Chapitre 9 - TOUT AU MÊME ENDROIT [corrigé]

_ Jamais deux sans trois !

Gala et son éternelle bonne humeur m'accueillent, le poing brandi. Elle se lève du Rocher aux Couleurs et sautille sur place, toute excitée.

_ Est ce que je vais enfin savoir en quoi la troisième épreuve consiste ? Je demande, lasse.

_ Bientôt ! Viens, les autres t'attendent !

Je passe le mur, suivie de Gala. Nous marchons jusqu'à la cabane inhabitée, celle où j'ai fait connaissance des Drysor.

Je m'installe confortablement sur un coussin et passe mes bras autour de mes jambes. Une délicieuse odeur de crêpes chatouille mes narines. Evana en emmène une pleine assiette, qu'elle pose au centre de notre cercle fermé. Nous ressemblons à une bande de conspirateurs, préparant un mauvais coup. Mais peut-être est-ce le cas ?

Je plisse les yeux pour chasser la pénombre. La petite pièce est éclairée par des dizaines de bougies aux multiples couleurs, posées à des endroits stratégiques.

_ Bien !

Laïa se racle la gorge avant de continuer.

_ Tout le monde connait la raison de notre présence ici, mais personne ne sait encore très bien en quoi elle va consister.

Nous hochons la tête un par un.

_ Tout d'abord, je dois te prévenir Alya, que cette épreuve, ou cette mission, comme tu veux, ne sera pas sans risques. Je dois être sûre que tu ne nous trahiras pas, et que tu feras tout ton possible pour mener ta quête à bien. Le promets-tu ?

_ Je le promets.

L'épreuve du saut a déclenché quelque chose en moi. Je me suis rendu compte que la prise de risque et que le combat de la peur amènent à la satisfaction, la fierté de soi-même, lorsqu'on les surpasse.

_ Parfait. Voilà ce qui va se passer. Il y a quelque chose qui me trotte dans la tête depuis pas mal de temps déjà. Ces pilules, qui nous rendent similaires, elles doivent bien être entreposées quelque part, non ?

Elle poursuit sur sa lancée, sa question n'en étant visiblement pas une.

_ Voilà, j'ai fait mes petites recherches, posé des questions çà et là, et j'en suis arrivé à la conclusion suivante : il y a un hangar. Un endroit où tout est stocké, dans une même pièce. Le labo de création, les différents produits, les cartons. TOUT AU MEME ENDROIT, vous me suivez ?

_ Tu veux détruire ce hangar ? La coupe Lilo.

_ Pas tout de suite. Je ne sais même pas où il se trouve. C'est de ça que j'ai besoin. Les plans. Et c'est Alya qui va s'en charger.

Les têtes de mes cinq camarades se tournent vers moi dans un seul et même mouvement.

_ Moi ? Je répète. Pourquoi moi ?

_ Tu en as les capacités. J'ai remarqué le calme et le contrôle dont tu as fait preuve hier, alors que ton corps bouillonnait. Ne t'inquiète pas, tu ne seras pas seule. Du moins pas au début.

Elle se tourne vers Joao, qui soupire.

_ Est-ce que je peux compter sur toi pour la conduire, et la faire entrer dans le Bâtiment Principal ? C'est tout ce que je te demande.

_ Je le ferai.

Sa voix est ferme. Je sais qu'il tiendra parole. Malgré son caractère bien trempé, c'est un homme sur qui on peut compter, je le devine. Laïa a confiance en lui, alors moi aussi.

Ils parlent de moi comme si je n'étais pas là. Je suis flattée que Laïa ai fait appel à moi, même si j'aurai volontiers donner ma place à n'importe lequel d'entres eux. Je ne peux pas rêver mieux pour faire mes preuves.

_ Alya, tu entreras par la fenêtre de derrière. Joao te fera la courte échelle. Tu longeras le couloir jusqu'à trouver la plaque d'aération. Tu ne peux pas la louper. Méfis-toi des Rôdeurs, ils surveillent bien les lieux. Tu feras tomber la grille et tu rentreras dans les conduits, sans oublier de la remettre en place après. Tu devrais pouvoir te déplacer à quatre pattes. Lorsque tu auras remonté le conduis, cherche la grille qui débouche sur une salle meublée. Tu la reconnaîtras. Repère celui avec la serrure doré, et force la avec ça.

Elle sort une épingle de sa poche et me la met sous les yeux.

_ Ca paraît beaucoup trop simple, fait remarquer Lilo.

J'acquiesce.

_ Les Grands sont naïfs. Ils croient que personne n'osera jamais se mesurer à eux. Ils ne savent pas à qui ils ont affaire. Donc. Ouvre l'armoire, et trouve les plans de l'Union. Quand tu les as, fais le chemin en sens inverse et rentres chez toi, c'est plus sûr. Tu nous les apporteras plus tard. Tu partiras demain. Si 24 heures après tu n'es pas là, on estimera qu'il t'est arrivé quelque chose. Mais je suis confiante.

J'essaie de retenir le plus d'informations possible, mais je suis submergée.

_ Tout est clair ?

_ Au possible.

*

Affublée de mon lourd sac à dos, je suis Monsieur Mèches Foncées à travers la ruelle. Je manque de tomber à plusieurs reprises, ne voyant pas où je pose les pieds. Je pense à mes parents. Ils doivent s'inquiéter. Cela fait presque 48 heures que je n'ai pas donné de nouvelles.

Nous traversons la ville, aux aguets. Je souffle avec force, les épaules meurtries. Joao se retourne et me regarde avec ce qui semble être de la pitié. Il revient sur ses pas avec lassitude, et me soulage de mon fardeau. Je lui adresse un mince sourire de remerciement, auquel il ne prête même pas attention.

Les rues sont désertes, comme à leur habitude. La façade du Bâtiment Principal s'élève bientôt devant nos yeux. Il est si haut que je dois tendre le cou pour en voir le sommet. Nous le contournons d'un pas vif.

Je cherche une fenêtre derrière laquelle il n'y a aucun signe de vie. La cinquième est la bonne. Taillé dans de la pierre lisse et blanche, le mur n'offre aucune prise. Je suis bien contente d'avoir les bras de Joao pour me faire la courte échelle. Je lui adresse une question muette, à laquelle il hoche la tête.

_ Ca va aller ? Demande-t-il.

Je suis touchée par son ton. Son visage, pourtant neutre d'habitude, affiche une réelle inquiétude. Le temps de quelques secondes, j'ai envie qu'il me serre contre lui, mais ce serait déplacé. Je laisse le silence flotter encore un petit instant, avant de répondre avec un « Oui » presque inaudible.

Il s'accroupit et m'offre ses mains, sur lesquelles je pose un pied.

_ 1, dit-il.

_ 2, je continue.

_ Et 3 !

Je me sens propulsée dans les airs. Pendant un court moment, mon corps flotte. J'agrippe le rebord de la fenêtre, et mes jointures blanchissent. Je baisse la tête vers mon acolyte. Il est petit, vu d'ici.

Il tend une main vers moi, et parvient à caresser ma cheville du bout des doigts. Je suis parcourue de frissons, qui n'ont rien à voir avec la température. L'a-t-il ressenti, lui aussi ?

_ Bonne chance, souffle-t-il.


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