Chapitre 24 - Arthur
Arthur.
*en même temps à la résidence Gomel*
— Arthur, viens ! On va porter un toast.
— Oui, j'arrive...
Je suis encore face à la porte comme un idiot. Elle était belle comme un cœur dans son chemisier en soie blanche, ses talons qu'elle avait mis spécialement pour John et son rouge à lèvres carmin qui m'a fait perdre l'usage de mon cerveau. J'ai eu cent fois envie de lui dire de ne pas y aller, et pourtant, je suis resté debout comme un con, en la regardant partir. Je lui ai même dit de s'amuser...
« J'espère vraiment que ce sera nul. À demain. »
Elle n'aurait pas compris ma réaction et de toute façon, je n'ai pas mon mot à dire. Elle a le droit d'être heureuse et si je l'en empêchais, je ne serais qu'un putain d'égoïste. Alors, même si ça me fait mal, je dois la laisser vivre.
Les mains vissées dans mes poches, je rejoins tout le monde dans le salon en essayant de faire bonne figure.
— Qu'est-ce que tu faisais encore ? me demande mon père en me tendant une flûte de champagne.
— Rien. Je... J'avais un mail à envoyer, dis-je en prenant le verre en cristal.
Mentir. Je ne me voyais pas faire autrement.
— Pour le travail ? s'étonne Xavier.
— Euh, non pas vraiment... dis-je pour essayer de me sortir de ce mauvais pas.
— Ton frère n'était pas avec toi ? me demande Daphné en se plaçant près de moi.
— Si, il avait un dernier truc à régler.
Les bras croisés sur la poitrine, l'aînée Gomel ne semble pas ravie de ma réponse.
— S'il se pointe ici, je l'étripe, me menace ma meilleure amie.
— Je ne suis pas responsable de ses conneries, ok ? insisté-je en levant les mains en l'air pour prouver mon innocence.
Ils sont grands et ce sont deux des personnes les plus importantes de ma vie, alors je vais les laisser gérer tout ça à leur manière. J'ai bien assez à faire avec mes propres problèmes pour ne pas prendre parti dans leur guéguerre amoureuse à deux balles.
D'ailleurs, quand on parle du loup, il fait son entrée dans la pièce. Il salue tout le monde à coup de grandes exclamations et accolades, tout en évitant soigneusement de croiser le regard de la brune, qui pourrait facilement le fusiller sur place.
Marie nous invite alors à nous assoir et je me retrouve à devoir faire tampon entre mon idiot de frère et son amie/copine/conquête ou je ne sais pas quoi d'autre.
Ça commence à être une habitude chez moi...
— Bon, elle est où Mia ? demande mon frère, afin de détourner l'attention.
— Elle a un rencard, grogne Daphné. Avec un mec particulièrement beau, intelligent, super gentil, qui sait exactement ce qu'il veut. Lui.
Je bloque ma respiration pour ne pas dire de bêtise. Je sais qu'elle est en train de lancer une légère pique à Léo, mais je n'ai entendu que les mots : "beau", "intelligent" et "gentil". Et j'ai de plus en plus de mal à garder ma langue dans ma poche.
— Elle en a de la chance, ironise mon jumeau.
— Il ne faut pas exagérer...
Mes deux camarades se tournent vers moi. Je me suis entendu dire cette phrase sans vraiment la contrôler. C'était plus fort que moi.
— Pourquoi tu dis ça ? s'étonne ma meilleure amie.
— Bah, c'est vrai. Il n'est pas si bien que ça, pour elle.
— Et qu'est-ce que tu en sais, toi, de ce qui est bien pour elle ? s'agace-t-elle en me regardant.
J'aurais dû me taire...
Je suis en train de m'embarquer dans un débat houleux que je ne vais pas gagner. Daphné, comme la plupart de nos proches, m'a tenu responsable de notre rupture, sans vraiment essayer de connaître les tenants et les aboutissants.
À l'époque, ils ont tous remarqué mon erreur, mais personne ne semble avoir remarqué ma douleur et ma tristesse. Je voudrais qu'ils comprennent que j'ai souffert autant qu'elle, que je m'en veux et que pour tout l'or du monde, je ne referais pas la même connerie. Je lui dirai encore plus souvent à quel point je la trouve belle et à quel point elle est unique à mes yeux...
— Rien, tu as raison.
— Tu n'as aucun droit sur les fréquentations de ma sœur. Avoir été un abruti avec elle te l'a irrévocablement retiré.
— Je sais, soufflé-je, fatigué d'entendre toujours la même rengaine.
— Tu juges leur histoire sans la connaître, me défend Léo.
— Il s'agit de ma sœur, et j'en sais assez pour savoir qu'elle a souffert !
Il y a six ans, je ne savais pas tout ce que j'allais perdre en rompant avec elle. Sa jalousie était devenue invivable, notre relation était en train de partir en fumée et je crois que j'ai laissé ces filles me draguer pour avoir un semblant de bien-être.
Quand elles me parlaient, j'avais l'impression d'être vivant, que tout était possible. C'était flatteur, comme un super pouvoir, mais je n'ai jamais fait quoi que ce soit de répréhensible. La vérité, c'est que je m'en foutais vraiment de toutes ces cruches et je ne voyais pas le mal que je causais. J'aimais Mia comme un fou et je ne comprenais pas qu'elle en doute.
J'étais sûrement trop immature et sûr de moi.
Notre rupture s'est faite par téléphone. J'étais parti faire mes études dans l'université de mes rêves et je ne rentrais que très rarement. Je me souviens que c'est elle qui avait appelé aux alentours de vingt-deux heures, en larmes. On ne s'était pas parlé depuis deux jours à cause d'une énième dispute concernant une photo sortie de son contexte. J'étais très énervé contre son manque de confiance en moi et nous avons tous les deux dit des choses qui ont dépassé nos pensées. Et après un long et douloureux silence, j'ai prononcé les mots angoissants qui étaient bloqués dans ma gorge depuis plusieurs semaines.
— C'est peut-être mieux pour tous les deux qu'on s'arrête là.
— Ne dis pas ça...
— Ça devient invivable. On ne se fait plus confiance et ça fait des mois qu'on n'a pas été heureux...
— C'est juste passager. Je suis encore amoureuse de toi...
— Moi aussi. Mais ça ne suffit plus.
Ce jour-là, je brisais son cœur et le mien par la même occasion. Je n'ai pas réussi à dormir pendant des jours entiers. J'étais devenu une larve, sans la moindre envie de vivre, ou même de respirer. Je savais que j'avais pris la bonne décision, mais ce n'était pas facile pour autant. Je passais mon temps à penser à elle, à regarder des photos de nous et à vouloir l'appeler, sans jamais avoir le courage de le faire. Je me sentais trop coupable, et même si elle me manquait, je la détestais d'avoir gâché notre histoire et de m'avoir obligé à y mettre fin.
Au bout de quelques mois, mon frère a décidé de m'emmener faire la fête pour me changer les idées. Pour être honnête, au début, je ne m'amusais pas beaucoup, tous ces gens heureux qui dansaient, ça me donnait la gerbe. Mais l'alcool aidant, j'ai fini par y prendre goût.
Un jour, une fille m'a fait comprendre qu'elle voulait passer la nuit avec moi, sans promesse, juste du sexe. J'y ai vu une façon d'oublier Mia.
Ça a été le cas. Le temps d'une nuit.
Après son souvenir est revenu comme une gifle, puissante, intense, inévitable, et j'ai voulu l'oublier encore une fois. Heureusement pour moi, les soirées ne manquaient pas d'étudiantes frivoles et avides d'expériences.
Je ne l'ai pas revue pendant plus d'un an. Je préférais la fuir plutôt que de la regarder et y découvrir tout ce que je redoutais : sa colère, ou pire encore, le fait qu'elle m'ait complètement oublié. Car même avec toute la volonté du monde, moi, je n'avais pas réussi.
La première fois que nous nous sommes recroisés, c'était pour les fêtes de Noël l'année suivante. J'étais rentré de l'université pour les vacances et nos deux familles avaient décidé de faire un repas le 26 décembre au soir.
J'étais anxieux à l'idée de la revoir. Elle, ainsi que toute la famille Gomel. La seule personne à avoir pris de mes nouvelles était Daphné, mais je m'étais bien retenue de lui avouer à quel point sa sœur me manquait.
Quand je suis entré dans le salon et que mes yeux ont rencontré ceux de Mia, assise sur l'un des fauteuils en cuir, j'ai ressenti une vive douleur dans la poitrine. Mon cœur battait à tout rompre et me criait que j'avais fait la plus grosse erreur de ma vie, pourtant mon cerveau a pris le dessus et je suis resté là, sans vraiment savoir comment réagir. Elle me regardait, sans sourciller, je n'ai pas réussi à décrypter ses émotions, comme si elle n'endurait pas la même souffrance que moi.
Sa mère nous avait alors conviés à table et, en apparence, le dîner s'est déroulé dans une ambiance détendue. Rien ne semblait avoir changé et en même temps tout le monde était différent. Les convives discutaient et rigolaient comme si rien n'avait jamais eu lieu. Mia et moi avons essayé de nous ignorer et je me suis contenté de féliciter Marie pour le repas tout en rattrapant le temps perdu avec Daphné.
Pourtant, j'avais l'impression de ne plus être à ma place. Être ici, et faire toutes ces choses sans elle les rendaient fades et très étranges comme si une partie de moi n'existait plus.
Après le dîner, les parents se sont activés dans la cuisine pour préparer le dessert tandis que je me dirigeais vers les toilettes au fond du couloir. J'ai entendu du bruit et, en me retournant, je n'ai pas été étonné de découvrir Mia, tremblante.
On s'est regardé un instant dans les yeux, sans parler, sans bouger, sans respirer. Je crois que c'est à ce moment précis que j'ai compris à quel point elle avait souffert. J'en étais déjà conscient, mais à plus de huit heures de route d'elle, je préférai me dire que c'était elle, la méchante de l'histoire.
— Tu veux qu'on parle ?
— C'est une bonne idée, a-t-elle répondu.
J'ai alors ouvert la porte de la chambre de Daphné et nous sommes rentrés à l'intérieur. Je ne savais vraiment pas par quoi commencer. On s'était tous les deux fait beaucoup de mal et on avait fait des choses impardonnables sous le coup de la colère. Pourtant à cet instant j'étais seulement triste de découvrir à quel point elle m'avait manqué.
— Tu m'as quitté par téléphone, a-t-elle commencé, les larmes aux yeux.
— Tu étais devenue complètement parano, c'était devenu invivable...
— Tu avais prévu notre rupture pour être célibataire à l'université ! a-t-elle crié en me menaçant avec son doigt alors que je m'adossais contre la porte.
— Et tu es allé jusqu'à m'espionner, car tu n'avais pas confiance en moi !
— J'aurais dû, d'après toi ? Tu avais embrassé Cécile !
— Ça, c'est complètement faux ! me suis-je défendu.
— J'ai vu les photos, comment peux-tu encore nier ? s'est-elle énervée en me faisant face.
— Ces photos sont peut-être un peu louches, mais je te jure que je n'ai rien fait. Jamais. Avec aucune de ces filles !
Et c'était vrai. Je n'avais jamais vu qui que ce soit d'autre. Elle occupait déjà beaucoup trop mes pensées et mon cœur pour ça.
— Tu avais même parlé de nos problèmes intimes avec tes potes !
— Non, c'est juste que...
— Ne mens pas. Ils ne se sont pas gênés pour me le balancer à la gueule à ton départ ! a-t-elle aboyé.
— Je voulais arranger les choses, ai-je soufflé en lui tournant le dos. Je ne savais plus quoi faire et j'ai juste posé des questions.
Après avoir crié toutes les rancœurs que nous avions l'un et l'autre, je ne me sentais pas beaucoup mieux. Mia s'est laissée tomber sur le lit, elle a explosé en sanglots et mon cœur s'est alors brisé en mille morceaux, pour la seconde fois. Je me suis assis à ses côtés et nous sommes restés silencieux pendant quelques minutes. Inconsciemment, ma main s'est retrouvée scellée à la sienne et, ce geste presque anodin, me consolait.
— J'étais perdu et je souffrais de notre situation, ai-je expliqué, plus calmement. Il fallait qu'on trouve un moyen de se défaire de ce cercle vicieux.
— Et me quitter c'était la solution ?
— Oui. Je suis désolé, mais ça l'était, sur le moment. On se rendait malheureux et je pense que j'ai pris la bonne décision.
Mia a levé les yeux et nos regards se sont accrochés, traduisant toutes les émotions qui nous envahissaient. Elle s'est approchée encore de mon visage jusqu'à combler la distance entre nous et poser délicatement ses lèvres sur les miennes. Incapable de la repousser, je l'ai prise dans mes bras afin d'approfondir ce baiser langoureux.
Le début de notre histoire était tellement beau et intense, mais nous n'arrivions plus à gérer l'amour passionnel qui nous unissait. Je me demande encore comment tout a pu se dégrader à ce point...
— Tu as peut-être raison... a-t-elle dit, en essuyant ses joues, rougies par les émotions.
— J'aurais aimé avoir tort, ai-je chuchoté en l'attrapant par la nuque pour l'attirer sur mes lèvres.
J'aurais voulu que toutes les choses soient aussi simples que ce moment, et que tous nos problèmes n'aient jamais existé, mais nous étions tous les deux conscients que rien n'était réglé et que nous devions profiter de ce baiser qui serait sûrement le dernier.
~ ~ ~
Après le repas, j'ai senti le besoin de m'isoler. Seul, assis sur le mur à l'entrée de la maison Gomel, je fume une cigarette. Léo et Daphné se disputent dans le jardin, les parents boivent une bière dans la cuisine et personne n'a remarqué mon absence.
Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas encore rentré, mais je fixe la grande allée depuis une trentaine de minutes, espérant voir apparaître sa silhouette s'avancer vers moi.
J'ai tourné et retourné la situation dans tous les sens et je ne sais pas si je préfère savoir qu'il s'est bien comporté ou que le rendez-vous ait été un vrai fiasco. Pour tout dire, je ne suis même plus en colère, seulement démoralisé. Je crois que mes sentiments pour elle sont en train de refaire surface, mais si je lui dis, je sais que nous finirons par nous briser à nouveau. Toute cette histoire me fatigue, et il n'y a aucune échappatoire, pas de solution.
Au-delà de ça, je pense que je ne suis pas fait pour être en couple, car tous ceux que j'approche finissent irrémédiablement par souffrir. J'ai été trop souvent inconscient pendant mon adolescence jusqu'à risquer la vie de mon propre frère. J'ai fait des choix répréhensibles à plusieurs reprises, j'ai fréquenté les mauvaises personnes.
Quand j'y repense, ma gorge se serre et la panique m'envahit. On a fait vivre l'enfer à nos parents, à nos proches, tout ça parce que l'on pensait qu'être libre c'était faire n'importe quoi sans se soucier des conséquences.
J'en suis sûr. Je n'ai rien de bon à offrir à une femme.
Soudain, j'entends un bruit de pas sur le chemin en gravier et je relève brusquement la tête. Cette fois, je ne rêve pas, c'est vraiment elle. Elle s'avance jusqu'à moi et je la regarde sans savoir quoi dire. Silencieuse, elle vient s'asseoir à mes côtés sans un regard et se met à jouer machinalement avec son porte-clés en soupirant.
— Alors ? demandé-je, confus.
Je l'ai attendu toute la soirée et maintenant qu'elle est là, je ne sais plus quoi faire. Je suis comme un enfant timide et incapable de construire une phrase complète. Je perds tous mes moyens. C'est elle, qui me fait cet effet-là, et ça me plait vraiment...
— Quoi ? souffle-t-elle.
— C'était comment ?
— Bien, dit-elle sèchement.
— Il a été gentil ? Enfin, je veux dire, il a été correct avec toi ?
— Oui, pourquoi tu t'inquiètes de ça ?
— Je ne m'inquiète pas, grogné-je. C'était juste par politesse.
— Mais ça ne te regarde pas. Je n'ai pas envie d'en parler avec toi.
Et merde, la situation est de plus en plus merdique à chaque mot de ma part. Je ferais mieux de me taire.
— Je ne voulais pas être indiscret.
— Je crois que c'est la limite, dit-elle en plongeant ses jolis yeux dans les miens.
— La limite ?
— Si l'on veut vraiment être amis, je ne pense pas que parler de nos vies amoureuses soit une idée judicieuse...
— Je comprends...
J'ai vraiment envie d'en savoir plus, mais elle a raison. Elle essaie d'instaurer des règles entre nous et c'est sûrement mieux, car seul, je ne le ferai pas.
Nous continuons de nous observer un moment. Son parfum envahit mon espace et mes sens, ses mèches rebelles ont fui sa tresse pour danser de manière désordonnée tout autour de sa tête. Mes pupilles se remémorent chaque particularité de son visage de poupée et je suis interrompu par sa voix qui murmure :
— C'était bien, ok ?
— Je suis content pour toi...
Je fuis son regard pour ne pas qu'elle remarque que je suis en train de mentir. Elle a bien le droit de fréquenter qui elle veut. On a décidé d'être ami et je dois respecter sa vie privée. Même si j'ai très envie de casser la gueule de John.
— Je ne sais pas si je veux que les choses changent entre lui et moi, concède-t-elle finalement alors que nous sommes silencieux depuis plusieurs minutes.
Je m'arrête de bouger un instant comme si j'avais inventé ses paroles.
— C'est le cousin de Raph et... Il fait partie de mon cercle d'amis. Je n'ai pas envie de reproduire les mêmes erreurs qu'avec toi.
— Oh... D'accord. C'est toi qui vois.
Les mêmes erreurs qu'avec moi.
C'est plutôt moi qui n'ai pas été à la hauteur et qui ai tout détruit, comme je le fais chaque fois.
— Écoute, laisse tomber, dit-elle en se levant, confuse.
Je suis le mouvement et me retrouve face à elle. Seuls quelques centimètres nous séparent et elle est obligée de lever le menton pour me regarder. Dans la pénombre, ses pupilles brillent et j'ai l'impression qu'elles sont au bord des larmes. Je fais un pas dans sa direction, même si je sais que je ne devrais pas.
— Je déteste quand tu sens le tabac froid, dit-elle en me repoussant d'une main.
— J'y ferai attention.
— Bonne nuit, murmure-t-elle en disparaissant.
J'étais déjà perdu avant ce soir, et je pensais que cette soirée m'aiderait à tourner la page, mais c'est encore pire. Je ne suis pas sûr d'avoir compris la tournure qu'a pris cette conversation, ni si c'était une bonne chose.
Mon esprit est totalement embrouillé et tout ce que je vois clairement est son visage. Tous ses sentiments qu'elle fait renaître en moi, et les raisons qui m'ont fait la repousser pendant toutes ses années.
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