mh... Ça marche.
On avait souri comme des connes. A l'heure convenue, j'étais descendue et j'avais installé les caméras. Elles étaient bien cachées. Je m'étais ensuite servis un verre de whisky, que je n'allais pas boire évidemment. J'avais allumé la cheminée en rentrant et j'observais les flammes. Il faisait chaud dehors et le soleil était encore là. Mais ça faisait une ambiance assez sinistre. J'ai entendu mon père rentrer et déposer ses clefs sur la commode à chaussures.
— Nesee ?
Je me retourne lentement, le verre à la main. Je me lève. Il était surpris de me voir.
— Tu as finis les cours plus tôt ?
Il voit le verre. Il s'avance lentement.
— Ma puce... ?
Je ne voulais pas prendre de pincettes. Non. Il avait tué Wes. Il avait tué Spencer, Hugo et moi. Je fais les cents pas devant la cheminée. Il s'avance encore et me fait face à un moment. Je pouvais sentir la chaleur du feu. Papa était plus grand que moi mais il ne m'impressionnait pas. Je lève les yeux vers lui.
— Comment peux-tu aimer Maman et en même temps harceler sexuellement une étudiante qui pourrait être ta fille ?
Il fronce des sourcils.
— Quoi ?
Je fais une moue et hausse les épaules.
— Oh, attends, ne me dis pas que les couguars t'attirent aussi ?
Je fixe le liquide de mon verre puis relève les yeux vers lui.
— Nesee, je ne vois pas de quoi tu parles.
— Spencer Marsh, ça te dit quelque chose ?
J'entends les marches grincer. Mon père se tourne et fait les gros yeux.
— Figures toi que j'ai appris pas mal de choses sur toi, notamment grâce à Spencer qui m'a gentiment suivi jusqu'ici.
Je me tourne à mon tour. Spencer fixait mon père. Elle avait tellement de courage dans ses yeux. J'étais impressionnée. Elle semblait plus mature. Mon père se met à rire.
— Quoi ? Tu vas croire cette gamine ? Sérieusement, Nesee ! C'est elle qui me harcèle ! Elle est folle de moi ! J'ai essayé de la repousser mais rien à f...
— C'est ce que tu as dit à Wesley Washington ?
Grand silence.
— Tu as tué Wesley, Papa.
Je jette le contenu de mon verre dans le feu, ce qui l'excite davantage. Spencer me rejoint juste derrière moi. Papa se met à rire nerveusement.
— Le gamin de la télé ?
— Non, le Père Noël sale connard, lâche Spencer.
Il serre les dents et soupire.
— Vous êtes folles toutes les deux !
— On verra ce que dira la police, on les a appelé, ment Spencer.
Les dix minutes n'étaient pas encore passées. Papa nous jette un regard plein de haine et j'ai sentis que mon instinct me hurlait de partir en courant. Papa a attrapé un morceau de chenet de cheminée et j'ai eu le temps de l'arrêter rapidement. Merci Spencer, elle avait crié pour me prévenir. Papa m'a ensuite jeté contre le canapé et s'apprêtait à me frapper mais Spencer a sauté sur son dos et s'est mis à l'étrangler avec ses avants bras. Il l'a ensuite attrapé d'une main et le jeté violemment au sol. Je me suis vite relevée et je lui ai donné un coup de genoux dans les bijoux de famille. J'ai ensuite aidé Spencer à se relever et je lui ai pris la main. On a couru vers l'escalier mais Papa nous suivait déjà. On a hurlé et on est entrée dans la cuisine. J'ai fermé la porte et on l'a bloqué avec un meuble. Papa s'est mis à frapper à la porte, d'abord avec les points. Spencer et moi, on reculait.
— On aurait dû te déposer à la gare et tu serais en sécurité chez ta tante Edith depuis longtemps ! je lâche d'un sanglot.
Spencer secoue la tête.
— Non, on est dans cette merde toutes les deux, depuis le début.
Mon cœur battait tellement vite. Papa s'est mis à frapper sur la porte avec le morceau de chenet. Il était fou. C'était lui Jack Torrance en fait. Il a réussi à faire un grand trou et avec son pied, il a envoyé valser le meuble à quelques centimètres. Il a ensuite poussé la porte dans un grognement. On a hurlé. Encore. On a fait le tour de l'îlot central. C'était comme jouer à chat. Papa essayait de nous attraper mais en vain. Il s'est mis à nous balancer des verres et des assiettes. L'une d'elle a touché Spencer. Cette dernière s'effondre au sol. Elle saignait de l'arcade. Mon père s'en était aussitôt voulu.
— Spencer !
Il s'était approché. J'avais glissé par-dessus l'îlot central, au niveau du coin, et je lui avais balancé mon pied en pleine figure.
— Ne la touche pas sale porc !
Il avait commencé à saigner du nez et m'avait attrapé les cheveux. Je voyais le morceau de chenet en hauteur. J'ai mordu le poignet de mon père. Il a lâché la barre, qui est tombée au sol. Je lui ai ensuite donné un nouveau coup dans les bijoux de famille, suivit d'un coup de poing. Ma main me faisait mal. Il est tombé au sol. J'ai attrapé la barre sans hésiter et je l'ai frappé sur la côte avec. Il s'est complètement allongé en gémissant. Et d'un coup, je me suis figée. Que... Qu'est-ce que je devais faire ? J'avais le bout de chenet de cheminée dans la main. Mon père était au sol à gémir. Je n'avais qu'un seul geste à faire. Un seul. Il avait levé les yeux vers moi et avait ri amèrement.
— Vas-y Nesee, fais-le, souffle-t-il.
J'hésitais. Je regardais Spencer inconsciente au sol puis lui. Si je le tuais...Tout serait terminé... Mes mains tremblaient. Je fixais mon père avec de grands yeux. J'entends les sirènes au loin et du coin de l'œil, je vois des lumières rouges et bleues. Je lâche brutalement le morceau de chenet, les larmes aux yeux.
— Non, je ne suis pas comme toi. Je ne suis pas un monstre.
Il fixe longuement le chenet au sol et se tourne légèrement en entendant les sirènes devant la maison. Je le fixais, restant impassible mais pleurant tout de même. La porte a volé en éclat et des policiers sont entrés et sont allés dans la cuisine. Ils ont immédiatement arrêté mon père. Ils l'ont soulevé au sol et l'ont menotté.
— Charles Baker, vous êtes en état d'arrestation pour tentative d'homicide et vous êtes mis en examen pour le meurtre de Wesley Washington.
Un autre policier vérifiait le pouls de Spencer.
— Elle est vivante, lâche-t-il.
J'entends des pas précipités entrer dans la maison.
— Nesee ! Spencer !
C'était la voix de Jesse. Elle et Juliette m'avaient encerclé pour me prendre dans leurs bras. Elles s'étaient ensuite tournées pour observer Spencer partir sur un brancard. Tandis que mon père sortait de la maison avec un regard noir. On l'avait suivi à l'extérieur et j'avais vu ma mère se garer à toute vitesse. Elle était passée à côté de mon père. Il s'était fixé longuement puis elle avait couru dans mes bras.
— Nesee !
— J'ai aussi appelé ta mère... Je sais que ce n'était pas dans le plan... indique Hugo.
Je m'étais détachée de ma mère. On avait tous observer la voiture de police qui emmenait mon père s'éloigner. Quatre autres voitures la suivaient. L'ambulance était aussi partie. Cory s'était rapproché de moi et m'avait pris par la taille. J'avais posé ma tête contre lui tandis qu'on observait les voitures de secours s'éloigner à l'horizon. Certains voisins étaient sortis de leur maison et observaient aussi la scène.
Sans hésiter, Maman nous a proposé d'aller à l'hôpital pour Spencer. On y est resté une bonne partie de l'après-midi, ainsi que le soir. Les parents de Spencer nous avaient rejoint. Elle était encore inconsciente et je culpabilisais. J'étais assise à côté de Cory et mon pied frappait le sol en rythme. A un moment, il m'a pris la main et la serrée.
— Hey... Elle va s'en sortir.
Je l'ai regardé et j'ai soupiré. J'ai ensuite posé ma tête sur son épaule et je me suis endormie au bout de quelques minutes. C'est un drôle de bip qui m'a réveillé. J'ai sursauté et j'ai regardé autour de moi. J'étais... J'étais dans la salle d'attente de l'hôpital avec tous les autres. Une porte venait de se claquer et l'horloge murale indiquait huit heures. J'avais réveillé Cory qui s'était redressé, les yeux plissés. Je... Je n'arrivais pas à y croire. C'était un rêve, hein ? J'arrête une infirmière qui passait par là.
— Excusez-moi, on est quel jour s'il vous plait ? La date exacte.
J'avais réveillé les autres aussi. L'infirmière soupire et regarde son portable.
— Vendredi. Vendredi 22 Juin 2018.
Elle s'était éloignée.
— On est demain... je murmure.
Je m'étais tournée vers Cory puis vers les autres avec un grand sourire aux lèvres. Mon cœur battait tellement vite.
— On est demain !
Les parents de Spencer se lèvent en voyant un médecin arriver. On fait tous de même.
— Plus de peur que de mal, elle vient de se réveiller et n'a gardé aucune séquelle.
On était tous soulagé.
— Allez y Madame et Monsieur March, on reste ici, indique ma mère.
Les autres s'étaient à nouveau assis mais j'étais restée debout. J'observais les parents de Spencer courir vers sa chambre et mon sourire était resté sur mes lèvres. Chaque jour est un combat, chaque jour est unique. Certaines personnes pensent qu'elles ne se relèveront jamais. Ces personnes ne savent pas à quel point elles sont entourées. Elles ne seront jamais seules. Il faut garder espoir car comme on dit : après la pluie, le beau temps.
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