Prologue
« ALERTE ! Instabilité du sujet M002, réveille du sujet M003 ! Veuillez évacuer les lieux.
ALERTE ! Instabilité du sujet M002, réveille du sujet M003 ! Veuillez évacuer les lieux. »
Lucian Reyes se réveilla. Les alarmes du centre résonnaient dans les oreilles du chercheur, trop fortement pour son esprit embrumé. Un violent mal de crâne le fit vaciller alors qu'il se releva. Son corps lui sembla lourd et courbaturé. Lucian posa une main à l'arrière de sa tête, où pulsait la douleur. Sans surprise, une tâche écarlate recouvrit celle-ci. Il ignorait le temps passé sans conscience mais en connaissait désormais la cause. Le chercheur jura en palpant la blessure. Heureusement, elle ne paraissait ni grave, ni profonde. Lucian inspecta les alentours, comprimant la plaie le temps qu'elle arrête de saigner. Tout comme lui, quelques membres des troupes d'interventions du centre s'éveillèrent avec un mal de crâne. Hélas, la totalité d'entre elles n'étaient pas présentes et aucune trace n'attestait de la mort ou de la survie des disparus.
Une fois remis, Lucian Reyes pressa les soldats de poursuivre l'objectif interrompu par la brutalité du séisme qui les avait surpris. Il ne se soucia pas de savoir s'ils étaient ou non en état de le faire. Il guida la petite escouade au sein du centre de recherche. Personne ne prêta attention aux débris qui polluaient la vision et parsemaient les couloirs.
La majorité des travailleurs venaient de périrent, laissant les survivants complètement paniqués et traumatisés. Une grande partie du matériel d'investigation se retrouvait complètement détruite. Le travail des rudes années d'expérimentations précédentes était parti en poussière. Le reste des installations ne donnaient pas fière allure. Même les épais murs, pourtant renforcés, étaient striés de fissures et paraissaient pouvoir s'effondrer à n'importe quel moment. Le centre de recherche renvoyait l'impression de ne pas avoir été entretenu et d'avoir été laissé à l'abandon depuis plusieurs années.
La petite troupe, menée par Lucian Reyes, ne trouva bientôt plus que des dépouilles, des tas de cendres ou des restes éparpillés un peu partout au sein du bâtiment. Il s'avéra que seul le tiers des forces militaires déployées demeuraient encore en vie. Outre le petit détachement, le reste des soldats s'occupaient de l'évacuation des employés.
La chétive unité, chargée d'appréhender la menace, continuait d'avancer, peu sûre, dans cette désolation qu'était devenue leur lieu de travail. Elle était abasourdie par le si court laps de temps qu'il avait fallu pour le rendre ainsi. Le moral, au début déterminé, diminuait à mesure qu'elle avançait et qu'elle observait l'absence de vie ayant trop soudainement envahie l'endroit. Une tension pesante s'installa. Les alarmes qui continuaient de brailler vrillaient les tympans et ne firent qu'augmenter la nervosité de l'escouade. Chaque ombre, chaque bruit devenaient une potentielle menace. Lorsque les militaires atteignirent finalement la source du danger, ils ne crurent pas ce qu'ils virent et demandèrent confirmation au directeur des lieux. Lucian Reyes approuva, désignant la silhouette devant eux comme leur cible. Celle responsable de la destruction du centre de recherche. Les soldats armèrent leur fusil d'assaut. Ils en pointèrent le canon dans la direction de la silhouette et attendirent de nouveaux ordres, les mains tremblantes.
A genoux face à la petite escouade, aux milieux des décombres, se tenait une jeune fille. Ses sanglots résonnaient dans la pièce délabrée et faisaient écho aux alarmes du centre. Elle serrait contre sa poitrine un frêle corps inerte, ses longs cheveux noirs parsemés de mèches blanches cachant son visage. Lorsque la troupe s'approcha, elle releva la tête. Des grosses vagues inarrêtables roulaient sur ses joues et s'écrasaient sur le corps endormi. Ses yeux brillaient d'un éclat doré irréel. Ils se mirent à dévisager sévèrement le directeur des lieux. Menteur. Meurtrier, lâcha une voix intérieure qu'une unique personne entendit. L'hostilité que l'on pouvait lire dans son regard emplit d'effroi la petite unité. Soudainement, les murs autour d'eux se mirent à trembler, tout comme le sol. Des nuages de poussière se soulevèrent. Une nouvelle secousse résonna, mettant en péril les lieux. Ils sont tous coupables. Tue-les, commanda la même voix intrinsèque avec autorité. La rage et la douleur qu'éprouvait la jeune fille étaient si intenses que son cœur tambourinait violemment dans sa poitrine et semblait menacer d'exploser à tout moment. Une touffe de sa tignasse sombre prit subitement la couleur de la neige.
Les membres de l'escouade se sentirent blêmir. Ils connaissaient tous la dangerosité des capacités que possédaient la jeune fille et ce brusque changement capillaire était la preuve qu'elle en perdait le contrôle. Alors que les soldats parvinrent tout juste à conserver leur équilibre, ils demandèrent des instructions au directeur des lieux. Ils étaient terrifiés des conséquences que la moindre attaque ou le moindre geste abrupt envers cette jeune fille auraient. Si certains songèrent à s'enfuir ou à prétendre être mort, les autres étaient complètement paralysés. A de nombreuses reprises, ils avaient vu la jeune fille au détour d'un couloir. Ils avaient entendu nombre de rumeurs à son sujet. Aujourd'hui, ils pouvaient tous l'affirmer : Lacie Wilker était un monstre inarrêtable comme ils n'en avaient jamais vu. Puisqu'elle avait décidé de détruire le bâtiment et d'en anéantir toute vie alors il en saurait assurément ainsi. Il ne servait à rien de tenter de la raisonner et nul ne pouvait l'arrêter. C'était les pensées qui harcelaient les militaires et les clouaient au sol. Pourtant Lucian Reyes donnait l'impression qu'un espoir subsistait encore, même si lui seul affirmait son optimisme. Il connaissait la jeune fille et il était certain de pouvoir s'expliquer avec elle, voire même de l'admonester sans qu'il n'y ait de représailles.
- Calme-toi Lacie ! Ordonna le directeur des lieux à la jeune fille en s'approchant d'elle.
- Tu es un menteur Lucian, rétorqua celle-ci.
Sa voix remplie de colère et de chagrin était dépourvue d'agressivité. L'homme qui se trouvait face à elle, était celui qui l'avait élevé. Il était l'une des rares personnes ayant fait preuve d'attention et de gentillesse à son égard. Et ce, d'aussi loin qu'elle se souvenait. Elle avait toujours possédée une confiance, presque aveugle en lui. Elle avait toujours fait ce qu'il lui demandait de faire, sans jamais contester. Il était ce qu'elle possédait se rapprochant le plus d'un père et elle l'aimait profondément. Toutefois, elle était sur le point de perdre la seule chose qui était là bien avant lui. Celle qui comptait tellement plus que lui, bien plus que tout ce qu'elle avait pu déceler en ce monde. Et elle savait que c'était de la faute du chercheur si sa sœur se trouvait dans cet état.
- Non, je te le jure Lacie, tenta Lucian. J'ai fait ce que j'ai pu !
- Ne me mens pas ! Je sais que c'est faux ! Je peux le voir, pleura la jeune fille. Dis-moi juste pourquoi. Pourquoi as-tu fait cela Lucian ? Au nom de quelle noble cause as-tu préféré sacrifier la vie d'Alice ?
L'homme ne sut quoi répondre. Il ne pouvait pas mentir à ses yeux, ni même tenter de détourner la vérité. Cependant il craignait les conséquences d'avouer son crime et de reconnaître sa trahison envers la promesse faîte à la jeune fille.
- Réponds-moi bordel ! Cria celle-ci avant que sa voix ne se perde dans ses pleurs. Réponds-moi...
Non. Ne l'écoute pas. C'est inutile, intervint soudainement la voix autoritaire éthérée. Ces paroles ne sont que mensonges. Elles l'ont toujours été. Tue-le ! Avant qu'il ne cherche à te berner. D'autres des longues mèches noires de la jeune fille changèrent pour prendre une teinte blanche. Elle ne voulait pas écouter cette voix qui hurlait dans sa tête car Lacie savait combien elle haïssait Lucian Reyes. Elle-même le détestait actuellement mais il restait l'une des personnes qu'elle estimait le plus. Il était celui qui lui avait appris à lire, à écrire. Celui qui lui avait enseigné qu'elle n'était pas un monstre, même si elle ne lui donnait pas raison à l'heure actuelle. Il avait toujours eu l'air de tenir à elle ainsi qu'à sa sœur, comme un véritable père.
- Lacie ! Appela quelqu'un.
André Malek sortit de l'obscurité d'une pièce adjacente, le souffle court. Il s'appuya comme il put sur les murs tremblants afin de s'approcher du petit groupe. Le séisme se calma à l'arrivée de l'homme, permettant aux militaires de braquer leurs armes sur le pauvre bougre qui leva les mains en l'air. Reconnaissant le scientifique qu'ils avaient déjà croisé au sein du centre de recherche, les soldats revinrent rapidement sur la principale menace. Précautionneusement et sans se soucier de l'approbation du directeur des lieux ou même de celle des militaires, André se rapprocha de la jeune fille. Il posa ses mains tremblantes contre les joues de cette dernière, sans qu'elle ne proteste. Elle le connaissait tout aussi bien que Lucian Reyes et l'estimait tout autant si ce n'était plus que le chercheur. André Malek exprima un sourire empli de tristesse, les larmes aux yeux qu'il plongea dans ceux luisant de la jeune fille. Le pauvre homme ne parvenait pas retenir ses émotions. Il se sentait coupable, honteux et complètement affligé par la situation qu'il avait tenté d'empêcher. Il avait prévenu Lucian Reyes, il avait contesté ses expérimentations mais il aurait dû l'arrêter. Lui qui avait vu les deux jeunes filles naître et grandirent. Lui qui les avait tant de fois considérés comme ses propres enfants. Au lieu de désapprouver verbalement les agissements de son ami, il aurait dû l'empêcher de continuer les expériences. S'il pouvait aujourd'hui rattraper les choix immoraux de Lucian Reyes alors il le ferait, quoi qu'il en coûte. Il priait simplement pour qu'il ne soit pas trop tard et que la jeune fille lui pardonne.
- Lacie, calme-toi et écoute-moi. Nous pouvons encore la sauver, annonça André Malek à la jeune fille. Nous pouvons encore sauver Alice.
Les sanglots de la jeune fille s'arrêtèrent immédiatement en entendant cela. Les alarmes du centre cessèrent à l'instant où Lacie se calma. Ses iris perdirent leur lueur dorée et redevinrent bleutés. Les longues mèches devenues blanches reprirent leur initiale couleur de jais tandis qu'elle baissa son regard sur le corps inerte qu'elle tenait tendrement dans ses bras. Aucun signe de vie ne s'en dégageait. Seule une faible braise persistait encore. Pourtant, Lacie voulait croire que ce n'était pas un subterfuge et qu'il demeurait un moyen de l'embraser afin qu'elle redevienne flamme. Elle hocha la tête comme unique réponse. Si une telle chose était encore possible alors elle voulait la tenter. Elle voulait sauver sa sœur. Essuyant ses joues humides d'un revers de la main. La jeune fille se redressa tout en portant dans ses bras le corps inanimé de la personne qu'elle chérissait. Elle foudroya du regard les militaires ainsi que le directeur des lieux, les intimant de pas tenter quoi que ce soit. Elle accentua ses propos en manifestant un léger éclat doré dans son regard. André Malek aida Lacie avant de lui indiquer de le suivre, il choisit même de l'escorter. Il ne manqua pas de dévisager son ami au passage. Une nouvelle discussion pimentée entre les deux hommes s'avérait inévitable, une fois la situation réglée.
Aux aguets, les soldats interrogèrent le directeur des lieux sur la marche à suivre. Lucian Reyes leur indiqua de laisser faire son collègue, étant lui-même curieux de ce qu'il prévoyait. Il ordonna aux militaires de rester en retrait sans baisser leur garde. La petite troupe emboîta le pas d'André Malek.
Le groupe se rendit dans une pièce voisine. Le scientifique indiqua à la jeune fille de déposer le corps de sa sœur dans une machine cylindrique. Curieusement l'intégralité de la pièce ne s'avéra pas affectée par les secousses qui avaient ébranlés le bâtiment. Suspicieuse, Lacie interrogea le scientifique du regard, ne sachant l'utilité de cet appareil pour la santé de sa sœur.
- Cela fait plusieurs années que nous travaillons sur ce projet. On s'est dit que puisque la Maana avait la fâcheuse tendance de tuer son hôte alors il suffisait de la dissocier des cellules qu'elle infecte pour que celui-ci se porte mieux, expliqua André à la jeune fille, tout en bidouillant l'écran lié au dispositif. Cette machine est censée pouvoir réaliser cela.
- « Censée » ? L'avez-vous testé ? S'informa Lacie.
- Uniquement sur des sujets tests. La plupart étaient mourants car ils ne disposaient pas d'une affinité suffisante avec la Maana. Cela ne fut un succès que dans soixante-six virgule soixante-sept pourcent des cas et aucun des organismes tests n'avaient dépassé les cinquante pourcents de synchronisation. C'est pourquoi, nous ignorons les conséquences que cela pourrait avoir sur un organisme possédant une communion étroite avec la Maana comme c'est le cas pour toi et ta sœur. Mais, si cela peut te rassurer, contrairement à toi, Alice n'a pas atteint les cents pourcent de synchronisation alors cela doit encore être possible de la séparer définitivement de la Maana.
- « Cela doit » ? Tu n'es sûr de rien. Cela pourrait tout aussi bien aggraver son état et...
- Doucement, calme-toi Lacie. Je comprends que tu aies peur mais c'est la meilleure option que j'ai à te proposer pour tenter de la sauver.
- Je pourrais faire mieux.
- Certes mais tu userais de Maana. Es-tu certaine que cela n'aura pas de conséquences néfastes sur le corps de ta sœur ?
La jeune fille secoua négativement la tête. Ses larmes se manifestèrent à nouveau. Elle ne voulait pas compromettre la vie de sa sœur, elle ne souhaitait pas risquer de la perdre et elle ne supporterait jamais d'être la cause de sa mort. Résignée, elle plaça le corps inerte de sa sœur dans la machine avec une extrême douceur. Repoussant la voix dans sa tête qui lui indiquait que cela ne marcherait pas, elle décida de faire confiance à André Malek. Elle choisit de croire en l'espoir qu'il lui offrait. Lacie recula afin de laisser le scientifique fermer le caisson mais elle ne désira pas s'éloigner plus que nécessaire. Lucian profita de l'instant pour s'approcher de son ami.
- A quoi joues-tu André ? Questionna-t-il sans cacher son emportement tout en agrippant le bras de ce dernier.
- Ce que j'aurais dû faire, il y a longtemps Lucian. Ne cherche pas à m'en empêcher, l'avertit le scientifique.
- Comme c'est noble de ta part, se moqua le directeur des lieux, relâchant son emprise. Songes-tu seulement aux impacts que cela aura ? Tu ignores si cela fonctionnera et nous commencions à peine à nous servir de cette machine. Il y a trop d'inconnus pour tenter une chose pareille avec Alice ! Elle est déjà aux portes de la Mort, même si la dissociation marche, les risques qu'elle survive son quasi inexistant.
Têtu et déterminé, André démarra l'automate. Il était confiant malgré un taux de réussite discutable. Une fois éveillée, la Maana cherchait toujours un hôte quelle que soit sa nature mais avait une préférence pour le vivant complexe, c'était pourquoi il était ardu de la dissocier d'un corps humain. Pourtant l'entité avait une faiblesse : elle affectionnait particulièrement Lacie. C'était pour cela qu'André était sûr que la présence de la jeune fille améliorerait drastiquement les chances de succès. La Maana associée aux cellules d'Alice rejoindrait le corps de Lacie une fois dissocié, au lieu de chercher à retourner dans celui de sa sœur. Il espérait que ses hypothèses soient justes.
De son côté, Lucian Reyes décida d'observer le déroulement en silence. Les spéculations de son ami paraissaient plausibles mais elles étaient faussées par un espoir vain. De nombreuses informations manquaient à André Malek pour consolider ses dires et avec lesquelles, il n'envisagerait pas cette solution. Le directeur des lieux se garda d'en parler. Il jugea inutile d'insister à dissuader son ami d'accomplir ses certitudes. Il ne l'écouterait pas de toute façon. Il ne pouvait que supposer des évènements qui suivraient et faire part aux militaires de ses plans.
Le dispositif enclenché, des claquements sonores désagréables ne tardèrent pas à retentir. Le corps à l'intérieur s'agita, d'abord un peu puis de plus en plus violemment jusqu'à hurler. De nouveau paniquée, Lacie se tourna vers André Malek, les lèvres brûlantes d'inquiétude.
- La Maana est dans ses cellules, c'est pourquoi le processus de dissociation est douloureux, éluda le scientifique.
Il souhaitait rassurer la jeune fille cependant cela eut l'effet inverse. Lui-même ne paraissait guère rassuré. Lacie le voyait dans les yeux d'André et dans la souffrance de sa sœur. L'avenir d'Alice s'estompait et disparaissait. Elle ne pouvait pas l'accepter. Son cœur se remit à cogner brutalement contre sa cage thoracique. Elle va mourir. Cette machine va la tuer, déclara soudainement la voix immatérielle. Les yeux de la jeune fille émirent de nouveau un éclat doré irréel, cette fois-ci accompagné de sa poitrine. Elle ne pouvait pas perdre sa sœur. Les alarmes du centre reprirent leur inquiétante chanson tandis que certaines des mèches de la jeune fille redevinrent blanches.
- Arrête ! Ordonna la jeune fille soudainement affolée au scientifique.
- Lacie, calme-toi. Je te promets que cela fonctionnera mais nous ne devons pas interrompre le processus.
- Non ! Cela va juste la tuer. Arrête-le André, je t'en prie, supplia la jeune fille. Arrête cette machine !
Ce dernier hésita. Il pensait ses conjectures justes mais voir Lacie s'alarmer ainsi l'incitait à penser qu'il se trompait. La jeune fille possédait une clairvoyance concernant les possibilités du futur. De plus, l'amour qu'elle portait envers sa sœur additionné à sa peur de la perdre, achevèrent de convaincre le scientifique. Lacie n'agirait pas de la sorte si elle pouvait voir qu'Alice s'en sortirait par ce biais.
Au même moment, Lucian Reyes décida d'intervenir. Il s'arma du petit foulard qu'il gardait attaché autour de son poignet et s'en servit pour brouiller la vue de Lacie. Il profita de cette opportunité pour planter une seringue dans son cou, injectant le contenu directement dans la jugulaire. La jeune fille s'effondra immédiatement au sol. Alors qu'André Malek s'apostrophait de cette soudaine initiative de la part du chercheur, il se fit interrompre par les soldats qui le menottèrent.
- Qu'est-ce que tu fabriques ? Demanda le scientifique à son ami tout en se débattant contre la férocité des membres de l'équipe d'intervention.
- Je reprends le contrôle de la situation, justifia Lucian Reyes. Lacie est totalement hors de contrôle et il n'y a hélas rien à faire pour Alice. Le centre est bord de l'effondrement et je ne voudrais pas qu'il en soit de même pour la ville voir même le pays ! Faites-le évacuer à présent.
André Malek pesta à l'encontre du directeur des lieux. Il batailla contre la poigne de fer des soldats, malgré ses entraves. Lucian le regarda s'éloigner en même temps que les deux hommes constituant la moitié de ce qu'il restait de la troupe d'intervention. Lui-même laissa un juron échapper de ses lèvres. Il stoppa la machine dans laquelle se trouvait Alice et ordonna aux soldats restants de garder un œil sur Lacie avant d'ouvrir le caisson.
Sentant soudainement l'air caresser sa peau meurtrie, Alice Wilker ouvrit difficilement ses yeux. Une intense lueur dorée ornait ses iris. Une vive douleur transperçait l'intégralité de son corps comme des milliers de plaies ouvertes, saturant et dévorant sa chair. Même bouger l'un de ses doigts d'à peine un millimètre requérait à la jeune fille une énergie immense, en plus de provoquer une souffrance innommable. Alice était certaine d'avoir entendu la voix de sa sœur, pourtant elle ne la voyait ni ne l'entendait. Elle se demanda si cela était une nouvelle conséquence de son état en continuelle dégradation. Malgré ses poumons en décompositions, agonisants au moindre souffle, la jeune fille se risqua à appeler sa sœur. Une silhouette se manifesta dont elle ne distingua malheureusement qu'une forme flou et les couleurs la composant. Elle reconnue tout de même les tâches rousses qui agrémentaient le haut de la silhouette. Immédiatement des larmes vinrent ternir son champ de vision déjà pauvre, en plus de provoquer d'atroces hoquets de chagrin. Elle aurait préféré apercevoir le visage de Lacie plutôt que celui de Lucian Reyes. Alice sentit l'homme prendre place comme il put à côté d'elle mais elle ne distingua aucun des mots qu'il lui adressa. Elle ignorait les traits qu'arboraient le visage du directeur des lieux tant ses nerfs étaient détériorés. Elle ne pouvait donc pas savoir s'il était heureux ou triste de la voir dans cet état à cause de lui. Cela ne changeait guère par rapport au passé. Elle n'avait jamais su lire en lui. Lucian Reyes s'était autrefois comporté en père mais le chercheur avait rapidement pris le dessus sur sa personnalité. Aujourd'hui, la jeune fille ne saurait dire s'il éprouvait un semblant de culpabilité vis-à-vis de la perpétuelle souffrance dans laquelle il l'avait plongé et n'oserait l'affirmer. Ce dont elle était sûre, c'est que Lucian Reyes ne regrettait pas ses choix.
- J'es...père... que... cela... t'aura... été... utile, lança péniblement Alice au chercheur. Veilles... sur... La...cie. Dis...lui... que... je... suis... dé...so...lée... de... ne... pas... p...
La voix de la jeune fille s'éteignit avant qu'elle ne puisse achever sa phrase et obtenir une réponse de la part du directeur des lieux. Le corps, déjà froid, s'alourdit tandis que Lucian le prenait dans ses bras.
Lacie s'éveilla, l'esprit engourdit. Elle porta par réflexe une main dans son cou. La plaie causée par l'aiguille avait déjà guérie mais la désagréable sensation de piqûre demeurait. Râlant intérieurement sur les actes barbares de Lucian Reyes, son regard se porta instantanément sur le caisson dans lequel se trouvait sa sœur. Ses yeux s'écarquillèrent tandis qu'elle contempla le corps inerte d'Alice dans les bras du chercheur. A plusieurs reprises elle l'appela, attirant l'attention de Lucian. Lacie se redressa et, purement par instinct, voulut s'approcher. Elle est morte, susurra la voix désincarnée dans l'oreille de la jeune fille. Plusieurs paquets des longues mèches noires de Lacie devinrent aussi blanches que la neige. Complètement absorbée par l'état de sa sœur, elle ne réalisa pas que les soldats restant vinrent la retenir. Il l'a tué, lui murmura la voix aérienne dans son autre oreille. De nouveau, un amas de la sombre tignasse de Lacie vira de couleur. Elle n'entendit pas non plus les propos que le directeur des lieux lui adressa ou les avertissements des militaires. Tout est de leur faute, calomnia la voix soudainement agressive. Encore une fois, la crinière de jais de Lacie se transforma en albe immaculé. La voix immatérielle continuait de hurler dans sa tête, partiellement recouverte par les battements affolés de son cœur et les alarmes du centre de recherche. Tue-les. Détruis-les, ordonna-t-elle. Désormais la moitié de la chevelure de la jeune fille avait changé de couleur et continuait à se modifier. Lacie se dégagea de l'emprise des soldats pour recouvrit ses oreilles avec ses mains. Elle est morte, réitéra la voix incorporelle. Elle ne voulait pas l'entendre. Cette atroce voix qui lui répétait que sa sœur venait de mourir, qu'elle venait de la perdre pour toujours à cause de Lucian Reyes. Ils l'ont tué, renouvela la voix. Pourtant cela ne fonctionnait guère et cette voix devenait de plus en plus forte et de plus en plus autoritaire jusqu'à finalement recouvrir entièrement tout autre son. Tue-les. Détruis-les. Anéantis-les ! Éparpille les molécules de leur corps tel de la poussière en proie au vent ! Supprime tout ! Jusqu'à ce que tout ce qui te fait souffrir disparaisse à jamais de ton regard !
La totalité des cheveux de Lacie était désormais immaculée. La Maana se rassembla autour de la jeune fille et l'enlaça. Une lueur chimérique semblable à celle des iris de Lacie Wilker se rependit doucement, presque chaleureusement, dans la pièce sombre avant d'imploser.
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