VII. En hommage à Wesley Washington

Je me réveille en hurlant, posant une main sur ma poitrine. Mon réveil sonnait déjà depuis plusieurs minutes, trente pour être plus précise. Il était huit heures. J'étais hors de moi.

Enfoiré, enfoiré !

J'entends des pas précipités dans les escaliers. Au moment où ma mère avait ouvert ma porte de chambre, j'avais balancé mon réveil à l'autre bout de la pièce.

Nesee ?! dit-elle.

Je vois la tête de mon père juste derrière elle.

Tu as fait un cauchemar ?

Je soulève brutalement ma couette et sort de mon lit.

Oh oui, un putain d'enfoiré de cauchemar !

Mes parents me regardaient comme si je venais d'insulter le Tout puissant. Je me dirige vers mon armoire pour en sortir des habits. Je referme la porte de l'armoire violemment.

Je peux m'habiller tranquille ? Je vais être en retard et je sais que vous ne pouvez pas m'accompagner.

Perplexes, ils sortent de ma chambre. J'avais réussi à rattraper le dernier bus et j'étais arrivée pile à l'heure pour le cours de Madame Lip. Je ne voulais pas le louper. Et puis, ça me détendra. Et puis, j'avais d'autres questions à lui poser. Vous savez... Je mens souvent. Toujours autour de moi. Je me donne un genre, un style. Mais bordel, qu'est-ce que j'adorais la littérature. J'étais passionnée. Intéressée. Et pour la première fois, je participais au cours, j'écoutais, je notais. Juliette me lançait des regards étranges mais je m'en fichais. Cette fois-ci, pour ne pas « vexer »la prof, je m'étais mise à ma table habituelle. A la fin du cours, je voulais parler à la prof. Je savais que les mêmes mots allaient ressortir. Qu'on allait arriver aux mêmes points. C'est pour ça que j'avais décidé de changer un peu les règles du jeu. Inconsciemment, j'étais arrivée devant son bureau. J'avais vu son regard surpris. Qu'allait encore me dire Nesee pour que je sois vexée ? Ou alors, qu'allait me dire Nesee pour le rendre encore plus idiote qu'elle ne le montrait ? Je savais ce qu'elle pensait de moi. Mais, elle allait sûrement vite changer d'avis. Je lui souris. Un vrai sourire sincère.

Tu avais des questions par rapport au cours Nesee ?

Je pose mon sac sur son bureau et croise les bras. Du coin de l'œil, je voyais mes amis me faire signent de venir. D'un regard, je leur demande de partir, je les rejoindrais probablement plus tard. Je les vois s'éloigner puis revient à Madame Lip.

Tu sais, entre nous, tu as bien participé aujourd'hui, je ne pense pas que tu as encore des questions, si ?

Je soupire lentement et penche légèrement la tête sur le côté.

En vérité madame Lip, je sais beaucoup de choses sur l'effet papillon, mais... Je voulais votre avis sur un sujet presque semblable. Enfin, qui est en quelque sorte lié...

Elle me regarde sérieusement. J'avais son attention. Je décide de bouger la chaise pour m'asseoir. Je prends une grande inspiration et la regarde droit dans les yeux.

Qu'est-ce que vous savez sur les boucles temporelles ?

Elle a un sourire amusé et s'assoit à son tour sur sa propre chaise, en face de moi.

Et bien, ce sujet est notamment utilisé au cinéma et très peu dans la littérature. Enfin, personnellement, je connais « Je viens te chercher » de Guillaume Musso. Mh.... Voyons. Par rapport aux voyages dans le temps, ici, on parle du voyage d'une conscience. Le terme exact est l'itération. La même journée se répète encore et encore, seule la conscience de l'individu remonte le temps, en quelque sorte. Mais j'ai l'impression que tu connaissais déjà la réponse, n'est-ce pas ?

Je lève lentement les yeux sur elle et fronce les sourcils. Qu'est... Qu'est-ce qu'elle voulait dire par là ?

Nesee, je pense que tu t'es trompée de question, non ? Ce n'était pas « quoi » mais plutôt « comment et pourquoi », mh ?

Elle me regardait comme si elle m'encourageait à sortir quelque chose.

Euh, d'accord... Comment... Comment sortir d'une boucle temporelle ? je demande perplexe.

Cette prof m'intriguait vraiment.

En accomplissant une tâche importante. Seule la personne en question sait ce qu'il doit être fait, me dit-elle en me fixant.

C'était comme si elle lisait dans mes pensées. Je hoche lentement la tête et me lève tout en reprenant mon sac.

Merci madame Lip.

Je m'éloigne vers ma porte mais elle m'arrête en disant :

C'est pour un exposé Nesee ?

J'avale ma salive et me retourne avec un sourire poli.

Bien sûr. Je comptais vous faire la surprise.

Mensonge. Je me retourne puis m'éloigne rapidement. Cette prof savait quelque chose ou quoi ? Elle pouvait être gentille et vraiment flippante à la fois. Enfin... Bref. Cette conversation m'avait fait comprendre que j'avais tout faux sur la ligne. Il n'était pas question de Spencer Marsh. Depuis le commencement, ça me sautait aux yeux mais je n'y accordais pas la moindre importance alors que c'est la première chose qui est arrivée : le meurtre de Wes. Je devais découvrir son assassin et j'avais déjà ma petite idée sur la personne. C'était Hugo. C'était d'une évidence. Il avait voulu assassiner Spencer. Je me souviens de cette conversation avec les policiers.

« Vous imaginez la panique chez les élèves ? Où chez les parents ? « Un tueur en série se balade dans le lycée. » Tout le monde aurait peur. »

« Vous voulez dire que le gars qui a tué Wesley Washington est le même que Spencer Marsh ? Mais c'est... C'est pas possible. Celui de Wes a été arrêté ce matin. »

« Cette histoire est entre nos mains maintenant. Je vous conseille de rentrer chez vous et de vous reposer. Vous êtes en état de choc. Vous confondez certaines choses. »

Tout était clair. Mais il me fallait des preuves. Je ne pouvais pas pointer du doigt Hugo sans aucun argument. Il fallait que j'enquête. Après le cours de Madame Lip, j'étais rentrée chez moi sans rien dire à personne, ni à Jesse et Juliette, ni à ce maudit Hugo. J'avais un plan : tout d'abord, j'interrogerai les élèves du lycée sur Wes et sur Hugo. Quand j'aurais assez d'informations, j'installerai une caméra dans les toilettes et je filmerai le meurtre de cette charmante Spencer. C'était un plan d'enfer. Et ça allait marcher. Alors, pendant plusieurs jours, j'avais interrogé plusieurs personnes. Je notais tout, je relisais et je mettais dans un coin de ma tête et dé que je me réveillais, je renotais tout. Cette technique marchait et j'en étais fière. Mais plus j'interrogeais les gens, plus je n'avais rien... Wes semblait être apprécié de tous. Il ne cherchait pas les problèmes. Certaines personnes m'ont dit qu'il avait une petite amie mais qu'ils ne l'avaient jamais vu. Wes était quelqu'un de bien et plus j'écoutais les gens, plus je regrettais de ne pas l'avoir connu. Mais c'était trop tard pour lui... Je ne pouvais pas le sauver. Quant à Hugo, les gens disaient tous la même chose : il traînait seulement avec nous et il ne parlait pour rien dire. Selon les critères psychologiques, Hugo n'avait pas de ressemblance avec les meurtriers. Il cachait très bien son jeu alors.

Il y avait deux personnes que je n'avais pas interrogé : Hugo et Spencer. J'avais voulu commencer par le plus difficile : l'abruti finis. Je l'avais invité chez moi pour l'interroger, ce qui ne me plaisait guère. Il semblait heureux et tellement innocent. J'avais installé deux chaises, en face l'une de l'autre. Je m'étais assise sur l'une et Hugo m'avait rejoint. J'étais prête à prendre des notes.

Pourquoi tu fais ça en fait ? Tu ne le connaissais même pas, me demande-il.

Avec tout le monde, j'avais prétexté vouloir faire un diaporama en hommage à Wesley.

Pour les amis qu'il avait au lycée. J'aimerais qu'on se souvienne de lui et que les gens qui ne le connaissent pas, voient à quel point il était génial. J'aimerais faire un mémorial avec son casier.

C'était vrai. Hugo hoche lentement la tête.

Bon et bien... Je suis prêt. Tu filmes pas ?

Je secoue la tête.

Mon portable est cassé, je mens.

Je savais qu'il allait proposer le sien, mais je ne le voulais pas. Et puis, s'il avait tué Wes, il aurait supprimé tout message compromettant. Je secoue la tête en le voyant sortir de sa poche son téléphone.

Non, pas la peine, j'ai trouvé une manière originale de faire un diaporama. Te prends pas la tête.

Il soupire.

Bon alors, je sais que tu ne le connaissais pas mais en voyant Wes, que pensais-tu de lui ?

Il hausse les épaules.

Eh bien... On l'avait directement mis dans la case « Nouveau populaire », tu te souviens ? Il avait l'air cool, le genre de personne qui ne se prend pas la tête. Il avait l'air heureux.

Il n'avait jamais sorti autant de mots intelligents.

Apparemment, il aurait eu une copine, tu sais qui ça peut être ?

Nesee, qu'est-ce que j'en sais ? Je ne suis pas dans son caleçon.

Le voilà de retour.

Mais c'est certains qu'il plaisait aux filles, ajoute-t-il après un long silence.

Je hoche lentement la tête. Oui, il était mignon.

Euh...Tu notes rien ?

La dernière fois que tu l'as vu ?

Euh...Je... Hier au lycée ?

Tu ne lui a pas envoyé de message, rien ?

Il se lève.

C'est un interrogatoire ou quoi ?

Je me lève à mon tour, posant mon bloc-notes et mon stylo sur le bureau. Je croise mes bras contre ma poitrine.

J'en sais rien, ça dépend. Tu te sens visé ?

Il secoue la tête.

Je dois y aller.

Je regarde mon réveil. Il était quinze heures trente.

Oh t'as un rendez-vous peut-être ?

Non, pourquoi ?

— Oh, j'en sais rien... Peut-être pour tuer Spencer Marsh.

Il était juste en face de la porte. Il se tourne lentement, choqué.

Quoi ?

T'as très bien entendu.

Il secoue la tête et ouvre la porte tout en me regardant.

Tu es folle ma pauvre.

On sursaute tous les deux, voyant mon père juste en face de lui.

Oh...Monsieur Baker... Quelle surprise.

Mon père le fixe de ses yeux et lui fait signe de déguerpir en vitesse. Je vois Hugo baisser les yeux et s'en aller en courant. Papa entre ensuite dans la chambre.

— T'es là depuis longtemps ? je demande.

Je suis rentré un peu plus tôt du boulot. Je ne voulais pas vous déranger mais quand j'ai entendu que le ton montait, je suis venu.

Il s'assoit timidement sur mon lit. Je tourne ma chaise vers lui.

Pourquoi tu penses qu'il veut tuer Spencer Marsh ?

Je hausse les épaules.

J'en sais rien, je... J'ai dit ça pour le faire réagir. On parlait de Wes.

Wesley Washington ? Le gamin qu'on a vu ce matin à la télé ?

Je hoche la tête.

J'essaie de comprendre Papa. Tout le monde l'adorait, on avait aucune raison de le tuer.

Il me fait signe devenir m'asseoir à côté de lui. Je m'exécute. Il passe son bras autour de mes épaules.

Tu sais, Nesee, la vie est une vraie saloperie. Les gens innocents sont toujours les victimes. Ce garçon ne sera ni le premier, ni le dernier. Que cherches-tu à faire en fait ?

Je me recule pour lui sourire.

Un mémorial.

Il m'embrasse le front.

C'est gentil ma puce.

Il se lève.

Je peux essayer de faire des pizzas maison pour le dîner ?

Je serais ravis de voir ça.

Le jour suivant, j'avais arrêté Spencer dans le couloir du lycée. En douceur, bien sûr, je lui avais demandé si ça la dérangeait qu'on parle de Wes et que je comptais faire un mémorial. On s'était installé dans la salle B12. Il était à peu près huit heures dix. Certains élèves commençaient à huit heures, d'autres à neuf heures.

C'est gentil que tu fasses ça Nesee, m'avait-elle dit.

C'est vrai, j'oubliais qu'elle connaissait la garce Nesee.

Je sais que Wes était apprécié et je ne voulais pas attendre que quelqu'un d'autre s'en occupe... J'avais besoin de le faire.

Elle hoche lentement la tête. Elle était méfiante. Elle s'attendait peut-être à ce que je l'insulte et que je l'humilie. Mais non. Plus maintenant.

Bon, alors, est-ce que tu connaissais Wes ?

Pas personnellement, non. Enfin... On traînait souvent ensemble à la bibliothèque. Je l'aidais avec les cours de maths et il m'aidait à...

Je tends l'oreille.

M'affirmer.

Je souris lentement, surprise.

— Wes faisait ça ? je demande dans un petit rire.

Elle sourit à son tour lentement et hoche la tête.

Oui, et je n'étais pas la seule. Il aidait les élèves un peu renfermés à sortir de leur coquille... Pour être plus fort devant....

Elle semblait hésiter mais j'avais compris.

Devant les personnes comme moi ?

Elle hoche encore la tête. Je soupire. Ce gars était vraiment cool.

Sa copine devant avoir de la chance, je lâche.

Sa copine ? demande-t-elle curieuse.

Oui, certaines personnes ont cru comprendre qu'il avait une copine. Il t'en a parlé ?

Elle secoue la tête.

Non.

Je me mords les lèvres.

Où se cache-t-elle...

Est-ce que c'est tout ? Je suis déjà en retard...

Oh euh oui, vas-y, dis à ton prof de bio que c'est ma faute, il comprendra.

Je jouissais d'une réputation de mauvaise influence je crois. Je me lève et j'observe Spencer s'éloigner. J'avais réussi à créer un autre lien avec elle. Mais bon. Tout ça ne m'aidait pas beaucoup. J'étais saoulée et j'avais besoin de voir le visage angélique de Cory. Je ne savais pas ce qu'il faisait à cette heure-là. Je l'avais rencontré aux alentours de neuf heures vingt, dans la salle de répétition, aux alentours de douze heures et quelques et puis le soir dans ce bar.... Oh mais oui ! Je l'avais rencontré aussi sur le parking, juste après mon arrivée du matin. Je souris et cours pour me rendre sur celui-ci. Je refais le tour, comme j'avais fait l'autre fois pour me rendre sur le parking arrière. Mais je n'avais même pas besoin d'y aller. Je voyais Cory sortir du côté du bâtiment, exactement là où on s'était rencontré. Je le vois s'avancer vers sa petite Peugeot 404 et ouvrir sa portière. Je me rapproche de lui. Il était en train de sortir sa percussion de ses sièges arrière.

Salut !

Il se cogne la tête contre son plafond. Je pose sur une main sur ma bouche. Oups. Il se retourne en se frottant la tête. Il était surpris.

Wooh euh... Salut.

T'as besoin d'aide ?

Il secoue la tête.

Non, ne t'inquiètes pas, j'ai l'habitude de la porter du parking à la salle de répétition, mais tu pourrais... M'accompagner ?

Je hoche la tête.

Bien sûr.

Il sourit grandement. Il referme sa portière puis sa voiture.

En fait, moi c'est Cory, se présente-il.

Je sais.

Un fin sourire se dessine sur ses lèvres. Un petit silence.

Moi c'est Nesee.

Je sais.

On se regarde en souriant. On passe la porte arrière du lycée. Il me fait entrer d'abord. Je me tourne ensuite vers lui.

En fait, pourquoi tu ne la laisse pas dans la salle de répétition ? Tous les matins, à la porter et à la ramener, ça doit être chiant, non ?

Il soupire.

J'aimerais bien mais, la dernière fois, on m'a volé ma première percussion, alors je préfère la prendre avec moi maintenant...

Non...Qui ?

Il me regarde d'un air désolé.

Ton copain.

Hugo ? Mais non...

Il ne finira jamais ses conneries celui-là. On entre dans la salle de répétition. Je ne sais pas pourquoi mais j'adorais cette pièce. Il pose sa percussion sur une chaise.

J'ai répétition toute la matinée et généralement, vers neuf heures vingt, on fait une pause et je vais chercher de quoi manger. C'est un peu un rituel.

Ce qui expliquait pas mal de choses. Il profitait que Hugo soit en cours pour pouvoir sortir sans le craindre. Et, quand la cloche à sonner beaucoup trop tôt, il a dû aussitôt revenir puis il m'a vu... Oh non, j'espère qu'il n'a pas cru que j'allais voler sa percussion pour mon débile de futur ex petit ami ?

Dis... Tu connaissais Wesley Washington ? je demande curieuse.

On ne sait jamais. Il hoche la tête.

Vite fait, il aimait bien venir nous voir jouer de temps en temps. Il disait que ça le mettait de bonne humeur pour le reste de la journée.

Ce gars était trop adorable. Wes, je parle de Wes. Mais Cory aussi. En passant.

Mais tu devrais demander à Spencer Marsh, si tu veux plus d'informations, me lance-t-il.

Je fronce des sourcils.

Pourquoi ?

Eh bien, je les ai vu s'embrasser, plusieurs fois. Ils avaient l'air vraiment proches.

Bordel. La fameuse petite amie... Spencer m'a donc menti. Je devais retourner à la maison et tout réécrire sur une feuille de papier. Je pose une main sur l'avant-bras de Cory.

Merci, mais... Mais je dois y aller.

Je l'embrasse rapidement sur la joue. Je ne lui laisse même pas le temps de répondre. Je sors de la salle de répétition puis me rend directement chez moi. J'avais un nouvel élément à analyser. 

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