Chapitre 23 : L'attaque (partie 3)

Une lune plus tard, la princesse arriva comme annoncé par Smendès. Sheshonq, en bon hôte l'accueillit lui-même à l'ouverture de sa litière.

La femme qui en descendit provoqua chez Sheshonq un imperceptible mouvement de recul, nul ne sembla l'avoir remarqué sauf Amonet. En effet, elle ressemblait à un mélange d'hippopotame, de lièvre et de chameau. Le tout empaqueté dans des soies colorées et des bijoux dorés coûteux. Elle atterit sur le sol aussi lourdement qu'Amonet l'avait prévu manquant de peu le pied d'un serviteur. Elle était épuisée par la semaine de déblaiement qu'ils avaient dû faire suite à l'attaque et tenait à peine debout. Pourtant Sheshonq l'avait fait convoquer, ainsi que tout le palais. Il fit remonter à sa future femme les rangs alignés dont les occupants s'inclinaient sur leur passage. Mais Amonet ne s'inclina pas.

L'arrivante, avec dit avec un ton hautain :

 - Pourquoi celle-ci ne s'incline-t-elle pas ?

Amonet allait répondre sur le même ton mais un regard de Sheshonq l'en dissuada. Il répondit à sa place.

 - Amonet est princesse également et la magicienne en charge de me défendre. Elle ne doit des comptes qu'à moi et à personne d'autre. Ainsi, elle n'a pas à s'incliner devant vous madame.

 - Ne s'incline-t-elle pas devant le Pharaon ?

 - Elle l'a fait.

 - Même un vizir doit s'incliner devant sa Reine.

 - Il l'a fait. Mais elle jouit d'un statut spécial ici, auquel vous ne pourrez rien changer. Et ne devra aucun compte, même à vous.

 - Très bien. Elle continua sa route.

Elle demanda ensuite à être immédiatement conduite dans sa chambre, le voyage l'ayant éreintée. Sheshonq alla donc retrouver Amonet dans la sienne.

 - Tu vois tu n'avais rien à craindre. Un simple mariage politique.

Elle avait sursauté, ne s'attendant pas à sa visite.

 - Une magicienne surprise par l'arrivée de quelqu'un dans sa propre chambre. Je devrais me faire du soucis pour ma protection.

 - C'est que... j'ai eu une semaine éprouvante.

 - Je disais donc que tu n'avais donc aucun soucis à te faire.

 - J'ai remarqué. Pourquoi ne pas m'avoir laissé lui répondre ?

 - Tu aurais envenimé les choses." Il l'empêcha de lui répondre par un mouvement de main "Comme tu l'as expliqué à l'instant, tu es épuisée. Et je pense qu'une réplique cinglante aurait fusée".

 - Oui.

 - Alors j'ai bien fait.

Il la prit dans ses bras. Toutes les craintes accumulées ces derniers jours s'envolèrent. Voyant qu'elle commençait à chanceler, Sheshonq s'assit sur une banquette identique à la sienne et la fit poser la tête sur ses genoux. Elle dormait déjà. Il passèrent la nuit ainsi.

Au milieu de la nuit, Amonet commença à s'agiter, en proie à un violent cauchemar. Sheshonq se réveilla aussitôt. Il la maintint sur ses genoux, afin qu'elle ne tombe pas par terre. Elle commença à murmurer des choses incompréhensibles. Puis elle cria presque un "non, pas ça !". Enfin elle s'éveilla en sursaut. Elle ne put bouger car il la tenait toujours fermement. Ainsi il distingua clairement ses yeux lorsqu'elle les ouvrit brutalement. Il distingua dans ses pupilles une image de fin du monde. Il n'eut pas le temps de tout distinguer mais sut immédiatement une chose : ce n'était pas un simple cauchemar.

 - Qu'as-tu vu ? que se passe-t-il ?

Elle était encore trop affolée pour répondre. Voyant qu'elle luttait toujours contre lui, il la lâcha. Elle s'assit immédiatement, comme s'il venait de lâcher un ressort. Elle regarda sa chambre apeurée, jetant des coups d'oeil à droite puis à gauche. Enfin, elle le vit. Il était calme et attendait qu'elle se calme. Sa sérénité l'atteignit et l'aida à se calmer. Il la prit par l'épaule et la fit s'allonger de nouveau.

 - Qu'as-tu vu ?

  - Ce n'était qu'un rêve, mais j'ai vu une attaque d'Apophis lui-même. Beaucoup plus puissante que celle-ci. J'ai vu la mort et la désolation. La ruine de la planète.

 - Ce n'était pas un cauchemar, c'était une vision. Elle était encore dans ta pupille quand tu as ouvert les yeux. J'ai vu... une plaine désolée.

 - Ma pupille ? Une image ? Ce n'était pas un rêve ? elle blêmit brusquement, "mais alors...

 - Calme toi. Je suis sûr que cela n'arrivera pas. Ensemble, nous vaincrons.

Elle se blottit contre lui.

 - Je l'espère.

***

Le mariage eut lieu peu de temps après. Plus la date fatidique avançait plus Sheshonq paraissait morose et sur les nerfs. Amonet savait pourquoi, mais il s'agissait du principal sujet du discussion dans le palais : pourquoi Pharaon avait-il accepté ce mariage de raison s'il n'en avait pas envie. Amonet ne prit pas la peine de leur expliquer la raison. Ils lui auraient demandé comment elle savait tout cela et ne souhaitait pas que sa liaison se sâche. Elle savait malgré tout que Smendès était au courant, ainsi qu'un ou deux serviteurs. Mais ils tiendraient leur langue.

Elle se rendit dans la salle du trône. Sheshonq mangeait, seul.

 - Majesté, au rapport.

 - Ah, Amonet. Comment avancent les réparations ? Smendès t'as-t-il tenu au courant ?

 - Oui, Majesté. Toute la zone est déblayée. Les reconstructions vont pouvoir débuter. Les maisons seront de meilleure qualité, pour éviter les problèmes liés à la pauvreté et éviter les propagations de maladies.

 - C'est bien, c'étaient mes ordres.

 - Cela vous fera aimer de la population, Majesté.

 - Oui, enfin...

 - Majesté, je...


Elle hésita.

 - Quoi ? Tu veux me dicter ma conduite, encore ?

 - Je ... non ! Majesté, j'étais juste venue vous parler de ce qui se murmure dans le palais

 - Et qu'aurais-je à faire de ces rumeurs ?

 - C'est du palais que partent les plus ferventes rumeurs Majesté. Et celle qui court en ce moment est dangereuse.

 - Et que dit-elle ?

 - Que vous n'aimez pas votre future épouse et que vous la trompez.

 - Et alors, c'est vrai ! Qui pourrait l'aimer ? Elle est hautaine, même avec moi.

 - Et qu'à cause d'elle, vous devenez mauvais.

 - Mauvais ? Je suis énervé. Cette femme me tappe sur le système. Rien que ça présence me dégoute. Elle n'a pas de tenue à table et engloutit les plats avant que les invités aient pu y toucher ! Elle ne connaît pas le protocole et encore moins les bonnes manières et est trop hautaine pour s'en préoccuper !

 - Majesté, si cette rumeur est lancée, alors tout ce que vous avez bâti sera ruiné. Ne la laissez pas faire. Sinon, ça sera encore pire.

 - Tu veux dire que je dois ?

 - La remettre à sa place Majesté. Elle vous doit obéissance, en tant que Pharaon. Tout comme moi je vous dois obéissance suite à mon serment d'allégeance.

 - Très bien. Il se peut même que j'y prenne du plaisir. Je vais lui montrer que la cour de Pharaon n'est pas un palais ou tous ses voeux de princesse seront exaucés.

Amonet s'inclina. Sheshonq passa devant elle et sortit d'un pas décidé.

Le couloir des appartements Royaux, ou Amonet avait toujours sa chambre résonnait des cris de Sheshonq et de sa future femme. Celle-ci ne se laissait pas démonter. En tant qu'unique fille de son père, elle avait été gatée et était devenue très fière. Soudain, tout se tût. Sheshonq passa dans le couloir, très en colère. Elle n'osa pas le déranger. Peu de temps après, Karoma passa à son tour. Un serviteur la croisa, s'inclinant respectueusement.

Une voix retentit, qu'Amonet connaissait. Le serviteur avait été hellé par Karoma qui venait de le dépasser, alors qu'il reprenait sa route après s'être redressé.

 - Et vous !

 - Oui Majesté ?

 - Que fais-tu ? Ta tâche est-elle donc si urgente que tu ne prennes pas le temps de saluer comme il se doit ?

 - Majesté, je m'excuse, j'ai salué mais...

 - Tu me traites donc de menteuse, MOI !

Elle criait à présent.

 - Tu vas voir !

Elle se jeta sur lui, lui assénant des coups de poing jusqu'à ce qu'il tombe au sol. Puis suivirent des coups de pied. Le plateau en argent qu'il portait se fracassa par terre, ainsi que tout ce qu'il contenait. Alertés par le bruit, des partisans arrivèrent, suivis par la garde du palais. Mais personne ne pouvait rien faire pour arrêter ce qu'il se passait. Seul Pharaon avait du pouvoir sur la Reine.

 - Ça suffit ! Comment oses-tu ? Tu t'en prends à mes serviteurs maintenant !

 - Cet homme m'a manqué de respect, il ne s'est pas incliné.

 - C'est faux ! Amonet avait décidé de s'en mêler.

 - Qu'en sais-tu, petite sotte !

 - J'étais présente. J'ai vu que cet homme s'est incliné plus que je ne l'ai jamais fait, ni aucune autre personne ici. Vous lui avez commandé de venir devant vous et l'avez mis dans cet état.

 - Pour qui te prends-tu.

 - Silence ! Sheshonq était de nouveau très énervé. Disparaissez, TOUS !!

En un clin d'oeil, il ne resta plus personne.

Karoma avait profité du court temps pour murmurer à Amonet :

 - Tu me le paieras ! Cher !

Sheshonq ordonna :

 - Amonet, va vite chercher un médecin du palais.

Elle s'éclipsa également. Courant chercher un médecin.

***

Lorsqu'elle réapparut avec le médecin, l'homme était toujours à terre. D'autres serviteurs tentaient de l'aider et l'entouraient.

 - Place, laissez passer le médecin, cria Amonet.

L'homme respirait difficilement, il était à la limite de la conscience. Son visage était méconnaissable. Il avait une jambe cassé et formant un angle perpendiculaire avec son positionnement normal avec les os qui ressortaient. Amonet eut un haut le coeur. Sheshonq revint à ce moment précis et vit Amonet blanche comme un linge.

 - Rentre dans ta chambre, je gère.

 - Bien.

Amonet entendait les discussions du médecin avec le Pharaon. Visiblement, le médecin n'était pas rassurant. Il lui administra des calmants et le fit transporter dans un lit vide. L'homme cria lorsqu'on le bougea pour le hisser sur le brancard amené spécialement pour.

***

Sheshonq entra dans sa chambre. Elle s'inclina. Elle était encore blanche de peur, mais pour une autre raison. Elle avait une mauvaise nouvelle.

 - Mon Pharaon

 - Amonet, ah, te voila. Enfin quelqu'un avec qui je peux être moi-même.

 - A ce propos, Majesté. Je voulais vous entretenir que quelque chose.

 - Je t'écoute, dit-il soupçonneux.

 - C'est que. Je ne peux pas vivre avec ce telles personnes majesté. Je pense que je vais devoir m'en aller si elle reste.

 - Non, tu ne peux pas partir, tu m'as juré fidélité.Vous m'êtes toujours redevable d'une vie.

 - Je... non ! Ecoute, fais encore un essai. Je l'ai calmé. Elle n'osera plus jamais s'en prendre à qui que ce soit. Je te le promets. J'ai besoin de toi pour faire de ce monde un endroit meilleur.

 - Cette femme le met en péril ! Elle est mauvaise !

 - Je le sais. Jusqu'à maintenant elle a fait beaucoup de mal, y compris à toi. Mais je te promets que ça ne se reproduira plus.

Il prit son menton, comme chaque fois qu'elle fuyait son regard et planta son regard dans le sien et répéta :

 - Je te le promets.

 - Bien, alors je garde mon joker.

 - Tu ne perds pas le nord, toi.

Elle lui fit un sourire innocent.

 - Jamais.

Sheshonq l'embrassa, puis devint plus entreprenant. Elle le laissa faire. Il avait apaisé ses craintes mais elle était toujours oppressée. Si Sheshonq sentit qu'elle se laissait faire, subissant ses assauts, il n'en dit rien.

***

Le mariage fut vite arrivé. Amonet était de la partie, bien sûr, aux côtés de la garde royale, prête à défendre Sheshonq. Celui-ci, ainsi que le banquet qui suivit fut digne d'un Pharaon. Tous regagnèrent leurs quartiers ivres et repus. Amonet savait ce qu'il se passait dans les quartiers de Pharaon. Lui et la nouvelle Reine devaient consommer le mariage.

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