Chapitre 8 : Un Petit Cadeau du Paradis - Lucifer

Les jours qui suivirent ne furent que peu intéressants. Lucifer défendait souvent le monde des humains auprès de Baal – notamment tout ce qui concernait leurs industries culturelles – mais y vivre, c'était autre chose. Dans le monde des Humains, comme son nom l'indiquait, il y en avait, des Humains. Et ça grouillait de partout. Le Diable se sentait tellement supérieure à eux – parce qu'elle l'était – et elle avait bien du mal à le cacher sous son joli masque de Lucy Dupont. C'était d'autant plus compliqué puisqu'elle était souvent en compagnie de Thérèse.

Il y avait de nombreuses raisons qui auraient pu justifier de l'Apocalypse. La première étant que c'était écrit et qu'Il était très tatillon lorsqu'il s'agissait de Son livre. Quant à la seconde, c'était clairement Thérèse. Elle était tout ce que le Diable détestait dans l'humanité. Une hypocrite moralisatrice et arrogante qui avait l'impression de tout faire mieux que tout le monde. Le pire était qu'une fois sur deux, c'était bien en Enfer que ces gens là se retrouvaient. Par chance, les Démons étaient toujours très inventifs pour les punir. Mais tout de même, si Thérèse devait un jour faire face à Baal, elle serait pulvérisée sans procès. La Générale des Armées avait beaucoup moins de patience que Lucifer.

« Vas-tu aller à la fête d'Edward ? »

A cette incessante question, Lucifer répondait toujours la même chose. Et elle le fit également à cet instant, dans la bibliothèque universitaire décrépie :

« Je ne sais pas. »

En réalité, elle le savait très bien qu'elle irait. Elle faisait juste traîner les choses pour éviter de se brouiller avec sa nouvelle meilleure amie. Après tout, elle avait des relations avec l'Eglise : ça aurait été du gâchis de passer à côté de cet avantage. Mais tout de même : cela commençait à lui taper sur les nerfs.

« Mais qu'est-ce que tu lui reproches concrètement à ce Edward ? Je veux dire, il n'a pas l'air d'être une flèche, mais c'est peut-être un peu exagéré là ? Ce n'est pas un grand délinquant aux dernières nouvelles... »

Et même s'il l'était, le Diable en avait vu d'autres. De bien plus terribles. Elle était d'ailleurs la pire d'entre tous, cela allait sans dire. Pour autant, elle écouta Thérèse avec attention. La jeune femme avait été plutôt vague jusqu'ici sur les agissements du chasseur de Démons. Peut-être serait-elle plus précise maintenant, avec un peu de chance.

« Eh bien... déjà, un jour, il a bu le vin de la messe ! Il avait que quinze ans ! C'est à ce moment-là que j'ai su que c'était une mauvaise graine ! Lui qui avait été élevé dans la foi... J'étais vraiment désolée... Son comportement est devenu de plus en plus licencieux après ça. Et depuis la mort de son jumeau, Jacob, il y a quelques mois, c'est devenu encore pire.

- Il avait un jumeau ? »

Lucifer avait lu ça dans un rapport, mais elle s'en moquait comme de l'an 40, de son frère. Quoique, s'il avait un petit cœur sensible qui n'attendait que la douceur féminine pour le guérir, le Diable pouvait peut-être y faire quelque chose – afin d'écraser ledit petit cœur sensible sous ses talons, évidemment.

« Oui... Il est mort cet été. Edward l'a très mal vécu, tu imagines bien. Il se console comme il peut dans le décolleté de cette tentatrice, depuis ! finit-elle par cracher. »

Thérèse avait vraiment un souci avec Scarlett. Sinon, elle n'aurait jamais élevé la voix dans la bibliothèque. Lucifer s'en moquait puisqu'elle faisait semblant de travailler depuis tout à l'heure – mais certains étudiants lui lancèrent des regards appuyés. La jeune femme ne le remarqua pas et continua :

« J'espère que sa sœur va bientôt rentrer. Elle remettra tout en place. Ça file droit avec Juliette. »

Lucifer voulait bien le croire, mais tant que la frangine n'était pas de retour, elle n'en avait que faire. L'Impératrice était bonne pour improviser.

« Thérèse, si tu ne l'apprécies pas à ce point-là... comment se fait-il que tu le connaisses aussi bien, encore aujourd'hui ? »

Cela prit Thérèse de court. Le Diable vit le rouge lui monter aux joues. Ah. Y avait-il un crush caché de la part de la bigote de service ? Pathétique. Et inintéressant. Parce que de toute façon, Lucifer avait bien l'intention de séduire Edward. Tant pis pour la Thérèse. Lucifer n'aimait pas les grenouilles de bénitier, qu'elles soient humaines ou angéliques. De son côté, la jeune étudiante était parvenue à trouver une plus ou moins bonne excuse à son intérêt prononcé pour le bad-boy du coin.

« Je... je le vois encore régulièrement à la messe.

- Il n'a pas arrêté ?

- Etrangement, non. C'est sans doute sa famille qui le pousse toujours à y aller. »

Lucifer n'était pas surprise : les Bergeret restaient quand même une famille de chasseurs de Démons. L'héritage ne pouvait être ignoré – surtout si la branche principale avait perdu un de ses héritiers. L'Impératrice hocha distraitement la tête. Encore une fois, cette discussion manquait d'intérêt. Elle ne pouvait pas y échapper malgré son envie : recueillir des informations était un travail fastidieux qu'elle laissait en général aux autres. De toute manière, si Lucifer était loin d'être bête, elle était beaucoup plus habituée à servir de pseudo poster-demon à l'Enfer qu'autre chose. Si sa puissance était la plus grande, il n'en demeurait pas moins que c'était surtout le Grand Conseil qui dirigeait l'Empire démoniaque. Et cela convenait à (presque) tout le monde.

Alors qu'elle allait se décider à trouver une excuse pour s'échapper, Lucifer sentit les poils sur ses bras se dresser. Elle tiqua, comprenant ce qui se passait. Il ne choisissait pas vraiment pas bien son moment, celui-là. Et en effet, comme elle l'avait prévu, le Diable vit débarquer l'ange Raphaël par la porte principale de la BU. Elle leva les yeux au ciel : il n'aurait pas pu attendre qu'elle soit rentrée dans son minuscule appartement qui faisait la taille de sa salle de bain en Enfer (elle exagérait peut-être sur ce point) ?

Il se dirigea vers leur table à grandes enjambées :

« Lucifer. J'ai ce qu'il te faut, annonça-t-il de but en blanc dans la langue angélique.

- Tu n'as pas l'impression que ce n'est pas le moment, là, j'imagine ? répondit-elle du tac au tac en démonique. Non, mais je veux dire, tu débarques maintenant, bonjour la discrétion. Enfin bref, c'est pas grave... »

Ils furent alors interrompus par un petit toussotement qui se voulait faible mais en fait non. Les yeux de deux des créatures les plus puissantes des trois mondes confondus se tournèrent alors avec un dédain presque non-dissimulé. Lucifer était toujours surprise de voir à quel point les Anges – et en particulier les plus hauts dans la hiérarchie – pouvait mépriser les humains. Et si Raphaël faisait sans aucun doute partie des plus gentils du lot, il n'en demeurait pas moins froid lorsqu'il s'agissait d'avoir un contact avec les mortels.

Cependant, Thérèse avait des étoiles dans les yeux et Lucifer ne passait jamais à côté d'une occasion de mettre mal à l'aise un Ange. C'était dans sa nature. Elle fit donc son plus joli sourire et lança d'un ton aimable :

« Thérèse, je te présente Raphaël. C'est un de mes cousins éloignés. Raphaël, voici Thérèse, une amie. »

Mais Thérèse s'en moquait des présentations – alors que Lucifer avait eu l'amabilité de repasser en français juste pour elle. Non, ce qui l'intéressait d'avantage, c'était la beauté de l'ange. Et en même temps, il fallait bien admettre que le bougre était plutôt pas mal dans le genre. En fait, il était tellement resplendissant que le Diable était à ça de sortir une paire de lunettes de soleil. Elle avait très envie de lever les yeux au ciel : ne pouvait-il pas faire un effort et se faire plus discret ?

« Bonjour, articula Raphaël du mieux qu'il put avec un accent à couper au couteau. »

Il n'était pas celui qui s'occupait de la France habituellement, il n'avait donc pas pratiqué la langue depuis un bon moment. Lucifer le savait et elle aurait bien aimé continuer à jouer avec lui pendant encore de longues minutes mais elle n'était pas prête à entendre Thérèse se répandre en imbécilités devant Raphaël : les techniques de séduction d'une cul-bénie n'avaient pas l'air bien passionnantes.

Avant que Thérèse ait pu dire quoi que ce soit – sans doute quelque chose de stupide, Lucifer avait rangé ses affaires dans son sac et concluait cette brève présentation par :

« Bon, il faut que je te laisse, Thérèse. J'ai une urgence familiale.

- Quoi- mais attends ! Tu veux peut-être... »

Cependant, Lucifer était déjà prête et répondit simplement sans même regarder derrière elle :

« A plus tard. Je t'enverrai un message ce soir si j'ai besoin de ton aide. »

Et c'est ainsi que l'Ange et la Démone quittèrent la BU en laissant derrière eux une Humaine qui était bien déçue de la tournure qu'avait pris la situation. A peine furent-ils sortis que Raphaël attrapa Lucifer par le poignet. L'instant d'après, ils étaient dans une petite ruelle. Elle se doutait bien qu'ils étaient encore à Rouen, toutefois, elle demanda :

« Où m'as-tu emmenée ? Si c'est un piège, je trouverais ça peu digne d'un Ange. Enfin, vous justifiez tout quand il s'agit de combattre un Démon, suis-je bête.

- On est à côté de l'église Saint-Maclou. »

Il mit la main dans sa poche et en ressortit un chapelet. Ce dernier était très simple. Personne n'aurait pu le distinguer d'un autre, et pourtant, Lucifer sentait un pouvoir particulier en émaner.

« C'est bien ce que je pense ?

- Oui.

- Tu es sûr que ça ne va pas me brûler si j'essaye de le mettre ?

- Non. Je l'ai fait avec une grande attention. Ça va marcher.

- Okay. De toute façon, ce n'est pas comme si j'avais le choix. »

Lucifer attrapa donc le chapelet et après une seconde d'hésitation, elle le mit autour de son cou. Elle retint sa respiration pendant un instant. Bien sûr, elle était le Diable, mais cela ne changeait rien au fait qu'elle avait – comme tous les Démons – une aversion pour tous les signes divins. Evidemment, elle les supportait mieux que les autres, toutefois, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'un objet béni par un Ange lui fasse du bien ou qu'elle soit en pleine forme dans une église. Et pourtant, le chapelet... ne lui provoquait aucun effet négatif.

Sans un mot de plus, Raphaël hocha la tête d'un air satisfait et la guida jusqu'à l'église. La porte était fermée. Mais pas pour longtemps puisque Lucifer n'hésita pas à en poussa le battant sans aucune hésitation supplémentaire. Et pour la première fois de son existence, le Diable entra dans une église consacrée et elle s'y sentit bien. 


Posté le 17/07/2020.

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