★ Chapitre 16

Le premier jour d'octobre arrive, et c'est pleine d'une énergie nouvelle que je saute de mon lit, à pieds joints. J'ai prit une décision, et pas des moindres : avant la fin de la semaine, je vais parler à James.

Il serait grand temps. Mon esprit est obnubilé par lui, de telle sorte qu'il ne se passe pas une nuit sans que je ne rêve de lui, à présent. De lui et de notre amitié presque fusionnelle.

Je m'observe longuement dans la glace, comme si mon reflet pouvait me donner du courage.

Aller, Appolyne, je souffle. Tu peux le faire. Tu peux carrément le faire.

Je hoche la tête, tout en me traitant mentalement de débile. Je suis ridicule.

Mais ça ne fait rien, parce que quand je descends dans la salle commune, j'ai l'impression que du courage à l'état pur coule dans mes veines.

Je le vois : il est avec Corey et ils rigolent ensemble. Je ne sais pas combien de temps je reste plantée devant les escaliers à les observer, mais une première année toussote pour s'éclaircir la gorge, et je me retourne pour la regarder.

Tu me laisses passer ? Me demande-t-elle en haussant les sourcils.

Euh, oui. Oui, pardon...

Je me pousse, distraite, et après cette interruption momentanée, je me remets à la contemplation de James.

Je n'aurais pas dû attendre si longtemps, parce que le courage vient de me lâcher, et je fonce tout droit vers la sortie de la salle commune, sans me retourner une seule fois.

Alors que je suis en pleine descente des escaliers, une voix retentit, et je m'arrête.

  Hey, Prescott ! Attends moi !

Je ferme les yeux en secouant la tête.

Corey.

Qu'est-ce qu'il me veut, celui-là ?

Oui, Hitchens ?

J'ai essayé de prendre mon ton le plus agréable. Je ne pense pas avoir réussit, à en voir sa tête.

Je voulais te demander si tu voulais encore continuer ces stupides cours de danse ?

J'ouvre grand les yeux, prise de panique.

Quoi, c'est déjà ce soir, le troisième cours ?!

Il me regarde, un sourcils arqué.

Tu ne vas pas me dire que c'est toi qui m'a forcé à m'y inscrire mais que c'est moi qui doit te rappeler quand sont ces cours, tout de même ?

Je passe ma main sur mon front, désabusée. J'avais totalement oublié ces fichues classes de danse.

Je... Non, je mens.

Il ne me croit pas une seule seconde, et je me sens vraiment stupide.

Bien sur, qu'on continue, je dis. Je te rappelle que ma bourse d'étude en dépend, de ce club de danse.

Je reprend ma descente direction la grande salle, et à ma grande surprise, Corey m'emboite le pas.

Il y a autre chose ? Je demande irritée.

Il m'observe, et se mord la lèvre, s'empêchant de me dire ce qu'il s'apprêtait à déblatérer. Finalement, il m'observe à travers ses cils, et il me dit :

Tu sais, tu pourrais faire un tout petit effort et te montrer plus aimable. Je te rends quand même un énorme service en t'accompagnant à ces... trucs débiles de danse. 

N'oublie pas que je te rends aussi un service en t'aidant à avoir de meilleures notes.

Il ne trouve rien à redire.

Parfait.

Et donc, Hitchens, qu'est-ce qu'il y a d'autre ? Accouches, je n'ai pas toute la journée.

Il secoue la tête, et claque sa langue contre son palais.

Rien, Prescott. Je t'embête pas plus longtemps.

Il tourne les talons, et remonte les escaliers.

Je le regarde quelques secondes, sourcils froncés. Ce n'est pas dans sa nature de s'en aller sans me lancer une pique au préalable.

Il est devenu bizarre, Corey.

Je secoue la tête, en songeant que le monde ne tourne plus rond. Puis, je reprends mon chemin.

Seule.

.

Il est en retard.

Encore.

Du coup, je suis assise sur une chaise, bras croisés, et j'observe McGonagall corriger les pas des troisièmes années.

Je ne sais pas comment font ces derniers, mais leur danse est fluide et jolie à regarder. Tandis que quand Corey et moi on essaye, on dirait juste deux éléphants boiteux.

Quand enfin la porte s'ouvre et que Corey daigne se montrer, je suis presque déçue. S'il ne s'était pas montré, je serais restée assise toute l'heure durant, et ça aurait été pour le mieux.

McGonagall lui assène un regard sévère, et Corey me rejoint, mains dans les poches. Je me lève, et il affiche un sourire narquois en me regardant de la tête aux pieds, observant ma robe bleue à volant.

Qui aurait cru que Appolyne Prescott pouvait avoir dans sa valise une si jolie tenue, nargue-t-il.

Je pince mes lèvres. Ce qu'il m'avait dit, quelques mois plus tôt me revient en mémoire. « Tu t'habilles comme une grand-mère ». Il n'avait pas tort, en soit. Mon style vestimentaire n'était pas le plus joli du monde, il était un peu vieillot, mais enfin, moi, il me plaisait.

Oh, et elle a même des talons ! S'exclame Corey, ses yeux pétillants de malice.

Arrête immédiatement de rire, Corey Hitchens, ou je t'écrase le pied.

Il recule d'un pas, et prend une mine faussement effarée.

Tu n'oserais pas !

Tu veux voir ?

Je lève le pied et il se décale en éclatant de rire quand je manque de perdre l'équilibre.

Je déteste les chaussures à talons. Pourquoi se torturer les pieds, alors que des baskets, ça existe ?

Je lance à Corey un regard noir, et il me prend la main et la taille, et on commence à déplacer un pied et l'autre, pas du tout en rythme avec la musique.

Je m'obstine à regarder un coin de la pièce, et j'ai très envie de demander à Corey des nouvelles de James. Il traine presque à longueur de journée avec lui, alors...

Corey ?

Hmm ?

Est-ce que... Non, rien, laisse tomber.

Il appui son regard sur moi pour me motiver à poser ma question, mais je refuse.

C'est bien trop gênant.

Tu veux me demander de t'accompagner à un concours national de valse ? Plaisante Corey.

Je lâche un souffle agacé.

Non, tu n'es pas le partenaire qu'il me faudrait. Tu es bien trop nul pour mon niveau.

Il lève un sourcil, et un rictus amusé s'imprime sur ses lèvres.

Prescott, qu'une chose soit bien claire, c'est toi qui n'est clairement pas à mon niveau. Tu m'entraines vers le bas.

Mais n'importe quoi. Tu n'as pas du tout le sens du rythme.

Je l'ai plus que toi.

Je roule des yeux, et il se mord la lèvre.

Et je vais te le prouver.

Il s'arrête alors de se balancer d'un pied sur l'autre, pour me serrer plus fort la taille, et alors que j'esquisse un mouvement de recul, il m'empêche de partir pour tendre à fond le bras qui tient ma main droite.

Il m'entraine alors dans une danse très peu gracieuse, en courant presque d'un coin à l'autre, sans tenir compte une seule seconde du tempo de la musique, et mes jambes essayent de tenir la cadence tandis que j'explose de rire.

Corey, arrêtes, je vais tomber ! Je m'exclame en m'agrippant à son épaule.

Il ne fait pas cas de mes paroles, pour brusquement changer de direction, sous les réprimandes outrées de la directrice.

Mais enfin, les enfants, ce n'est pas comme ça que...

Corey me fait tourner si vite que je manque de tomber sur les fesses, mais il me rattrape, et recommence.

Je n'arrive pas à m'arrêter de rire, et entre deux pas, j'arrive à ôter mes chaussures à talons.

Prête pour le grand porté ? Me lance Corey en riant.

Que... Quoi ?! Mais ça va pas la tête ?! Je m'insurge.

Il incline la tête, et se recule en me faisant des mouvements de mains pour m'inciter à courir vers lui.

Aller, je suis sure que Appolyne Prescott est une grande fan de Dirty Dancing !

Il me lance un clin d'oeil, et je n'ai même pas le temps de me demander comment Corey Hitchens, qui est un sang pur, connait ce film moldu. Et je ne sais pas quelle folie me prend de courir vers lui, de prendre mon élan, et de sauter dans ses bras.

Surement parce que, comme il l'a deviné, je suis une grande fan de ce film. Et que je rêve de faire ce fameux porté depuis que je l'ai vu à la télé quand j'étais plus petite.

Mais, évidemment, considérant nos talents de danseurs à tous les deux, il ne pouvait pas en être autrement : on s'écroule au sol, et entre deux éclats de rire, je le tape violemment à l'épaule.

Hey ! Je m'exclame en plissant les paupières. Tu n'as vraiment aucun biceps, ou c'est quoi le problème ?

Il ne me répond pas, trop occupé à rire, et je me relève tant bien que mal.

Les quatre autres membres du club ont l'air choqués, et je fronce les sourcils.

Quoi ?! Oh, non, vous avez vu ma culotte, c'est ça ? Je m'exclame en rougissant.

Corey redouble de rire, au sol, et je lui donne un petit coup de pied. 

McGonagall, elle, semble être mitigée entre l'envie de sourire et la crise cardiaque.

Et finalement, elle décrète que nous sommes des éléments perturbateurs, et elle nous met à la porte du club de danse. Définitivement.

.

Je ris tellement, dans les escaliers, que je ne cesse de m'écraser contre les murs, en proie à de sévères pertes d'équilibre. Corey m'empêche à plusieurs reprises de tomber et de dévaler les centaines de marches.

Qui aurait cru qu'un jour, je puisse partager un fou rire avec Corey Hitchens, par Merlin ?

Bientôt, les poules auront des dents, je le clame haut et fort. Et des dents en or, de surcroit.

Quand je pousse le portrait de la Grosse Dame, j'essuie le dessous de mes yeux, à cause de quelques larmes de rires, et quand Corey entre à son tour, il se dirige immédiatement vers James, qui est en train de lire un livre.

Mon coeur se pince, et alors, chose à laquelle je ne m'attendait pas du tout, à mi-chemin, Corey se retourne vers moi.

Aller, viens, Prescott, je sais que t'en as terriblement envie.

Je déglutis, et il m'encourage du regard.

Et lui aussi, il en a envie, crois moi.

Le coeur battant, je hoche la tête, et je le suis. Je crois vraiment que tout le monde dans la pièce est capable d'entendre les battements de mon coeur, semblables à des roulements de tambour.

Corey se jette sur le canapé à côté de James, et je reste plantée, devant eux, entrelaçant mes doigts entre eux.

Mon meilleur ami relève la tête, et m'observe. Il est aussi gêné que je le suis. Je lève ma main, la gorge nouée, et je dis :

Coucou.

Il me sourit, et se décale sur le canapé pour que je m'assois à côté de lui. Il a l'air heureux. Et je crois bien que moi aussi, j'ai l'air heureuse.

Alors comme ça, tu t'es inscrite à des cours de danse, hein ? Me demande James en haussant un sourcil.

J'explose de rire.

Il a toujours le chic pour commencer de bonnes conversations et pour dissiper toute gêne. Ça n'a pas changé.

Je désigne Corey du menton, et je me plains :

Et cet idiot m'a laissé tomber par terre.

Il sourit en secouant la tête, et Corey me tire la langue, avant de s'éclipser. Il comprends que James et moi, on a besoin de se retrouver.

Finalement, Corey n'est peut-être pas le diable personnifié, après tout.

.

Le soir venu, je suis vraiment contente, parce que c'est la première fois depuis bien longtemps que je ne mange pas seule. Je suis à côté de James, et il me raconte ses super vacances d'été. Je lui suis reconnaissante de ne pas me poser de question sur les miennes, parce que mis à part mes quelques semaines passées au Brésil avec mon oncle, je n'ai rien d'ahurissant à lui dire.

À la fin de notre succulent dîner, alors que notre conversation commence tout juste à s'essouffler, Corey nous rejoint, et je me surprends à ne même pas lever les yeux au ciel.

Après tout, c'est en grande partie grâce à lui que je me suis réconciliée avec James. S'il ne m'avait pas poussée à aller lui parler, tout à l'heure, je ne serais pas là, avec lui. Et même si le mur de glace n'est pas encore totalement brisé entre James et moi, il est sérieusement fissuré, alors c'est pas mal.

Hey, Prescott, du coup, tu pourras aller aux prochains cours de danse avec James, hein ?

OK, il s'en aura fallut d'à peine deux secondes avant qu'il ne m'exaspère à nouveau.

Je te rappelle qu'on a été bannis définitivement, Hitchens.  Je ne pourrais pas y retourner.

Il glousse en s'asseyant à côté de moi. Il lorgne les frites qui sont dans mon assiette.

Tu vas les manger ?

Non, je t'en prie. Mais attention, j'ai craché dedans.

Corey me dévisage, essayant de savoir si je rigole ou non, et James éclate de rire.

Je suis sure que nos échanges pimentés lui ont manqué.

Elle ment, elle a pas craché dedans, me trahit James.

Mais Corey n'a pas l'air convaincu pour autant.

Si c'est un coup monté, je...

Je roule des yeux, prend deux frites et les lui fourre dans la bouche pour le faire taire. James éclate de rire devant les yeux ronds de Corey, et ce dernier me tape au dessus de la tête, mais il mange les frites.

Alors toujours pas de trêve entre vous deux ? Questionne James, les yeux brillants.

Corey et moi échangeons un regard, et on semble penser la même chose. Il secoue la tête, toujours en train de mâcher, quand je dis :

Non. Je ne le supporte pas. 

James jette la tête en arrière en riant légèrement.

J'en étais sûre.

Il me sourit, et j'en ai des frissons.

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