Chapitre 26

- Eh bé, vous n'avez pas les pitchounes avec vous, aujourd'hui?

Malgré le brouhaha, Martin se retourna à l'interpellation joviale et lutta pour ne pas se faire emporter dans le flot de touristes empressés. Le marché provençal de Forsallier était une des principales attractions touristiques de la région et en ce début d'août, il était aussi ardu de s'y déplacer que dans le métro parisien à l'heure de pointe. En revanche, il y sentait bien meilleur et le soleil matinal y resplendissait aussi, Martin s'accommodait de la foule dense avec aisance. En jouant des coudes, il s'extirpa du contre-courant qui l'entraînait vers les stands de spécialités régionales pris d'assaut et rejoignit son interlocutrice devant une échoppe de miel de pays, où elle l'attendait avec un panier d'osier et un grand sourire.

- Bonjour Mme Lapers, la salua-t-il, vous allez bien? Et non, les trois petits sont en vacances chez leurs grands-parents pour quinze jours. Et comme Soan est toujours chez ses amis à Paris, me voilà condamné à faire le marché tout seul.

- Mais appelez-donc moi Jacqueline, je vous l'ai dis et redis et reredis, gloussa la vieille dame, toute pimpante dans sa robe d'été fleurie. Mais c'est formidable, ça ! Pas de faire le marché seul, lala, mais d'être un peu tranquille. Ça doit vous du bien ! Pas de repas à préparer, pas de couches à changer, peuchère. La liberté!

Le cœur de Martin se serra un peu à cette conclusion hâtive mais il tenta un sourire approbateur, ne souhaitant pas doucher l'optimisme de sa baby-sitter occasionnelle. Cette liberté dont elle parlait venait avec bien trop d'inquiétudes pour qu'il puisse sereinement en profiter. Se séparer des enfants, même pour un temps aussi limité, n'était pas son choix même s'il avait bien dû s'y résoudre. Les remettre à son père et sa mère, dans un silence tendu et des mâchoires crispées de chaque côté, avait été un vrai crève-cœur qui continuait de peser sur son âme des jours après, malgré l'euphorie estivale ambiante.

- Oui, en effet, mentit-il du bout des lèvres. La maison est très calme. De vraies vacances pour moi aussi.

La vieille dame leva un sourcil surpris, pas dupe devant son air déconfit.

- Ohlala ça n'a pas l'air de vous faire plaisir, mon pôvre! Ils vous manquent déjà? Ou c'est de ne plus les avoir sous les yeux qui vous perturbe? Vous êtes bien un papa poule, vé! Vous les couvez comme des oisillons, vos neveux. Mais croyez-en l'expérience d'une vieille femme, il faudra bien les laissez s'envoler! Comme ma mère me disait toujours...

Elle reprit son souffle pour mieux se lancer et Martin laissa son esprit s'égarer devant la logorrhée interminable. Il n'était pas contre l'idée de laisser ses oisillons, comme les nommait Jacqueline, s'envoler loin de lui. Mais pas avec n'importe qui. Et pas si c'était dans les bras de personnes dont il peinait réellement à avaler qu'ils avaient acquis de la bienveillance en vieillissant. Étonnamment, ses parents avaient choisi de passer leurs vacances dans la région, à côté du Lac de Sainte Croix, d'après ce qu'il avait compris. Martin ignorait si ses géniteurs avaient loué une maison, où s'ils emmenaient Antonin, Leslie et Alice dans un camping du coin, mais cette fois-ci, ses neveux étaient partis en voiture et non en train et étaient presque à portée de main. Mais cela ne changeait rien à l'angoisse qui persistait à l'étreindre depuis leur départ, cinq jours avant. Depuis le début, la perspective de ces vacances de quinze jours lui collait un mauvais pressentiment et ce n'étaient pas les regards torves reçus de son paternel pendant qu'il chargeait les valises dans le coffre qui avaient apaisé ses craintes. Donc oui, la maison était vide, lui était libre de sortir ou s'envoyer en l'air avec son amant, mais pas de bonne humeur pour autant.

En face de lui, pas dérangée par la foule empressée qui la contournait péniblement ni par son mutisme, Jacqueline continuait de babiller sur la sagesse des anciens, les joies de la parentalité comparées à celles de la grand-parentalité, le temps radieux, les touristes nombreux, et les abricots à la récolte bien décevante cette année. Elle finit néanmoins par aviser le rictus de plus en plus crispé de Martin, et conclut en gazouillant, horrifiée et une main plaquée sur les lèvres pour s'empêcher de parler:

- Et me revoilà à vous tenir la jambe et vous empêcher de faire vos commissions. Ohlala, je suis insortable. Comme dit mon mari, Jacqueline, tu ne sais jamais quand t'arrêter!

Martin secoua la tête, amusé de ses mimiques malgré son humeur maussade. Il allait rassurer la vieille dame avec toute la politesse dont il était capable mais sa poche se mit à vibrer et avec une moue d'excuse, il extirpa son portable de son short, déjà humide de sueur malgré l'heure matinale. Il fronça les sourcils devant le numéro inconnu et en protégeant son oreille pour mieux entendre par dessus le brouhaha du marché, il établit la connexion :

- Oui, allo?

- Monsieur Nguyen? Martin Nguyen?

- C'est bien moi, confirma Martin, ses épaules se raidissant d'instinct à l'écoute de la voix sèche et officielle, dépourvue de tout accent local.

- Ici la gendarmerie de Castellane. Je suis avec vos neveux, Leslie et Antonin Nguyen, et vous devriez venir le plus rapidement possible.

Encore peu habitué à la conduite en milieu rural, Martin n'avait pas pour habitude de se prendre pour un pilote de rallye. Il abordait normalement avec prudence les chemins sinueux et pas toujours très bien entretenus de son département d'adoption. Néanmoins, c'est pied au plancher et la peur au ventre qu'il dévora cette fois les trente kilomètres de virages en épingle qui le séparaient de la bourgade voisine d'où il avait été appelé et où il n'avait encore jamais mis les pieds. La gendarmerie était aisée à trouver, bâtiment de crépi rose pâle posé au milieu des champs de lavande à l'entrée de la commune, et Martin se gara sur le vaste parking avec précipitation, sans se soucier de faire crisser les pneus sur les graviers. Le cœur battant à se rompre, il jaillit du véhicule puis se précipita dans le sas automatique, trépignant de nervosité en vidant ses poches et en se soumettant au contrôle de sécurité. Le gendarme impassible qui l'avait appelé lui avait assuré que ses neveux allaient bien, qu'ils étaient en bonne santé, mais il n'avait pas voulu en révéler plus sur sa convocation et malgré lui, Martin avait eu le temps d'imaginer les pires scenarii. Y compris ceux où le militaire lui avait menti. Des visions horrifiantes d'accidents de la route, de maltraitance et d'enlèvements l'avaient accompagné au fil de la route et il était sur le point d'exploser quand il déboula dans la salle d'attente au murs blancs sales recouverts d'affiches de prévention. La vision, oh combien rassurante, des trois enfants sain et saufs lui coupa le souffle et des larmes jaillirent de ses yeux alors qu'il chancelait sur ses pieds.

- Antonin? Leslie?

En couinant leur joie, les deux enfants lâchèrent les illustrés qu'il feuilletaient sur des chaises plastiques à l'aspect inconfortable et se jetèrent sur lui. Martin les serra contre sa poitrine, tremblant, et les tata frénétiquement comme pour vérifier que ses yeux ne le trahissaient pas et qu'il étaient bel et bien là. Assise dans un coin, sa mère se tenait raide comme la justice, retenant Alice qui se tortillait sur ses genoux, et Martin la salua de la tête sans relâcher les jumeaux.

- Maman.

- Bonjour.

Ses yeux étaient froids et Martin sentit son angoisse repartir en flèche. Leslie et Antonin accrochés aux jambes, il s'approcha d'elle pour attraper Alice, excitée et babillant comme une folle à sa vue. En la lovant contre lui, il interrogea sa génitrice.

- Qu'est-ce qu'il se passe? Où est papa? Il a eu un accident?

La bouche de sa mère se tordit et elle évita son regard, muette. Martin fronça les sourcils et s'apprêtait à insister quand la porte au fond s'ouvrit et un homme en uniforme bleu en sortit.

- Monsieur Nguyen? Martin Nguyen?

- C'est bien moi, oui. 

Martin serra Alice contre lui un peu plus fort et dévisagea le gendarme austère qui le dévisageait gravement.

- Est-ce que je peux savoir enfin ce qu'il se passe ici?

- Bien entendu, Monsieur Nguyen. Je suis l'Adjudant-chef Serini. C'est moi qui suis chargé de l'affaire de votre nièce. Je vais vous demander de me suivre. Vous pouvez laisser les enfants ici, avec leur grand-mère.

Mécaniquement,  à moitié sous le choc, Martin se libéra de l'étreinte des enfants avec quelques mots rassurant qu'ils lui parurent dénués de sens. Il rendit Alice à sa mère, malgré les protestations aiguës de la petite fille, et réinstalla les jumeaux à leurs places. Puis, sans comprendre ce qu'il se passait, il suivit le militaire dans un bureau étroit où, dieu merci, la climatisation puissante venait sécher sur ses bras et dans son dos la sueur d'angoisse qui commençait à l'inonder. 

L'affaire de sa nièce, mais qu'est ce que cela pouvait vouloir dire, bordel?

L'adjudant-chef lui désigna un siège aussi peu confortable que ceux de la salle d'attente et lui indiqua de s'installer. Puis, il alluma un ordinateur et d'un timbre calme, annonça :

- Je peux vous demander une pièce d'identité? C'est simplement pour vérifier. Vous êtes bien le tuteur de Antonin et Leslie Nguyen et de Alice Maureau?

Martin hocha la tête et acquiesça d'un ton que le stress venait heurter.

- O... oui.

Il se racla la gorge et répéta :

- Oui. Et de Soan Nguyen, aussi, mais il n'est pas là.

- Vous avez les documents pour le prouver?

- Oui, bien sûr! s'offusqua-t-il. Tout est en ordre, j'ai la décision du juge des tutelles à la maison. Je dois en avoir une copie sur ma boite mail, même, si vous me donnez quelques minutes. Qu'est-ce que mes parents vous ont raconté? 

- Rien du tout, le rassura l'officier. Il ne s'agit pas d'une question de garde mais je voulais en être certain. Pouvez-vous simplement m'expliquer vos relations avec les enfants? Leurs parents sont décédés, c'est bien ça?  

De plus en plus perdu, Martin résumé rapidement leur situation familiale complexe pendant que son interlocuteur prenait des notes rapides, ses doigts cliquetant sur le clavier. Il brossa rapidement la vie de sa sœur, évoqua son décès et celui de son mari en ravalant une bouffée de tristesse, comme à chaque fois, et termina sur le conflit qui l'opposait à ses parents concernant la tutelle des trois enfants les plus jeunes, essayant  de rester objectif mais sans doute incapable de dissimuler sa rancœur à leur l'égard. Lorsqu'il eut fini, un peu remué par le récit de ce drame qui était sa vie et celle des enfants, il se tut et serra les poings sur ses genoux. Pour le moment, il ne comprenait toujours pas ce qu'il se passait et l'anxiété menaçait de l'étouffer.

- Bien, conclut le gendarme en hochant sa tête aux cheveux blonds presque rasés. Je vois. 

- Moi je ne vois rien, ne put s'empêcher de grincer Martin. Allez-vous enfin m'expliquer ce que je fais ici?

- Vos parents se sont présentés il y a deux heures avec vos neveux. Ils ont demandé à parler à un officier de police judiciaire, ce que je suis, afin de porter des accusations graves. Des accusations d'attouchements sexuels sur la personne de votre nièce, Leslie.

- Mes parent m'accusent de quoi? 

Un bloc glacial tomba sur le ventre de Martin et il se redressa à moitié sur son siège, la voix propulsée vers les aiguës. 

- Ils m'accusent de quoi? Ils ont pété les plombs?

- Ils ne vous accusent pas vous, Monsieur Nguyen, répondit calmement l'officier. Leurs allégations concernent en réalité l'un de vos amis qui aurait gardé les enfants il y a quelques semaines. Monsieur Johan Pelissier. 

Le froid s'étendit dans l'échine de Martin et rayonna le long de ses membres alors que, figé d'incrédulité, il dévisageait l'enquêteur très sérieux qui le regardait.

- C'est... c'est impossible, finit-il par croasser. Jamais Johan ne ferait une chose pareille, putain! Leslie vous a dit qu'il l'a...  qu'il l'a agressé?

- Pour le moment, votre nièce n'a pas été entendue. Déjà parce que, même si ce n'est pas obligatoire d'après la procédure, j'estime normal que son tuteur, c'est à dire vous, soyez informé de la situation avant. Ensuite, parce que j'ai demandé à mon collègue de la gendarmerie de Digne, spécialisé dans les auditions de victimes mineures, de venir parler à votre nièce.  L'adjudant Balias est en route, il ne devrait, pas tarder. Il est formé pour le recueil de la parole des enfants et nous enregistrerons également l'audition, pour votre information. Par ailleurs, je voulais également avoir votre version concernant le contexte dans lequel les faits se seraient déroulés Vous connaissez monsieur Pélissier depuis longtemps?

- Depuis le printemps, répondit Martin sans vouloir croire à ce qui était en train de se passer. Je l'ai embauché pour faire des travaux chez moi. C'est un excellent artisan, très reconnu dans la région. C'est le maire de Forsallier qui me l'a recommandé. La maison était vétuste, les peintures sombres, il fallait refaire la cuisine et... 

Sa voix mourut lamentablement. Le gendarme devait se ficher éperdument de l'état de sa maison avant l'intervention de Johan. Il agrippa son genou gauche qui gigotait convulsivement, serra à s'en briser les phalanges et se força à inspirer. Tout ceci n'était qu'une énorme erreur, une complète méprise et il devait absolument se calmer pour l'expliquer.

- Enfin voilà, il a passé quelques semaines à travailler chez moi et nous nous sommes rapprochés... Il est, euh... assez seul, je crois, mais nous nous entendons très bien. 

- Je vois. Et il a côtoyé les enfants durant les travaux ?

Martin hocha la tête.

- Oui. Ils étaient souvent là aux même horaires que lui. Et il... Il a refait leurs chambres avec eux. Il n'y était pas obligé, ce n'était pas dans le devis, mais il leur a construit des cabanes. Un aménagement vraiment super sympa, original, et les enfants ont adoré l'aider et travailler avec lui. Il est vraiment très gentil avec eux. Mais pas gentil... malsain. Juste sympa et normal !

- Et vous vous êtes revus après ?

L'adjudant regardait Martin avec le sourcil levé et le jeune homme se tortilla sur sa chaise, une transpiration glacée lui coulant le long de l'échine. C'était un cauchemar, putain.

- Oui, nous... nous somme devenus amis. Johan est souvent venu chez nous pour... boire l'apéro ou dîner. Je ne connais pas encore grand monde dans le coin, vous comprenez, et Johan est un mec très gentil. Prévenant. C'est très facile de s'entendre avec lui. 

- Et c'est donc lui qui vous a proposé de garder vos neveux pendant votre déplacement? Ce n'est pas vous qui lui avez demandé? 

Martin fronça les sourcils face au ton inquisiteur du gendarme.

- Et bien oui, mais pas comme vous le sous-entendez! J'avais cette proposition de boulot très intéressante et j'étais coincé. Si personne ne pouvait prendre le relais durant cette semaine, j'allais devoir renoncer au job et Johan savait à quel point la proposition financière était intéressante pour moi. Je ne suis pas pauvre, Adjudant, mais je ne travaille plus depuis le début de l'année et avec ce que j'ai gagné en quelques jours, grâce à l'aide de Johan, j'étais tranquille durant des mois.  C'était très gentil de la part de proposer de venir chez moi s'occuper des enfants alors même qu'il avait du boulot de son côté. 

L'officier pencha la tête sur le côté, l'air grave.

- Monsieur Nguyen, vous comprenez que tout ce que vous me dites va dans le sens des accusations proférées par vos parents ? Si on examine les faits avec objectivité, Monsieur Pelissier s'est rapproché de vous, a noué des liens avec les enfants, puis s'est arrangé pour rester seul avec eux. Ne pensez-vous pas qu'il pourrait s'agir d'un processus délibéré? C'est assez courant chez les prédateurs sexuels de créer des liens avec leurs victimes, ou les familles de ces dernières, avant de passer à l'acte. Et la plupart des agressions sur enfants sont commises par des proches, parents ou amis de la famille, très bien intégrés dans le cercle familial. Vous me dites vous même que Monsieur Pelissier est quelqu'un d'assez solitaire et pourtant, il s'est très rapidement attaché à vous et vos nerveux. Je comprends que ce soit difficile à envisager mais vous devez songer à l'hypothèse que Johan Pelissier soit devenu ami avec vous pour accéder à Leslie. Vous comprenez bien que ce n'est pas habituel qu'un entrepreneur indépendant, apparemment surchargé de commandes, aille jusqu'à se libérer une semaine entière pour garder les enfants en bas âge d'une connaissance de fraîche date, n'est-ce pas? Il avait une idée derrière la tête.

L'officier avait l'air de s'être forgé son opinion et Martin sentit la panique monter en lui de plus belle. Son souffle s'accéléra et il serra et desserra les poings sur ses cuisses en une rapide succession. Chaque fait, pris individuellement, était vrai mais l'interprétation qu'en faisait l'enquêteur était totalement erronée, il en était persuadé. L'espace d'une seconde toutefois, sa conviction vacilla, sous le regard grave qui tentait de lire à travers lui et malgré son écoeurement, il s'obligea à se questionner. Et s'il s'était entièrement trompé ? Et si Leslie avait réellement révélé à ses grands parents des actes atroces qu'elle aurait subies sous sa supervision et à cause de l'homme que lui-même avait ramené au cœur de leur foyer?

Mais non, même s'il s'efforçait d'être objectif, de prendre de la hauteur sur son attachement pour son amant, il ne parvenait pas y croire. Déjà, parce qu'il connaissait sa nièce mieux que personne. Imaginer Leslie, sa Leslie sauvage et indépendante, mutique et méfiante, aller se confier auprès de gens auxquels aucun lien d'affection ou de confiance ne l'attachaient était risible. Antonin l'aurait pu, lui, poussé par cet élan doux qui l'encourageait à la confiance et à chercher l'amour de son entourage mais elle? Leslie? Il n'y croyait pas. Et surtout, elle n'avait encore rien dit. Pour le moment, seul son père avait délivré sa vérité. Un homme indigne de confiance, qui le haïssait, qui haïssait sa vie et ne rêvait que de gagner la garde des enfants que le juge lui avait refusée.

Martin connaissait la vérité et à moins que la réalité, dont seule Leslie était désormais détentrice, ne vienne le gifler, il ferait confiance à son instinct et son amour tout neuf.

Johan était solitaire, oui, car coincé dans son placard étroit et s'il s'étaient rapprochés rapidement, c'était parce qu'ils étaient en couple, bordel. La gentillesse de Johan vis à vis des enfants, son implication dans sa vie et son organisation familiale avaient tout à voir avec eux deux, avec lui, et aucun rapport avec la manipulation sordide d'un pédophile en quête de proie.

Mais évidemment, l'enquêteur n'en avait aucune idée et ne voyait qu'un célibataire endurci, un électron libre dans une société de couples et de familles, un homme aisé à soupçonner.

Martin se décida en un instant. Il y avait une faille, une faille énorme dans la théorie de son interlocuteur et même s'il trahissait la confiance de Johan, même s'il balançait son plus ancien secret, il ne pouvait se taire. Pas si garder le silence revenait à accréditer l'idée que son amant si doux, si gentil et si attentionné, ait été coupable d'un acte aussi atroce. Il déglutit douloureusement, planta son regard dans celui du gendarme et dit avec conviction :

- Ce n'est peut-être pas quelque chose qu'on fait pour un ami, adjudant, mais c'est le genre de services qu'on rend son compagnon. Si Johan Pélissier était si souvent à la maison, ce n'était pas pour se rapprocher des enfants ou autre projet dégueulasse. Et s'il a gardé mes neveux, ce n'est pas juste parce qu'il est gentil avec une connaissance, comme vous dîtes. Tout ça, c'est parce que nous sommes un couple, nous sortons ensemble depuis des semaines. C'est mon petit-ami, il n'est pas attiré par les enfants et je sais, je suis convaincu, que ce qu'a dit mon père est faux. Johan est innocent.



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top