☆ Chapitre 34


Je suis seule.

Je me sens seule.

Encore une fois.

Les seuls moments où je ne pense pas à ma solitude, ce sont ceux où je fais mes devoirs, ou alors quand je travaille au bar des Trois cornes, avec la compagnie inespérée de Layla.

C'est d'ailleurs lorsque ma soirée de travail se termine que cette dernière me tend une tasse de thé, que j'accepte volontiers.

Cette journée était éprouvante, je marmonne alors que la froideur de la mi-janvier nous épuise encore plus que d'ordinaire.

Elle acquiesce.

Il est plus tard que d'habitude, dit-elle. Ton... Ami va venir te chercher, comme la dernière fois ?

Je réprime une grimace en entendant la façon dont elle a accentué le mot ami. Puis, je repense à ce soir là, où Corey était venu me chercher pour me raccompagner à l'école, après une longue soirée que j'avais passé avec mon oncle.

Je déglutit avec difficulté et secoue la tête de droite à gauche en essayant au mieux de ne pas montrer ma déception.

Non, je ne penses pas. Corey et moi, c'est... Compliqué.

Je vois. Mais maintenant que tu n'es plus avec James, vous pourriez...

Attends une seconde, comment tu sais que je ne suis plus avec James ? Je la coupes. Je ne te l'ai pas encore dit !

Layla prend un air coupable, puis grimace en m'avouant :

Il se peut que l'une de mes passions soit de lire la presse people... Et en ce moment, tu fais un peu la Une de tous ces magasines...

Je soupire et enfouie ma tête dans mes bras, désespérée. Evidemment, la Gazette de Poudlard, devenue clandestine depuis l'interdiction de McGonagall, a publié un article sur James et moi, donc l'ensemble de l'école est au courant de notre rupture récente. Mais je ne m'attendais pas à ce que le monde entier soit mit au courant.

C'était peut-être naïf de ma part.

Super, je grogne.

Tu sais, je trouve que James et toi vous formiez un beau couple, mais... Je ne sais pas trop comment dire ça, mais je ne pense pas que vous étiez fait l'un pour l'autre. Votre alchimie paraissait beaucoup trop amicale pour un couple.

Je lève les yeux vers elle, et la fusille du regard. Layla est une bonne amie, mais ça ne lui donne pas le droit de donner son avis sur mes histoires d'amour pour autant.

Si je peux me permettre, continue-t-elle, Corey et toi, vous êtes fait pour être ensemble.

Tu nous a pas vu plus de cinq fois dans la même pièce, Layla !

Oui, c'est vrai. Mais il n'empêche que ces cinq fois ont suffit pour que je comprenne que lui et toi, c'est quelque chose de spécial.

Mon coeur manque un battement en entendant ces phrases.

Lui et moi, quelque chose de spécial.

Lui et moi, faits pour être ensemble.

Puis, je repense à la situation qui est la notre, et la once d'espoir qui m'a été accordée s'effondre.

C'est impossible, Layla, OK ? Corey et moi, ça n'existera pas.

Elle hausse les épaules.

Si tu le dis.

Oui, je le dis, et j'en suis certaine. Parce que tu vois, Corey et James sont meilleurs amis. J'étais meilleure amie avec James avant de tout gâcher. Et Corey et moi, on était en train de devenir de très bons amis sauf qu'à présent, à cause de tout ça, de nos sentiments et de notre lien avec James, on ne s'adresse même plus un mot.

Je prend une pause en sentant les larmes arriver dans mes yeux.

Corey fuit même jusqu'à ma présence. Il suffit que j'arrive dans une pièce où il se trouve pour qu'il s'en aille.

Layla se lève de sa chaise pour venir me serrer dans mes bras alors que j'éclate en sanglots.

Dis tout ce que tu as sur le coeur, ma belle, murmure-t-elle.

C'est juste que... Tout a volé en éclat... Tout... Je m'en veux de m'être mise avec James alors même que je commençais à ressentir des choses pour Corey... Je m'en veux encore plus d'être resté plusieurs mois avec James alors que ces sentiments pour Corey commençaient à devenir de plus en plus forts... Et je m'en veux d'avoir gâché deux belles amitiés.

Je renifle et Layla s'en va chercher un mouchoir avant de me le tendre.

Je les aime tellement tous les deux... D'une manière différente, certes, mais je tiens à eux plus qu'à n'importe qui, et... Et je me sens débile d'avoir tout foutu en l'air.

Je calme ma respiration pour essayer de diminuer mes tremblements, je souffle lentement et les larmes arrêtent peu à peu de couler. Je bois une gorgée de thé qui a refroidit, et je murmure :

Ils étaient mes deux seuls amis, et maintenant, je n'ai plus personne...

Et Corey ne peut pas rester un peu avec toi, même s'il est toujours ami avec James ?

Je hausse les épaules.

Je te l'ai dit, Corey me fuit.

Je suis sure qu'il te fuit car il ne sait pas comment agir quand il est avec toi, c'est tout... Au fond, je suis certaine qu'il ne désire qu'une seule chose : passer du temps avec toi.

Je hausse les épaules, encore une fois.

Je penses que je vais rentrer à l'école et directement m'enfouir dans mes couvertures. J'ai besoin de dormir.

Layla se lève précipitamment et secoue la tête.

Je ne te laisses pas rentrer seule si tard et encore moins dans cet état. Je ferais une bien piètre amie si je te laissais.

Layla, tu es loin d'être une piètre amie, je soupire.

Je sais, déclare cette dernière. Et c'est pour cette raison que je te raccompagnes. Laisses moi juste aller ranger deux ou trois trucs et chercher ma veste.

Elle descends dans la réserve, et remonte avec un morceau de parchemin qu'elle attache à la patte du hibou de notre patron. Je l'interroge du regard, et elle m'expliques :

Je dois prévenir Mr Fray que je m'absente, au cas où il reviendrait...

Je fronce les sourcils, parce que ce qu'elle me raconte ne fait aucun sens. Vu l'heure qu'il est, Mr Fray doit être bien tranquille, dans son lit en train de dormir.

Je ne le fais pas remarquer à Layla. Elle a le droit de garder le secret sur le ou la destinataire de sa lettre nocturne.

Elle fait partir le hibou, puis elle passe un coup d'éponge sur le comptoir et enfile sa veste avec une lenteur désespérante.

J'aimerais arriver avant une heure du matin, j'affirme d'un air renfrogné.

Elle lève les yeux au ciel, que trop habitué à mon humeur souvent taciturne.

On arrive pas tous à se préparer pour sortir en moins de deux. Laisses moi juste mettre une écharpe et un bonnet.

Je suis sure qu'elle passe un temps fou à choisir quelle écharpe elle va mettre, juste pour me mettre en rogne.

Puis, enfin, elle ouvre la porte du bar et me laisse passer.

Le froid est mordant, à l'extérieur. Je frissonne et peste de ne pas avoir apporté une doudoune plus chaude et des bottes fourrées. Il faudra que j'y pense la prochaine fois.

C'est quoi, ta saison préférée ? Me demande Layla en me voyant fusiller la neige du regard.

Le printemps, je dirais. Ou l'automne.

Layla s'arrête net de marcher pour me sortir un monologue interminable :

Hum. Prévisible. Comme à peu près la majorité des gens, quoi. Vous savez quoi, vous les pro-printemps ou pro-automne, je trouve que vous n'avez pas de personnalité. Ce sont les saisons les plus agaçantes. Trop froid pour se mettre en robe, débardeur ou short, pas assez froid pour mettre des pull. Et puis, en hiver, on peut skier, patiner en extérieur... En été on peut faire des randonnées... Oui, en fait, l'automne et le printemps, c'est nul comme saisons.

Je regarde Layla d'un air torve.

C'est bon, tu t'es bien défoulée ? On peut repartir ?

Oui, désolée.

Elle se remet à marcher avec entrain. Puis, vingt mètres plus loin, elle s'arrête à nouveau et je n'ai pas le temps de demander ce qu'il se passe qu'elle pointe son doigt en direction d'un banc.

Hey, c'est là que j'ai embrassé une fille pour la première fois ! C'était il y a trois ans, j'étais en sixième année.

Le vent me fait avoir un énième frisson et je commence presque à claquer des dents.

C'est très interessant, Layla, mais est-ce qu'on pourrait y aller, je t'en prie ?

Oui, oui, c'est bon, d'accord.

On se remet à marcher, et elle se renferme dans un mutisme qui ne lui ressemble pas, elle qui est toujours pétillante. Je m'en veux de l'avoir rembarrée comme ça, à deux reprises, alors qu'elle essayait juste de lancer la conversation. C'est pour ça que j'essaye de lever le froid que j'ai jeté entre nous :

Et tu n'avais encore jamais embrassé personne, avant ?

Si, si. J'ai eu un copain, mais ça ne marchait pas comme je le souhaitais. Enfin, comme je me l'imaginais, du moins. En fait, avec le temps, je me suis aperçue que j'aimais tout autant les filles, peut-être même plus.

Au moment où j'allais demander autre chose, une silhouette apparait, à l'angle de la rue où l'on allait tourner, et je me fige.

C'est Corey.

Je le reconnaitrais entre mille.

Il s'avance vers nous, et il se passe de longues et gênantes secondes avant qu'il ne marmonne :

Pourquoi tu m'as demandé de venir alors que tu pouvais très bien la raccompagner ?

Il s'adresse à Layla, pas à moi. Au début, je n'y comprends rien, puis ensuite, tout s'éclaire et je comprends enfin. Tout à l'heure, la lettre qu'a envoyé Layla, ce n'était pas à l'adresse de notre patron, mais à celle de Corey.

Et, depuis le début, elle essaye de nous faire perdre du temps pour le croiser.

Quelle peste.

Je la fusille du regard, et elle me fait une moue désolée.

Layla ! Je m'exclame, outrée.

C'est OK si je te laisses ? Me demande-t-elle d'une petite voix.

Je me demande si elle regrette le coup qu'elle m'a fait. En tout cas, ce qui est sure c'est que lorsque je me rendrais de nouveau au travail dans deux jours, je le lui ferais regretter pour de bon.

En attendant, j'interroge Corey du regard. C'est la première fois qu'on échange un regard aussi long depuis des lustres, j'ai l'impression.

Je déglutis, pince mes lèvres, et hoche la tête.

Ouais, c'est bon, vas-y, je dis à Layla.

Elle hoche la tête.

Envoie moi un hibou quand tu arrives.

Je la fusille du regard, et elle se détourne pour rentrer au bar.

Je suis désolé, je marmonne en fuyant le regard de Corey. Je ne savais pas qu'elle t'avais envoyé un hibou, sinon je l'en aurais empêché.

Il hausse les épaules, toujours sans rien dire, et on se met en route silencieusement.

Souvent, il y a des silences entre nous, mais ce ne sont pas des moments que l'on pourrait qualifier de gênant en temps normal.

là, pour le coup, c'est carrément gênant.

Tu as pleuré ? Demande Corey au bout d'un certain temps.

Je fuis son regard pour essayer de cacher mes yeux rougis, même s'il les a déjà remarqués.

Peut-être, je réponds dans un souffle. Mais t'en fais pas, je vais bien. Je vais très bien.

Il sait comme moi que c'est faux.

Il s'éclaircit la voix, et me dit :

écoutes, je vais te raccompagner jusqu'au portail puis j'irais prendre un passage secret pour rentrer. Rusard sait que tu es autorisée à sortir de l'enceinte du château, mais moi je n'en ai pas le droit, alors...

J'approuve d'un mouvement de tête sans laisser démontrer ma tristesse. Il y a quelques mois de ça, il était sorti pour me raccompagner, et n'avais pas eu peur d'avoir quelconque remontrance vis-à-vis de ça.

Encore une chose qui a changé par rapport à avant.

Corey, je suis désolée, je dis d'une voix que j'espère pas tremblante. Je suis sincèrement désolée.

Désolée de quoi, au juste ?

De... De beaucoup, beaucoup de choses. D'abord, je suis désolé d'avoir été une peste avec toi jusqu'à l'année dernière. Ensuite, je suis désolée de pas m'être rendue compte avant, quand il était encore temps, que j'étais en train de tomber amoureuse de toi. Puis aussi, je suis vraiment, vraiment désolée que les choses se soient passées comme ça.

Corey rentre ses mains dans ses poches, comme s'il était gêné par notre conversation, et secoue légèrement la tête.

Ne soit désolée de rien de tout ça, Appolyne. Surtout pas. En fait, si on y réfléchit bien, tout est de ma faute.

Mais non, rien n'est de ta faute, enfin ! C'est moi qui ait tout fait foiré ! Moi ! C'est à cause de moi que je suis en froid avec James, et c'est aussi de ma faute si tu ne veux plus me parler, ce que je comprends très bien !

Aaargh, encore ces fichues larmes qui menacent de sortir de mes yeux. Je les sèche d'un revers de main, avant de me concentrer sur la fumée qui sort de ma bouche à cause du froid.

Comment peux-tu seulement penser que je ne veux plus te parler, dit Corey dans un murmure.

Il s'arrête de marcher, sors ses mains de ses poches et tourne délicatement ma tête pour que je le regarde droit dans les yeux.

J'essaye de ne pas flancher. C'est la première fois depuis un bout de temps que je suis aussi proche de lui.

La première fois que je me sens entièrement à ma place.

Avec lui.

Ben, je commences à répondre, tu t'en vas dès que j'arrive dans une pièce, tu ne t'assois plus à côté de moi en botanique, et soyons honnête, la première chose que tu m'as dites depuis le retour des vacances, c'est « tu as pleuré ? », tout à l'heure.

Il prend un air gêné, et se mord la lèvre.

— Appolyne, je ne te parles plus parce que c'est trop dur pour moi... C'est dur sachant que James est mon meilleur ami et que je ne veux pas lui faire de la peine. Je me sens horrible, tu comprends ! Parce que je l'ai ramassé à la petite cuillère, à la rentrée, quand il m'a dit que vous vous étiez séparés, et que pourtant, malgré ça, une partie de moi arrivait tout de même à se réjouir !

Il marque une pause, avant de reprendre :

Je me sens affreux, parce que James est mon meilleur ami, qu'il a toujours des sentiments pour toi, mais que même en sachant ça, je sais que je n'aurais jamais la volonté d'agir comme si de rien était avec toi si je venais te parler !

Il déglutit et alors que je reste muette, ne sachant que répondre, il continue de plus belle, comme si maintenant qu'il avait commencé à se livrer, il ne pouvait plus s'arrêter :

— Tu peux pas savoir à quel point tu me plais, Appolyne. Je te promets, tu ne peux même pas l'imaginer. Et ça me tue de savoir que tu es là, que tu partages mes sentiments, mais que je ne peux rien faire sinon ça signifie renoncer à James. Et inversement, si je veux garder mon amitié avec James, ça signifie renoncer à toi.

Il éclate d'un petit rire sans joie, avant de me dire d'un air légèrement amer :

Donc tu vois, rien de tout ça n'est de ta faute, Appolyne. C'est la mienne, entièrement la mienne. Dans tous les cas, je suis perdant. Mais je ne peux m'en vouloir qu'à moi-même, puisque je suis le seul coupable.

Il tape son front de sa main en soupirant.

Bordel, des sept milliards d'être humains qui sont sur cette Terre, il n'y avait qu'une seule personne de qui il ne fallait pas que je tombe amoureux, une seule !

J'aimerais le contredire. Lui expliquer toutes les raisons qui font qu'il n'est pas le seul coupable. Que j'ai autant à me reprocher que lui dans cette histoire, voire même plus. J'aimerais.

Mais j'ai le souffle coupé.

Alors, au lieu de ça, je prend sa main dans la mienne, et la serre fort, très fort.

Je t'interdis de perdre James, j'affirme. Je l'ai perdu, moi, et je ne veux pas que ça t'arrive aussi. Parce que ça fait trop mal.

Je sens mon coeur se briser au fur et à mesure de mes paroles.

— On m'a souvent reprochée d'avoir une part égoïste en moi, et je ne l'ai jamais nié parce que c'est vrai. Je suis quelqu'un d'égoïste, mais pour une fois, je veux pas l'être. Parce que James est une personne extraordinaire, et que je ne veux pas qu'on le blesse plus que je ne l'ai déjà fait. Et je veux pas que tu renonces à son amitié pour moi.

Il ouvre la bouche pour me couper, mais je le fais taire d'un geste

Non, ne dis rien, je t'en prie. Juste... Juste ce soir, ne me lâches pas la main, raccompagnes moi jusqu'à la grille de l'école et... Et on avisera plus tard pour la suite, d'accord ?

Il hoche la tête, serre ma main dans la sienne, et ne la lâche pas jusqu'à ce qu'on arrive jusqu'au portail, resté ouvert pour moi.

Dans quelques minutes, Rusard arrivera pour vérifier qu'il s'agit bien de moi qui rentres au chateau. Je le sais, Corey le sais. Alors, on regarde nos mains entrelacées, et quand elles se séparent inévitablement, je sens mon coeur se briser en deux.

Corey replace une mèche de cheveux derrière mon oreille, et c'est comme ce geste avouait tous les non-dits entre nous.

à demain, Appolyne, souffle-t-il.

Il se retourne, fait deux pas, et m'annonce :

Tu sais, ce n'est pas parce que tu penses que je ne fais pas attention à toi que c'est le cas. Je te regardes bien plus souvent que tu ne le crois, Appolyne.

Le bruit de la porte annonçant l'arrivée de Rusard le contraint à partir, et à présent que je sais pourquoi Corey ne m'accorde plus une once de son attention, j'ai hâte de savoir de quoi demain sera fait.




° 

Hey hey hey ! 

voilà pour ce nouveau chapitre, j'espère qu'il vous aura plu ! n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé ! 

dites moi si ça vous intéresserais cette scène du point de vue de Corey, je verrais si j'ai la motivation de l'écrire si c'est le cas ! 

et aussi, dites moi s'il y a des scènes des chapitres d'avant que vous aimeriez voir du point de vue de Corey ou James ! normalement ce n'est pas prévu que j'en écrive, mais si il y en a une en particulier où ça vous ferait plaisir d'en lire, je le ferais surement ! so let me know !

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