Chapitre 31 : Jericho

Deux semaines après la conquête de Jérusalem, Sheshonq donna le départ. Ils partaient au Nord, conquérir le Royaume d'Israël : le but était de conquérir Jericho, Jaffa, puis Samarie. L'armée s'ébranla. On pouvait voir sur le visage des hommes de troupe de la soif de sang mais aussi parfois, et c'était nouveau, de la résignation, voire du dégoût. Elle regarda passer la colonne pour s'assurer que tout était en ordre. Son cheval piaffait d'impatience. Elle remarqua également le soulagement sur les traits des habitants. Ils craignaient Sheshonq, l'armée Egyptienne, et même elle. Une question la frappa alors. Comment protéger les humains contre eux-même ? Comment réussir à les protéger si elle leur inspirait la crainte, voir la haine ? Pourquoi avoir choisi l'Egypte ? De nombreux Roi de part le monde devaient être justes et protéger leur peuple. N'était-elle née que pour accomplir sa destinée ? Que pour servir un Roi à asservir la population avant de se sacrifier pour empêcher un Dieu d'arriver à détruire la planète ? Des fois, elle voyait des brides d'un passé ou d'un avenir qu'elle ne connaissait pas, elle y était Reine, elle avait une famille, elle était aimée par son peuple. Aujourd'hui, elle le voyait, elle en était bien loin.

Amonet rejoignit ensuite Sheshonq en tête de colonne. Et continua de tergiverser. Si bien que Sheshonq finit par s'en rendre compte

 - Qu'y a-t-il Amonet ?

 - Rien, mon Pharaon, je réfléchissais.

 - A quoi ? 

 - Apophis, ma Destinée, tout ça.

 - Voudrais-tu partager cela ?

 - Merci mon Pharaon, mais je crains que ça ne soit que mon fardeau. Le tien me parait assez gros comme cela.

 - Tu as raison, mais cette guerre est aussi ton fardeau, alors que le tien n'est pas partagé.

 - Je le sais. Mais c'est dans l'ordre des choses. Je suis née pour ça.

Sheshonq coupa court à la conversation, accélérant l'allure.

***

Aucune attaque d'aucune sorte n'était à déplorer, si bien que les soldats perdaient leur concentration et commençaient à se relacher. Au bout de la deuxième semaine de marche, la longue colonne de soldats vit arriver un nuage de poussière, d'abord à l'horizon mais s'approchant très vite. Sheshonq fit stopper l'armée et la fit mettre en formation. Ne voyant pas les soldats ennemis ralentir, il ordonna la charge. Celle-ci fut longue et soudain, Jéricho apparut à l'horizon, tel un mirage. Cela expliquait les soldats.

Amonet se maudit intérieurement de n'avoir pas proposé à Sheshonq de faire une pause. Ils avaient maintenant un très net désavantage sur leurs ennemis : leur fatigue. Le fracas des armes contrastait avec le calme du désert quelques secondes auparavant. Les deux armées étaient mélangées et l'impact du choc qu'elles avaient produit avait fait disparaître Sheshonq de la vue d'Amonet, distraite durant un instant à éviter une pointe de lance qu'un cavalier ennemi pointait dans sa direction. Il la ratta, elle le blessa, mortellement. Sheshonq avait dû continuer à avancer, aidé par les soldats composants sa garde rapprochée qui lui ouvraient grande la voie vers le centre de l'armée ennemie. Amonet avança donc, taillant pour se frayer un chemin au milieu des soldats ennemis et tenter de rejoindre Sheshonq. Des soldats Égyptiens, voyant sa manoeuvre, la suivirent, d'autre s'engoufraient derrière elle pour profiter de l'avancée et aller briser les rangs ennemis plus loin dans la mêlée. Les soldats ennemis, quant-à-eux, comprirent également bien vite ce qui se tramaient, ils se réorganisèrent donc d'eux même afin de se concentrer face à la colonne qui venait face à eux. Leur nombre, ainsi que leur puissance stoppa net leur avancée. Amonet cria qu'il fallait continuer à avancer, que le sort du Pharaon en dépendaient. Tous jetèrent toutes leurs forces dans la bataille, mais il n'y avait rien à faire : de chaque côté, chaque soldat qui tombait était immédiatement remplacé par un autre, indéfiniment. Amonet commençait à avoir du mal à maitriser sa monture pour lui éviter les coups portés par leurs ennemis, si bien qu'elle finit par reculer pour mettre pied à terre. A ce moment, voyant ce qu'elle s'apprêtait à faire, le capitaine de la garnison avec qui elle se battait lui dit de rester à cheval et de retrouver Sheshonq par un autre endroit, qu'il continuerait ici car la vie de Pharaon primait sur toutes les autres. Elle le remercia et repartit au galop dans l'espace qu'elle avait créé avec cette garnison, vers l'arrière du champ de bataille.

Une fois sortie de la mêlée, elle se figea. Elle put découvrir que l'armée de Sheshonq avait avancé dans l'armée ennemie, en direction de la ville, les Egyptiens étaient supérieurs en nombre et mieux équipés. Mais le nombre de blessés et de morts était incalculable. Le sable était maculé de sang, rouge et poisseux.

A bonne distance de la bataille, elle cherchait Sheshonq. Elle tournait autour du champ de bataille, évitait quelques flèches perdues de la mêlée. Elle en fit le tour plusieurs fois au galop et ne voyait pas Sheshonq. Les rangs des armées se clairsemaient, la bataille s'élargissait au fur et à mesure des percées et des contres-attaques. Soudain, un mouvement de la nasse grouillantes se produisit et elle comprit immédiatement que les ennemis, submergés, rompaient les rangs. Elle se trouvait sur leur route entre leur marée apeurée et la ville. Elle ne savait pas quoi faire, en tuer le plus possible ? Tuer des soldats qui fuyaient le combat, souvent en ayant laisser tomber leurs armes ? Tuer des gens redevenus des civils ? Ou les laisser passer ? Le choix était cornélien, elle savait que Sheshonq lui ordonnerait de les tuer s'il était là. Mais elle ne pouvait s'y résoudre. Elle fit sortir son cheval de la cohue et les laissa rentrer dans leur ville.

Aucun ne tenta de la blesser. Les portes de la ville s'ouvrirent puis se refermèrent, ne laissant passer que les généraux. Des cris inhumais se firent entendrent et Amonet vit les soldats pris au piège entre l'armée de Sheshonq, qui reformait les rangs, et les lourds battants des portes de la ville. Les cris venaient d'eux. Sans doute que les portes avaient été fermées sans ménagement, broyant ou coupant les membres de ceux qui avaient malgré tout tenté de passer.

***

Sheshonq avait fait monter le campement après la victoire, sur le lieu même ou la bataille avait eu lieu, face à la ville mais hors de portée des flèches. Dans sa tente étaient rassemblés les généraux, qui lui faisaient le rapport des pertes. Il paraissait furieux. Amonet attendait devant sa tente, les fers aux mains, escortée de quatres gardes issus de la garde rapprochée de Pharaon.

Elle aurait pu partir, mais n'avait nulle part où aller. Alors elle attendait d'être amenée devant Sheshonq. Elle était dans ses pensées quand elle vit les généraux sortir de la tente. Un des gardes la poussa pour qu'elle y entre. Sheshonq paraissait furieux.

 - Tiens, voici la traîtresse du jour.

 - Je n'ai pas trahi ma parole, Pharaon.

 - Tu as laissé ces chiens rentrer dans leur place forte ! Tu aurais pu, tu aurais dû les tuer !! 

 - Tuer des innocent ? Cela ne faisait pas parti de notre pacte, Pharaon.

 - Aussitôt dans leur ville, ils se sont réarmés et sont redevenus des soldats ! Tu n'y as pas pensé ? Es-tu simple d'esprit ? Je te croyais intelligente !! 

 - Peut-être que je suis simple d'esprit, Pharaon, mais j'ai juré de sauver des vies, et c'est ce que je compte faire.

 - Les vies ennemies que tu as sauvées aujourd'hui sont des vies de nos soldats demain, tu y as pensé ?! 

 - J'y ai pensé.

 - Ah !! Alors, tu as un plan pour entrer dans cette ville, peut-être !

 - Non, mais en aucun cas, je ne tuerais des civils, fussent-ils soldats désarmés ou civils innocents.

 - Toi et tes principes !! Sors d'ici avant que je ne te fasse exécuter pour trahison !!

Elle sortit après s'être inclinée, sans prononcer un mot. Dès qu'elle fut sortie, elle entendit un grand remue-ménage à l'intérieur de la tente. Sheshonq brisait des objets dans des cris de rage.

Une bonne partie de la nuit passa, ponctuée par les cris de Sheshonq. Les soldats tentaient de dormir malgré tout.

Au milieu de la nuit, une sentinelle donna l'alerte. L'ennemi sortait de la ville, augmenté par les forces qui n'avaient pu rentrer la veille, probablement contraints de reformer leurs rangs. Une attaque. Aussitôt, tout le camp fut en effervescence. Amonet vit l'escadron de soldats qui l'avait aidé la veille. Il restait encore un nombre important d'hommes. Elle lui ordonna de la suivre. Ils allèrent à l'écart, invisibles derrière une dune.

Amonet vit le choc, rude, comme la dernière fois. Mais l'ennemi était fatigué, car les hommes hors des murs étaient épuisés alors que les Egyptiens avaient tout de même dormi.

Lorsque les deux armées furent emmêlées, Amonet donna le signal du départ, ils foncèrent vers la ville. Poussant les chevaux à leur vitesse maximale. Des flèches furent décochées, des soldats tombèrent. Mais la courte distance à parcourir les empêcha de fermer les trop lourdes portes. Elle avait transformé l'avantage de cette ville en son plus gros désavantage.

Ils s'engoufrèrent dans la ville, protégée par une poignée de soldats. La bataille fut brève. Amonet ordonna d'aller sur les remparts montrer que Sheshonq était maître de la ville afin que leurs ennemis se rendent aux Egyptiens.

***

Sheshonq était une fois de plus dans la mêlée, se battre avec ceux qui avaient lâchement fui la veille lui rendait peu à peu son calme.

Soudain, un éclat dans Jericho attira son attention. Des soldats, sur les remparts de la ville, armés à l'Egyptienne. Des Egyptiens dans Jericho. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : ils avaient pris la ville.

Précédé de ses hommes, il entra dans la ville. Amonet l'y attendait. Elle s'inclina devant lui et s'effaça pour laisser passer un homme grassouillet, encadré par quatre soldats. Amonet prit la parole :

 - Le gouverneur de Jericho souhaite remettre à Pharaon les clés de la ville.

Un des soldats poussa l'homme en avant.

 - Je... majesté, voici les clés de la ville. Celle-ci vous appartient.

Un tumulte se fit entendre. Sheshonq l'ignora.

 - Merci gouverneur. Je vous serais gré de nous laisser prendre possession de votre palais.

L'homme devint blanc, toute couleur avait déserté son visage. Il bredouilla :

 - Mais, je ...

 - Vous trouverez surement à vous héberger.

Il s'inclina :

  - A vos ordres, Majesté.

***

Amonet était redevenue dans les bonnes grâces de Sheshonq après cette éclatante victoire. Mais elle le sentait toujours aussi sombre. Chaque fois qu'elle sondait son âme, elle n'y voyait qu'une ombre, qui grandissait.

Plusieurs jours s'étaient écoulés. Elle dormait paisiblement. Ce soir, Sheshonq était venu la voir, ils avaient discutés et fait l'amour. Elle ne savait plus quoi en penser mais lui accordait toujours le bénéfice du doute.

Soudain des éclats de voix raisonnèrent et en quelques minutes le palais fut en ébullition. Amonet courru dans la chambre de Sheshonq. Ce qu'elle découvrit la stupéfia. Les deux soldats en gardant l'entrée étaient morts. Le mobilier dans la chambre était en partie détruit. Des cadavres ornaient le sol. Sheshonq se tenait l'épaule gauche, d'ou coulait un long filet de sang. Des soldats Egyptiens avaient bloqué des civils armés de poignards dans un coin de la pièce. Sheshonq ordonna :

 - Tuez-les !

Les soldats s'exécutèrent. Les cris des suppliciés résonnèrent dans toute la ville. Aussitôt une clameur se fit entendre. Une révolte se leva. Sheshonq ordonna à ses hommes de se préparer pour le départ. Il ordonna aux officiers de préparer la mise à feu de la ville.

***

Amonet n'en croyait pas ses oreilles. Sheshonq voulait détruire la ville ? Pour une tentative d'assassinat ! Décidément, elle devait agir et vite. Elle suivait maintenant Sheshonq, autant que ses jambes le lui permettaient.

 - Mon Pharaon, pourquoi incendier la ville ?

 - Ces gens sont des traîtres. Ils ne respectent pas l'autorité ! Ils ont voulu me tuer, moi !

 - Certains. Tous ne sont pas responsables !

 - Je leur donnerait l'occasion de sauver leur vie.

 - Mais ils vont tout perdre.

 - Tu ne m'en dissuadera pas.

Il monta sur son cheval.

 - Ecoutes Amonet, cette ville ne signifie rien pour moi. Ni pour toi. Alors contente toi de sauver tes vies et laisse moi gérer le reste. D'accord ?

 - Oui, Pharaon. Elle s'inclina.

Une heure plus tard, la ville était mise à sac et Sheshonq ordonna qu'on y mette le feu. 

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