Chapitre 17 : Le procès tourne court (partie 2)

Amonet attendait avec appréhension, debout derrière Sheshonq. Il lui semblait dans un premier temps s'en être assez bien sortie mais maintenant elle se sentait piégée. Elle ne pouvait qu'imaginer ce que cet homme sous-entendait lorsqu'il l'avait menacée. Il savait ce qu'un homme comme lui pouvait faire endurer à une femme.

Enfin, le premier accusé entra, les procès étaient à huis-clos, pour permettre à Amonet de garder sa couverture en ne faisant sortir que le prisonnier quelques minutes. Il s'agissait d'un ministre rondouillard qu'Amonet avait toujours trouvé lent et faible. Il se jetta immédiatement aux pieds du nouveau Pharaon et lui jura fidélité. Le prisonnier fut sorti de la salle.

 - Qu'en penses-tu ?

 - Cet homme est faible et peureux. Il ne représente pas une menace mais ne fera pas un bon ministre.

 - Que devrais-je en faire ?

 - Je... Lui donner un poste aux finances ?

 - Aux finances ? 

 - Tant qu'il ne subira pas de pression de la part de groupuscules qui pourraient lui faire peur il restera loyal, les finances permettraient de faire en sorte de l'isoler du monde. En plus, il connait le sujet car il était dans le conseil restreint de Pharaon. Par contre, il fait partie de ceux qui ont oeuvrés contre le peuple 

 - Soit. Faites entrer l'accusé.

 - Après réflexion, j'ai rendu ma sentence. Tu es condamné à 30 coups de bâtons pour avoir mené une politique d'extermination du peuple, le privant de nourriture. En revanche, si tu me jures fidélité, alors je pourrais t'éviter la mort. Qu'en penses-tu ?

 - Bien sûr Majesté, tout ce que vous voudrez mais par pitié, épargnez-moi. Je ne suis qu'un simple petit fonctionnaire qui obéissait aux ordres. 

 - Me jures-tu fidélité ? Si tu me trahis, tu seras châtié, ainsi que ta famille et que cette demoiselle dont je n'ignore pas le statut.

 - Oui, vous êtes mon nouveau Pharaon. Dit-il en se prosternant à ses pieds.

 - Bien. Sortez.

 - Merci, merci Majesté.

 - Faites entrer le suivant !

La journée s'écoula. Amonet fit ce qu'elle put pour en sauver un maximum. Elle ne voulait pas non plus se mettre en danger. De temps à autre, son nouveau Pharaon envoyait quelqu'un qu'elle avait défendu à la mort, sans raison apparente. La journée s'achevait. Elle avait mal aux pieds à force d'être restée debout pendant tout ce temps, se faisant passer pour une prisonnière. Aussitôt le dernier parti, elle profita du fait que Sheshonq était occupé pour se rendre dans un coin de la salle et s'adosser à une colonne.

Sheshonq renvoya ses hommes avec des ordres à distribuer dans son armée. Amonet commençait à en comprendre le fonctionnement, similaire à celui des armées Égyptiennes défaites. Le militaire le plus gradé (en l'occurrence Sheshonq) nommait des chefs de corps (les lieutenants), l'équivalent des bataillons Egyptiens. Il communiquait avec eux par des messagers spécifiques (les mêmes messagers livraient systématiquement les messages aux même Lieutenant de bataillon). Chaque corps était découpé en divisions, dont un référent jouait le rôle de messager auprès du Lieutenant. Une organisation militaire bien pyramidale, songea-t-elle. Il suffit qu'un maillon tombe et c'était la fin des communications.

 - Qui t'as autorisée à me fausser compagnie ?

Elle sursauta, sortant de ses pensées et se leva le plus vivement qu'elle put.

 - Je... Mon Pharaon. Vous n'aviez plus besoin de moi. Et je...

 - Tu es restée debout toute la journée et tu avais mal ?

Elle rougit, baissa le regard et répondit :

 - Oui mon Pharaon.

 - Très bien, vas te reposer alors. Demain sera une rude journée : nous allons juger le plus grand criminel de l'histoire.

 - Bien." Elle s'inclina et sortit de la salle.

***

Alors qu'elle regagnait ses appartements, Amonet entendit des voix en ville, des clameurs. Une débuta également dans la cour du palais :

 - Demain, à l'aube, à la demande du peuple, celui qui vous a affamé et tué sera jugé par notre cher Pharaon, amené par les Dieux pour nous délivrer ! Le procès aura lieu en place publique, ainsi que la condamnation. Nous comptons sur vous pour venir voir la fin de votre tyran !

Amonet savait son père déjà jugé et tué. Le peuple était contre lui, ainsi que la majorité de ses ministres. Et n'étant plus au pouvoir, tous pensaient maintenant à sauver sa propre vie. Il serait la pièce qui tombe, le fusible, qui permettra à la ville de retrouver la paix. Mais Amonet ne pensait pas que cela se passerait en public. Elle couru dans sa chambre. Elle qui avait réussi à tenir tout ce temps lâcha tout le chagrin qui s'était accumulé en elle ces derniers jours. Elle congédia tout le monde et s'assit sur son lit, la tête dans ses mains posées sur ses cuisses. Elle faisait peine à voir. Elle s'en voulait de se montrer aussi faible face à l'adversité mais s'en était trop pour elle.

Quelques temps plus tard, après que ses larmes furent séchées, un serviteur de Sheshonq vint la chercher :

 - Amonet, Pharaon te demande, il sait que tu ne dors pas.

 - Ne dort-il par à cette heure ?

 - Il est un soldat. Son père l'a élevé à la dure. Ainsi, il travaille pendant une bonne partie de ses nuits et dirige le jour. Il n'a besoin que de très peu d'heures de sommeil.

Elle se leva donc et le suivit.

Sheshonq s'était installé dans la suite royale, laissée telle quelle par son père. Les papiers traitant des affaires d'état étaient toujours posées sur le bureau de la première pièce et le lit dans la seconde n'était pas défait depuis que les serviteurs du palais avaient changé les draps de la paillasse.

Sheshonq était d'ailleur assis au bureau et lisait les papyrus étalés les uns après les autres. Amonet resta debout devant le bureau, attendant les ordres, tout comme elle avait appris à le faire avec son père. Sheshonq termina son papyrus et leva les yeux sur elle.

 - On ne m'avait pas menti, tu as vraiment mauvaise mine.

Ne voyant pas de réaction de sa part, il tendit le bras vers un fauteuil, l'invitant à s'asseoir. Amonet obtempéra. Il s'assit à ses côtés.

 - Je sais qu'il s'agit de ton père, et si j'étais à ta place, je voudrais tuer celui qui cherche à le tuer. J'ai pris possession de ton pays, de ton palais et même de toi et je ne peux qu'imaginer ce que tu ressens. Mais j'ai été élevé dans le but de faire ce que je fais. Mon père m'a mis au monde et m'a éduqué dans ce seul et unique but. C'est pourquoi je tuerais tous ceux qui se mettront en travers de ma route.

 - J'ai été éduquée pour sauver le monde du chaos. Je ne sais même pas contre qui je dois me battre et j'ai perdu ou je vais prochainement perdre tout ce qui compte pour moi. J'avoue que je suis perdue, je ne sais pas ce que les Dieux attendent de moi. Veulent-ils que je sacrifie mon père ou que je le sauve ?

 - Ne le sauve pas, sinon, je serais contraint de te faire du mal. Laisse le assumer ses actes. Il est Pharaon et a failli tuer son peuple. Aide moi plutôt à régner en juste, à me faire aimer du peuple.

 - Un étranger, un envahisseur ne sera jamais aimé du peuple.

 - Pas sans aide. Mais si tu m'aides, alors tout pourra devenir possible.

Alors elle craqua, des larmes coulèrent sur ses joues.

 - Dans ce cas je trahis mon père, celui qui m'a donné vie. C'est un monstre au yeux du monde, mais c'est mon père.

Sheshonq l'entoura de ses bras, il l'attira vers lui. Son poids le fit reculer contre le bord du large fauteuil sur lequel ils étaient assis. Elle pleura longtemps. Une fois ses larmes taries, elle voulut se redresser mais il la retint. Elle se laissa donc aller contre son torse chaud qui la réconfortait. Elle était bien. Elle finit par s'endormir.

***

Le matin pointait. Elle se réveilla en sursaut, ne sachant pas ou elle se trouvait. Elle était toujours dans les bras du nouveau Pharaon, qui l'observait.

 - Je.... Vous n'avez pas dormi ?

 - Si, je me suis réveillé tôt, mais je ne voulais pas te réveiller. Tu avais l'air tellement mal hier. Le sommeil te fait paraître plus sereine.

 - Je. Ma vie est quelque peu chaotique en ce moment.

 - C'est ce que j'ai cru comprendre. Et aujourd'hui va être la pire journée pour toi.

 - Je le sais. Je vais affronter la mort de mon père.

 - Oui. Et je pense que pour que son courroux ne se retourne pas contre toi, tu dois garder encore ceci durant quelques temps." Dit-il en désignant son dispositif anti-magie. "Ainsi, je serais l'ennemi à ses yeux. Et tu resteras sa chère fille, privée de liberté à cause d'un envahisseur sanguinaire.

 - Je n'avais pas de liberté de toutes manières.

 - Tu es libre, sauf de t'enfuir hors du Palais.

 - Et d'utiliser la magie.

 - Ah ça.... Ce n'est que temporaire, et c'est autant pour t'éviter les problèmes que pour t'empêcher d'utiliser tes pouvoirs. Je te l'enlèverai au plus vite, lorsque les procès seront terminés.

Il la repoussa et mit son visage en face du sien, la regardant dans les yeux.

 - Je te le promets.

Elle opina de la tête.

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