Matei se remémora la veille au soir, le lendemain quand il se réveilla encore une fois plus tôt que tous les autres.
Yann avait essayé de frapper Massimo et ce fut Pierrick qui avait été obligé d'intervenir, torse bombé et muscles à moitié apparents sous son fin haut, ce qui intimida un peu plus Yann et le fit reculer, puis ils allèrent tous se coucher dans un silence de mort...

Au petit déjeuner, alors qu'ils venaient de raconter discrètement aux filles ce qui s'était passé la veille dans leur chambre, ce qui avait été dur au vu de certaines de leur réaction spontanée et donc extravagante, leur enseignement vint vers leur tablée et demanda aux garçons :
-Dites-moi, Yann vient de me parler. Il m'a dit qu'il y a eu un petit incident hier soir, il n'a pas voulu me dire quoi mais il aimerait changer de chambre.
Les garçons furent étonnés. Pas que le garçon veuille changer de chambre après le baiser de Massimo, ça encore, cela semblait normal pour le personnage, mais le fait qu'il n'ait pas dit de quoi il retournait. Devant le regard inquisiteur de Bertrand Müller, Massimo finit par dire avec un ton de concession :
-Ce n'était rien de grave. Juste un geste qu'il a considéré comme déplacé et il s'est offusqué.
-Je vois, fit l'homme. Quoi qu'il en soit, je suis d'accord pour qu'il vienne dans la chambre où je suis, mais comme on ne va pas faire changer onze personnes de place, vu que nous nous retrouverions à six et vous cinq, j'ai demandé à un autre garçon s'il voulait bien changer. Bastien s'est porté volontaire. Vous l'acceptez ?
-Ce n'est pas comme si on pouvait dire non, lâcha Stefano avec un grand sourire, soulignant son trait d'humour.
-Il est vrai, rit l'enseignant avec eux. Bien, Bastien et Yann échangeront leur place juste après le petit déjeuner et rendez-vous à huit heures pour le départ pour les activités d'aujourd'hui.
-Bien ! sourit la tablée entière.

-Dis donc ! fit Ngôi Sao une fois que le professeur eut tourné les talons. Yann qui va se plaindre sans tout dire et maintenant, un échange, c'est beau, tout ça !
-Plus besoin de vous coltiner l'homophobe, fit Mélissa avec un sourire satisfait pour ses amis.
Les cinq garçons sourirent, ils étaient assez contents eux aussi, mine de rien.
-Tu as bien dissimulé la vérité avec de beaux mots, Massimo ! ajouta Pierrick avec un petit rire.
-Disons qu'une certaine personne m'a appris à jouer avec les mots. C'est utile, quand on est espion et qu'on ne tient pas à mentir non plus...rétorqua le beau blond en jetant un coup d'œil à une jeune fille noiraude autour de la table.
-Ngôi Sao, au pif ? hasarda Xiù avec un ton ironique.
-Qui d'autre, en même temps ? intervint Matei en riant, connaissant mieux que personne la jeune fille qui riait elle aussi.
-Tous les homosexuels de la classe seront rassemblés dans une seule chambre, ça va devenir dangereux, fit remarquer Helena avec un sourire de fourbe. Il faudra faire attention à ce que ça ne devienne pas une immense orgie malsaine...
-Ça suffit ! fit Noël en riant. C'est toi qui es malsaine en disant ça. Et c'est toi qui le dis ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité, là !
Tous partirent dans un éclat de rire et ils finirent de manger avant de remonter dans leur chambre respective pour mettre des habits adaptés à leur sortie du jour.

Bastien arriva dans la chambre, les occupants de cette dernière lui offrirent un bon accueil puis, tous ensemble, ils redescendirent dans à l'entrée de l'auberge pour sortir.
Aujourd'hui, ils iraient visiter une exposition concernant les bières allemandes, ce qui fit plaisir à bon nombre d'étudiants, puis après le repas à midi, ils auraient encore une petite visite dans l'ancien quartier de la ville puis il leur resterait un petit moment de quartier libre pour faire des magasins et autres petites promenades dans une parcelle de la grande ville. Ensuite, ils iraient manger comme tous les soirs dans un restaurant différent, cette fois-ci tous ensemble, et ils rentreraient après s'être fait exploser l'estomac avec ces immenses portions allemandes...
Les allemands n'étaient pas réputés pour leur finesse gastronomique, bien qu'ils cuisinent bien parfois même très bien contrairement aux clichés circulant de bouche à oreille, mais les gens savaient de façon quasiment unanime que les allemands n'y allaient pas de main morte avec les doses !
Même Pierrick, gros mangeur, avait eu de la peine à finir son assiette ce soir-là !

Quand les garçons revinrent au dortoir de l'auberge, vers dix heures du soir, ils saluèrent les enseignants et les garçons saluèrent leurs amies qui s'arrêtaient au premier étage. Une fois dans la chambre de six, alors qu'ils se changeaient tous peu à peu pour la nuit, une discussion débuta.
-Qu'est-ce que vous avez fait pour que Yann lui-même veuille changer de chambre ?
Le soir, une fois le repas terminé, Bastien était curieux, il avait bien envie de savoir ce qui avait provoqué ce brusque changement de choix chez Yanm, au risque pour lui de se retrouver dans la même chambre qu'un homosexuel, une catégorie de gens qu'il fuyait comme la peste !
Massimo eut un sourire et dit, sans aucune retenue :
-Je l'ai embrassé.

Bastien écarquilla ses yeux bleus aussi grand que possible. Un sourire naquit sur ses lèvres puis il éclata d'un grand rire sonore qui partit dans les aigus vu qu'il ne pouvait vraiment plus se ravoir...C'est dans ce genre de moments d'hilarité où sa voix de petit garçon qui n'avait pas encore mué ressortait le plus.
-Sérieusement ? demanda-t-il en essuyant une petite larme, quand il put enfin aligner plus d'une monosyllabe entre deux hoquets de rire.
-Oui, confirma Noël avec un sourire. C'était très drôle à voir, d'ailleurs !
-Tu trouves ? lui demanda Massimo avec un sourire.
-Bien sûr, intervint Pierrick pour lui. Et ça lui a donné une telle leçon, ça l'a scié en deux, ça lui a tellement rabattu son caquet que c'en était magique !
Bastien riait toujours aux éclats, assis sur son lit mais bientôt affalé dessus, ses abdominaux ne suffisant plus à le garder le dos dressé. Puis, il regarda le blond aux yeux bleus en face de lui, avec son magnifique sourire collé sur sa belle frimousse, et posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis alors quelques minutes :
-Toi aussi, tu es attiré par les hommes ?
Massimo eut alors un sourire navré.
-Désolé, Bastien. Désolé si je t'ai donné un faux espoir, mais je suis clairement hétérosexuel, je suis attiré par les filles. Simplement, comme je ne suis pas en couple et que je ne trouve pas ça grave, je l'ai embrassé. Je voulais vraiment lui montrer la stupidité des ses dires.
-Je comprends bien tes raisons ! fit Bastien. Et bon, c'est un peu dommage pour moi, mais je comprends, ne t'excuse pas.
Massimo sourit, reconnaissant et heureux de ne pas se ramasser des injures qui le traitaient de cœur de pierre ou qui disaient qu'il insultait les homosexuels avec son comportement qui pourrait être inadmissible.

-Au moins, finit par dire Stefano avec un petit rictus sur le visage. Yann n'aura plus aucun homosexuel dans sa chambre, comparé à ici !
Bastien haussa un sourcil interrogateur alors que Pierrick et Matei échangèrent un rapide coup d'œil.
-On est combien, ici, alors ? demanda le garçon aux longs cheveux lisses.
Tous regardèrent le duo Pierrick et Matei, assis tous les deux sur un seul lit du lit à étage, celui du bas. Ce fut le noiraud qui répondit :
-Quatre, maintenant.
Bastien sourit avec un air sous-entendu.
-Qui sont les heureux élus ?
-Noël, Matei et moi, finit par dire Pierrick.
Après trois secondes de silence, pendant lesquelles Bastien ruminait les informations intéressantes qu'il venait de recevoir dans sa boîte crânienne, quelqu'un reprit la parole d'une voix claire et distincte.
-Tu sais garder un secret ? demanda Matei avec un sourire discret. Ça ne doit vraiment pas sortir d'ici...
-Oui ? fit Bastien.
Pierrick et Matei échangèrent un regard. Ils souriaient tous les deux, ils étaient d'accord et aucune parole n'avait été nécessaire pour se comprendre.

-On sort ensemble, dit le jeune couple en chœur.

Bastien resta figé quelques instants avant de s'exclamer avec un sourire immense :
-Mais c'est génial ! C'est super, pour vous deux ! Bravo, toutes mes félicitations !
-Ça va, on dirait que tu les félicites pour une grossesse ! rit Massimo de bon cœur.
Stefano vit Noël du coin de l'œil se renfrogner devant les félicitations sonores, spontanées et sincères de Bastien. Il savait bien pourquoi, Ngôi Sao lui avait raconté les troubles dans le cœur du jeune garçon.
Bastien était tout excité pour les deux garçons et il leur dit avec une franchise assez désarçonnante :
-Je pensais bien que tu étais comme moi, Matei, mais toi, Pierrick, je n'aurais jamais pensé ! Ça me surprend, en bien, évidemment !
Les deux jeunes garçons sourirent et se prirent la main instinctivement.

Bastien leur promit de garder le secret et de ne rien dire aux personnes n'étant pas au courant, quand ils décidèrent d'aller se coucher. Cette journée, ainsi que la veille au soir avec ce trouble-fête de Yann, les avait complètement achevés...Seul Pierrick décida d'aller se doucher et Noël déclara qu'il suivrait.
Bastien resta un moment éveillé pour discuter avec le jeune garçon. Il commença la conversation ainsi :
-Je suis jaloux.
-De ?
-Des deux autres, là...sourit Bastien en désignant du menton Matei qui dormait puis la salle de bains où s'était enfermé Pierrick.
Noël eut un petit rire, plus nerveux que vraiment naturel, avant de se confesser à cet ami naissant :
-Moi aussi, je suis jaloux...
Bastien pencha sa tête sur le côté, inquisiteur.
-De Matei.
-Pourquoi de Matei ? fit Bastien, étonné.
-J'aime Pierrick...Depuis longtemps. Mais lui a fini par être attiré par Matei et a décidé de se mettre avec lui, il n'a pas vu mes sentiments avant...Donc j'envie Matei.
-Je...Je comprends, dit Bastien en tapotant de la paume de sa main sur l'épaule de Noël qui lui sourit, amusé et touché à la fois par le geste. Je connais ce sentiment d'amour non-partagé...
-La vie est dure pour nous, plaisanta Noël avec un sourire à la fois triste et envisageant l'avenir avec force et optimisme.

Au bout de quelques minutes, Bastien demanda :
-C'est quoi, ton style de garçons ?
-Pierrick, fit Noël sans hésiter.
Bastien rit et répéta sa question mais un peu autrement :
-Non, mais...En plusieurs mots communs ?
Noël sourit. Sans ses lunettes, il avait une frimousse encore plus sympathique à regarder.
-Je vais juste te décrire Pierrick, tu sais...
-Vas-y ! Ça en dit toujours long sur la vision des gens sur les choses !
-Disons grand, brun ou noiraud, avec un air ténébreux mais dans le fond, gentil comme personne...Et puis beau, musclé, je ne sais pas, moi...
-C'est déjà beaucoup ! plaisanta Bastien.

Pierrick sortit alors de la douche. Noël alla alors le remplacer sous l'eau chaude sortant du pommeau qui dégoulinait ensuite sur son corps clair, alors que Pierrick, saluant Bastien qui s'endormit peu après, alla vers le lit de Matei.
Ce dernier, somnolant, tourna sa tête vers son petit ami qui le regardait tendrement, assis au bord de son lit. Il caressa alors doucement de sa paume la joue imberbe de Matei qui releva le menton de plaisir et sourit à son contact.
-Je peux ? murmura le noiraud.
-Quoi ? fit Matei avec la bouche encore un peu pâteuse de sommeil.
Cela fit sourire Pierrick qui, en caleçon, ce qui lui faisait office de pyjama vu qu'il n'était pas pudique, se glissa sous les draps et, comme le lit était plutôt petit, il se colla au corps de Matei.

Bizarrement, le jeune brun fut immédiatement réveillé...
-Ça...murmura finalement Pierrick au creux de son oreille.
Matei baissa les yeux, les épaules relevées au niveau de ses oreilles et chuchota :
-Comme...Comme tu veux...
En vérité, il n'avait aucune envie de s'afficher en tant que couple mais après tout, dans cette chambre, tout le monde savait qu'ils sortaient ensemble...Pour une fois, il pouvait prendre sur lui et accepter les petits gestes de Pierrick dans un public restraint.
Enfin...Grands gestes, plutôt...
Pierrick enfouit sa tête dans les cheveux légers de Matei et mit ses bras en croix sur le torse de son petit ami qui rougit de beaucoup à ce contact. Ses doigts doux remuèrent légèrement sur le tissu du haut de pyjama de Matei qui lâcha une respiration un peu plus audible que les autres.
Pierrick acheva son petit scénario romantique en tirant Matei vers lui, le collant contre ses jambes et son torse musclé nus. Matei se mordit la lèvre inférieure. Dans cette position, il sentait contre le bas de son dos quelque chose de chaud et le torse de Pierrick n'était pas en reste, chaud aussi et aux volumes marqués qui se faisaient sentir même à travers son pyjama.

-Pierrick...
-Oui ? murmura le beau noiraud.
-Tes mains...
-Quoi donc ?
-Pierrick ! fit Matei, avec un ton indigné mais toujours en sourdine pour ne pas réveiller les autres et ne pas trop attirer l'attention de Bastien.
Le noiraud barbu sourit. Il bougea alors son bras et la main au bout de ce dernier frôla de ses doigts le visage lisse de Matei puis son cou, plus que sensible à ce contact. Matei serra les dents pour étouffer un gémissement plaintif.
Pierrick le vit et caressa alors de sa main libre le ventre de Matei une fois ses doigts glissés sous le haut du pyjama de son petit ami. Matei mordit sa lèvre intérieure avec force pour s'empêcher de hurler son plaisir à travers toute l'auberge.
Peu après, Pierrick s'arrêta et Matei, assommé par le sommeil, s'endormit paisiblement dans les bras de son petit ami, le dos collé à son torse nu. Le barbu suivit le brun peu après dans le sommeil.

Noël sortit de la douche, vêtu du bas de son pyjama mais pas du haut, et, même sans ses lunettes, il vit les deux amoureux collés l'un à l'autre dans le lit de Matei. Une larme coula le long de sa joue, les dents serrées et la mâchoire crispée.
Il était jaloux. Vraiment jaloux...
Il enviait Matei d'avoir Pierrick pour lui tout seul, maintenant plus que jamais...
Il aurait voulu que Matei refuse ou n'aime que les filles, pour que la demande de son meilleur ami soit soldée d'un cuisant échec. Il aurait ensuite été là pour le consoler et, qui sait, se rapprocher encore plus intimement de lui...
Il se coucha.
Il ravala ses larmes chaudes et pleines de jalousie et de rancœur.
Puis s'endormit...