Chapitre 40 - Mia
Mia.
Le bruit des mouettes me sort doucement de mon sommeil. J'ai l'impression de retrouver quelque chose qui m'a profondément manqué. Et pourtant tout est différent.
Cette nuit dans la caravane était parfaite. Je crois que cela fait une éternité que je ne me suis pas senti aussi sereine. Je suis sur un petit nuage, léger et caressant. A moins que ce soient les doigts de mon amant contre mon flanc.
— Qu'est-ce que tu fais ? demandé-je, la voix toute endormie.
Je le sens sourire contre mon épaule avant d'y déposer un faible baiser.
— Je suis content d'être ici, avec toi.
Arthur me fait rouler sur le côté pour que je me retrouve face à lui et il resserre sa prise autour de moi.
— Bien dormi ?
— Oui. Mais heureusement qu'il ne faisait pas froid, ironise-t-il.
Je le regarde sans comprendre et il me désigne la couette en boule au bout du lit.
— Tu es d'une mauvaise foi terrible, m'esclaffé-je. C'est toi qui avais chaud, et qui l'a jetée.
— Tu n'as pas cessé de tirer dessus. Mais je ne t'en veux pas, continue-t-il dans un sourire. Si ça te va, je vais aller nous chercher un petit déjeuner et pendant ce temps tu vas mettre ton maillot de bain. Dans une heure et demie, on a un rendez-vous près du port.
— Très bien, acquiesce-je en l'embrassant. Il me tarde de voir ce que tu m'as prévu.
— Chocolatine et croissant ?
— Croissant, s'il te plait.
Arthur acquiesce avant de se lever et d'enfiler son tee-shirt qui est tombé au sol hier soir, avec le reste de nos vêtements. Il attrape son short et sort de la caravane en claquant la porte. Je m'assois sur le bord du lit, et cherche à m'habiller à mon tour. Une fois vêtue d'un bikini et d'une petite robe légère, je prends mon téléphone sur la petite table du véhicule et regarde un texto envoyé de la part de Raph.
[J'ai rendu toutes
ses affaires à Stella.
Ce n'était pas facile
mais je crois que ça
m'a fait du bien...]
Je décide d'appuyer sur le petit téléphone vert en haut de mon écran et mon meilleur ami décroche après la première sonnerie.
— Allo.
— Je te réveille ?
— Non, ça fait un moment que je suis debout, soupire-t-il.
— Tu vas bien ?
— Oui, ça va...
— Bien ou bof ? insisté-je en m'installant en tailleur sur le matelas.
— Ça va, je t'assure. C'était une étape nécessaire dans ma guérison et maintenant je dois juste essayer d'avancer.
— Comment ça s'est passé ?
— On a échangé nos affaires et je suis parti. C'est à peine si elle a dit bonjour et c'est mieux comme ça.
Je hoche la tête silencieusement, ne trouvant pas vraiment de mots réconfortants à lui répéter. Je sens dans sa voix qu'il est blessé mais d'ici je ne peux pas faire grand-chose. Il a besoin de temps pour guérir et je sais à quel point ce processus peut être long, mais il ne sera pas seul. S'il veut en parler, je suis là, s'il préfère garder le silence, comme maintenant, je respecte ce choix.
Une famille passe près du camping-car et j'entends les enfants crier et rire en se dirigeant vers la plage. Je n'ai pas ouvert les fenêtres, mais je vois d'ici les rayons du soleil qui commencent à chauffer l'air, les touristes en robes légères et les grosses bouées gonflées qui sont la promesse d'une belle journée.
— Et toi, où es-tu ? J'entends des gens.
— Je... Arthur m'a amené au bord de la mer pour qu'on se retrouve.
— Je suis content pour vous.
— C'est vrai ?
— Oui. Je vous souhaite vraiment d'être heureux.
— Ça me touche beaucoup Raph. Merci.
Un nouveau calme prend place dans notre discussion téléphonique, et je l'entends se lever en prenant une grande inspiration.
— Tu sais... J'adorerais trouver un amour comme le vôtre, m'avoue-t-il.
— Tu veux dire explosif et destructeur ?
— Non, fort et qui survit à toutes les tempêtes.
— Ce n'est pas facile tous les jours tu sais... On s'est fait souffrir pendant des années.
— Mais vous êtes toujours là l'un pour l'autre. Moi je n'ai eu que des copines extrêmement lâches qui se sont barrées à la première difficulté.
— Toutes ces filles ne te méritent pas. Il y en a bien une quelque part qui sera parfaite pour toi.
— C'est l'une de tes copines ? Parce que ça fait vingt-trois ans que je l'attends maintenant.
Je pouffe à ses bêtises et Arthur ouvre la porte en brandissant un sachet de viennoiserie et deux cafés à emporter. Il pose ses trouvailles sur la table et range ses affaires sans bruit alors que je lui fais un signe de main.
— Moi, je serai toujours là pour toi. Promis.
Le regard d'Arthur se tourne dans ma direction, les sourcils froncés. Son expression me tire un sourire et je me lève pour me placer en face de lui. Il enroule son bras autour de ma hanche et il penche la tête sur mon téléphone.
— Moi aussi, Mia.
— Salut Raph, s'exclame-t-il.
— Arthur, ça fait plaisir de t'entendre. Alors comme ça tu kidnappes ma meilleure amie ?
— Ouais. L'idée c'est de la reconquérir, se marre-t-il en plongeant ses iris azur dans les miens.
— Eh mon pote ? Si tu la fais souffrir, je te casse les dents.
— Je n'en ai pas l'intention.
L'un de mes bras vient s'amarrer sur sa nuque et j'ai l'impression que mon cœur explose. L'entendre dire tout ça à voix haute est jouissif, sa phrase imprègne chaque parcelle de ma peau dans une caresse chaleureuse.
— Bon aller, je vous laisse profiter les amoureux, amusez-vous bien.
— Merci, je te raconterai tout en rentrant, affirmé-je.
— T'as intérêt.
Raph raccroche et je range mon téléphone dans ma poche en restant blotti contre Arthur.
— On les bois sur la plage ? demande-t-il en me montrant les cafés du menton.
— Le rêve...
~ ~ ~
Une fois notre petit-déjeuner englouti, je me suis laissée mener jusqu'à une petite paillote en bois. Lorsque nous nous approchons, je remarque plusieurs tenues en néoprène sur des cintres, des bouteilles d'oxygène et je comprends très rapidement la raison de notre venue. Quelques plongeurs sont en train de s'équiper et discutent de termes techniques auxquels je ne comprends absolument rien, tandis que nous approchons de la banquette d'accueil. Un grand blond portant un tee-shirt avec un logo Bélouga plongée apparaît dans l'embrasure de la porte.
— Hey, Arthur ! s'exclame ce dernier avec un accent anglophone prononcé.
— Juliann, je te présente Mia.
— Enchantée, dis-je en le détaillant.
Il a un bronzage très prononcé et des cheveux bouclés en pagaille qu'il tente de discipliner avec une paire de lunettes solaires.
— Mia, voici un ami surfeur que j'ai rencontré sur la plage.
— Ravi de te rencontrer, me sourit-il. J'ai préparé vos bouteilles d'oxygène et il ne reste plus qu'à enfiler vos combinaisons. Vous faites quelle taille ?
— Un M, s'il te plait.
— XL pour moi, avoué-je en camouflant la bouffée de stress qui m'envahit.
L'idée de me retrouver en tenue moulante me semble tout à coup très oppressante. C'est le genre de chose qui ne met pas du tout en valeur mes bourrelets et même si je les accepte, je sais d'avance que je vais avoir l'air d'un rôti ficelé.
Je secoue la tête et prends une grande inspiration pour tenter de faire disparaître la petite voix qui me rappelle sans cesse que je n'ai pas le corps qu'il faudrait. Depuis le temps, j'ai appris à ne plus l'écouter autant qu'avant, mais lorsque je baisse la garde elle se glisse à nouveau sur mon épaule pour me torturer.
Arthur se tourne vers moi en souriant et pose un léger baiser sur ma tempe. Je sais que c'est un grand adepte des sports aquatiques et je ne suis pas étonnée qu'il nous ait amené ici.
— Tu en as déjà fait ? demandé-je.
— Non, mais j'ai toujours voulu essayer. Et on saute le pas ensemble.
Juliann revient avec nos tenues et me tend la mienne. Elle est bien plus lourde que je ne l'aurais cru. Je m'excuse doucement et me dirige vers un banc à l'abri des regards. Je passe ma robe au-dessus de ma tête et inhale une grande dose de courage en observant mon adversaire.
Je me bats de toutes mes forces pour enfiler mon costume depuis plusieurs minutes. Lorsque je tire sur les jambes de la combinaison, la matière se colle à ma peau. Arthur, lui, est déjà prêt, il discute avec son ami Juliann. Son pantalon en néoprène lui tombe parfaitement sur les hanches et ses épaules carrés le rendent terriblement beau... C'est injuste d'être aussi classe alors qu'à côté je vais sûrement ressembler à un gigot.
Me reconquérir ? Quand il me verra dans cette combi, il n'en aura plus du tout envie...
Après une guerre rondement menée, je suis prête à découvrir les profondeurs. Mon beau blond tourne le regard vers moi, me faisant signe de le rejoindre. Je m'approche et attrape la main qu'il me tend pour marcher jusqu'au petit ponton où sont amarrés deux zodiaques. Notre animateur, qui a au préalable installé tout le matériel, nous rejoint. Il nous explique le rôle de chaque équipement et nous partons munis d'un masque, de palmes, d'un gilet stabilisateur, de plombs, et de la bonbonne reliée au détenteur de plongée.
Nous voguons pendant une vingtaine de minutes et, une fois arrivés sur place, Juliann nous fait un dernier rappel des règles de sécurité. Il se lance en premier avant de nous inviter à le rejoindre. Je resserre la main d'Arthur dans la mienne, il me lance un regard réconfortant puis replace son masque et met le détendeur dans sa bouche. Je suis le même schéma et nous tombons en arrière sans se lâcher.
L'eau s'insère rapidement dans ma combinaison. Je laisse échapper un petit cri de surprise, mais une fois habitué à la température, je regarde autour de moi. Le paysage qui s'offre à nous est magnifique. Juliann me demande si tout va bien en faisant un rond entre son pouce et son l'index et je lui réponds en imitant son geste. Nous descendons à hauteur d'un récif corallien et je suis mes deux camarades en battant doucement des pieds pour ne pas effrayer la faune locale.
J'ai l'impression de rêver. Des poissons par milliers se déplacent autour de nous, comme si nous faisions partie du tableau. Ils ont tous des formes et des tailles variées et mes yeux émerveillés se posent sur les coraux multicolores. Je me sens particulièrement chanceuse d'être ici autour de tous ces spécimens aussi beaux et étonnants les uns que les autres.
Notre périple dure une trentaine de minutes avant que Juliann nous fasse signe qu'il est l'heure de remonter. Comme lors de la descente, nous fonctionnons par pallier et quand j'arrive enfin à la surface je ne peux pas m'empêcher de rire en enlevant mon détenteur. C'était spectaculaire.
Arthur apparaît à quelques mètres de moi et je nage dans sa direction.
— Oh merde ! C'était génial ! Tu as vu le poulpe ? Quand il s'est enfui, j'ai eu tellement peur qu'il se pose sur moi ! Et l'oursin était tellement mignon. Et celui qui ressemblait à un ballon !
Arrivée à sa hauteur, je m'accroche à son cou et fond sur ses lèvres, incapable d'attendre plus longtemps. Mes bras s'enroulent autour de sa nuque, mon souffle se perd contre sa peau salée. Nous venons de vivre un moment unique dans un lieu d'exception et je l'ai partagé avec lui.
— J'adorerais t'embrasser toute la journée Mia, mais j'ai du mal à ne pas couler, pouffe-t-il contre ma bouche.
Il me tient d'une main et se débat de l'autre pour nous maintenir à la surface.
— C'est vrai pardon, dis-je en reculant.
— T'excuse pas, je suis content que ça t'ai plu.
— Énormément.
Je lui lance un dernier regard avant de m'approcher du zodiaque où le moniteur a lancé l'échelle. Il récupère le matériel par-dessus bord et une fois délestée, je grimpe dans le petit bateau, m'assois sur le boudin et Arthur me rejoint. Il m'encercle de son bras et je pose ma tête contre son épaule dans un soupir d'aise.
— Merci, c'était magnifique.
— Avec plaisir.
De retour sur la terre ferme, nous avons aidé Juliann à ranger et Arthur a insisté pour l'inviter à boire un verre après son travail. C'est un garçon très intéressant, avec qui il est facile de parler. J'ai appris qu'il était Australien, venu en France pour apprendre notre langue, et qu'avant ça il est resté deux ans en Espagne pour les mêmes raisons.
— Waw, c'est vraiment impressionnant, m'exclamé-je. Il faut beaucoup de courage pour tout quitter comme tu l'as fait.
— Je n'ai pas quitté grand-chose. Je n'ai que ma mère et aucune petite copine, alors je n'avais aucune raison de rester je crois.
— Je serais incapable de faire tout ça, avoue Arthur en passant son bras sur mon siège.
— Et vous deux ? Comment vous êtes-vous rencontrés ?
— Mia est mon ex petite-amie du lycée, et... Je crois que ça faisait un moment qu'on avait envie de se retrouver.
Je me tourne vers Arthur qui sourit.
— Merde alors ! Et pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
— Parce qu'on avait besoin d'évoluer séparément avant de décider de construire quelque chose ensemble, réponds-je.
— Et aussi car nous ne sommes pas doués pour les relations de couple.
— Donc quand tu me disais que tu n'avais personne, ce n'était pas tout à fait vrai ?
— Si je suis vraiment honnête, je ne le suis pas depuis des années.
Le rouge me monte aux joues et j'observe avec intérêt mon mojito pour ne pas croiser son regard. J'ai beau apprécié ce qu'il me dit, une petite partie de moi est en train de tirer la sonnette d'alarme. Des années. C'est bien le problème. Tout me revient en tête comme une gifle et l'angoisse monte. On s'est fait du mal et même si c'est le risque à prendre pour être ensemble, je suis paniquée à l'idée que nous n'y arrivions pas. J'ai essayé de ne pas penser à ça du week-end, mais force est de constater que demain matin la réalité nous rattrapera.
— C'est une belle histoire.
— On a été nuls pendant longtemps, explique Arthur. Mais on va essayer de faire les choses bien.
Mes doigts triturent nerveusement le bas de mon tee-shirt. Juliann, qui semble percevoir mon trouble, se propose d'aller chercher la prochaine tournée. Mon voisin de chaise attrape mon menton et m'invite à lui faire face.
— Hey, regarde-moi, souffle-t-il. Cette fois, c'est différent.
Son pouce vient caresser le contour de mes lèvres avec tendresse. Je me perds dans ses grands yeux bleus.
— Vraiment ?
Il soupire et me regarde tristement. Je ne remets pas ses intentions en cause, ni même son envie d'être avec moi, mais j'ai une énorme boule dans l'estomac et je panique complètement pour la suite.
— Est-ce que je peux t'avouer que j'ai peur sans que tu aies l'impression que je regrette?
— Tu n'es pas la seule, mais c'est pour ça qu'on est là.
— On fera quoi demain quand on ne sera plus ici, dans notre bulle ? Est-ce qu'on va y arriver ?
— Je suis avec toi, et tu es avec moi. Officiellement.
La main d'Arthur vient glisser sur la mienne et je lève la tête en souriant faiblement. J'avais besoin de l'entendre.
— Ça te convient ? demande-t-il.
— À ton avis ?
— Dis-le.
Il colle son front contre le mien, je ferme mes yeux en chuchotant :
— C'est toi que je veux. Depuis toujours.
Mes prunelles rencontrent à nouveau les siennes. Cette fois, je suis prise dans ses filets, et je ne peux pas m'échapper. Il fond alors sur mes lèvres dans un baiser profond. Sa langue se mêle à la mienne avec délice. Une douce chaleur s'insère dans mon cœur et la sensation de peur disparaît dans un soupir. Le frottement de la chaise de Julian me ramène à la réalité et Arthur se racle la gorge pendant qu'il nous lance un regard amusé.
— Vous êtes mignons, dit-il en me tendant mon verre. Ça donne presque envie de trouver la bonne personne.
— Presque ? se marre mon allié.
— Ce n'est pas dans mes plans.
Nos doigts toujours scellés sous la table, Arthur et moi continuons à discuter avec le moniteur sur des sujets plus légers. Faire part de mes craintes à celui qui devient mon petit-ami me permet de relativiser. Le futur est incertain, pour tout le monde, et la seule chose que nous pouvons faire c'est y croire, aimer et espérer que tout ceci n'est pas un mirage.
Se mettre en couple c'est être vulnérable et laisser quelqu'un nous voir complètement, avec nos failles, nos défauts et accepter de faire des erreurs. Ce n'est pas quelque chose de facile et pour cela il faut choisir minutieusement cette personne qui partagera votre vie. Avoir confiance en elle et être capable de s'imaginer un avenir avec elle remplit de souvenirs et moments partagés. Et je crois qu'Arthur et moi sommes prêts à essayer. Enfin.
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