Chapitre 37 : Une potentielle semeuse de trouble

Aujourd'hui, Pierrick semblait de mauvaise humeur.
-Non, je vais bien ! grogna-t-il quand Noël lui posa la question.
De très mauvaise humeur...

Matei avait un peu peur de le mettre encore plus en colère, bien que ce jeune homme à l'apparence très virile et masculine soit en réalité doux comme un agneau. Le brun prit dans sa main celle de son petit ami, bien plus grande et puissante que la sienne, et il la serra légèrement. Avec son air le plus doux et aimant possible, il lui dit :
-Tu sais que si tu as un problème, tu peux m'en parler. Tu peux tout me dire.
-Je sais.
Pierrick était froid dans son ton et son expression, Matei n'avait jamais vu ça...Même il y a environ trois semaines quand il avait enfin rencontré ses parents, il n'avait pas eu un ton aussi sec malgré son état d'énervement notable.

À la pause à dix heures, Noël s'isola avec Matei en lui demandant :
-Tu sais ce qui lui arrive ?
-Non...avoua Matei. C'est bien ce qui me gêne...Je ne sais pas quoi faire pour lui et j'ignore aussi ce qui le tracasse.
-Sache que ça fait un bon paquet d'années que je le connais, fit Noël, les bras croisés. Et je ne l'ai jamais vu dans cet état. Pierrick est quelqu'un de fondamentalement doux et gentil, il a toujours eu ce tempérament.
Matei savait qu'en psychologie, on appelait tempérament ce qui ne changeait jamais durant toute sa vie, contrairement à la personnalité qui pouvait être altérée au fil des ans. Le jeune brun remonta ses lunettes sur son nez et dit :
-Merci, Noël. J'essaierai de lui parler après...
-Magne-toi, parce que c'est moi qui suis à côté de lui pour la majeure partie des cours ! rit le cadet.
En effet, même si Matei et Pierrick s'étaient mis ensemble, le brun avait conservé sa place auprès de sa meilleure amie Ngôi Sao et le beau jeune homme avait gardé Noël à ses côtés en cours.
Seuls pour certains cours les deux tourtereaux demandaient à leurs amis de changer de place pour profiter d'être côte à côte mais ce n'était pas systématique ni régulier. Cela fluctuait au gré de leurs envies.

-Tu sais ce qui se passe, avec Pierrick ?
-Franchement ? soupira la jeune noiraude.
-Oui.
-Non, je sais pas...
Ngôi Sao et Massimo discutaient eux aussi un peu à l'écart. Ils craignaient que les choses aient mal tourné récemment entre Pierrick et Matei ou Pierrick et Noël, mais ça ne devait pas être ça, vu que les deux bruns s'inquiétaient pour le sportif barbu.
Massimo posa une main sur son front, actuellement ridé à cause de ses sourcils haussés.
-Quelle galère...Pierrick de mauvaise humeur, je n'ai jamais vu ça !
Ngôi Sao acquiesça. Elle le connaissait aussi bien depuis moins longtemps, mais il ne fallait pas être un expert pour comprendre que Pierrick était un garçon doux, gentil et adorablement mignon, en contraste avec sa forte carrure de bûcheron. Il ne lui manquait plus que la chemise à carreaux et la scie électrique entre les mains ! Quoique, une hache serait suffisante.
-Même après avoir perdu des compétitions importantes, je ne l'ai jamais vu être agressif, violent ou juste agacé ! Il prend la vie comme elle vient, c'est impensable ! fit Massimo avec un air toujours effaré.

La sonnerie retentit, signalant le recommencement des cours. Ngôi Sao soupira avant de ricaner :
-Retournons-y. Et cesse de hausser tes sourcils ainsi, tes rides vont rester à vie sur ta peau !
-Arrête, Ngôi Sao, tu es effrayante ! tremblota Massimo.
La jeune fille éclata de rire avec franchise avant qu'ils ne retournent s'asseoir à leur table dans leur salle de classe.

Le cours commença.
Ngôi Sao sentit Matei à ses côtés se tourner plusieurs fois en direction de Pierrick pour sonder son expression dure et fermée.
Même Noël haussa ses épaules en levant les mains, en direction de Matei, pour lui signaler son égale impuissance et son incrédulité face à l'état émotionnel de son meilleur ami.

-Ce n'est pas normal ! répétait Matei lorsqu'il rentrait avec Ngôi Sao après les cours. Ce n'est pas normal !
-Je sais bien, Matei, je sais bien...soupira la jeune fille en secouant la tête, faisant onduler ses longs cheveux noirs dans le vent. Mais parle-lui. C'est toi, son petit ami, tu es le meilleur placé pour lui parler, le rassurer, le réconforter...
-Je sais...Je vais essayer de lui parler demain...
Les deux amis se séparèrent, l'esprit toujours plein de questions insolubles pour le moment.

-Je suis rentré !
-Chéri, tu es là ! Ça va ? Tu veux un goûter ?
-Merci, Maman, mais ça va.
Pierrick referma la porte de sa maison avec un petit cliquetis, signe que le verrou était bel et bien fermé, retira ses chaussures avant de les ranger côte à côte sous le meuble de l'entrée.
-Ça a été, ta journée ? entendit-il dans son dos avec un ton très sec mais pas forcément agressif.
Il se tourna, les sourcils froncés avec colère.
-Je n'ai pas à te le dire, Mélanie.
-T'es nul, à la fin ! Tu ne veux plus rien me dire, tu as changé, Pierrick !
La jeune fille tourna les talons pour retourner dans sa chambre mais juste avant de clore la porte, elle lui lança :
-Ta saleté de copain t'influence trop et te rend mauvais, Pierrick, n'oublie pas que tu mérites mieux !
-Tais-toi, fit le jeune homme les dents serrées. Ne parle pas de choses que tu ne connais pas !

Il serrait son poing instinctivement et ne s'en rendit compte que lorsqu'il allait agripper la lanière de son sac à dos de cours. Il soupira et entendit depuis la chambre conjugale la voix de son père :
-Pierrick, tu peux venir ici deux secondes ?
Le garçon balança son sac sur une de ses épaules solides et entra dans la chambre de son père.
-Oui ? demanda-t-il.
-Ferme la porte. J'aimerais te poser une question.
Pierrick s'exécuta. Son père était couché sur le lit en train de lire le journal. Il avait son jour de congé aujourd'hui, et comme il avait des horaires assez irréguliers, il profitait pour ne rien faire quand il avait un jour ou deux de libre.
-Qu'est-ce qui se passe avec ta cousine ? Vous avez toujours été très proches et là, depuis un peu moins d'un mois, vous ne cessez de vous disputer et de vous rentrer dedans. Qu'est-ce qui se passe ?
Pierrick serra la bretelle de son sac qu'il tenait toujours entre ses doigts depuis tout à l'heure. Il baissa les yeux et avoua avec une certaine humilité sans pour autant être vraiment honteux :
-En fait, à vrai dire, je ne sais pas ce qui se passe avec elle...Elle n'arrête pas de critiquer Matei, alors qu'elle ne le connaît pas, et ça, je ne peux pas le supporter. Elle me fait des remarques aussi mais tellement bénines que je ne les compte même plus. Et plus je le défends, parce que je n'aime pas les critiques gratuites, plus elle s'énerve et le critique encore plus...Donc ces temps, je ne peux plus vraiment l'entendre sans être immédiatement sur les nerfs...
-Je comprends...fit le père avec un air compatissant, en laissant tomber son journal. Ce n'est jamais agréable quand on critique l'être aimé...Tu veux que j'essaie de lui parler ?
-Non, ça ira, fit le jeune homme sans hésitation notable. J'essaierai de régler ce différend moi-même, j'irai lui parler. Je ne sais pas quand, mais j'irai.
-Tu es courageux mon fils ! rit le père.
Puis il ajouta avec un sourire espiègle :
-Courageux d'affronter une femme en colère de front !
-Et tu te demandes pourquoi j'aime les hommes ! rit Pierrick en partageant ce sourire malicieux avec son père.

Pierrick quitta la pièce et, laissant son sourire retomber, serra la mâchoire, laissant voir son muscle masséter se contracter sous sa peau bronzée, la faisant onduler avec une certaine fluidité.
Il se rendit dans sa chambre et sortit ses cahiers et ses notes de cours pour réviser. Il avait bientôt un test de musique et un autre en philosophie, et il s'inquiétait clairement plus pour la note qu'il aurait en philosophie qu'en musique !
Il jeta un regard à sa guitare posée contre le mur du fond de sa chambre, entre le coin de cette dernière et une armoire en bois. Il soupira en souriant.
Il devait encore jouer quelque chose à Matei, qui ne l'avait jamais entendu jouer quoi que ce soit avec cet instrument. Il avait fini de composer quelques chansons, il pourrait bien lui montrer le fruit de son travail d'amateur. Cela lui plaisait bien, de s'épanouir à la fois dans le sport et dans l'art de la musique.
Il avait envie d'en jouer, maintenant...Il soupira encore une fois.
Tant pis, ça attendrait. Pour le moment, il devait réviser un peu ses leçons. Il fallait rester sérieux.

Il finit par empoigner avec vigueur son portable pour envoyer un message à Matei, bien plus fort en philosophie que lui...
-Tu veux que je t'aide à réviser ? lui écrivit Matei.
-Oui, s'il te plaît.
Pas de réponse. Pierrick s'empressa de dire autre chose :
-J'étais de mauvaise humeur, aujourd'hui, désolé, j'espère ne pas t'avoir fait trop de peine...
-Tu es trop mignon, de te soucier de ça ! fit Matei.
Le noiraud attendit encore quelques secondes pour recevoir la réponse à sa question de base :
-Oui, je peux t'aider. Mais c'est mieux si on le fait demain ensemble, tu ne crois pas ? Essaie déjà de comprendre seul et ce sur quoi tu doutes, tu me demanderas.
-Parfait ! répondit Pierrick.
Il ajouta un cœur à son message avant de verrouiller l'appareil mis sous silence pour ne pas être dérangé pendant ses heures de travail.

-Pierrick, t'as toujours ton livre sur les régimes alimentaires pour perdre du poids ?
Après plusieurs minutes de révisions en solitaire, Pierrick, dos à sa porte qui venait de s'ouvrir à la volée, grinça des dents et leva ses yeux bruns au ciel, ou en l'occurence, vers le crépit blanc du plafond.
-Mélanie, dit-il sans se retourner. Pour commencer, tu frappes, tu ne rentres pas sans demander. Et deuxièmement, je pense que tu sois assez sportive comme fille pour ne pas avoir besoin de faire de régime ou tu risques juste de mourir.
-Ne sois pas aussi affreux, Pierrick ! le menaça-t-elle, vexée.
-Et toi, ne sois pas désagréable tout court.

Le soir, pendant le repas, le climat était très tendu entre les deux adolescents et Mélanie n'avait de cesse de regarder l'assiette de Pierrick, se vidant petit à petit à coups de couteau et de fourchette, avec son fameux regard noir.
Après le dessert, un flan au chocolat, Pierrick se mit assis pour jouer de sa guitare. Il chantonnait, sans vraiment articuler de paroles alors que ses doigts naviguaient tout seuls sur les flots de cordes qui s'écoulaient sous ses phalanges habiles.
Matei occupait l'intégralité de son esprit...

Le lendemain, il avait l'air toujours aussi agacé. Ses amis se firent du souci.
Un jour en colère était déjà incroyable pour le jeune homme mais deux de suite, c'était extraordinairement invraisemblable !
À la pause de midi, Pierrick et Matei s'isolèrent pour aller réviser la philosophie entre eux. Les regards sous-entendus d'Helena ne se firent pas attendre mais le couple les ignora et s'isola.

Au tournant du bâtiment pour se rendre à la bibliothèque, Pierrick, s'assurant d'un rapide coup d'œil que personne n'était dans le coin, se retourna violemment vers Matei et le plaqua au bâtiment avec une vigueur vive et une force propre à lui, à la fois indiacutable et incroyablement douce.
-Pierrick, tu...
Matei ne put finir sa phrase, le visage de Pierrick s'était déjà penché vers le sien et il avalait avec avidité ses lèvres rosées. Il l'embrassa avec amour pendant quelque secondes, passant sa main sous le pull en laine de son petit ami.
Ce dernier frissonna, on était au milieu de l'hiver, il faisait encore bien froid...Mais le jeune brun n'osa pas interrompre Pierrick, si concentré et lancé dans sa tâche...

Quand le noiraud s'arrêta, Matei laissa sortir d'entre ses lèvres rougies par le froid et l'intense activité de son petit ami quelques halètements très plaisants pour Pierrick, puis ils reprirent le chemin de la bibliothèque sans un mot...
Leurs regards complices et aimants leur suffisaient pour communiquer...

******
Vraiment, merci beaucoup pour toutes vos lectures et vos votes ! 😄
Je suis vraiment contente que cette histoire vous plaise, je n'ai jamais atteint de tels "records" dans mes statistiques. Pour vous donner une idée, entre la publication de deux chapitres, les lectures ont augmenté de plus de mille et les votes d'une centaine ! Vraiment merci beaucoup de me soutenir, ça me fait très plaisir ! 😄😁

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top