Étoiles tombées du ciel

Samantha n'a même pas accepté les cookies. Je ne sais plus quoi faire.

Et à cause des petits curieux qui lisent ce carnet, je peux même pas écrire ce que je ressens. De toute façon, je n'en serais pas capable.

Seule Fragrance sait ce que je pense et c'est bien suffisant.

Je suis pas d'humeur à écrire, aujourd'hui. Pourtant, je le fais quand même. Je n'arrive plus à oublier ce carnet.

Ça devient grave.

• • •

Samuel écarta le téléphone de son oreille alors qu'Eliss hurlait pour lui raconter sa vie entière.

— Et là, j'ai entendu des petits miaulements trop choupinous ! Devine ce que c'était !
— Un chat, répondit-il platement. Ça ne peut être qu'un chat, il n'y a que les chats qui miaulent.
— Exactement ! Je l'ai ramené à la maison et maintenant, on lui cherche un nom.
— Tu vis dans une famille de fous, Eliss.

Malgré tout, Samuel ne dissimula pas son sourire amusé.

— C'est la tienne qui est trop normale.

Oui, peut-être. Les parents du garçon étaient tout ce qu'il y avait de plus banal, à tel point que ça en devenait un cliché. Le genre de couple aisé, un peu trop vieillot, à tout le temps parler « des jeunes » comme si c'étaient une espèce rare d'aliens, à critiquer les invités une fois qu'ils quittent la maison. Le genre de père qui essaye pathétiquement de se rapprocher de ses deux fils avec des blagues douteuses. Le genre de mère poule qui voit déjà ses enfants lancés dans la politique, avocats ou médecins.

À l'inverse, la mère d'Eliss s'arrangeait toujours pour se mettre de la peinture plein les mains, organiser de superbes vacances, décorer la maison. Son père, lui, chantonnait souvent un air enjoué, riait aux éclats, avait de longues conversations avec le plus vieux chat de la famille (ce dernier ne s'appelait pas Philosophe pour rien) au retour du boulot et observait la Lune, le soir avec ses enfants.

Tous ces détails avaient longtemps encouragé Samuel à envier, jusqu'à jalouser, sa meilleure amie. Si lui avait tout les cadeaux qu'il désirait, celle-ci pouvait toujours profiter de l'amour de sa famille.

— Tu peux l'appeler Croquette, ton chat. C'est un nom de chat, Croquette.
— Tu l'appelles Paille, ton poney ?
— Les chevaux ne mangent pas de paille !
— C'est nul, Croquette. Il me faut un nom original !

Samuel prit le temps de réfléchir. Un nom de chat original... Il repensa aux noms qu'il avait déjà aidé à choisir, pour les cinq autres matous d'Eliss. Aucun d'entre eux ne portait vraiment un nom de chat. Et le nouveau ne pouvait pas faire exception à la règle.

— J'en sais rien, moi. Prends un nom des Aristochats ! Thomas O'Mallet, Berlioz, Toulouse... C'est un mâle ?
— Tout le monde veut devenir un cat ! Parce qu'un chat quand il est cat, retombe sur ses pattes, chanta alors Eliss. Oui, c'est un mâle.

Le garçon devina que sa meilleure amie réfléchissait. Dans ces moments-là, elle posait son doigt sur ses lèvres roses, pensivement. Elle était encore plus belle, quand elle réfléchissait.

— Berlioz, c'est génial. C'est un chat noir. Dans le dessin animé aussi, non ?
— Ouais.
— Génial ! Sam, j'te présente donc Berlioz !

Samuel se demanda si Eliss se souvenait qu'ils étaient au téléphone, donc qu'il ne pouvait pas voir le chaton.

— Dis, tu viendras le voir ?
— Oui, oui. Je viendrai.
— Super.

Le silence s'installa. Le téléphone posé près de lui, Sam se retourna sur son lit et fixa le plafond. Il était décoré d'étoiles en plastique censées briller la nuit, qui lui tombaient dessus quand il dormait. Il resta immobile, les bras écartés sur son lit, soudain contrôlé par une flemme intense.

— Sam ? T'es toujours là ?
— Ouais.
— Tu dis plus rien.
— Toi non plus.
— Ah, il faut savoir ! D'habitude je parle trop, mais quand je me tais, ça va pas.
— J'ai jamais dis ça !

Le rire mélodieux d'Eliss résonna dans le haut parleur de l'appareil. Son ami esquissa un demi sourire.

— Pourquoi tu ris ?
— Parce que j'en ai envie.

Ce fut au tour de Samuel de s'esclaffer.

— Et toi, pourquoi tu ris ?
— Parce que j'ai la meilleure amie la plus folle au monde. Et c'est un compliment !
— Merci, dans ce cas. T'es pas mal non plus, à ce niveau.

Le garçon repoussa une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

— Demain, j'viens chez toi voir Berlioz. Et toi, tu m'accompagnes au club !
— Oh non, Sam ! T'as pas le droit de faire ça. J'aime pas les chevaux, moi.
— Tu les connais pas. T'es comme une gamine qui refuse de manger alors qu'elle n'a même pas goûté.
— Eh, commence pas. C'est pas ma faute si j'aime pas les brocolis.
— Si, justement, c'est ta faute.
— C'est moche comme légume, déjà.
— Dis pas n'importe quoi, t'as vu la tête des épinards ?
— Je t'interdis de critiquer les épinards, tête de salade !
— Les brocolis seront toujours meilleurs.

Eliss était sûrement en train de rouler des yeux en ce moment même. À cette pensée, il ravala un nouveau sourire. C'était fou le nombre de grimaces qu'Eliss pouvait lui arracher, en quelques minutes. 

— Si tu ramènes de la brioche aux pépites de chocolat, je viendrai demain au club avec toi, annonça finalement la fille.
— Pari accepté.
— Que le meilleur gagne.

Une étoile se détacha du plafond. Sam eut juste le temps de lever le bras pour se protéger de l'attaque. Le morceau de plastique tomba finalement sur le matelas, tout près du téléphone. Le lycéen la prit entre ses doigts pour l'observer méticuleusement.

— Les étoiles tombent du ciel, maintenant. C'est catastrophique.


Salut !

Ce chapitre est mon préféré jusque là. J'adore Samuel et Eliss et je suis ravie de vous faire (enfin) découvrir leur duo et leurs points de vue. Que pensez-vous d'eux ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top