Chapitre 8 : Grandeur et décadence


Psousennès était maintenant Pharaon depuis presque un an. Les célébrations qu'il avait ordonnées pour fêter sa première année à la tête du pays promettaient d'être grandioses, très grandioses, trop grandioses. Ameni avait pourtant mis en garde son souverain, le peuple mourrait de faim et ne pouvait plus supporter d'augmentation d'impôts, qui avaient été très importantes durant l'année pour renflouer le Trésor Royal. Beaucoup d'habitants de Tanis, mais également du pays, ne trouvaient plus de quoi se nourrir, d'autres se retrouvaient à la rue. Les commerçants fermaient boutique car ils ne trouvaient plus de clients. Les finances du pays étaient en chute libre, et le conseiller de Pharaon en charge des finances avait trop peur pour sa tête pour discuter les ordres.

A chaque descente dans la ville, Ameni constatait que la colère du peuple se faisait de plus en plus forte à mesure que leur désespoir augmentait. Il avait peur pour son Pharaon, qu'il considérait presque comme son fils. Mais jamais, il ne se dresserait ouvertement contre lui car Psousennès était encore jeune et avait besoin de conseils. Ainsi, il se contentait de lui rappeler que le peuple était mécontent et qu'il pouvait se soulever. Ce à quoi Psousennès répétait inlassablement qu'il ne pouvait rien faire de plus. Ainsi, Ameni avait tenté de le dissuader d'organiser une fête aussi grandiose. Ce à quoi son Pharaon avait également répondu qu'il serait un piètre Pharaon s'il n'était même pas capable d'assurer la tradition. Et il avait chargé Ameni d'en assurer l'organisation.

***

Psousennès se sentait de plus en plus isolé et faible. Même Ameni, qui avait toujours été fidèle à son père commençait à discuter ses ordres. La fête organisée pour son année de règne se devait donc d'être grandiose, afin de remettre tout le monde en file derrière lui. De reprendre le contrôle de son propre gouvernement. Il avait demandé à Ameni de l'organiser car celui-ci avait osé contredire son idée d'une fête magnifique. Il était donc normal de le remettre à sa place en lui montrant qu'on ne discutait pas les ordres de Pharaon. Le prochain y perdrait bien plus que son honneur. Il le ferait condamner pour trahison.

Sortant de ses pensées, il croisa plusieurs domestiques qui s'écartèrent vite en s'inclinant et en s'excusant. Autrefois il aurait trouvé ça trop pompeux mais aujourd'hui, tout était différent. Il aimait voir les gens avoir peur de lui car, au moins, ils ne tenteraient rien contre sa vie.

Durant cette année, il avait subi deux tentatives d'assassinat. Une le jour de procès des meurtriers de son père et la seconde lors d'une de ses sorties. L'homme qui avait tenté de s'en prendre à lui l'avait payé très cher. La punition, publique, avait été exemplaire. Quelques personnes dans l'assistance s'étaient évanouies. Le bourreau n'avait arrêté la torture, sur son ordre, que lorsque l'homme fut sur le point de mourir. Il fut conduit dans le désert et laissé pour mort. Cela représentait à la fois pour le corps mais également pour l'âme après la mort le plus douloureux châtiment.

Il se rendit dans ses appartements, richement décorés. Il avait la, pour son seul plaisir, une grande terrasse avec vue sur le jardin. Lorsqu'il était sur sa terrasse, personne n'avait le droit de regarder aux fenêtres du Palais, et les personnes dans le jardin devaient partir, sous peine de punition. L'humeur dans le Palais était donc très maussade.

Une bonne partie des impôts étaient également destinés à assurer à son âme d'entrer dans le royaume des morts. Ainsi Psousennès avait-il entrepris de grands travaux pour les Dieux : des temples, de nouvelles habitations pour les prêtres, des dons aux temples les plus importants. Il avait également débuté sa demeure d'éternité. Pour le peuple, il avait aménagé un grenier afin de stocker les récoltes. Son gouvernement était en charge de la redistribution afin que personne ne consomme plus qu'il ne devrait et que chacun ait sa part. Le peuple mangeait donc généralement à sa faim, sauf quand un mendiant volait la part d'une femme venant de récupérer la semaine de céréales et qu'elle se faisait agresser en rentrant chez elle. Mais que pouvait-il y faire, a moins de mettre un soldat à chaque coin de rue, ce qui finirait par ruiner le pays.

Le vizir entra enfin dans la salle. Il l'avait fait quérir il y a quasiment 15 minutes. Le messager était une première fois revenu bredouille, il l'avait renvoyé. Le minable avait fini par le dénicher dans un coin du Palais, probablement en train de faire une sieste. Il est vrai que son Vizir ne ménageait pas ses efforts pour tenter de gouverner ce peuple ingrat.

- Bien Vizir, que m'apportes-tu comme nouvelles ce matin ?

Le vizir tressaillit :

- Et bien, Majesté, le peuple gronde toujours. Quoique nous fassions, il n'est pas satisfait. Peut-être devrions-nous augmenter les rations ?

- Non, il y a assez pour eux ! Pourquoi devrions-nous payer pour qu'ils revendent leurs produits superflus au marché noir ?!

- Majesté, comme stopper leur colère alors ?

- C'est à toi de répondre à cette question, Vizir.

- Majesté, je...

- Devrais-je douter de tes capacités, Vizir ? Dans ce cas, on comprendrait aisément pourquoi mon père est mort...

- Je... Majesté, votre père est mort dans un assassinat, les assassins ont été chatiés, sévèrement. Nous n'avions aucune information concernant cet attentat.

- Vous ne surveillez pas ces chiens. Au lieu de les laisser fomenter des plans pour nous assassiner, fais les travailler, montre leur la peur. Et comme ça, ils n'oseront plus s'en prendre à nous.

- Majesté, ils n'ont déjà presque rien pour les retenir.

- Brûle leurs villages alors ! Fais respecter la loi et l'ordre !

- Bien majesté. Je vais m'y employer.

- Tu fais bien...

D'un geste de main, il le congédia. Améni s'empressa de sortir de la salle, comme s'il s'attendait à ce que Psousennès le morde, ou le fasse arrêter.

***

Meriâmon rangeait les appartements de Pharaon. Sa condition s'était quelque peu améliorée depuis qu'il l'avait mise à son service.

Soudain, elle entendit des pas précipités. Elle se retourna juste à temps pour voir arriver Psousennès. Celui-ci avait l'air furieux. Il marcha droit sur elle et la fit se coucher sur sa couche. Elle préféra se laisser faire, jugeant que se défendre ne lui provoquerait que des ennuis. Tout se passa vite et eut pour conséquence de détendre totalement le Pharaon. Celui-ci resta quelques minutes étendu sur elle. Elle ne bougea pas. Il bougea légèrement. Il lui murmura à l'oreille : "merci" juste avant de se lever et de partir sans même se retourner. Comment quelqu'un de si autoritaire pouvait lui dire merci à elle après ce qu'il lui avait fait ? Décidément, elle ne savait plus comment se comporter. Et ça lui avait parût beaucoup mieux que les fois précédentes. Meriâmon resta étendue là, dans ses pensées, en proie à des sentiments partagés.

***

Le fils de Nimlot grandissait bien. Sheshonq était un petit gars qui n'avait pas froid aux yeux, le courage dont il faisait déjà preuve à un an étonnait tous les hommes, qui ne l'en aimaient que davantage.

Nimlot tentait de lui apprendre à parler. Celui-ci persistait à lui repondre "areuh - areuh", à son grand désarroi.

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