II- Recherches

Evelynn fut réveillée par les premiers rayons du soleil, réchauffant lentement la pièce. Elle se dépêcha de se lever et de s'habiller. En se coiffant, elle remarqua des lignes gris clair s'entrelaçant sur la peau de sa nuque. Certaine d'avoir à faire à de la saleté, elle frotta de l'eau dessus pour tenter de faire partir la curieuse tâche, en vain. Elle ne se posa cependant pas plus de questions et descendit manger. Les deux sœurs se dépêchèrent de finir leur menu petit-déjeuner et Evelynn proposa d'aller apporter à leur mère sa tisane matinale.
Elle toqua et entrebâilla légèrement la porte, laissant filtrer quelques rayons de soleil à travers la pièce.

- Mère?

Pas de réponse.
Elle entra précipitamment dans la chambre et fut soulagée de voir sa mère endormie sur son lit.
Elle lui tapota doucement l'épaule.

- Mère? Réveillez-vous, votre tisane est prête.

Aurora Sanders ouvrit ses yeux bleu translucides soulignés de sombres cernes. Elle sourit en voyant sa fille.

- Evelynn, comment vas-tu? As-tu bien dormi?

Evelynn ne pût s'empêcher de sourire, les larmes aux yeux. Sa mère se souciait toujours des autres avant de penser à elle-même. Même dans des moments pareils.

- Je viens bien, mais vous feriez mieux de boire votre infusion avant qu'elle ne refroidisse, remarqua gentiment Evelynn.

- Dans des moments pareils, on se demande qui est la mère et qui est l'enfant, soupira Aurora consciente de n'être d'aucune aide à ses filles.

- Ne vous inquiétez pas bientôt vous irez mieux, j'en suis persuadée, ajouta la jeune fille en pensant à son pacte avec l'Elfe.

* * *

Evelynn parcouru lentement du regard les étagères de l'immense bibliothèque de sa tante. Elle était allée lui porter des nouvelles de sa mère et quelques biscuits et en avait profité pour demander l'autorisation d'emprunter quelques livres. Les livres étaient encore peu répandu et assez chers mais sa tante était mariée à un riche baron intellectuel ce qui expliquait son impressionnante collection de bouquins. Elle décida de chercher des livres de légendes mais ne trouva que des exemplaires divers de la Bible et des livres de généalogie ventant les exploits des ancêtres de divers aristocrates.
Elle soupira.
Après sa dernière rencontre avec James, ils avaient convenus de récolter un maximum d'informations sur les Numéides chacun de leur côté, mais elle n'avait rien trouvé jusqu'à présent.
Sept jours qu'elle cherchait, et sept jours qu'elle n'avançait pas.
Elle ne savait plus où chercher.

- Puis-je vous aider, Mademoiselle Sanders?

- Je ne crois pas, merci, répondit ladite demoiselle Sanders en souriant à Biggins, l'homme à tout faire.

- Permettez-moi, mais je suis bien plus futé que ce qu'il ne laisse paraître.

Evelynn rougit honteusement. Elle ne voulait pas le vexer.

- Eh bien, je... cherche... euh...

Elle réfléchit combien elle pouvait dévoiler sans se trahir.

- Je cherche des légendes et contes de nos contrées, pour... m'endormir.

Il rit.

- Je doute que nos légendes vous aident à vous endormir Miss, elles sont très... mouvementées.

- Mais... Est-ce que vous en connaissez? Demanda Evelynn avec curiosité.

- Ma foi, pas personnellement, mais je connais le meilleur conteur de la région, répliqua-t-il avec un sourire complice.

* * *

Ses sabots de bois résonnaient sur la route pavée alors qu'elle pressait le pas pour rejoindre sa sœur.
Evelynn sentait qu'un orage approchait et elle voulait aider sa sœur à empaqueter leurs affaires avant la tempête.
Les Sanders faisaient de la poterie depuis trois générations et ils vendaient leurs créations sur un petit étalage, dans la rue marchande principale devant le château royal. Il fallait venir de bonne heure si l'on désirait avoir une bonne place où installer son stand et, comme la rue n'était pas abritée, la plupart des marchands rentraient chez eux en cas de grosse averse.
Comme aujourd'hui.
Les passants commençaient déjà à rentrer chez eux, sentant aussi le mauvais temps venir. Evelynn se fraya un chemin parmi la foule et trouva enfin sa grande sœur. Elle avait déjà commencé à emballer précautionneusement les pots de terre cuite dans la charrette. Elle était aidée par ce qui semblait être un soldat du palais.
Il fallait dire que Rose était très belle, et ne manquait pas d'admirateurs. Toutefois leur mère ne désirait pas la forcer au mariage et, c'est ainsi qu'à dix-neuf ans, elle était toujours célibataire, alors que Mme Sanders était déjà mère à cet âge-là.
Evelynn s'approcha encore un peu du stand et s'arrêta à quelques mètres, entendant à présent le son des voix des deux jeunes gens.

- Permettez.

Rose sourit et s'écarta, permettant au garde de déposer la lourde charge dans la vieille charrette en bois.
Il venait l'aider plusieurs fois par semaines, et refusait les pièces que la jeune femme lui tendait pour son aide, prétendant que son simple sourire lui suffisait. Il se dépêcha de déposer les dernières poteries et entraîna Rose en arrière, à l'abris du regard curieux d'Evelynn. Il l'embrassa brièvement sur la joue et murmura d'une voix rauque:
"Ce sera ma récompense pour aujourd'hui."
Rose rougit et chercha son regard.
Elle adorait ses yeux marrons, ses cheveux bouclés assortis et ses fossettes apparaissant au moindre sourire.
Elle adorait la façon dont il la regardait, comme si elle était la chose la plus importante sur terre, comme si il n'y avait qu'eux deux.
Bien sûr, elle n'était pas dupe, et elle savait pertinemment que le soldat Juan Esteban était un briseur de coeur. Ce qui ne l'empêchait pas d'apprécier sa présence.
Beaucoup même.
Tellement, qu'elle était arrivée à un point où elle se demandait si elle n'était pas tombée amoureuse.
Pas que cela ait changé quelque chose, elle ne voulait en aucun cas abandonner le peu de famille qui lui restait en partant se marier avec lui.
Ou avec n'importe qui d'ailleurs.
Mais elle se demandait quand même si il ressentait les mêmes choses qu'elle.
Et elle ne pouvait s'empêcher de se trouvait stupide, d'espérer quoi que ce soit de la part du tombeur hispanique au sourire charmeur.
Evelynn la tira de sa rêverie et la prit par la main. Sa grande soeur se retourna une dernière fois et fit un signe de la main au soldat Esteban.

* * *

À table, les deux sœurs parlaient et mangeaient tranquillement. Evelynn toutefois n'arrêtait pas de se frotter la nuque en grimaçant. Elle ressentait une douleur aiguë dans le bas de la nuque et son mal de tête insistant n'arrangeait rien. Depuis quelques jours déjà, elle se sentait légèrement affaiblie et espérait qu'elle n'était pas en train de tomber malade.
Elles finirent de débarrasser et se dirigèrent dans leur chambre commune, sans oublier de passer voir leur mère.

Quelques minutes plus tard, elles enfilaient leur robe de chambre et se préparaient à dormir.
Evelynn se glissa dans leur lit commun la première bientôt rejointe par Rose.
Cette dernière souffla la bougie posée sur le rebord de la petite fenêtre et la nuit s'installa dans la pièce.

Au bout de quelques minutes, la cadette se redressa à moitié dans le lit et tapota l'épaule de sa sœur.

- Rose? Chuchota Evelynn dans l'obscurité de la chambre.

- Mh?

- Je... Je me demandais si tu savais où se trouvait la ruelle François-Gabalier?
J'ai reçu une... commande de poterie, là-bas...

- Après l'église, deuxième rue à gauche et puis tout droit, c'est un cul-de-sac. Mais es-tu sûre pour la commande? Je doute que quelqu'un habite là-bas, l'endroit me paraît abandonné.

- Oui, certaine, ne t'en fais pas.

Après un instant de silence, la voix de la plus jeune s'éleva à nouveau.

-Bonne nuit Rose.

- Fais de beaux rêves, petite marmotte.

Evelynn s'endormit en pensant à l'Elfe, aux mystérieuses Numéides et au vieux conteur de la rue François-Gabalier. Elle fit taire les milliers de questions qui l'assaillaient et se concentra sur le bruit de la pluie qui tambourinait contre la fenêtre.

Une fois la respiration de sa petite soeur devenue lente et régulière, Rose se leva et s'habilla discrètement.
Elle ne pu s'empêcher de sourire en pensant à son rendez-vous avec le soldat. Il avait collé un petit mot sous un pot, indiquant le lieu et l'heure de rencontre. C'était tard, certes, et risqué aussi pour une jeune demoiselle de se promener dehors en pleine nuit. Mais les battements effrénés de son coeur couvraient ses doutes. Elle sortit dans l'air frais de la nuit et ferma délicatement la porte derrière elle. Le vent tiède nocturne l'accueillit et parut l'inviter dans les ténèbres de la nuit.
Elle se dirigea vers la petite réserve de foin, au milieu des champs de blé et d'orge, heureuse que la pluie ait cessée. Elle s'appuya contre les murs en bois de la vielle cabane et joua nerveusement avec une boucle de ses cheveux blonds. Depuis là, elle avait une très bonne vue sur la forêt, et elle se plongea dans la contemplation de l'immense étendue sombre. Au bout de quelques minutes, elle se retourna pour vérifier si le soldat Esteban n'était pas arrivé.
Personne.
Elle soupira et se dirigea vers la forêt, certaines d'y avoir aperçu une lueur vacillante, comme un grand feu.
À mesure qu'elle s'approchait de la forêt, elle sentait la peur l'envahir mais ,en même temps, l'excitation exaltaient ses sens et la poussait à continuer. Elle s'enfonçait toujours plus profondément dans la forêt, se concentrant sur le feu lointain, qui baignait la forêt sombre dans une inquiétante lumière. Bientôt, elle distingua des bruit de voix et un grand feu et s'arrêta derrière un arbre.

- ...Nous devons à tout prix rassembler les éléments avant la prochaine pleine lune.

- Mais qu'en est-il de la Numéide? Nous ne sommes même pas certains qu'il en existe encore des pures...

- Ne t'en fais pas Marvel, les Élus sauront faire leur travail correctement... Du moins, je l'espère pour eux, ricana la voix d'un ton menaçant.

- Et... Comment être sûrs qu'ils ne nous font pas perdre notre temps? Intervint une troisième voix.

- Il faudrait des Elfes de garde pour les surveiller, suggéra une voix féminine.

Rose écarquilla les yeux.
Numéides?
Élus??
Elfes...???

Mais avait-elle atteri?
Elle retint sa respiration, consciente qu'au moindre faux mouvement de sa part, ils la découvriraient.
Et peu importe qui ils étaient, ils n'avaient pas l'air de plaisanter.

- Je propose le cadet O'Ravenfjøll pour la garde de son grand frère, James.

- Peter O'Ravenfjøll? Mais il est trop jeune! Il vient de fêter ses trente nervures!

Rose fronça les sourcils.
Ses trente nervures?

- Il sera motivé. Il a toujours voulu dépasser son frère, je le vois bien, assura la voix féminine.

Pendant que les voix continuaient de débattre qui espionnerai qui, Rose commencer à faire marche arrière.
Si elle s'était retournée une dernière fois, elle aurait pu apercevoir que l'immense flamme qu'elle avait prise pour un feu de bois, flottait à quelques centimètres au dessus du sol.
Peut-être même qu'elle aurait vu, la créature sournoise tourner la tête dans la direction où elle se trouvait il y a quelques instants et humer l'air avec appétit.
Elle aurait même pu voir l'Elfe qui tenait la créature en laisse, regarder les narines dilatées de la bête et ses grands yeux jaune injectés de sang, tout en regardant à son tour dans sa direction.
Mais elle était déjà loin.
Elle faisait attention de ne pas marcher sur les branchages, et comme l'été venait de commencer, elle n'avait pas à se soucier de ne pas écraser des feuilles mortes automnales.
Elle sortit enfin de la forêt, le cœur battant à ses tempes et faillit s'évanouir. Elle trébucha encore quelques mètres avant de tomber dans les hautes herbes. Elle entendit une voix crier son nom au loin. Elle voulut répondre mais elle n'avait plus la force de crier.
Les cris et les bruits de pas s'éloignèrent lui permettant d'entendre une toute autre sorte de bruit, provenant de la forêt.
Des bruissements de feuilles et des piétinements de brindilles.
Encore et encore.
De plus en plus proche.
Elle ouvrit lentement les yeux, se redressa et vit de grands yeux jaunes l'observer à la lisière de la forêt.
Paralysée, elle l'observa la créature se rapprocher, sans jamais totalement sortir de l'ombre de la forêt.

-ROSE!

Elle ne tourna même pas la tête pour voir qui l'appelait, hypnotisée par le regard d'ambre menaçant.

-Rose!

Elle sentit quelqu'un s'agenouiller dernière elle.

- Rose, êtes-vous blessée?

Elle le reconnut avant de le voir.

- Soldat Esteban...

Elle tourna brièvement la tête vers lui et vit son regard sincèrement inquiet.

- Je... Je vais bien, merci.

Elle reporta son attention sur la créature et la vit lentement disparaître dans la forêt profonde, ses yeux de prédateur ne la quittant pas des yeux.
Elle se releva en vacillant et manqua de tomber. Le jeune homme la rattrapa et la porta jusqu'à la réserve de foin.

- Vous n'étiez pas obligé, de me porter, dit-elle enfin, après avoir repris ses esprits.

- Oh vous savez, ce n'est pas la force qui manque, répondit-il en désignant ses muscles, un sourire en coin.

Rose leva les yeux au ciel avant de sourire.

- Au fait, merci. Et ne parlons plus de cet...incident et je tâcherai d'oublier votre retard.

- Mon retard? Mais j'étais même en avance!

Elle haussa un sourcil.

- Vous aviez écrit à onze heures...

- Non, j'avais écrit à minuit.

- Eh bien, votre écriture est illisible, soldat Esteban. Dit-elle un sourire moqueur sur les lèvres.

Il fit la moue, faussement vexé mais ajouta:

- Au fait, appelez-moi Juan, je vous en prie... Et ne vous gênez pas pour me tutoyer, lui murmura-t-il en jouant avec une mèche blonde de la jeune femme .

Elle détourna la tête, gênée.

- Je crois qu'il est encore un peu trop tôt pour se tutoyer, mais... va pour Juan.

Il rit de bon chœur.

- Non. Juan. Expliqua-t-il en faisant rouler les lettres de son prénom de manière exotique.

- Juan, répéta-t-elle avec un léger accent.

Il l'observa et ne pût s'empêcher de sourire. Il lui prit la main.

- Venez, allons-nous promener...

Elle glissa sa main dans la sienne et ne pût s'empêcher d'observer le contraste de sa peau à lui, tellement bronzée, et de la sienne, si claire.
Elle savait pertinemment qui il était.
Soldat Juan Esteban, l'éternel charmeur, qui avait déjà fait de belles promesses à la moitié des jolies filles du village avant elle.
Elle savait qu'il allait probablement lui briser le coeur.
Mais pour le moment, elle décida d'ignorer la réalité, d'oublier son inquiétante rencontre dans la forêt et profita de la chaleur de sa main dans la sienne.

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