Épilogue
Arthur.
Mon père sonne à la porte de chez les Gomel aux alentours de dix-sept heures. Je me tiens à côté de mon frère, un énorme plat de lasagnes dans les bras et ma mère époussette l'une de mes épaules en râlant.
— Où est-ce que tu es encore allé te fourrer ?
— J'ai été dans le grenier pour récupérer quelque chose.
Je souris, fier de me dire que je l'ai enfin dans la poche. Ça fait des semaines que je n'arrivais pas à mettre la main dessus, mais je l'ai retrouvé pile à temps.
— En chemise ? Ce n'était vraiment pas une bonne idée.
— Laisse-le tranquille, soupire mon père en attrapant sa main. Ça ne va pas le tuer.
Marie ouvre la porte, un tablier sur les hanches.
— Entrez. Je suis en train de finir les toasts.
— On t'avait dit de faire simple, rigole ma mère en faisant un premier pas dans la maison.
Nous suivons tous le mouvement et le regard dévie automatiquement vers l'escalier menant au premier étage. Je n'ai qu'une envie, c'est d'aller la rejoindre.
— Arthur, mon grand. Tu veux bien apporter le plat sur la table du jardin ? me demande ma mère.
— C'est comme si c'était fait.
Je traverse la maison, suivi par Léo, et nous nous avançons sur la pelouse jusqu'à la table en bois où la silhouette de Daphné est déjà en train de mettre le couvert. Ma meilleure amie et mon frère se collent l'un à l'autre comme des aimants et je profite d'être transparent pour faire demi-tour jusqu'à l'entrée de la maison. Je regarde discrètement vers la porte de la cuisine, et lorsque la voie est libre, je grimpe l'escalier à grande enjambée.
Je ne frappe pas et me glisse à l'intérieur, aussi excité qu'un gamin. Elle est de dos, près de son bureau et fouille dans une petite boîte à bijoux. Je ne lui laisse pas le temps de se retourner et l'enlace en lui volant un baiser dans le cou.
— Alors ta journée ?
— Superbe, dit-elle en se logeant entre mes bras. J'ai eu la chance de participer à une incroyable activité pâte à modeler avec les enfants, et il me tardait de te retrouver.
Cela fait déjà deux semaines que nous sommes rentrés de notre périple et nous avons décidé de faire les choses à notre rythme. Personne n'est au courant que nous nous sommes retrouvés et nous essayons de vivre notre histoire au jour le jour.
On ne peut pas se permettre de reprendre tout à zéro. Notre passé est lourd, pas très glorieux, mais nous avons décidé qu'il fallait avancer avec. Nous en parlons le plus possible et chaque discussion rend la charge plus légère. Je l'embrasse du bout des lèvres et farfouille dans ma poche.
— Qu'est-ce que tu fais ? rigole-t-elle.
— J'ai quelque chose pour toi. Pour pas que tu m'oublie quand tu seras à l'université avec tous ces beaux mecs mal intentionnés.
— Je ne les verrais même pas, dit-elle sérieusement, en plongeant son regard dans le mien.
La petite boîte entre les mains, je sens que c'est le moment parfait pour la lui rendre. Alors, sans la quitter des yeux, je glisse ma gourmette dans la paume de sa main. Elle a le réflexe de vérifier puis referme ses doigts autour de mon bijou.
— Arthur... souffle-t-elle.
— Je ne l'ai jamais donnée à personne d'autre après toi. Je sais qu'on est plus des ados, et que ça n'a plus vraiment autant d'importance qu'avant, mais... Quand tu me l'as rendue, ça m'a fait mal, et je veux te faire la promesse que cette fois tu n'auras plus jamais à me la rendre.
— Merci, dit-elle en me serrant dans ses bras. Ça me touche beaucoup.
J'ai l'impression d'entendre sa voix trembler. Je prends son visage entre mes mains et l'observe un instant. Je veux me remémorer tous ses traits, le vert pétillant de ses yeux, ses boucles brunes, sa bouche tentatrice, son odeur sucrée. Elle est si belle, si bouleversante que mon satané palpitant ne cesse de faire des bonds.
— Tu vas me manquer.
— Toi aussi. Énormément. Mais je viendrais te voir dès que possible.
Je scelle mes paroles d'un baiser, pour lui transmettre tout mon amour. Mes mains trouvent seules le chemin de ses hanches pour la presser contre moi. Il nous reste seulement quelques heures ensemble avant qu'elle ne prenne le train pour retourner dans son appartement étudiant et même si nous y étions préparés, je n'arrive pas à la laisser partir. Je voudrais que l'on reste dans cette chambre pour toujours.
— Tout le monde doit nous attendre, sourit Mia en se détachant de moi.
— Et si je te dis que je m'en fous ?
Elle me caresse la joue et je capitule. Elle a raison, mais ce n'est pas pour autant que j'ai envie d'écouter la voix de la raison. Elle prend la direction de l'escalier et je la suis en laissant une distance raisonnable entre nous. J'ai déjà envie de la toucher, de la sentir contre moi. Avant que nous ne rentrions dans la cuisine, elle me lance un sourire étourdissant puis accélère le pas et je reste immobile sur la dernière marche.
Un. Deux. Trois.
Ces dernières semaines, nous avons rodé notre plan. On s'est promis de le dire, mais on veut profiter encore un peu de cette bulle intime qui nous protège du monde extérieur. Je prends une inspiration et pénètre à mon tour dans la pièce où tout le monde est déjà en train de se dire bonjour.
— Arthur ! Te voilà !
Je serre la main de Xavier et il m'emmène à sa suite dans le jardin où l'apéritif est déjà installé.
Le repas se passe parfaitement bien. Les lasagnes de ma mère ont un franc succès. Je suis toujours assis autour de la table, la nuit est tombée et mon père a sorti l'un de ses vieux albums de jazz.
— La maison va bientôt être très vide, indique Xavier, non sans une pointe de tristesse.
Et il n'est pas le seul à redouter ce moment. Je vais rester ici, alors que les sœurs Gomel vont toutes s'envoler pour repartir faire leurs études. Ça va faire un grand vide et la maison va paraître bien trop calme sans elles. Elles ne sont pas toujours faciles à vivre, elles crient beaucoup, elles sont bruyantes mais elles sont particulièrement attachantes.
— On rentrera souvent, sourit Sophie.
— Et je suis sûre qu'on ne va pas te manquer tant que ça, rétorque Daphné.
— Qu'est ce que tu racontes ? rigole son père. Je travaille à la maison et je vous ai dans les pattes toute la journée, maintenant il n'y aura plus personne pour m'embêter quand j'aurai envie de faire une pause.
— Il a raison, ajouté-je. On s'habitue vite à votre désordre en travaillant.
— Tu seras ravi de ne plus nous croiser dans la cuisine.
Je pince les lèvres en réprimant un sourire, devant l'air amusé de Mia. Je dois vraiment prendre sur moi pour rester loin et ne pas la prendre dans mes bras. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment une fille si géniale a pu choisir de me laisser une énième chance de la rendre heureuse alors que je l'avais tant déçue.
Et je passerais le reste de la vie à lui prouver qu'elle a eu raison.
Peut-être que notre histoire s'arrêtera un jour, mais cette fois je serai sûr d'avoir tout essayé, tout tenté. Deux petites voix mènent un combat acharné dans mon esprit. L'une d'entre elle me dit que cette histoire va forcément mal finir, comme à chaque fois et que parfois l'amour ne suffit pas pour vivre heureux. La seconde, espère que cette fois, tout sera différent, après tout nous avons grandi et évolué alors peut-être que nous arriverons à être un couple, pour de vrai. Et quand je croise son regard au détour d'une conversation, tous mes doutes disparaissent et je me dis que notre histoire en vaut la peine, et que je veux me battre pour qu'elle fonctionne.
— Bon, les filles, vous allez chercher le dessert ?
— Je m'en occupe, s'exclame Mia en se levant de sa chaise.
— Je vais t'aider, tenté-je, avec le plus de calme possible.
Depuis le début de cette interminable soirée, Mia et moi n'avons pas eu un seul moment d'intimité et je rêve de l'embrasser encore. Je ne me souvenais pas vraiment à quel point les débuts peuvent être si enivrants. Ou alors c'est seulement parce que c'est elle ?
Mia entre à l'intérieur de la maison et j'emprunte le même chemin. Une fois dans le salon je l'attrape par la hanche et la tire contre moi. Elle regarde autour de nous avant de se dresser sur la pointe des pieds et me dépose un léger baiser.
— Ça va être l'horreur de ne plus te croiser en petite culotte dans la cuisine.
— Ah bon ? Moi, j'ai détesté te voir ce jour-là.
— De mon côté, je savais déjà que j'étais foutu.
Je pose ma main contre sa nuque et écrase ma bouche contre la sienne. Nos langues entrent en contact tandis que je la presse plus fort contre moi. Son odeur est devenue addictive, mon corps entier est en manque d'elle, de ses caresses, de sa présence. Je ne suis plus qu'un amas d'organes en manque d'étreintes passionnées.
— Beurk ! Arrêtez ça tout de suite, s'indigne Claire en entrant dans le salon. C'est écœurant.
Je recule brusquement, les lèvres encore gonflées par notre baiser. Nous sommes tous les deux rouges, les yeux grands ouverts et nous avons des têtes de parfaits coupables. Les deux jeunes sœurs de Mia continuent leur chemin dans la pièce, alors que j'ai presque arrêté de respirer.
— Donc j'avais raison. Vous êtes amoureux ! rigole Léna.
— Ne dites à personne ce que vous avez vu, la coupé-je précipitamment.
Mia retourne son visage vers moi, un peu perdue.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire...
Ses pupilles émeraude me scrutent et je me mords la joue d'avoir parlé si vite mais j'ai peur que si la famille s'en mêle notre histoire n'ait pas l'occasion d'évoluer.
— Il a raison, ajoute Mia, en prenant place face à ses sœurs. S'il vous plaît, gardez-le pour vous.
— Pourquoi ?
— Qu'est ce qui se passe ? demande Daphné en entrant à son tour.
— Arthur a embrassé Mia.
Je serre le poing et tente de ne pas réagir au regard foudroyant que me lance immédiatement ma meilleure amie. Sophie apparaît dans l'encadrement de la porte en rigolant, et s'arrête en voyant que quelque chose cloche.
C'est de pire en pire...
— Pardon ? s'étouffe Daphné.
— Léna ! Je viens de te demander de le garder pour toi, s'énerve ma complice.
Je cherche à la déchiffrer du coin de l'œil. Elle semble un peu moins paniquée que moi par la situation. J'ai très envie de lui tenir la main pour lui faire comprendre que j'assumerais quoi qu'il arrive, mais elle se décale d'un pas vers la porte en laissant un espace entre nous.
— Ah bah enfin ! ricane Léo qui arrive dans son dos.
Super, de mieux en mieux... On devrait appeler les parents pour les faire profiter de cette scène surréaliste.
— Tu étais au courant et tu ne m'as rien dit ? s'époumone ma meilleure amie alors que mon frère s'apprête à l'enlacer.
— Il s'agit de mon jumeau, je ne pouvais pas le trahir. En plus, je n'avais pas compris que c'était réciproque, se marre-t-il en me lançant un clin d'œil implicite.
— Est-ce qu'on peut arrêter de parler de ça, comme si on n'était pas là ? se renfrogne Mia, les poings sur les hanches.
— Vous aviez l'intention de le garder pour vous ? nous questionne Léna, un sourire jusqu'aux oreilles, apparemment ravie de la situation. Moi je trouve que c'est super cool.
— Je ne sais pas. C'est récent et...
— C'est du sérieux ?
Mia balbutie et perd complètement ses moyens. Son visage devient rouge et elle cherche mon regard pour savoir comment répondre à cette question.
— Oui, intervins-je pour la soutenir dans cet interrogatoire ridicule. Et si ça ne vous ennuie pas, j'aimerais que vous arrêtiez avec vos questions.
Je croise les bras devant ma poitrine et balade mes yeux acerbes sur mes interlocuteurs. Je n'ai aucune envie de les entendre nous rabâcher que c'est une bonne ou mauvaise idée de remettre le couvert. A l'heure actuelle, je n'ai qu'un souhait, le même depuis toujours, être avec elle sans que personne ne donne son avis.
— Qu'est ce qui se passe ici ? questionne Xavier, qui arrive accompagné de tout le reste des invités.
Ça y est nous sommes tous au complet. Mia et moi faisons face à nos familles, dans ce qui semble être notre procès. Je frotte ma main sur mon visage en soufflant. Je ne sais plus quoi dire, ni quoi faire.
C'est une caméra cachée ou quoi ?
— Il semblerait que Mia et Arthur ne se détestent plus autant qu'avant, indique Claire.
— Ah ça, rigole son père. Laissez-les tranquille, ça ne nous regarde pas.
— Tu étais au courant avant nous, papa ? s'étonne Léna.
— Je l'ai vu sortir de sa chambre la semaine dernière, explique-t-il en me regardant.
Je deviens livide. Je voudrais être minuscule et pouvoir me cacher dans un trou de souris.
— Et j'ai aussi vu Léo escalader notre mur au fond du jardin après avoir rendu visite à Daphné, continue-t-il en se tournant vers lui. Je me suis même demandé si je n'allais pas finir par faire payer l'entrée de la maison. Heureusement que vous n'avez que deux garçons sinon je me ferais encore plus de soucis...
Mon frère se racle la gorge alors que je remarque l'air complice des deux sœurs Gomel qui se retiennent d'exploser de rire.
— Ils ont du goût, qu'est-ce que tu veux ? affirme mon père en me tapant sur l'épaule.
— Je... Désolé, Xavier... balbutie Léo.
— On comptait vous en parler mais dans un futur plus lointain, explique Daphné en croisant les bras sur la poitrine.
— Non, révèle Marie. Ce sont vos histoires. Nous n'avons pas besoin d'en savoir plus. Tant que vous êtes bienveillants les uns avec les autres, je suis ravie pour vous.
Et comme pour conclure sa tirade, la mère de Mia continue sa route jusqu'à la cuisine. Mes parents et Xavier prennent le même chemin et un moment de flottement prend place dans la pièce. Daphné s'approche de Léo qui la prend dans ses bras et ils sortent ensemble vers le jardin après lui avoir embrassée la tempe.
J'avais imaginé l'annonce de notre couple des millions de fois et ce scénario était de loin plus catastrophique que tous ceux auxquels j'aurais pu penser. Mais je suis plutôt content qu'ils soient au courant, je me sens presque plus léger et je dois dire que depuis plusieurs jours je me retiens de crier au monde entier à quel point elle me fait du bien.
Personne n'a fait la moindre remarque désagréable et ils ne semblent pas défavorables à notre histoire. Et je me rends compte qu'aujourd'hui, même s'ils avaient montré leur exaspération, tout cela n'aurait rien changé à mes sentiments, ni même à mon envie de partager ma vie avec la merveilleuse femme que Mia est devenue.
Je m'accoude sur le meuble en bois derrière moi, en frôlant l'épaule de Mia qui se tourne et me gratifie d'un sourire renversant qui me donnerait presque envie de l'embrasser à nouveau devant nos deux fratries réunies.
On n'est plus à ça près, si ?
Je prends sa main dans la mienne pour lui prouver qu'elle n'est plus seule et son regard s'ancre dans le mien.
— Et bien... Je ne m'attendais pas à ça, taquiné-je alors que tout le monde quitte le salon sans faire attention à nous.
— Moi non plus, pouffe-t-elle. Mes sœurs sont horribles.
— Mais au moins c'est fait.
Elle comble le peu de distance qu'il y a entre nous et s'accroche à ma nuque m'obligeant à me replacer face à elle.
— Je t'aime, murmure-t-elle en m'embrassant sur la pointe des pieds.
Et ces trois petits mots me remplissent de joie. Je la soulève en passant mes bras autour de son dos et elle laisse sortir un petit cri de surprise.
— Moi aussi, je t'aime tellement, soufflé-je sans la poser par terre.
Elle rit en secouant la tête, son parfum parvient jusqu'à moi, me faisant perdre un peu plus la tête. Et elle pose sa bouche sur la mienne avec une douceur infinie.
J'aime sa manière de m'embrasser, de me regarder, de me toucher. Mia est mon âme sœur et, inconsciemment, j'ai toujours su qu'elle aurait une place importante dans ma vie. Elle fait partie de ces personnes qui vous marque au plus profond de votre cœur et malgré le temps qui passe vous êtes incapable de les oublier.
Je n'ai jamais cessé de l'aimer, c'est une certitude.
Nous avons peut-être perdu plusieurs années à nous chercher et à fuir mais, cette fois, tout est différent. Nous avons grandi, nous allons apprendre à communiquer davantage et je me fais la promesse de ne plus jamais être assez stupide pour la laisser partir.
Fin.
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