Chapitre 47 : Tournants
-Pas trop stressé ?
-Tu veux rire ? Avec tous vos regards braqués sur moi...
Pierrick rit.
-Moi aussi ça me faisait cet effet, les premières fois que je concourais à une compétition plus officielle ! Mais je m'y suis fais. Et puis, ce n'est pas la première fois que tu participes à une compétition publique, non ?
-Non...fit Matei en entourant son torse nu de ses mains, le crâne déjà serré dans son bonnet de bain arracheur de cheveux. Mais c'est plus stressant que la dernière fois...
La dernière fois dont parlait Matei, c'était sa première compétition où il avait fini deuxième derrière Sam, quand ils avaient affronté l'autre école de natation. Mais cette fois-ci, c'étaient des qualifications pour participer au tournoi régional de l'été prochain !
Matei voulait saisir sa chance mais il avait un peu peur, ce qui était normal. Les meilleurs nageurs des environs seraient rassemblés dans une seule compétition !
-Allez, ça va aller ! le rassura Pierrick en lui tapotant le dos de sa grande paume.
Matei sourit. Cette fois, Ngôi Sao, assise dans les gradins à côté d'Éléonore, avait insisté pour que ce soit Pierrick qui aille en bas pour soutenir au mieux son petit ami. Elle était sa meilleure amie mais il lui semblait plus juste que ce soit le jeune homme, son bien-aimé, en bas avec lui.
-Si tu le dis...finit par soupirer Matei, cédant devant les encouragements de son petit ami.
Son entraîneur l'interpela et le jeune brun dut aller à sa place de départ. Ces qualifications étaient très importantes pour tout le monde ! Matei croisa le regard de Sam avant le départ et le jeune homme lui lança avec un grand sourire :
-Bonne chance, Matei ! Si tu es qualifié, je te dirai un secret !
Matei sourit malgré lui et son stress.
-C'est censé être encourageant ? plaisanta-t-il.
-Tu es méchant ! rétorqua Sam en faisant mine de pleurer.
Le signal de départ allait être donné. Pierrick regardait Matei intensément depuis sa place, tout comme Ngôi Sao depuis la sienne en hauteur.
Elle avait son téléphone en main pour ne pas louper le départ de son meilleur ami, le doigt à quelques micromètres du bouton de l'appareil.
Le départ fut donné.
Matei plongea avec toute la grâce possible et inimaginable dont il était capable et fendit de ses deux mains jointes à plat l'une contre l'autre. Sa nage était fluide, ses mouvements précis et presque automatiques, instinctifs, et il fendit la surface des flots à une vitesse hallucinante.
Dans la tête de Matei, il n'y avait bizarrement rien, que du vide, le néant...
Ses pensées étaient inscrites aux abonnés absents et remplacées par un vide intersidéral, où ne régnaient qu'un calme absolu et une tranquilité à toute épreuve.
Machinalement, Matei tourna pour reprendre son élan contre le mur en face pour se propulser de l'autre côté afin de débuter cette nouvelle traversée avec la meilleure vitesse qui soit.
Matei continua de mouvoir ses bras avec une vitesse n'ayant d'égal que sa fluidité aussi grande que celle de l'eau dans laquelle il progressait.
Il arriva enfin au bout, touchant le mur de sa main la plus en avant, ressortant sa tête de l'eau en inspirant un grand bol d'air frais, envahissant ses poumons extrêmement sollicités durant les dernières secondes écoulées.
Le jeune garçon haleta pendant quelques secondes de plus avant de se hisser sur le bord du bassin à la force de ses biceps minces. Son entraîneur vint lui donner une tape sur l'épaule et Matei observa sur sa gauche et sa droite les autres nageurs sortir de l'eau, leur torse ciselé dégoulinant d'une fine pellicule d'eau cristalline, donnant des reflets et une luisance incroyables à leurs corps.
Matei regarda vers les gradins, Ngôi Sao leva ses pouces dans l'air pour manifester son enthousiasme, puis vers la porte des vestiaires où était Pierrick, qui souriait plus magnifiquement que jamais.
Matei alla s'asseoir sur le banc où il y avait son linge et s'enroula dedans pour ne pas se donner l'illusion d'attraper froid. Les autres firent la même chose, attendant avec impatience les résultats en-dessous de la première place, proabablement occupée par Sam le prodige.
Kilian, lui, arrangeait ses cheveux avec un air supéeieur et assuré tandis que le commentateur reprit son micro pour annoncer les heureux résultats. Il expliqua d'abord pour le public qui ne savait peut-être pas que les cinq premiers arrivés dans cette course seraient qualifiés pour le tournoi régional.
En cinquième et quatrième positions finirent deux garçons, l'un très mince, l'autre plus athlétique, auxquels Matei n'avait jamais adressé la parole. Il ne les connaissait que très peu. Ce fut donc bientôt aux places du podium d'être divulguées.
-Commençons donc par le troisième arrivé, Kilian Frucker !
Un tonnerre d'applaudissement monta des gradins. Apparemment, le beau jeune homme avait une certaine notoriété déjà à son âge, ce fut le constat de Matei quand son regard se porta sur le blond qui exhibait ses muscles devant le public qui l'acclamait encore.
-Ensuite, venons-en au deuxième, qui, contre toute attente, est Sam Desjardins !
Un silence inattendu et impressionnant, traduction de l'abasourdissement des personnes de l'assistance, suivit cette déclaration. Des applaudissements suivirent, un peu plus timides que pour Kilian.
C'était une bombe, les gens dans les gradins, habitués à un Sam parfait et performant comme personne, étaient complètement assomés par cette nouvelle.
-Et enfin, première place, applaudissez très fort le très prometteur Matei Hibler !
Des applaudissements très enjoués suivirent.
Matei n'en revenait pas...
S'il n'était pas assis à ce moment-là, il serait tombé à la renverse !
Lui ?
Lui, avait battu Sam ?
En course ?
En course de natation ?
Son cerveau était désormais éteint.
Il ne pouvait plus faire ni dire quoi que ce soit. À vrai dire, il n'arrivait plus à penser correctement non plus...
Il regarda vers la porte des vestiaires.
Pierrick avait le visage fendu, sous son épaisse barbe noire, d'un énorme sourire et applaudissait de ses grandes mains chaudes, à tout rompre. En haut, dans les gradins, Ngôi Sao battait elle aussi, sourire immense sur ses fines lèvres, de ses petites mains, claquant paume contre paume à chaque fois se faisant plus mal mais sans s'arrêter.
À ses côtés, Éléonore sifflait de temps en temps pour manifester sa joie quant à la victoire de son frère aussi inattendue qu'enthousiasmante.
Ses parents étaient eux aussi souriants comme jamais et ils applaudissaient leur fils comme s'ils ne l'avaient encore jamais vu nager.
Matei se leva et sourit à l'assistance. Il entendit à peine par les hauts-parleurs le commentateur annoncer que ces cinq jeunes garçons, dont lui, participeraient donc sans faute au tournoi régional à venir.
Quand le jeune garçon revint vers les vestiaires pour aller se changer, Pierrick l'agrippa à la taille et le serra contre lui. Matei se retrouva étouffé dans les bras musclés de son petit ami affectueux et tenta de bredouiller :
-Pierrick...Je suis encore mouillé...
-Je m'en fiche ! lui murmura Pierrick, la tête nichée au creux du cou de Matei.
Ce dernier se laissa aller alors dans les bras de son copain, qui finit par le lâcher. Il l'embrassa discrètement et furtivement sur ses lèvres encore humides de sa course aquatique puis Matei fila dans les vestiaires pour se changer et retrouver ses proches le plus rapidement possible.
Matei, déjà en sous-vêtements, était en train de retirer son horrible bonnet de bain quand on lui tapota l'épaule. Il se retourna et tomba sur...
-Sam ! C'est toi...
-Oui. C'est moi, sourit le garçon.
Matei ne sut que dire. Sam lui donna une tape amicale dans le torse en lui disant :
-Bravo, pour ta première place ! C'est absolument incroyable comme tu as progressé en quelques mois !
-Mer...Merci...sourit Matei, gêné. Apparemment, ça s'est joué à peu de choses.
-Oui. Une demi-seconde ou à peu près, d'après l'entraîneur.
-Effectivement, c'était serré ! rit Matei. Mettons ça sur la chance du débutant.
-Trop modeste mon gars, lui sourit Sam. Tu es doué, tu as du talent.
-Merci...sourit Matei.
Sam finit par s'asseoir à côté des affaires de son ami, sur le banc, encore en maillot de bain, mais sans son bonnet arracheur de cheveux. Matei le regarda faire sans rien dire et continua de se changer. Il ne se doucherait pas, il le ferait chez lui. Il avait juste envie de retrouver ses proches et puis, ce n'est pas comme s'il avait beaucoup sué.
Bon, par contre, il sentait un peu le chlore, mais peu importe...
-Matei ?
-Oui ? fit le jeune homme en terminant d'enfiler son haut.
-Je voulais t'avouer quelque chose. En fait, ça fait quelques temps que j'y pense mais je me dis que je devrais t'en parler pour l'oublier.
-Quoi donc ? fit Matei, appréhensif.
-Je crois qu'à force de te côtoyer chaque semaine, je suis un peu tombé amoureux de toi, en fait...
Matei écarquilla ses yeux, surpris.
-Et je pense que le fait que, quand on se voit, tu es à moitié nu, ça n'aide pas tellement...rit Sam, ironique.
En y réfléchissant bien, Matei se demanda alors comment il faisait pour cacher...Un certain problème entre ses deux jambes. L'eau froide des bassins devait probablement l'aider un peu.
Sam poursuivit en regardant le sol, les yeux comme mélancoliques, un peu tristes mais résignés :
-Je savais bien que tu étais déjà pris, et je savais que je ne pourrai pas t'avoir, mais mon inconscient a décidé que ce serait bien de tomber amoureux d'une personne déjà prise et déjà amoureuse d'un autre.
Matei eut un sourire désolé, que Sam ne vit de toute façon pas vu qu'il ne le regardait pas.
-Du coup, je voulais juste te dire ça. Que je pense que je suis amoureux de toi, et que pour l'oublier, il fallait bien que ça sorte un jour ou l'autre. Je sais que je ne pourrai pas me mettre avec toi. Du moins, pas pour le moment. J'espère juste qu'on pourra rester amis.
-Bien sûr, fit Matei avec un sourire sincère.
Le jeune brun tapota l'épaule de son ami et lui dit :
-Tu sais, je pense sincèrement que tu es un garçon absolument adorable et je sais que tu es très gentil. Je pense que la personne qui t'aura comme petit ami sera vraiment chanceuse. Tu es quelqu'un de bien.
Sam se leva et regarda cette fois-ci son interlocuteur dans les yeux. Avec son magnifique sourire aux dents blanches, il dit :
-Merci, Matei. Ça me touche, que tu penses ça de moi.
-Mais de rien, lui répondit-il. Je le pense vraiment. Sinon, je ne te le dirais pas.
-Trop sincère, trop modeste, t'as combien de qualités ? rit Sam.
Matei haussa les épaules, sourire en coin, pour indiquer son absence de réponse décente à cette question. Sam lui donna une dernière tape sur l'épaule et lui dit :
-Encore bravo pour ta victoire ! Profite bien, je te reprendrai cette place la prochaine fois !
-Essaie un peu, sourit Matei. Et tu réussiras sûrement.
Sam rit.
-On se voit la semaine prochaine !
-Oui, bonne soirée.
Quand Matei sortit du vestiaire, un petit missile noiraud lui fonça droit dessus et l'étreignit avec une telle force et un tel élan qu'il faillit tomber à la renverse malgré le petit gabarit de ce missile.
-Bravo, Matei ! hurla une voix suraiguë dans son oreille. Bravo pour ta première place !
Un groupe de quatre personnes suivit. Un couple, un sportif et une fille aux mèches brunes folles.
-Bravo, mon fils ! fit Michel en ébouriffant Matei de sa main, alors qu'il était encore serré dans les bras de Ngôi Sao.
-Papa ! s'exclama le garçon, indigné.
Ils rirent ensemble et, après que Ngôi Sao l'ait lâché, Matei tenta tant bien que mal de se recoiffer à deux mains. Pierrick se jeta pratiqirment sur son petit ami pour l'embrasser. Il se retint malgré tout, car il y avait un peu trop de monde autour d'eux pour faire des galipettes...Éléonore et Sandrine étreignirent Matei à leur tour en le félicitant avant que cette dernière déclare :
-Tous au restaurant, maintenant ! Michel et moi, on invite pour fêter la victoire de Matei !
-Quoi ? fit Michel sur un ton joué indigné.
Ngôi Sao et Pierrick, d'abord gênés, souhaitant laisser la famille seule, voulurent rentrer mais Sandrine insista tellement pour que la meilleure amie et le petit ami de son fils les accompagnent qu'ils finirent par accepter.
La soirée se termina sur une explosion de ventre commune aux six proches, après quoi, Matei et Pierrick, resté finalement dormir chez son copain, passèrent une très bonne suite de soirée dans la chambre, seuls.
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