Chapitre 13 - Mia


Mia.

Arthur Pietron a été mon premier. Mon premier crush, mon premier baiser, mon premier amour, ma première fois... Avant lui, je n'avais jamais embrassé personne, et aucun garçon ne s'était intéressé à moi. J'étais une adolescente de quinze ans, pesant quatre-vingt-dix kilos, mal dans sa peau, sans aucune confiance en elle et persuadée de n'avoir aucun atout.

Alors quand il a commencé à venir de plus en plus souvent à la maison, je n'ai pas voulu croire que c'était pour me voir. Il était beaucoup trop beau, trop parfait. Moi ? On m'avait déjà fait comprendre un nombre incalculable de fois que mon poids serait un frein à ma vie amoureuse.

"Qui voudrait sortir avec un semi-remorque ?"

Pourtant, il m'a fait croire en l'amour. Il me regardait comme si j'étais la huitième merveille du monde et ses baisers me remplissaient de joie. Mais être en couple, c'est aussi être vulnérable. Je ne m'étais jamais sentie aussi exposée que depuis que j'étais tombée amoureuse. J'avais l'impression qu'il aurait pu me détruire d'un simple geste de la main.

Son implication dans l'équipe de natation du lycée et ses nombreux passages sur le podium ne passaient pas inaperçus. Léo et lui étaient invités partout et devenaient de vraies petites stars locales. J'étais la petite-amie de l'un des incroyables jumeaux Pietron et j'ai vite pris conscience de l'intérêt que les filles lui portaient.

Arthur a fini par prendre goût à cet engouement général. De plus en plus de monde se prétendait amis avec eux. Léo s'est mis à traîner avec les mauvaises personnes, entraînant son frère avec lui. Et comme si ce n'était pas suffisant, il y avait ces filles. Ces très jolies filles qui tournaient autour de mon amoureux comme des abeilles avec un pot de miel.

C'est comme ça qu'est née ma jalousie.

C'est devenu très difficile à gérer. En particulier quand je le voyais se laisser faire. Arthur essayait de me rassurer, mais il n'y avait rien à faire, je voyais bien qu'il appréciait de se faire draguer. Mon manque d'assurance devenait un vrai poids. Nous étions jeunes, nous découvrions à peine notre sexualité et peut-être qu'être en couple lui apparaissait tout à coup encombrant ?

"Je te le jure. Je m'en fous de ces filles, je ne vois que toi. Parce que je t'aime, Mia !"

Je n'y croyais pas. Je savais, au fond de moi, qu'il finirait par changer d'avis et préférer une de ces filles. Alors je fouillais dans son téléphone, et je l'appelais trop souvent pour savoir où il se trouvait. Au point de faire des crises de panique monumentales quand il ne répondait pas à mes textos et imaginer les pires scénarios.

Il était là pour moi. Il essayait de me comprendre, de me soutenir et de me rassurer. Mais c'était insuffisant, et surtout trop tard. Je me sentais nulle. Je me comparais à chaque fille avec qui il parlait, et je les trouvais tellement plus jolies que moi.

Nos engueulades étaient devenues quotidiennes et les sujets presque récurrents. Je l'aimais si fort que cela en devenait douloureux. Pour moi, mais aussi pour lui.

"Ton manque de confiance en toi est en train de détruire notre couple !"

Ma jalousie a fini par nous détruire. Arthur n'arrivait plus à gérer mes angoisses et il s'éloignait petit à petit. J'avais besoin qu'on me rassure, il avait besoin de respirer. Nous avons tout simplement fini par nous détester. Je pense que nous avons atteint le point de non-retour lors de ses inscriptions postbac. Sachant pertinemment ce qu'il voulait faire de sa vie, il a postulé dans les meilleures écoles publiques du pays, et il est parti.

Je savais que c'était le mieux pour lui, mais alors que notre couple ne tenait plus qu'à un fil, son départ a fini par sceller la fin de notre histoire après une grosse dispute par téléphone.

J'étais brisée...

Pendant des semaines, je n'ai pas réussi à parler, manger, ou rigoler. J'étais vidée de l'intérieur. Je savais que l'on ne pourrait pas revenir en arrière, mais mon cœur avait cessé de battre.

Quand j'ai enfin réussi à respirer à nouveau, j'avais perdu dix kilos et ma joie de vivre. Pourtant, avec l'aide de mes proches, j'ai essayé de me relever.

Ma mère m'a traînée à ses cours de fit-boxing, tous les mardis, Sophie m'obligeait à venir avec elle à des matchs de basket auxquels je ne comprenais absolument rien et Raphaël me permettait de souffler loin de chez moi pour tout oublier. Nous avons passé des après-midis et des nuits entières à parler de moi, d'Arthur, de notre couple, jusqu'à ce que je n'aie plus rien à dire et plus aucune larme à verser.

Il n'a jamais voulu me donner de ses nouvelles, et j'ai fini par accepter que je n'en aurais pas.

C'était sûrement mieux comme ça.

Ce qui a été encore plus long, c'était de faire face à mes démons. Cette absence de confiance en moi qui me rongeait de l'intérieur, et avait brisé mon couple. Mon corps, que je n'avais jamais aimé, ma personnalité que j'avais minutieusement camouflée pour me protéger, mon manque d'assurance... Toutes ces choses m'empêchaient d'être heureuse.

Quand je me regardais dans la glace, je voyais tout ce que je détestais. Un ventre gras et des bourrelets. Des gros seins répugnants. Des énormes cuisses. Et un visage d'une banalité affligeante. Mais surtout, je voyais les endroits où Arthur m'embrassait et posait ses mains. C'était comme des brûlures qui ne cicatrisaient pas.

Il me manquait à en mourir.

Au bout d'un certain temps, j'ai fini par comprendre que j'avais besoin d'apprendre à m'aimer toute seule avant de penser à me tourner vers les autres. Arthur n'était pas la cause de ma dépression, mais plutôt l'élément déclencheur. Cette rupture, c'était ma faute, et j'en étais, à présent, pleinement consciente. Je l'aimais toujours, mais je savais qu'il fallait que je travaille sur moi.

Tout ça ne s'est pas fait en un jour. J'ai encore pleuré des centaines de fois et je ne peux pas dire que tout est réglé, mais j'ai appris à m'accepter.

Ces pensées qui me trottaient dans la tête quand j'étais face à moi-même et à mon apparence, telles que « je suis moche », « je ne suis pas attirante » ou « je suis trop grosse », n'étaient que l'écho de mon mal-être. Ce discours intérieur négatif affectait directement le malaise que je ressentais face à mon corps et ce n'était pas la parole d'un autre. J'étais intransigeante avec moi-même et je me comparais beaucoup trop.

Tous ces mannequins étaient bien trop minces pour être réels et bien trop photoshopés pour être les modèles de jeunes filles en manque d'assurance. La découverte d'Ashley Graham et l'arrivée des mannequins "grande taille" ou bien "atypique" ont été une vraie révélation pour moi.

Actuellement, je fais un bon 44 et je n'en ai plus honte. J'ai arrêté de me priver de faire des activités par peur du jugement et j'essaie de me dire chaque jour que la seule personne à avoir un avis important sur ma vie : c'est moi-même. J'ai des défauts, mais comme tout le monde, j'ai également des qualités, qu'elles soient physiques ou mentales.

Pourtant, je ne suis pas prête. En parler avec lui est au-dessus de mes forces. Nous avons joué aux autruches pendant trop longtemps, et quand je le regarde, je revois cette adolescente perdue qui se sent complètement démunie.

Assise sur mon lit, je suis au bord des larmes. Je tremble encore de notre discussion dans le jardin. Mes émotions sont en train de prendre le dessus, mais je n'arrive pas à les faire taire.

"Il faudrait peut-être qu'on ait une vraie discussion tous les deux, non ?"

Ses mots ont fait remonter une vague de mauvais souvenirs que j'essaie de taire depuis des années. Je sais qu'Arthur a longtemps cru qu'il n'avait pas été à la hauteur. J'aimerais lui dire qu'il n'y est pour rien et que je suis la seule responsable, mais la situation est compliquée. Notre histoire ne s'est pas arrêtée là, et il m'a fait trop de mal par la suite.

Je ne peux pas retourner dehors et l'affronter. C'est au-dessus de mes forces. Il faudrait que je lui avoue ce mal-être qui me ronge de l'intérieur et que je combats sans cesse.

J'ai besoin d'être seule. J'attrape mon téléphone dans ma poche arrière, prends mes écouteurs qui sont toujours autour de mon cou et je les place dans mes oreilles. J'allume mon application de musique et m'allonge en lançant ma playlist préférée. La chanson Surrender de Natalie Taylor résonne dans mes oreilles. Une main le long de mon corps, la seconde près de mon cœur. Je ferme les yeux et essaie de me concentrer sur ma respiration.

Comme ma mère me l'a appris, je gonfle le ventre à l'inspiration et le dégonfle à l'expiration. Mon rythme cardiaque commence enfin à se calmer et sombre peu à peu dans un demi-sommeil apaisant qui m'emmène loin d'ici.

~

N'oubliez surtout pas que vous êtes formidable. Vous êtes beaux/belles, et les gens vous aiment comme vous êtes.
Si quelqu'un ose vous dire le contraire, il ne mérite pas votre attention. ♥️

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