Chapitre 4 : Deuil

Le rituel de momification touchait à sa fin, Smendès s'était assuré de la parfaite exécution de toutes les étapes. Au prix de lourdes pertes, la tombe était sur le point d'être terminée. Le mobilier funéraire était également prêt à être emmené en même temps que la dépouille du défunt.

Le pays semblait également toujours sous le choc. Bien sûr, la vie avait repris son cours mais on sentait que les gens avaient perdu leur joie de vivre, comme s'ils se réveillaient sonnés après un sommeil agité. Même au palais, les cortèges de soldats de Pharaon faisaient encore frémir les notables, suspendus à leur peur d'être les prochains exécutés. Toutes sortes de rumeurs se répendaient sur des exactions commises par les soldats sur des prisonniers et sur l'extermination d'un village pauvre en périphérie de ville. Tous savaient maintenant que la justice du prochain Pharaon serait sans pitié. Les rumeurs disaient également que les coupables étaient encore en liberté.

                                                                            ***

Meriâmon, quand à elle était enfermée dans une geôle du palais Royal depuis des jours. Sans voir dehors, difficile d'imaginer le nombre approximatifs de jours passés. Elle était plutôt bien traitée, mangeait à sa faim et n'était pas dans les cellules les plus basses des geôles. Ainsi, il n'y faisait pas trop chaud le jour et pas trop humide la nuit. Elle était située à côté de la porte des gardes. Ainsi, elle n'était pas non plus totalement dans la pénombre, leur torche parvenant à jeter une faible lumière à travers les barreaux ornant l'ouverture aménagée dans la porte. Lorsqu'il l'avait placée dans la cellule, le chef des gardes lui avait expliqué que c'était surtout pour la protéger et dans une moindre mesure, être sûr qu'elle ne prenne pas la fuite. Les autres prisonniers de son village avaient été descendus plus bas, dans les profondeurs de caves prisons du Palais. Elle les voyait régulièrement passer, encadrés de soldats. Quand ils revenaient, souvent les soldats devaient les porter, laissant une trace de sang derrière eux. Elle entendait également des râles et des cris de douleur quasiment constamment, jour et nuit, qui la privaient de sommeil et menaçaient de la rendre folle. Puis un jour, vint son tour.

Ce jour là, les soldats entrèrent comme à leur habitude par 6, accompagnant leur chef. Mais pour une fois, ils ne continuèrent pas leur route, ils s'arrêtèrent devant sa cellule. Un d'entre eux ouvrit la porte. Ils lui demandèrent de se retourner et de mettre les mains dans le dos. Elle obtempéra. Ils lui lièrent les mains et la firent sortir de la cellule et passer la porte qui menait vers leurs bureaux.

L'autre côté de la lourde porte était très lumineux. Après tout ce temps passé dans le noir, cette soudaine lumière, même faible, lui brûla les yeux. Cela constituait probablement la première forme de torture des hommes de Pharaon et donnait aux prisonniers une vision de l'horreur dans laquelle ils allaient plonger. Elle s'efforça malgré tout de garder les yeux ouverts, pour tenter de savoir où on l'emmenait. Les couloir, toujours éclairés par des torches, étaient assez larges pour laisser passer 4 soldats de front et ornés de portes de chaque côté. Dans la pénombre, Meriâmon savait qu'ils se dirigeaient vers la surface. Les soldats ouvrirent une des dernières portes ornant les murs de cet interminable couloir, sur la gauche et tous entrèrent.

Au centre de la pièce se tenait un bureau en bois, enfin, une table en bois, sur laquelle étaient posés un certain nombre de papyrus, certains enroulés, d'autres composés d'un seul carré de papyrus, des lettres probablement. Un homme était debout dans un coin de la pièce et regardait par une minuscule fenêtre, laissant la lumière entrer mais trop petite pour qu'un prisonnier puisse s'échapper. Elle reconnut l'homme qui l'avait sauvée. Elle fut assise sur la chaise en bois devant le bureau. Les soldats sortirent sur un signe de l'homme, la laissant seule, et peu rassurée, face à cet homme.

          - Bonjour, jeune fille,

          - Bon... bonjour

          - Tu ne me reconnais pas ?

          - Non... enfin si ! mais..., sa phrase mourut sur ses lèvres.

          -Tu te demandes ce que tu fais là, n'est ce pas ? Elle opina de la tête. "Ne t'inquiètes pas, je ne te ferais aucun mal.

           - Qui êtes-vous ?

         -  Je suis le chef de la garnison en charge de la protection de la ville, Paneb.

Il attendit que Meriâmon encaisse puis reprit :

          - Cet homme, qui voulait visiblement ta mort, que te voulait-il ?

          - Il pensait que je voulais... les trahir.

          - Les trahir ?

          - J'ai surpris une conversation, chez mon père, il avait peur que j'aille vous le raconter.

          - L'as-tu fait ?

Il lut la panique dans ces yeux, il avait posé cette question par réflexe mais ne voulait pas l'effrayer. Au moment ou il allait changer de sujet, elle répondit :

          - C'était il n'y a pas si longtemps, je voulais le faire mais...

De nouveau, sa voix mourut.

         - Mais ?

         - Vos soldats, ils nous méprisent...

          - Avec raison, souvent.

          - Si nous allons les voir, souvent, nous n'avons même pas le loisir de parler avant qu'ils nous tombent dessus et nous bastonnent.

Elle blanchit soudain, se rendant compte qu'elle venait peut-être de signer son arrêt de mort. Paneb la regardait dans les yeux, accentuant son malaise. Jamais personne n'avait jamais osé répondre à cette question, même sous la torture. Et elle avait lâché ce fait, alors même qu'elle était recroquevillée de terreur sur une chaise.

         - J'apprécie ta franchise, vraiment. Tu as le loisir de te rattraper, maintenant, alors raconte moi tout ce que tu as entendu.

         - Je... je n'ai pas entendu grand chose, il m'a repérée dès que je suis entrée. Il a failli me tuer sur place, mais mon père l'en a dissuadé.

         - Ton père ?

         - Il est mort maintenant, pour me sauver de cet homme. Ma maison a brûlé aussi.

        - Que voulait cet homme ? Pourquoi cette réunion.

         - Je... je n'ai pas tout entendu.

         - Mais tu as entendu des choses.

         - Oui...

         - Alors dis moi, et je plaiderais ta cause auprès du vizir.

         - Ils... ils disaient que... ils parlaient d'une attaque, pour... pour se venger. Je ne suis pas sûre, mais ils ont dit que leur chef souhaitait un autre gouvernement.

          - Qui est leur chef ?

          - Je l'ignore, il n'y avait que des gens de mon village.

          - Tu n'en sais pas plus ?

          - Pas beaucoup, mais c'était quelques jours avant qu'on apprenne la mort de Pharaon.

           - Intéressant. Tu crois que ce sont eux qui ont tué Pharaon ?

          - Je n'en sais rien, mais c'était suffisamment important pour qu'ils veuillent me tuer.

          - Ont-ils parlé de Karnak ?

          - Je n'ai pas entendu parler de ça.

          - As-tu quelque chose à ajouter ?

          - Je... non.

           - Une dernière question, saurais-tu reconnaître ces hommes ?

           - Certains, oui. Mais je ne les ai pas tous vus.

           - Sont-ils passés devant toi dans les geôles ?

           - Je crois en avoir vu passer deux mais je ne suis pas sûre, il faisait trop sombre.

           - Leurs noms.

           - Je n'ai qu'un seul nom, c'était notre voisin...

           - Je vois duquel tu parles. Je me souviens de son arrestation à côté de votre maison brûlée. Il a joué les gros bras et tué deux de mes hommes avant d'être maîtrisé. Il n'a rien dévoilé sous la torture. Pas bavard comme gars. Mais je le ferais parler, avec l'aide des Dieux. Peut importe le temps que ça prendra...

Il laissa la phrase en suspend puis frappa dans les mains. Les deux soldats réapparurent. L'un deux portait un plateau composé d'une bière, d'un quignon de pain, et de deux oignons cuits.

           - "Tu retournes dans ta cellule, jusqu'à ce que le vizir ait pris une décision sur ton sort." Puis, s'adressant aux soldats : "Emmenez-là et donnez lui à manger.

Il partirent. Meriâmon entendait son estomac gargouiller. Voire toute cette nourriture lui avait ouvert l'appétit.

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