Chapitre 11 - Mia


Mia.

Cet après-midi, Daphné a invité des amis pour profiter de la piscine et du soleil. Elle nous a proposé de nous joindre à eux, ce que je compte faire dès que j'aurai terminé ma séance de lecture. Je lis un roman policier captivant et je suis à seulement quelques pages d'enfin découvrir l'identité du tueur, que je pense être la femme de l'amiral. C'est toujours un crime passionnel et nous venons d'apprendre que le majordome et elle n'avaient pas qu'une relation professionnelle.

— Mia ! me crie Sophie depuis l'autre côté du couloir.

Je décide de l'ignorer. J'ai absolument besoin de connaître le dénouement de cette histoire. Et si c'était le majordome ? Il connaissait les secrets de tous les habitants du château et il aurait pu facilement brouiller les pistes. On sous-estime trop souvent les employés de maison.

— Bouge-toi ! me gronde ma sœur en ouvrant la porte violemment.

Peut-être que c'est l'une de ses sœurs finalement. Faire partie d'une fratrie, ce n'est jamais facile, et un meurtre est si vite arrivé...

— Je finis ce chapitre et je te rejoins, soufflé-je.

— Non, maintenant !

Je soupire bruyamment en posant le livre sur mon lit et en renversant la tête en arrière. Mon enquête attendra. Je me lève et m'avance vers la penderie pour trouver mon bikini, pendant que ma sœur me met en garde.

— Avant que tu dises que je ne t'avais pas prévenue, Arthur et Léo sont ici.

— D'accord.

Je me baisse sur la dernière étagère et attrape mon maillot de bain noir effet gainant, que j'ai acheté il y a quelques jours.

Quand Daphné m'a annoncé sa journée piscine, je me doutais bien qu'Arthur faisait partie de la fête. Je me suis en quelque sorte préparée à le voir. Je sais que j'ai exagéré vendredi soir en lui criant dessus, mais nous avons mis les choses au clair et je veux vraiment que tout se passe bien.

— Quoi ? C'est tout ? Tu ne t'énerves pas ? Tu ne grognes même pas ? s'inquiète-t-elle.

— Ça va mieux entre nous. Ça ne sert à rien de continuer à le détester.

Je hausse les épaules sans me retourner pour essayer de minimiser la situation. Je ne veux pas qu'elle s'imagine quoi que ce soit concernant ma relation platonique avec Arthur. Lui et moi essayons de trouver une harmonie. Ce n'est pas encore inné de ne plus l'aimer ni de le détester, mais je fais de mon mieux pour garder la tête haute.

Il est indéniable que je me porterais mieux une fois que j'aurai définitivement tourné la page, et cela veut dire que je dois arrêter de lui en vouloir.

— Il était temps. Ça va faire un bien fou à tout le monde, s'amuse-t-elle.

Une fois vêtue de mon maillot de bain et d'une légère robe en coton bleue, je me rends dans le jardin avec Sophie, serviette sous le bras. Arrivée au niveau de la piscine, je remarque que tout le monde est déjà là. Camille, Salomé, Jona, Mehdi, mais aussi Léo et Arthur.

Seulement vêtu de son short de bain bleu marine, il est beau comme un dieu grec. Sa carrure de nageur, son dos et ses épaules comme directement sculptés dans du marbre, pourraient faire pâlir plus d'un homme. Ses avant-bras musclés se tendent alors qu'il joue au ballon au milieu de la piscine, en arborant un sourire renversant.

Je remarque que Camille est collé à lui comme une limace sur une feuille de salade. Je ne pensais pas que cette fille était du genre à s'humilier de la sorte. Je n'avais pas forcément envie de voir la bande de copines de Daphné, mais elles sont dans ma piscine et je ne compte pas leur laisser gagner du terrain.

Je salue tout le monde d'un geste de la main alors que Mehdi vient m'enlacer.

— Oh waw, tu es tombé dans une marmite de monoï ? demandé-je en grimaçant, me rendant compte qu'il s'est enduit le corps d'huile.

— Moi aussi je suis content de te voir Mia, rigole-t-il en ébouriffant mes cheveux, alors que je grogne de mécontentement. Si tu veux tout savoir, j'essaie de parfaire mon bronzage de coach sportif hyper sexy. C'est un travail de tous les jours d'avoir un corps comme le mien.

— Je n'en doute pas.

Je pouffe alors qu'il retourne s'installer sur son transat. Je connais Mehdi depuis presque dix ans, c'est le garçon le plus sociable que je connaisse. Et même si, à la base, c'est surtout un ami de ma sœur, je l'adore vraiment. Il est très drôle et c'est un vrai remède contre la morosité.

Je retire ma robe pour la placer sur mon transat, à côté de ma serviette. Sophie, impatiente, court à toute vitesse et se jette dans l'eau sous les cris stridents de Daphné et ses copines. Je croise le regard d'Arthur, qui me détaille intensément. Il glisse le long de mes courbes généreuses me rendant un tantinet nerveuse. Chaque parcelle de ma peau se tend sous ses yeux océan et je suis alors incapable de bouger. Cela fait bien longtemps que je n'ai plus honte de la taille de mes cuisses, ou de mes hanches, mais je ne pensais pas revoir un jour ce regard.

Un peu gênée, je croise les bras et me dirige rapidement vers l'escalier de la piscine pour glisser à l'intérieur. Dans l'eau, je me sens plus en sécurité. Je ne sais pas comment interpréter l'œillade d'Arthur. On a conclu qu'on devait essayer d'être amis, seulement amis, alors pourquoi j'ai l'impression d'avoir lu du désir dans ses yeux ?

Bien sûr que non, ça ne peut pas être ça. Je délire complètement !

Assise sur l'escalier de la piscine, j'essaie de reprendre un rythme cardiaque normal. Personne ne semble avoir remarqué cet échange silencieux, j'ai dû tout inventer.

Toute la petite troupe semble détendue. Ils se parlent, rigolent et nous passons un très bon moment.

Mon meilleur ami pointe le bout de son nez aux alentours de quinze heures, accompagné de son cousin, Monsieur Muscle. Ce matin, je lui ai proposé de nous rejoindre et il semblait ravi. J'attendais donc sa venue avec impatience.

Après avoir salué l'ensemble des convives, Raphaël vient s'asseoir près de moi, arborant un sourire niais. Je sais d'avance ce qu'il compte me dire, mais je lui laisse la joie de me l'annoncer.

— Alors ? dis-je pour tenter d'amorcer la discussion.

— Tu avais raison, j'ai craqué.

— Étonnant ! Vous avez juste couché ensemble ou tu comptes vraiment lui donner une seconde chance ?

— Pour le moment, on profite, on verra où ça nous mène, dit-il avec son air de benêt amoureux.

— Fais attention à toi, Raph, insisté-je en le regardant dans les yeux pour appuyer mes propos.

Je suis inquiète pour son petit cœur. Il a déjà assez souffert et cette fille ne m'inspire pas confiance. Mais quand je vois son visage si épanoui, j'ai envie de croire que je me trompe complètement. Après tout, du temps a passé depuis notre année de terminale. Je suis la première à avoir beaucoup changé.

Alors pourquoi pas elle ?

John vient nous rejoindre sur le bord de la piscine et il s'installe près de moi. Il est encore plus impressionnant torse nu. Voire trop. Ses épaules mangent tout l'espace et le rendent presque terrifiant. Je sais que ce n'est pas quelqu'un de méchant. Son physique a peut-être bien changé, mais j'imagine qu'il est toujours ce garçon gentil et un peu gauche que j'ai connu plus jeune.

— Il te parle de Stella ? demande-t-il en souriant.

— Il en parle beaucoup ?

— Tu n'imagines même pas, rigole-t-il.

— Tu exagères, rétorque Raphaël.

— Je dis juste qu'il y a plein d'autres filles.

— Je suis d'accord avec John, dis-je en bousculant mon meilleur ami.

Raphaël bougonne et décide de nous abandonner pour ne plus nous entendre. Sa réaction m'amuse. Il ne s'attache pas souvent à une fille et le voir si vulnérable est touchant. J'espère que Stella sait qu'elle a un diamant brut entre les mains.

Il rejoint les garçons qui jouent aux ballons et je plonge dans l'eau pour essayer de rafraichir. Je flotte un moment sur le dos, les yeux fermés. Les rayons viennent réchauffer mon visage, je tangue en rythme avec la chanson que Jona fait résonner dans son enceinte.

Au bout d'un petit moment, les garçons, qui sont encore de grands enfants, commencent à chahuter dans la piscine. Ils s'aspergent et se noient en se marrant comme des loups de mer. Rapidement, les pimbêches sortent de l'eau prétextant ne pas vouloir mouiller leurs cheveux, mais cette réaction ne sert qu'à alimenter leur bêtise.

Ils se tournent alors vers Sophie et moi, avec un regard d'aliénés. Il ne faut pas être devin pour comprendre ce qu'ils ont en tête. Je recule très lentement vers le bord de la piscine pour ne pas attirer leur attention, mais c'est sans compter sur l'œil affûté de Raphaël qui se dirige vers moi, tel un crocodile guettant sa proie. Je ne peux pas m'empêcher de pouffer nerveusement en le voyant arriver.

Et alors que je pensais que mon tour était venu, il plonge à l'eau et je ne le distingue plus. Paniquée, j'émets un cri strident en courant dans l'eau. Mais une grande main attrape ma cheville et je me retrouve noyée.

La guerre est déclarée.

Je me débats de toutes mes forces. Une fois de retour à la surface, je passe à l'offensive et me jette sur mon meilleur ami. En un seul mouvement, Raph me maîtrise et je bois à nouveau la tasse. Sophie, en tant que sœur héroïque, tente de me sauver et se trouve, à son tour, embarquée dans la folie de notre bourreau.

J'ai à peine le temps de reprendre ma respiration que j'entends quelqu'un approcher sur le côté gauche. C'est Arthur qui semble déterminer à me faire vivre un calvaire. C'est peut-être un moyen sadique de se venger de moi ?

Je découvre à nouveau les profondeurs de la piscine, poussée par sa grande main plaquée sur mon crâne. Tout ce chlore commence à me brûler les yeux et la gorge. Je remonte, le souffle court alors qu'il me fait face, les sourcils froncés.

— « Je n'ai confiance qu'en deux hommes. Le premier, c'est moi et l'autre, ce n'est pas vous », me lance-t-il d'une voix grave alors que je tente de reprendre mon souffle.

J'explose de rire. Les ailes de l'enfer, un film d'action sorti en 1997. Je l'adore. Arthur et moi l'avions vu dans un cinéma indépendant il y a plusieurs années. C'était l'une des choses qui nous liaient. Les films d'action nous plaisaient énormément et j'ai toujours trouvé ça bien de pouvoir partager cette passion avec lui.

— Qu'est-ce que tu racontes ? demande Daphné, qui semble assister à toute la scène.

Mais nous ne l'entendons pas, trop occupés à nous défier du regard.

— « Je vais le remettre au rayon surgelé », renchéris-je.

Sylvester Stallone dans Demolition man. J'espère qu'Arthur a la référence. C'est un film culte.

Il m'adresse un clin d'œil, je suis ravie de voir que nous nous comprenons toujours. Notre complicité semble intacte.

J'entends les cris suppliants de Sophie au milieu du chaos, et les rires sataniques de Raph et Léo qui sont en train de l'embêter. Même si ce moment privilégié me plait, je décide de me détourner de lui. Il faut que j'aille la sortir de là.

~ ~ ~

Les hostilités ont pris fin à l'arrivée de ma mère et de Claire, les bras chargés d'un plateau de cocktails fruités et d'un second de madeleines. Il n'en a pas fallu davantage pour que tout le monde déserte la piscine et vienne déguster le goûter fait maison.

Un silence digestif s'est ensuite installé autour de la piscine. Allongée sur mon transat, je ne déroge pas à la règle. Les yeux dans le vide, je regarde le plateau en bambou de ma mère, rempli de miettes et de verres vides. Je ne manquerais pas de lui dire que ses madeleines ont fait l'unanimité.

Perdue dans mes pensées, je suis ramenée à la réalité par l'arrivée de John sur le transat d'à côté. Le soleil a déjà entamé sa descente et la stature de mon voisin de serviette me cache presque entièrement ses rayons.

— Merci pour cet après-midi, dit-il en me gratifiant d'un sourire.

— Avec plaisir, je réponds en me tournant pour le regarder.

— Dis-moi, Mia. Je suis en perm' jusqu'à la fin du mois et je voulais savoir si tu voudrais venir boire un verre, un de ces soirs ? demande-t-il.

Je ne m'attendais pas à une telle proposition. Je suis carrément gênée et je n'ose même plus répondre. Mes joues doivent être rouges comme une pivoine. Qu'un garçon comme lui s'intéresse à moi m'a toujours semblé inimaginable. Je devrais être aux anges de cette proposition, mais quelque chose me dérange.

Pourtant, John est sympa, beau comme un dieu et je sais que c'est un garçon bien. Il a tout pour lui, et si je dis non, je risque de le regretter. D'autant plus que je n'ai aucune raison valable de le remballer. Ce rendez-vous serait l'occasion d'apprendre à le connaître, et qui sait, je serais peut-être surprise.

— Oui, c'est une bonne idée, souris-je.

En réponse, il se contente de sourire avant de se lever et de rejoindre son cousin dans l'eau. Je l'observe un instant traverser la piscine et mon regard s'accroche inévitablement à Arthur qui s'est installé sur un transat. Je crois qu'il s'est endormi, les lunettes sur le nez et la tête penchée sur le côté.

J'ai passé une très bonne après-midi et il n'y a eu aucune tension entre nous. Quelques jours plus tôt, tout ça n'aurait pas été possible et nous aurions gâché la journée de tout le monde.

J'ai envie de croire que tout cela va durer.

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