Chapitre 2 - Arthur


Arthur.

Aujourd'hui, j'entre officiellement dans le monde du travail. Alors que j'attends encore les résultats de mon master en génie-mécanique, mon père m'a pris sous son aile. Je vais commencer ma carrière auprès de lui et Xavier, un ami de la famille, dans leur jeune entreprise d'étude et d'installation d'automatismes industriels.

Impatient de commencer, je me suis levé à six heures trente pour mon footing matinal. De quoi bien débuter la journée.

Mon sport de prédilection est la natation. Je suis dans l'eau au minimum deux fois par semaine et une grande partie de ma vie tourne autour de cette passion. Mais je m'entraine aussi régulièrement à la salle et mon coach pense que la pratique de la course à pied permet d'améliorer mon cardio ainsi que de muscler mon cœur afin d'augmenter mes capacités.

Après avoir pris une douche, je me suis habillé avec les vêtements que ma mère m'a offerts pour célébrer mon entrée dans la vie active. Une belle chemise cintrée blanche et un pantalon de costard bleu marine à fines rayures, auxquels j'ai rajouté une cravate fine de la même couleur.

Je n'en avais jamais mis avant, sauf une fois, pour l'enterrement de mon grand-père, il y a quelques années, et j'étouffe à l'intérieur. J'ai l'impression d'être quelqu'un d'autre dans ces fringues, pourtant, il va bien falloir que je m'y habitue. Je dois avoir l'air professionnel pour être respecté par mes pairs.

Quand je descends dans le salon, ma mère me tend une tasse et j'engloutis mon café en trois gorgées avant de tout reposer dans le lave-vaisselle.

— Ton père est déjà parti, car il avait un appel à passer avant huit heures, m'apprend-elle en me déposant un baiser sur la joue. Tu dois les rejoindre pour la réunion du lundi matin.

— D'accord, merci. À ce soir.

Mon père et son meilleur ami ne sont que deux dans la société, mais j'ai cru comprendre que le conseil du lundi matin était un rituel de longue date. Je dépose mon mug dans l'évier, avant de me diriger à pied vers mes nouveaux bureaux.

Sur la route, je ne peux m'empêcher de repenser à la soirée de samedi. J'ai revu Mia, mon ex-petite-amie du lycée et, comme toujours, elle était ravissante. J'ai appris qu'elle était célibataire et Raphaël m'a dit qu'elle serait en ville pendant tout l'été.

Comme d'habitude, nos querelles ont rapidement refait surface. J'ai adoré la voir s'énerver contre moi. Elle ne se doute pas de ce qui va lui tomber dessus et moi, je m'en réjouis d'avance. Nos pères, qui sont les heureux patrons de l'entreprise XAB, ont installé leurs locaux dans l'ancien garage de l'immense maison de la famille Gomel. Et il semblerait que son papounet ait oublié de lui mentionner que j'étais leur nouveau salarié.

Je ne sais pas si je suis plus impatient à l'idée de commencer ce nouvel emploi ou de voir sa tête déconfite quand elle comprendra que je vais travailler à son domicile. J'espère juste que nous arriverons à ne pas nous entretuer. Il s'agit de mon travail et je sais d'avance que nous serons incapables de nous ignorer bien longtemps. Notre dernière rencontre, il y a un an, en est le parfait exemple.

Je m'avance dans l'allée gravillonnée de l'impressionnante maison des Gomel en prenant une grande inspiration. Ce poste est une fabuleuse opportunité et je remercie mon père d'avoir pensé à moi. Lorsque je sonne à la porte d'entrée, et c'est Daphné, l'aînée de la sororité qui vient m'ouvrir.

— Arthur ! Je suis tellement contente de te voir, s'exclame-t-elle en me sautant dans les bras.

Je la serre contre moi en la soulevant du sol. En plus d'être la grande sœur de mon ex, elle est aussi ma meilleure amie depuis de nombreuses années. Nous avons été dans la même classe jusqu'en terminale et, avec mon frère, Léo, nous étions inséparables.

Je la repose pour l'examiner. Elle n'a pas changé. Des grands yeux verts, des boucles brunes et un sourire. La marque de fabrique des sœurs Gomel. Si physiquement elles se ressemblent beaucoup, leurs personnalités sont toutes les cinq très différentes.

— Alors, déjà de retour ? demandé-je.

— Oui, j'ai eu mon dernier oral vendredi. Mais entre, papa et Bernard t'attendent.

Je la suis jusqu'à la cuisine et elle me fait un signe de la main avant de remonter à l'étage. Je sais que nous aurons l'occasion de rattraper le temps perdu plus tard.

Je m'avance dans la pièce et y retrouve les deux hommes attablés sur le bar, un café à la main, et des pancakes entassés sur une assiette. Ce lieu ne m'est pas inconnu, et j'ai l'impression que tout est identique à ma dernière visite. Marie, la femme de Xavier, est cuisinière dans un restaurant quatre étoiles réputé dans la région, et elle prépare énormément de plats à la maison, et une délicieuse odeur de nourriture flotte toujours dans cette pièce. Quand je vivais encore chez mes parents, nous faisions souvent des repas ici.

— Alors c'est ça, les réunions professionnelles du lundi ? dis-je en avançant pour serrer la main de Xavier.

— C'est le début de semaine, il ne faut pas commencer trop vite, rétorque-t-il en rigolant.

— Je t'ai fait un café, m'informe mon père.

Je le remercie et m'assois avec eux, pour reprendre la discussion là où ils l'ont arrêtée. Je comprends assez vite qu'ils parlent d'un nouveau contrat.

— J'ai eu le directeur général de Sunset Eco au téléphone et il vient de nous envoyer ses intentions. C'est une marque de crème solaire écoresponsable qui cherche à construire une machine pour leur future ligne de production. Si on arrive à leur proposer quelque chose qui leur plaît, ils pourraient refaire appel à nous et ça peut vraiment faire la différence pour l'entreprise.

— C'est toi, Arthur, qui vas t'occuper de concevoir les plans, complète Xavier. Puisque c'est un nouveau projet, tu vas pouvoir le prendre depuis le début.

— Comptez sur moi.

— On sera présent à toutes les étapes en cas de besoin et on validera ensemble toutes les étapes du projet, mais on a déjà vu de quoi tu étais capable pendant tes oraux, alors il n'y a pas de raison.

J'attrape la tablette que Xavier me tend pour examiner le mail de notre futur client. Il s'agit d'une machine de remplissage et vissage de flacons. Les mécanismes risquent d'être vraiment intéressants à mettre en place.

Mes deux patrons continuent leurs explications techniques et je les écoute sans les interrompre, avant de me décider à poser des questions sur mon poste et mes nouvelles attributions. Après une heure et demie d'indications en tout genre, ils m'informent qu'ils passeront la matinée en extérieur, pour rendre visite à un client.

— Bon, réunion officiellement terminée, dit Xavier. Avant de partir, qui veut d'autres pancakes ? Je sais que Marie cache le sirop d'érable quelque part. Elle dit que ce n'est pas bon pour moi. J'ai soudoyé ma plus jeune fille pour me dire où c'était, mais elle craint trop sa mère pour m'aider.

— Si tu insistes, soupire mon père. Je ne vais pas te laisser désobéir à ta femme tout seul. Mais si elle demande, j'ai essayé de t'en dissuader.

Je rigole en les regardant ouvrir chaque placard de la cuisine afin de trouver leur saint Graal. Ils pensent que Marie et ma mère sont dupes, mais elles savent qu'ensemble ils sont impossibles à canaliser. Ils se sont rencontrés il y a plus de sept ans, et depuis ils sont inséparables et ont embarqué leurs deux familles dans cette folie douce.

— Trouvé ! s'exclame Xavier avant de revenir à la table, un sourire conquérant plaqué sur le visage.

Les deux enfants presque cinquantenaires se munissent d'une assiette chacun et inonde leur pancake de sirop d'érable. Ils me proposent de me joindre à eux et je décline gentiment, tout en les observant engloutir les pancakes comme des affamés. Les discussions n'ont plus rien de professionnel et nous nous amusons bien.

Une fois le petit déjeuner terminé, ils partent en direction du fourgon alors que je me suis proposé pour ranger la cuisine. Je place les tasses à café dans le lave-vaisselle et passe un coup d'éponge sur le bar quand Mia fait irruption dans la pièce.

Je relève la tête et elle se fige en m'apercevant. Elle est complètement endormie et ne porte qu'un simple teeshirt blanc et une petite culotte en coton bleue.

Le spectacle n'est pas désagréable.

— Bordel de merde, qu'est-ce que tu fais ici ? dit-elle en tirant sur son haut.

Sa tentative pour cacher ses jambes nues est un échec. Plus elle tire sur le tissu, plus il moule ses seins bien ronds qui semblent ne pas porter de soutien-gorge. Je peux même apercevoir le contour brun de ses tétons. Plus de place pour l'imagination, j'avais presque oublié à quel point je les aimais. Alors que je l'observe sans un mot, elle se rend compte de sa bêtise et finit par lâcher son haut tout en me fusillant du regard.

— Tu es chez moi ! crie-t-elle en s'approchant. Sors d'ici avant que j'appelle la police.

— Oui, mais ce sont aussi mes nouveaux bureaux.

— Comment ça ?

Je m'adosse à l'évier et la regarde en souriant.

— Xavier ne t'a pas dit ? Je travaille pour XAB.

— Ce n'est pas possible. C'est un vrai cauchemar ! Pourquoi tu ne m'as rien dit samedi ?

Elle peste en s'avançant dans la cuisine. Encore sous le choc de ma visite, elle fronce les sourcils et s'attèle à préparer son café.

— Tu ne m'as pas posé la question, je rétorque.

Elle appuie sur le bouton de la machine et se retourne vers moi. Je fournis un effort surhumain pour ne pas fixer ses jambes et la regarder dans les yeux.

— Et pourquoi tu es dans la cuisine et pas dans le garage ?

— Pourquoi pas ?

Elle me pousse du comptoir et ouvre le placard de biscuits sur la pointe des pieds. Je ne recule pas et elle se plante devant moi.

— Tu ne sais plus faire une phrase complète ?

L'envie furieuse de l'embrasser me parcourt juste le temps d'un instant, mais je me retiens. Je sais à quel point tout ça est une mauvaise idée. D'ailleurs le passé nous l'a prouvé plus d'une fois. Je me contente de la fixer dans les yeux et un petit peu au niveau de son pyjama, bien trop transparent pour que je reste stoïque.

— Si tu veux tout savoir, nous venons de terminer une réunion dans la cuisine et j'étais en train de ranger. Te voir en petite culotte, c'était juste un bonus.

— Je t'interdis de me regarder !

— Dans ce cas, la prochaine fois, mets un pantalon.

Elle grogne avant de m'abandonner et de quitter la pièce. J'en profite pour observer allègrement ses larges hanches et son fessier.

Après cette rencontre explosive, je me rends dans les locaux de XAB. Je n'y suis rentré qu'une seule fois lors de la fête de lancement et ça n'a vraiment plus rien à voir avec sa précédente fonction. D'ailleurs, s'il n'y avait pas la porte de garage coulissante au fond de la pièce, personne ne pourrait le deviner.

C'est une pièce bien éclairée grâce à un puits de lumière, accentué par des murs complètement blancs. En plein milieu, trône une grande table ronde en bois avec cinq sièges de bureaux designs où se déroulent sûrement les réunions avec les clients. À droite de la porte se trouvent deux pupitres face à face, séparés par une paroi en verre teinté. Je remarque une autre table vers le fond avec seulement un petit ordinateur portable et un classeur. Je m'approche de ce que j'imagine être mon futur bureau, m'assois pour lire les informations laissées par Xavier et mon père pour m'imprégner de ce qui sera mon emploi pour ses prochains mois.

La matinée est passée plutôt rapidement et je n'ai pas recroisé Mia. J'ai entendu sa voiture sortir de l'allée en trombe aux alentours de onze heures et elle n'est pas rentrée depuis. Elle est peut-être allée retrouver Raphaël, ou l'une de ses copines du lycée. Mais ça m'est bien égal, c'est seulement une constatation.

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