Du côté de Samantha
Je me suis disputée avec Ondine. Du coup, je n'ai pas goûté ses cookies à la compote. Plus grave encore, on ne se parle plus du tout.
C'est rare, quand on s'engueule comme ça. Je veux dire, devant Zéphyr, dans la rue. Nos visages étaient tout rouges, je voudrais dire que c'était à cause du froid, mais je crois que la colère aussi tenait un rôle dans tout ça.
Zéphyr a prit peur. Il n'ose plus vraiment nous regarder dans les yeux. Il se réfugie dans sa chambre.
Moi, je ne parle à personne. Ni à ma sœur, ni à mon frère, ni à mon père. L'ambiance est insupportable. Alors, je fais en sorte de ne pas rester trop souvent à la maison. Je passe beaucoup de temps aux écuries.
Là bas, je regarde Fragrance et le nouveau sans nom. Ma ponette paraît minuscule à côté de lui, qui est très grand, un géant. Il reprend des forces, il a pas mal grossi. C'est bien, je suis contente qu'il arrive à se détendre. Fragrance l'aide beaucoup, je crois.
J'ai appris qu'il était débourré et, même si son maître le laissait mourir de faim, il avait été monté régulièrement. Il connait les bases. Seulement pour le moment, seule Marie, la propriétaire des écuries, le monte. Il n'est pas encore tout à fait safe, dit-on.
Fragrance va mieux, on pourra bientôt la remonter. Mais Marie me met en garde : elle est déjà vieille, la demi pension ne pourra plus durer longtemps, elle va bientôt prendre sa retraite. Cette perspective me serre le cœur, mais je me rassure en disant que je pourrai toujours lui rendre visite. Elle le mérite, tout ce repos.
Au lycée... j'ai eu mon conseil de classe. Compliments, c'est bien. Eliss a eu les félicitations, elle. Samuel aussi. Samantha, c'est la meilleure de la classe, alors son bulletin n'est un secret pour personne.
Les vacances commencent bientôt. Le mois de novembre est passé en un éclair. Je n'ai rien demandé en particulier pour Noël, peut-être juste un nouveau carnet. Zéphyr a déjà fait sa liste depuis longtemps. Et Ondine, je ne sais pas.
Mon père est toujours au téléphone pour le boulot.
Ma mère n'est pas morte, mais quelque chose d'elle comme un fantôme me hante.
Note aux petits curieux : brûlez ce carnet, parce que je ne vais pas pouvoir le faire moi-même. J'en serais incapable.
• • •
Samantha entra chez elle, les sourcils légèrement froncés. Elle laissa son sac à dos tomber par terre.
— Maman ! Il va me falloir un nouveau sac !
Une voix lointaine lui répondit alors que la jeune fille se dirigeait vers la cuisine.
— Tu n'en as pas besoin !
— Mais maman, toutes mes amies ont des sacs à main hyper beaux !
— Hyper chers, aussi.
La mère venait d'apparaître dans l'encadrement de la porte, déjà lassée de cette conversation avec sa fille.
— Excuse-moi de ne pas trouver miraculeusement de l'argent dans toutes mes poches.
Samantha soupira et sortit une boîte de céréales d'un placard.
— Il est dix-huit heures, Sam ! On mange dans moins de deux heures, ne te goinfre pas de cochonneries comme ça !
Nouveau soupir de la lycéenne. Elle avait cette agréable capacité de pouvoir manger n'importe quoi sans grossir et en profitait bien.
— Églantine ne vient pas ?
Un jeune garçon entra dans la pièce, l'air déçu. Nathan, sept ans, aussi brun que sa sœur est blonde, passionné de jeux vidéos. Meilleur ami de Zéphyr, il adorait aussi Églantine avec qui il se lançait dans des conversations plus ou moins passionnantes au sujet de Minecraft.
— Ça fait longtemps qu'elle est pas venue à la maison. Moi, j'ai pleins de choses à lui raconter.
La mère acquiesça. Elle aussi appréciait beaucoup la douce Églantine, qui lui transmettait en cachette les meilleures recettes de cuisine d'Ondine.
— Elle ne reviendra plus. Je ne l'inviterai plus, grogna Samantha.
Suite à ces paroles, on n'entendit plus que le crissement des céréales dans le bol rose de la jeune fille.
— Pourquoi ? Vous vous êtes disputées ?
— Oui. Non. J'en sais rien. Pas vos affaires.
— Zéphyr doit savoir quelque chose. Je lui demanderai.
— Non ! C'est pas vos affaires, j'ai dis !
— Mais alors, qui sont tes nouveaux amis ?
— Chloé, Sophie...
— Mais qu'est-ce qu'il s'est passé, pour que tout change comme ça ? Ça ne va pas ? Tu peux me parler, tu sais, si tu en as besoin...
Samantha ne répondit pas. Elle même n'en savait rien. Seulement, elle n'en pouvait plus de jamais être invitée aux soirées où on s'amusait, d'être toujours avec la même personne, de ne connaître personne dans un lycée de plus de mille élèves. Elle n'en voulait plus, de cette vie. L'entrée au lycée avait juste été un bon moyen de changer tout ça.
— J'ai juste besoin d'un nouveau sac, maman.
Elle abandonna là le bol de céréales et se dirigea en silence vers sa chambre pour cacher aux autres les larmes qui débordaient de ses yeux.
— L'adolescence, soupira son père qui venait de rentrer.
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