Chapitre 8 - Vas au bord [corrigé]
_ Ta couleur préférée ? Me demande Joao.
_ Le violet, je crois.
_ Tu crois ?
_ Je suis sûre.
Si le test se résume à des questions comme celle-ci, je n'ai aucun souci à me faire. Joao enchaîne sur d'autres interrogations du même genre, auxquelles je réponds tranquillement.
Je trouvais ça bizarre que les Drysor m'acceptent sans en savoir plus, mais c'était avant de subir cette batterie de questions ! Quand je suis enfin libre, je suis épuisée.
_ Bien, on va pouvoir passer à la deuxième partie, déclare-t-il, un sourire flottant sur ses lèvres.
Mon cœur rate un battement. Une deuxième partie ?
*
Je suis la petite équipe à travers les arbres, jusqu'à une « falaise ». C'est le nom qu'ils donnent à ce dernier morceau de roche avant le vide. Je découvre aussi que j'ai le vertige, quand des envies de sauter pour réduire la distance me prennent. Je recule de quelques pas avant de devenir folle.
Evana pose son sac à dos au sol et l'ouvre. Elle en sort des outils que je ne connais pas, et je me demande ce qu'elle compte en faire. Ses doigts fins assemblent différentes parties d'un équipement, et je la regarde, fascinée.
_ Approche, Al', me lance-t-elle.
Je me secoue et la rejoins, réduisant l'espace entre nous deux à seulement un mètre.
_ Lève ta jambe.
Je m'exécute, et lève le genou gauche. Elle y passe une sorte de grosse corde, reliée à des anneaux de fer. Je repose le pied et soulève l'autre. Evana répète l'opération.
_ C'est un harnais, répond-elle à ma question muette.
Elle remonte le « harnais » sur mes hanches et le serre.
Lorsque je suis enfin parée d'assez de « mousquetons », comme dit Evana, elle me libère enfin. Joao prend la parole, d'un ton qui cache mal son excitation.
_ Nous voilà à la deuxième épreuve. Dans 5 minutes, tu vas avoir la peur de ta vie.
_ Super, je réponds, sarcastique.
Joao esquisse un sourire malin.
_ Ok. Tu vois ce bout de roche qui avance loin, là ?
Je le repère et hoche la tête.
_ Vas au bord.
J'hésite une petite seconde avant de me mettre en marche. Pas question de me dégonfler. Quand je vois le vide, je panique. Mes jambes sont prises de violents tremblements et je dois faire un effort surhumain pour ne pas tourner les talons et me mettre à courir.
_ Ne dites rien. Je vais devoir sauter ?
J'espère un instant qu'ils vont se mettre à rire, et me dire que c'est une grosse blague. Naturellement, ils n'en font rien. C'est Lilo qui me répond, de sa voix de ténor.
_ Oui. Mais ça va bien se passer. Nous l'avons tous fait, et nous sommes là, devant toi, en entier, qui plus est !
Pas rassurée pour un sou, je cherche du soutien parmi les autres visages qui me font face. Je finis par me rendre à l'évidence. Tandis qu'Evana fixe l'autre extrémité de mon équipement à un énorme bloc grisâtre, j'avance à petits pas, jusqu'à ce que mes doigts de pied flottent au-dessus du vide.
_ C'est quand tu le veux, quand tu le sens, dit une voix dans mon dos.
Respire profondément. Calme-toi. Je transpire, à présent. Je n'ai plus le temps de réfléchir. Je sens mon cœur battre dans ma poitrine, je suis terrifiée. J'irais jusqu'au bout. Je sais que je dois le réussir, ce test.
Je fais un pas de plus vers la mort certaine, la corde bien serrée autour de ma taille. Elle va casser. Non, elle ne va pas casser. Ils l'ont fait avant toi, Alya. J'ai affreusement peur du vide. Je regarde vers le bas une demi-seconde, mais cela suffit à me faire tourner la tête.
_ Je n'y arriverai pas, je lâche.
_ Tu peux le faire.
La voix de Joao est douce, rassurante. Je plonge mon regard dans le siens, d'un délicieux topaze, et tout retombe. La pression, la peur, la sensation de vertige.
_ Pousses-moi, je demande.
J'entends des bruits de pas, des gravillons qui crissent. Je sens une paire de mains sur mes hanches. Leur contact me fait l'effet d'une caresse. J'inspire à fond, et l'oxygène pénètre dans mes poumons, rempli le moindre espace. Joao me pousse et je crie.
J'ouvre les yeux en plein vol, et l'air les emplie de larmes. Les rayons du soleil reflètent l'eau. Je n'avais jamais imaginé que de telles choses pouvaient exister. Je n'aurai jamais imaginé vivre un moment comme celui-ci. Mon rire résonne, et j'écarte les bras, comme pour étreindre la vie.
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