Chapitre 13 : La tentative du désespoir

Pierrick avait ses écouteurs.
À chaque pause.
Voilà qui était rare !
Il écoutait sans cesse la même chose, il ne faisait qu'appuyer environ toutes les trente secondes sur, il semblerait, le même bouton...

Massimo, espion dans l'âme et vraiment intrigué par ce que Pierrick écoutait en boucle sur un écran avec zéro de luminosité pour plus de discrétion, finit par regarder par-dessus son épaule musculeuse. Puis, à la pause de midi, Massimo reprit Ngôi Sao à part. À croire pour des gens lambdas qu'il avait un sacré béguin pour elle mais non, pas du tout, ils échangeaient juste des informations plus qu'intéressantes sur leurs amis mutuels !

-Tu as envoyé quoi comme audio à Pierrick pour qu'il l'écoute en boucle comme ça ?
Massimo avait presque un ton de reproche à l'égard de Ngôi Sao qui eut alors un sourire diabolique s'étirant sur son mignon faciès. Elle chuchota alors, comme pour elle-même :
-Je me demandais ce qu'il écoutait sans cesse durant les pauses...
Massimo haussa un sourcil interrogateur quand la jeune fille lui demanda comme si elle sautait d'un coup du coq à l'âne :
-Tu as tes écouteurs ?
Elle n'en avait jamais sur elle. Elle n'écoutait pas de musique quand elle n'était pas chez elle. Ses amis proches le lui reprochaient d'ailleurs. Massimo les sortit, regarda Ngôi Sao les brancher sur son appareil et elle lui en tendit un après avoir réglé le son. Massimo écouta alors attentivement, tendant l'oreille quand la jeune fille appuya sur le bouton pour démarrer l'écoute.
Un sourire fourbe et machiavélique étira les lèvres du beau blond et quand il regarda la jeune espionne qui retirait ses écouteurs, elle lui dit :
-Un grand scoop, n'est-ce pas ?
-Oui...rit Massimo.
-Je pense que Pierrick a plus dû écouter le premier audio.
-Je pencherais aussi plus pour celui-là, quand Matei parle.
-Chut ! lui dit la jeune fille en mettant un index sur ses lèvres avec un clin d'œil.
-Pardon, pardon ! gloussa Massimo en mettant sa main devant ses lèvres qui souriaient. Motus et bouche cousue ! Promis !

-Encore à comploter ? demanda Stefano à Ngôi Sao quand elle revint en classe.
Xiù ricana et lui lança un regard amusé. Elle ne savait rien de ce qui se tramait mais elle avait un excellent instinct combiné à une intuition presque sans faille, si bien que Ngôi Sao ne serait même pas étonnée qu'elle sache tout sans que personne ne lui ait rien dit...Elle eut alors un petit rire et révéla alors à ses deux amis avec un sourire amusé :
-Je ne complote pas, je tiens une prise, et une grosse prise, de type baleine bleue !
Xiù rit devant le trait d'humour et ni elle ni Stefano ne voulurent en savoir plus. Soit ils se doutaient de quelque chose, soit ils n'étaient pas aveugles...Soit les deux ! Il ne fallait pas avoir le meilleur sens de la vue du monde pour voir que Pierrick et Matei s'attiraient et que des choses se passaient entre eux actuellement...

À la fin des cours, Matei retint Pierrick au bras, lui qui voulait s'extraire de cette salle le plus vite possible pour ne pas se confronter directement à son bien-aimé laissé dans l'ignorance. Massimo emporta Noël au loin pour ne pas gêner Matei, déjà assez mal à l'aise comme ça. Il était timide et avait encore moins l'habitude de prendre les devants de cette manière, en retenant physiquement quelqu'un en lui agrippant le poignet...Un poignet bien large grâce à de puissants muscles...Matei sortit un instant l'imposante musculature de Pierrick de son esprit troublé et bredouilla un début de phrase que le jeune homme ne comprit pas.
-Dis-moi pourquoi tu...
-Je quoi ? fit Pierrick devant l'absence de fin de phrase de Matei.
-Tu m'as repoussé quand je...J'ai trouvé le courage de répondre à ta demande ?
Les muscles du poignet du jeune sportif se détendirent. Il avait honte de faire attendre Matei et culpabilisait à mort de le laisser dans ses doutes et ses peurs...Mais il avait encore trop Noël dans sa tête pour laisser entrer autant Matei dans son cœur...Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la tête et le cœur sont étroitement liés quand il s'agit de prendre une décision importante...Plus liés que ce qu'on croit...
-Je...Je...
Pierrick ne savait pas quoi dire. Quoi que ça soit, il allait craquer s'il parlait de Noël, son meilleur, à celui qu'il aimait et qui l'aimait. Il retira son bras de l'emprise de Matei, peut-être trop brusquement pour que le jeune garçon ne le prenne pas mal. Il se sentit blessé d'être comme une seconde fois repoussé...Surtout avec une absence de réponse de la part de Pierrick...
-Je suis dans une...Une mauvaise passe...finit par lâcher le barbu avec des yeux de chien battu, voire de chien battu toutes les cinq minutes. Je ne veux pas t'imposer mon état...Mais...Mais je vais te redire...Tout bientôt...

Matei sentit son cœur s'embaumer de nouveau un peu...Pierrick ne le repoussait pas entièrement ! Il y avait encore de l'espoir ! Il avait apparemment juste besoin de se calmer l'esprit, rien de grave ! Il fallait encore leur laisser du temps à tous les deux et enfin, ils pourraient se mettre ensemble !
Matei rentra chez lui, aussi lunatique que possible...Il faillit rentrer plusieurs fois dans des gens à qui il ne faisait pas attention dans la rue et faillit également se prendre les pieds plusieurs fois dans des pots de fleur sur le sol dans le jardin commun de son immeuble...
Sa mère lui demanda ce qui le rendait comme ça quand il rentra mais sans, comme toujours à son habitude, signaler sa présence en saluant les membres de la famille présents dans la maison. Il ne répondit finalement que vaguement en évoquant un beau garçon noiraud à barbe, mais sa mère ne put lui extraire, à son plus grand dam, plus d'informations...
Sa famille savait depuis toujours que Matei était homosexuel. Enfin, pas toujours non plus, mais depuis qu'il le savait, il leur avait parlé et ils l'avaient tous tellement soutenu que ça avait grandement aidé Matei dans sa totale assumation de lui-même et son orientation.

Le soir, Matei échangea avec Ngôi Sao tous ses espoirs, ses craintes mais vraiment adoucies depuis la brève réponse évasive de Pierrick. Bien sûr, la jeune fille savait exactement de quoi il retournant quand le beau noiraud évoquait cette fameuse mauvaise passe, un passage de vie difficile pour lui. Il faisait clairement référence à Noël qui l'enquiquinait un peu avec ses histoires pile à ce moment-là, mais d'après elle, mieux valait qu'elles arrivent maintenant avant que tout soit officiel. S'ils étaient déjà ensemble quand Noël avait tout déballé, leur couple aurait pu vaciller et se détruire petit à petit. Au moins, Pierrick mettait là les choses en ordre dans sa tête avant de s'impliquer dans une relation. Il n'était pas dans les habitudes de Ngôi Sao d'être négative ou pessimiste mais pour assurer le bonheur de son meilleur ami dans cette situation délicate, il ne fallait pas négliger une seule situation !
Matei racontait ses rêves à Ngôi Sao qui lisait ses messages avec attention et intérêt mêlés. La jeune fille aimait toujours lire les messages de joie et de fantasmes de son meilleur ami ! Elle-même était plus introvertie et discrète en ce qui concernait ses amours mais finalement, elle discutait toujours de tout avec Matei !
Sauf ce qui concernait sa vie amoureuse intime...Ce qui se passait entre Marveen et elle entre quatre yeux restait entre ces mêmes quatre yeux et les quatre murs de la pièce dans laquelle se trouvaient ces yeux-là !
Ça, Matei le savait, et il n'avait pas spécialement envie de savoir ce qui se passait dans la vie intime du couple, même si ça concernait sa meilleure amie ! Mais lui, il allait tout lui raconter ! Il le faisait déjà alors...Et cela convenait parfaitement à la jeune espionne tapie au fond de Ngôi Sao aussi discrète qu'efficace !

Une semaine plus tard, le jour du cours de sport, Matei ne put s'empêcher de regarder Pierrick torse nu dans le vestiaire. Puis, sur le terrain, il était tellement distrait qu'il failli être décapité une fois par une balle qui venait d'être allumée par Noël, qui jouait volontiers au football, et qui avait rebondi sur le cadre du but.
Le garçon ne s'était même pas excusé. Il n'en avait pas ressenti ni la nécessité ni l'envie envers ce voleur de Pierrick !
Ce dernier l'avait incité d'un coup de coude à le faire mais il n'avait rien voulu entendre. Il n'allait pas s'excuser envers Matei non plus ! Il ne fallait pas exagérer !

Après le cours, les élèves de la classe apprirent qu'ils avaient congé, leur enseignant d'histoire n'était pas là. Matei prit alors son temps pour sortir des vestiaires et finit par se retrouver seul avec Pierrick. Tous les autres étaient déjà dehors, surexcités par l'idée de finir plus tôt et de rentrer chez eux. Même Massimo et Noël étaient déjà dehors, au frais après le cours de sport épuisant, en attendant Pierrick.
Ce dernier se dirigea vers le lavabo présent dans le vestiaire pour se laver les mains et le visage ainsi que pour se rincer la nuque, encore toute collante du cours précédent. Pierrick se frotta encore le dos avec le linge qu'il gardait constamment dans son sac de sport pour se rafraîchir un minimum et il finit par remarquer que Matei ne faisait que le regarder.
Comme ils étaient seuls, il ne se gênait pas. Ou disons, moins que s'il y avait d'autres garçons dans la pièce...

-Je sais...Ça fait une semaine...finit par dire Pierrick, dos à Matei.
Il avait ses affaires à l'opposé de celles de Matei dans le vestiaire. En rangeant ses chaussures et son maillot de sport dans son sac, il était obligé de montrer son dos à Matei, qui se rinçait l'œil sur ses muscles visibles qui roulaient sous sa peau bronzée...
-Je suis désolé de te faire attendre, Matei...continua Pierrick en repliant ses chaussettes.
Il profita du fait qu'il était dos à celui qu'il aimait pour de mordre la lèvre inférieure de remord...Matei, lui, apprécia que le jeune homme dise son prénom, il adorait ça...Sa belle voix masculine le rendait fou ! Matei se leva et se rapprocha de Pierrick qui ne semblait pas l'entendre vu qu'il ne se retourna pas et continua de ranger ses affaires, comme son déodorant qu'il plaçait dans une poche intérieure. En revanche, il poursuivit son monologue, ne s'assurant même pas que son interlocuteur l'écoutait vraiment :
-Je...Je n'ai même pas d'excuse à te donner...Je n'ai aucune excuse ! Mais crois-moi, je...Ça va venir. Je vais te répondre.
Pierrick eut un rire ironique, presque jaune.
-C'est cocasse, n'est-ce pas ? C'est à toi que j'ai demandé de sortir avec moi mais c'est à toi d'attendre la réponse ! C'est vraiment ridicule ! Et pitoyable...
La voix de Pierrick se brisa quand il prononça le dernier mot. Il n'avait pas le courage de blesser Noël mais il avait en même temps tellement envie d'enfin se mettre avec celui dont il rêvait depuis plus de six mois ! C'était une véritable torture pour le jeune homme noiraud qui était dos au mur, ne sachant plus que faire...
Ses pensées continuèrent à hanter sa conscience quand...

Pierrick sentit contre son large dos un tissu se coller avec une certaine pression ainsi que des mains s'appuyaient sur son torse encore nu...Après quelques secondes d'incrédulité, Pierrick, yeux écarquillés et en pleine rétention de souffle, ne sut que faire ni que dire...
Comment devait-il réagir ?
Que devait-il faire ?
Matei venait de l'étreindre et tout ce qui lui traversait l'esprit, c'était...Rien ?

-Je t'attendrai, Pierrick...finit par articuler Matei. Je t'attendrai...Peu importe ce que tu dois faire. Mais sache que...
Les mots se coincèrent dans la gorge du jeune garçon brun. Il n'avait jamais dit ça à personne sauf ses parents...Et encore, ce n'était pas pareil...
-Je t'aime...

Matei attendit la réponse fatidique, qui tomba sur lui avec autant de violence qu'un marteau en acier sur une enclume en plomb.
-Sache que moi, je...J'ai vraiment envie de me mettre avec toi...Je te demande juste de me faire confiance là-dessus, même si...Comme un ingrat égoïste, je te fais attendre...
Les mots apportèrent du baume au cœur de Matei. Pierrick lui-même venait de lui dire qu'il voulait se mettre avec lui ! Ngôi Sao lui l'avait déjà assuré mais quand l'individu même le disait aussi directement, on ne pouvait pas être malheureux !
-Merci, Pierrick...Ce que tu me dis me fait vraiment...Très plaisir !

Les paroles de Matei eurent l'effet de faire éclater la soupape qui retenait les sentiments et les pulsions de Pierrick...
Celui-ci se retourna alors brusquement, laissant Matei pantois et surpris qui n'eut pas le temps de comprendre ce qui passait, jusqu'à ce que le beau noiraud le prenne à la taille et dépose doucement ses lèvres sur les siennes...
Les yeux de Matei s'écarquillèrent...
Son esprit torturé par le doute se vida d'un seul coup...Trop sous le choc.

Les lèvres de Pierrick étaient douces, au moins autant que ce baiser si tendre et passionné.
Rien de plus ne se passa, seules leurs lèvres se touchaient.

Puis Pierrick mit fin à ce baiser diviniment agréable et sourit à Matei avec sincérité et lui dit :
-Considère ça comme une promesse ! Je te jure de bientôt te répondre définitivement.

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