Chapitre 10

Les conseils de Johan résonnèrent longtemps dans la tête de Martin, bien après que l'entrepreneur ait remballé son matériel, salué Martin et les enfants et vidé les lieux pour la nuit. Le jeune homme y pensa en mettant la table et servant la soupe industrielle, mais bio, qu'il avait réchauffé. Il y songea en étalant le beurre sur les tartines d'Antonin, en essuyant la table, en rangeant la cuisine et en pliant le linge. Il y réfléchissait en changeant Alice pour la nuit et en supervisant la toilette des jumeaux. Et il ressassait encore lorsqu'il envoya tout le monde dans sa chambre, ordonnant à Soan d'abandonner son téléphone au bénéfice de ses devoirs mais sans grand espoir d'être obéi.

Alors qu'il berçait doucement Alice au dessus de son lit, lui chantonnant les paroles sans queues ni tête qui avaient le don de l'apaiser, il admit enfin que oui, Johan avait touché un point essentiel à ses difficultés et identifié, peut-être, une piste crédible d'amélioration de son quotidien. Même si son nouvel ami n'avait pas d'enfants, il était intelligent et attentif, en plus d'être très attirant, et avait mis le doigt sur une part importante du problème. A force de tout porter, à force de viser le titre de parent parfait, le jeune homme était en train de s'épuiser. L'éducation d'enfants, surtout dans un contexte aussi douloureux que le leur, était un marathon, pas un sprint et il ne devait pas l'oublier.

Martin déposa un bébé somnolent aux cils papillonnants dans son lit à barreau et quitta la pièce à pas de loup, laissant la porte entrebâillée au cas où la petite fille viendrait à se réveiller. Il entrouvrit délicatement la porte de la chambre des jumeaux pour vérifier s'ils s'étaient couchés et dans la semi-pénombre de la veilleuse, aperçut deux paires d'yeux noirs et étincelants qui le scrutaient. Martin savait bien que les adelphes murmuraient bien après l'extinction des feux mais il était tard et l'heure de se reposer. Il sourit aux deux bambins et s'approcha des lits d'où ils l'observaient. Leslie et Antonin avaient rapproché leurs sommiers, de manière à pouvoir glisser d'un matelas à l'autre et se lover ensemble durant la nuit. Il se demanda si cette organisation perdurerait une fois que la chambre serait rénovée et leurs espaces réciproques bien marqués par le code couleur qu'ils avaient imaginé ensemble. Non pas que cela le dérange le moins du monde. La complicité que partageaient les deux enfants était leur force et dans la mesure où lui était royalement en train de se planter, il trouvait réconfortant l'idée qu'ils soient présents l'un pour l'autre. Il se pencha au chevet d'Antonin et chuchota, mi tendre, mi grondeur:

- Ben alors mes chéris. Vous ne dormez pas encore?

Le petit garçon laissa échapper un bâillement importun qui le fit sourire intérieurement.

- On n'a paaaaas sommeil.

- Je vois ça, commenta Martin, pince sans rire. Essayez quand même de dormir, il y a école demain.

- D'abord je veux un câlin!

Le petit garçon lui tendit les bras et le cœur de Martin fondit, se remplissant d'amour pour l'enfant maigrichon, sensible et si avide d'attention. Martin posa une fesse précaire sur le bord du sommier et l'enlaça. Il le serra contre sa poitrine, enfonçant son nez dans les cheveux fins et sombres si semblables aux siens et respira l'odeur de dentifrice et de sueur juvénile.

- Dors bien mon poussin, fais de beaux rêves.

Il lui embrassa le front, le borda soigneusement, sans se soucier du fait qu'Antonin allait repousser la couette dans les cinq minutes et s'endormir dans un nid de draps emmêlés, et reporta son attention sur Leslie. Elle l'observait de ses yeux perçants, silencieuse et attentive. Martin pencha la tête sur le côté et lui proposa dans un murmure:

- Tu as envie d'un câlin, toi aussi?

La fillette réfléchit clairement à la question et il retint un sourire. Même si elle était plus difficile à élever que son frère, le caractère circonspect et parfois abrupt de sa nièce ne cessait de l'émerveiller. Elle était forte, si forte sous ses vingt-cinq kilos tous mouillés. Elle finit hocher la tête avec dignité, sourcils toujours froncés, et il se décala vers elle pour l'entourer de ses bras. Une nouvelle vague d'émotion le submergea lorsqu'elle se détendit contre lui, lui manifestant avec sa chair la confiance qu'elle n'exprimait pas avec ses mots. La situation était certes difficile, et sans perspectives d'amélioration immédiate, mais en relâchant le corps frêle et confiant, posant un baiser doux sur la joue satinée qu'elle lui tendait, il se jura qu'il ne la décevrait pas. Il donnerait une vie heureuses à ses neveux orphelins, quoi qu'il lui en coute, et prouverait au juge des tutelles qu'il était la meilleure des options possible pour eux.

C'est remonté à bloc que Martin s'installa sur le canapé, une tisane de verveine à la main et son ordinateur sur les genoux. Johan lui avait donné quelques pistes et suggestions, mais il avait besoin de concret, et allait s'y employer. Et pour cela, il avait besoin d'inspirations, de conseils et d'avis éclairés.

Si on lui avait dit quelques mois plus tôt que son salut viendrait de Mamounette75, Lacrisedenerf200 et Papatoutpaumé du forum éducation sur Doctissimo, Martin se serait pissé sur lui de rire. Pourtant, lorsqu'il abandonna son écran après de heures de lectures et d'échanges avec des parents tout aussi en galère que lui, mais plein d'idées et de suggestions, c'est avec l'espoir au cœur et l'ébauche d'un plan d'action qu'il alla se coucher.

Le lendemain, une fois passée la course des préparatifs du lever et les enfants en sécurité dans leurs écoles respectives, Martin changea un peu sa routine de courses pour s'aventurer quelques kilomètres plus loin. Alice dans la poussette, il écuma les rayons d'Office Dépôt, Conforama et toutes les papeteries qu'il croisa. Il en revint les bras chargés d'éphémérides, organiseurs et autres calendriers et c'est sous les yeux curieux et amusés d'Alice qu'il entreprit de les compléter, à grand renfort de gommettes brillantes et feutres colorés. Il ne se faisait pas d'illusion. Toute cette belle idée n'était qu'un outil, pas une baguette magique résolvant tous ses soucis, mais au fur et à mesure que se dessinait l'ébauche de la nouvelle organisation familiale qu'il concevait, et qu'il aimantait les plannings et almanachs sur le frigo, la sensation grisante de reprendre sa vie en main vint le conforter. C'était seulement un premier pas, mais un pas qui comptait.

Cela ne l'empêcha pas de se sentir nerveux lorsqu'il convoqua ses neveux dans la cuisine avant le diner pour leur présenter le fruit de son travail. Martin n'avait rien de naïf et les nouvelles règles n'allaient clairement pas le rendre populaire au sein de la marmaille qu'il devait élever. Mais tant pis, il se sentait prêt à assumer. Patience et empathie étaient toujours d'actualité mais il allait y ajouter une couche de cadre et de fermeté et tant pis si, au passage, il devait se faire un peu détester, en particulier par Soan. L'adolescent pénétra dans la cuisine en traînant des pieds, les yeux rivés à son téléphone. Il fut suivi de Leslie et Antonin, curieux ou empressés et Martin s'assit à la table ronde, l'air sérieux.

- Soan, tu peux poser ton téléphone, s'il te plait? J'ai besoin de vous parler.

L'interpellé roula des yeux avec emphase mais posa l'appareil sur la table et Martin prit une grande inspiration, la nervosité bourdonnant dans ses tympans. C'était le moment de se lancer.

- Bon, les enfants. Nous devons discuter.

Soan grommela dans sa barbe mais les jumeaux avaient l'air intéressés. Alice mâchonnait un bout de pain que Martin lui avait donné pour l'occuper et semblait saisir l'importance du moment car elle les regardait alternativement de ses grands yeux limpides, fascinée. Martin se racla la gorge et reprit, le ton solennel:

- J'ai pas mal réfléchi à l'organisation de la maison ces derniers jours. Je sais que le déménagement est encore tout frais, et que nous prenons tous nos marques, mais je pense que nous devons changer certaines choses et revoir certaines règles de vie.

Il déglutit, l'aveu suivant pas évident pour lui, mais admit avec humilité:

- Gérer la maison, m'occuper d'Alice et de vous trois, ce n'est pas facile pour moi. Je fais de mon mieux et je vous jure que jamais je ne trouverais ça difficile au point de vous laisser tomber, mais j'ai besoin d'aide. J'ai besoin que nous mettions tous la main à la pâte et que les choses changent.

Soan fronça les sourcils et riva ses iris noirs dans ceux de son oncle avec toute la morgue et le mépris dont était capable un garçon de quatorze ans que la vie avait égratigné.

- C'est quoi ce bordel, grogna-t-il. Genre, tu es débordé par un bébé?

- Attention à ton vocabulaire, s'il te plait. Par seulement un bébé : deux enfants, un adolescent qui fait n'importe quoi, un déménagement et des travaux. Ne fais pas l'idiot, Soan. Tu es suffisamment grand pour comprendre à quel point gérer une maison comme la notre est difficile.

- Maman y arrivait très bien, elle.

Le commentaire jaillit durement mais Martin l'avait anticipé et il laissa la pointe de douleur qu'il provoquait se dissoudre au fond de son cœur.

- Votre maman était une femme formidable et une mère géniale. Elle me manque beaucoup et je sais que c'est le cas pour vous tous. Je ne veux pas que vous l'oubliez, jamais, et je ne serais jamais aussi géniale qu'elle, j'en suis conscient. Mais je fais de mon mieux, pour vous. Parce que vous êtes mes neveux, que nous sommes une famille, et que je vous aime. Je sais que c'est dur pour vous, mes chéris, mais nous devons trouver une manière de vivre le mieux possible, tous les cinq. Une manière qui sera différente de votre vie d'avant mais à laquelle vous vous habituerez.

Soan baissa la tête, Antonin avait les yeux humides et Leslie s'était renfrognée à l'évocation de leur mère décédée. Martin se nota que maintenant que l'installation était en bonne voie, il devait absolument leur dégoter une consultation de soutien psychologique, pour les aider dans leur deuil. Mais ce n'était pas le sujet du jour, au contraire de leur vie quotidienne, et il se leva pour s'approcher des documents cartonnés qui parsemaient la porte du réfrigérateur et une bonne partie du mur. Il désigna de la main une grande feuille sur laquelle les noms des trois enfants avaient été notés, suivis d'une liste personnalisée pour chacun d'entre eux.

- J'ai décidé de nouvelles règles, à partir de maintenant. Elles sont affichées ici, avec notre nouveau planning journalier. Certaines règles concernent votre participation aux tâches ménagères, d'autres votre comportement. Je commence par vous, Antonin et Leslie.

Il pointa du doigt les nouvelles consignes, chaque horaire illustré d'une gommette amusante. Leslie et Antonin savaient lire mais Martin avait trouvé qu'elles apportaient un petit côté joyeux et ludique à cette énumération de corvées.

- Voilà votre nouvel agenda quotidien. Au retour de l'école, vous aurez votre goûter et ensuite, vous irez directement faire les devoirs. Je me réserve du temps exprès pour les regarder avec vous et c'est seulement lorsque vous aurez tout terminé que vous pourrez aller regarder la télé. Trente minutes maximum. Les lundis, mercredis et vendredis, vous irez à la douche à dix-neuf heures, sachant que j'essaierai de prévoir le diner à dix-neuf heures trente. Tous les dimanches, bain avec lavage de cheveux obligatoire. Les samedis et dimanches matin, et le samedis fin d'après-midi, si on n'a rien de prévu tous ensembles, vous aurez aussi droit à regarder un dessin animé. Inutile de réclamer en dehors de ces créneaux, ce sera non à tous les coups. Les devoirs du week-end sont à faire le samedi fin de matinée et dimanche fin de matinée. Sauf si on sort, bien sûr, auquel cas on s'adaptera.

Jusque-là, son auditoire juvénile ne protestait pas, peut-être sous le choc, et Martin prit une grande inspiration. Concernant les jumeaux, le plus dur allait commencer.

- Voilà vos nouvelles missions de grands, mes chéris. Leslie et Antonin, vous êtes responsables chaque soir de préparer vos habits pour le lendemain et les poser sur vos commodes. Comme ça, vous pourrez vous préparer plus facilement le matin. Je viendrais vous aider à les choisir si vous me le demandez, vous indiquer la météo, tout ça, mais c'est votre travail à vous. Vous devrez aussi mettre la table et débarrasser à chaque repas, midi ou soir. Faire la cuisine sera mon travail, et je vous promets que je vais m'améliorer, mais la table, ce sera vous. Les premières fois, je vous montrerais comment faire et où sont les choses mais après, vous le ferez tout seul. Lorsque la cuisine sera terminée, on l'organisera ensemble, pour vérifier que tout est accessible pour vous, d'accord? Vous échangerez votre tour toutes les semaines, sauf si vous préférez faire toujours la même chose ou le faire toujours à deux, à vous de voir. Vous avez des questions là-dessus?

Leslie avait l'air dubitative mais Antonin hocha la tête avec enthousiasme et Martin leur sourit afin de terminer:

- Votre chambre devra aussi être rangée chaque week-end pour que je puisse y passer l'aspirateur. Vous déciderez de quel moment, samedi ou dimanche, mais si ce n'est pas fait...

Il désigna le premier organiseur d'un doigt qu'il tâcha de rendre sévère:

- ...pas de télé.

Le silence plana sur la cuisine à cette annonce polémique mais personne ne protesta. Leslie fronçait ses sourcils mais ne paraissait pas complètement opposée à cette organisation militaire que son oncle lui présentait. Martin se souvint que sa sœur avait déjà souligné son caractère organisé, presque rigide, alors peut-être qu'elle se retrouvait rassuré des instructions claires qu'il leur communiquait. Quand à Antonin, toujours content de faire plaisir, il souriait à son oncle et paraissait avoir hâte de débuter. Avachi sur sa chaise, Soan bouillait en silence, en revanche, et Martin se prépara à la fureur qu'il n'allait pas tarder à provoquer. Il balaya la cuisine des yeux et ajouta d'un ton plus léger.

- Et enfin, nouvelle règle qui vaut pour tout le monde, j'ai acheté un panier à linge pour chacun de vous. Je ne laverai plus que les habits qui y seront placés. J'en ai terminé de faire de la spéléologie dans vos chambres pour récupérer vos caleçons et culottes sales, bande de monstres de bazar.

Martin avait espéré que ce petit trait d'humour allègerait l'ambiance et reçut un succès mitigé. Antonin, bon public, gloussa et Leslie détendit un peu ses traits sévères. Mais bien sûr, Soan souffla bruyamment à la tentative de plaisanterie et se renfrogna encore un peu, fusillant l'assemblée du regard. Martin déglutit et planta ses yeux dans les siens. C'était parti.

- Soan, à ton tour. Tu es le plus grand donc tu as des responsabilités différentes. Première règle, je veux savoir lorsque tu pars de la maison. Tu as bien sûr le droit d'aller en ville ou voir tes amis, du moment que c'est le week-end et que tu es à jour dans ton travail scolaire, mais je veux le savoir. Ainsi que où tu es et à quelle heure tu comptes rentrer. Et ça, ce n'est pas négociable. Deuxième règle, et je sais bien que ça ne va pas te faire plaisir, à partir d'aujourd'hui lorsque tu rentreras de l'école, tu mettras ton téléphone dans ce panier.

Il lui désigna la corbeille qu'il avait acheté à cet effet et posé sur le comptoir de la cuisine et attendit l'explosion. L'adolescent bondit de son siège tel un ressort plein de hargne et commença à protester. Mais malgré son cœur qui s'emballait, Martin refusa de lui laisser la parole. Il répéta plus fort, couvrant les plaintes tempétueuses:

- Tu mettras ton téléphone dans la corbeille jusqu'à l'heure d'après-diner. Soan, SOAN JE TE PARLE!

Les enfants eurent un hoquet choqué sous l'autorité de sa voix et le concerné en resta stupéfait, dévisageant son oncle courroucé.

- Je t'explique comment les choses vont se passer, Soan! Je te demande de m'écouter!

Le jeune homme se rassit, un air d'incrédulité s'étalant sur son visage furieux et Martin reprit, le timbre altéré mais ferme.

- Ton téléphone restera dans le panier jusqu'à ce que tu ais terminé tes devoirs. Et je vais vérifier, Soan, je te préviens. Je ne veux plus voir de mots à ce sujet dans ton carnet. Quand tu iras te coucher, tu pourras le reprendre jusqu'à vingt-deux heures trente, mais après, extinction des feux et tu l'éteins ou le passe en mode avion. Et une fois de plus, ce n'est pas négociable. Et je te préviens, je peux tout à fait couper le wifi ou même arrêter ton forfait si tu me désobéis. Par contre, je suis ouvert à ce que nous t'installions la télé que tu as demandé avec tes consoles dans ta chambre, dès que tu m'auras prouvé que tu es capable de gérer ton travail scolaire. La balle est donc dans ton camps à ce sujet.

L'adolescent bouillait visiblement et si les regards pouvaient tuer, Martin serait six pieds sous terre. Mais il poursuivit, bien campé sur ses appuis.

- Au niveau de tes missions, tu devras ranger et nettoyer la cuisine après chaque repas.

- Tout seul? protesta l'adolescent, hors de lui. C'est dégueulasse! Antonin et Leslie sont deux pour mettre la table et débarrasser !

- Oui et ils ont la moitié de ton âge, un couvre-feu deux heures plus tôt, et aucun téléphone ou console, le coupa Martin sans indulgence. Tu devras aussi nettoyer ta chambre une fois par semaine, y passer l'aspirateur et nettoyer la salle de bain de l'étage, qui est celle que vous utilisez.

- Bordel, pas question! hurla Soan. Je ne suis pas ta putain de bonniche!

- Et je ne suis pas la bonniche non plus! Nous vivons à cinq dans cette maison, nous devons l'entretenir à cinq.

- Et si je refuse? hulula le gamin.

Martin le dévisagea, espérant que sa détermination était clairement visible dans la ligne serrée de ses lèvres et son regard décidé :

- Alors tu seras puni, je te l'ai dis. Plus de téléphone, plus d'internet, plus de consoles, plus de sortie. Je suis en train de chercher un compromis, Soan. Un compromis où je serais d'accord pour t'aménager un espace sympa où tu te sentiras chez toi et où tu seras content d'inviter tes potes. Un compromis où tu auras ton propre argent de poche, le droit d'aller au ciné, te balader et de vivre ta vie. Mais ce compromis ne marchera que s'il fonctionne dans les deux sens. Alors mon chéri, il est temps de choisir qu'elle sera notre vie et de quelle manière tu veux en faire partie.







Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top