Chapitre 8
— On reprend quelque chose à boire ? me propose Yael.
— Avec plaisir !
— A condition que tu prennes quelque chose d'un peu plus fort cette fois.
— Vendu.
J'appelle de nouveau le serveur et cette fois je commande un Sex on the beach. A ma grande surprise, mon rencard prend exactement la même chose. Nous échangeons quelques banalités. Et, comme depuis le tout début, c'est comme si nous nous connaissions depuis toujours. La discussion coule d'elle-même. Evidemment, c'est aussi parce que je n'ose pas poser LA question. Au lieu de ça, je reprends.
— Alors, si tu me proposes qu'on aille ensemble au Manoir Hanté, c'est que tu as envie de me revoir ?
Il hausse négligemment les épaules.
— Je ne me suis pas encore décidé. Je préfère attendre de voir ce que va donner notre journée de rencard, dit-il d'un ton sérieux.
Je ressens comme une douche froide. Glaciale même. Il venait de briser le charme. Et je réplique d'une voix sèche.
— J'avais plutôt l'impression que ça se passait plutôt bien jusqu'à présent.
Un petit sourire taquin se dessine sur ses lèvres.
— Evidemment que j'ai envie de te revoir. Tu es une femme passionnante. Même si j'ai le sentiment que j'ai encore beaucoup de choses à découvrir pour savoir qui est réellement Evie... d'ailleurs quel est ton nom de famille ?
— Barns.
— Alors pour savoir qui est la sublime Evie Barns. J'ai comme le sentiment que je n'ai fait qu'effleurer la surface. Est-ce que je me trompe ?
Je secoue la tête en baissant les yeux.
— Je suis une femme pleine de mystères. Mais la vérité, c'est que je suis plutôt quelqu'un de réservée. J'ai énormément de difficultés à dévoiler qui je suis réellement. Et si ce que tu découvrais ne te plaisait pas ?
Il semble hésiter, puis rapproche sa main pour la poser sur la mienne. Instinctivement, je la recule pour qu'il ne puisse pas s'en emparer. Il semble légèrement vexé, mais fait tout pour ne rien laisser transparaître et me répond d'une voix douce.
— ça c'est à moi d'en juger, tu ne penses pas ?
— Je suis désolée... Je ne suis pas femme à accorder ma confiance rapidement. Tu as beau être très charmant, gentil et attentionné... Il faut du temps pour apprendre à connaître les gens.
Il étend ses mains et réplique.
— Alors il te suffit de demander. Pose tes questions et j'y répondrai sans détour.
— Alors dis-moi, Yael...
— Andeck.
Je ne peux m'empêcher d'associer nos noms. "Evie Andeck". Je suis peu sûre que ça s'associe bien. Mais à quoi je pense ? Je suis folle ou quoi ? On en est loin d'être là.
— Yael Andeck, as-tu rencontré beaucoup de femmes du site ?
— Quelques unes. Mais ça ne s'est jamais vraiment bien passé. Entre les filles complètement barges, celles qui n'étaient là que pour le sexe ou encore celles qui ne ressemblaient pas du tout à leurs photos de profil...
Je le regarde de manière intense et l'interromps.
— Tu veux donc dire que le physique est important pour toi ?
Il lève un sourcil d'un air étonné.
— Parce que pour toi il ne l'est pas ? Je pense que ce n'est pas tout ce qui compte. Une femme peut être très belle et toalement creuse intérieurement, j'en ai rencontré aussi et j'ai fui, mais le physique est déjà la première chose qu'on regarde. C'est d'ailleurs la raison première qui m'a fait m'arrêter sur ton profil. Mais, si cela peut te rassurer, ce n'est pas celle qui m'a poussée à vouloir te rencontrer. Cependant, il est important d'être attiré par la personne avec laquelle on est. Le charnel fait partie intégrante d'une relation...
J'hésite et, la main tremblante, cette fois c'est moi qui viens poser ma main sur la sienne. Je pousse d'ailleurs un soupir de soulagement lorsque je vois que lui, contrairement à moi, ne retire pas la sienne et s'empresse même de s'emparer de ma main et d'en caresser le dos.
— Bon point, lui réponds-je. Je suis entièrement d'accord avec toi sur ce coup. Et donc... tu ne me classe pas dans la catégorie des folles furieuses ?
— Ah ça si, il n'y a pas de doute. Tu as l'air complètement timbrée. Mais, étonnamment, c'est une des choses qui me plaisent chez toi...
Gênée par sa remarque, même si je ne le devrais pas, je retire ma main et reprends mon verre pour masquer mes émotions en buvant de nouvelles gorgées. Le liquide me brûle agréablement la gorge et me permet d'acquérir davantage de courage. Même si celui-ci n'est qu'illusoire en réalité. Si je continue sur cette voie, je vais être totalement désinhibée. Je ne bois pas d'alcool fort à cause des médicaments que je prends, sans compter qu'il ne m'en faut pas beaucoup pour être pompette.
— Et toi ? Tu as rencontré beaucoup d'hommes ? questionne Yael.
— Tu sais, ça fait pas mal d'années que je suis célibataire, éludé-je. Mais si cela peut te rassurer, je devais avoir un autre rencard dans la semaine et je compte bien l'annuler.
Un sourire lumineux apparaît sur son visage, le rendant encore plus magnifique. Il a l'air très heureux de ma réponse.
— Oh mais, on parle, on parle, et tu dois être morte de faim ! Surtout qu'il n'est pas bon de boire le ventre vide. Tu veux manger ?
Comme pour répondre à sa question, mon estomac se met à gargouiller, ce qui nous fait rire tous deux.
— Je pense que cela veut dire oui !
Je hoche la tête pour toute réponse, alors il se penche vers moi comme pour me révéler un secret.
— Je dois t'avouer quelque chose. Je ne t'ai pas tout de suite proposé de manger au cas où le feeling ne serait pas passé et que nous ayons dû écourter notre rencontre. Cela m'est déjà arrivé et le temps semble effroyablement long quand on doit passer tout un repas à meubler la conversation.
Je manque de recracher la gorgée que j'ai en bouche et m'empresse de l'avaler pour répondre.
— J'espère que ce n'est pas le cas avec moi.
— Si cela avait été le cas, tu serais déjà au courant. Je me sens vraiment très à l'aise en ta compagnie, même si je ne suis pas tout à fait certain que l'alcool ne soit pas en train de parler un petit peu à travers moi. Une chose est certaine, je te trouve fascinante et je souhaiterais que cette rencontre ne termine jamais.
Même si ces mots me font très plaisir, je dois avouer qu'ils me remplissent de frayeur. Même si cela fait longtemps que je suis seule, je n'ai pas le sentiment d'être encore prête pour une véritable relation. Dois-je le lui avouer ? En tout cas, je me retrouve dans l'incapacité totale de me projeter sur du long terme. Je passe un bon moment. Et même un excellent. Et oui, je me sens bien à ses côtés. Protégée, joyeuse, je retrouve même mon humour mordant. Pourtant, je ne suis toujours pas totalement moi et cela me met mal à l'aise. Pourtant, à l'idée de lui révéler toute la vérité, je suis tétanisée.
Nous commandons nos plats au serveur, puis, voyant que je ne réponds rien, Yael décide de relancer la conversation sur un autre sujet.
— Tu as des passions ? Des hobbies ?
Bien plus facile comme question. Je pousse un léger soupir de soulagement et, soudainement, je m'anime et reprends vie.
— Alors déjà je suis passionnée d'équitation depuis toute petite. Je monte depuis l'âge de neuf ans. Quand j'étais gamine, j'avais des posters de chevaux partout dans ma chambre d'ailleurs.
— Wouah ! Tu dois être une sacrée cavalière avec une telle expérience.
Je secoue la tête avec une petite grimace amusante.
— Hm... Je ne suis pas trop mauvaise !
— Tu fais de la compétition ?
— Non, ça ne m'a jamais vraiment intéressée. Je n'ai pas vraiment l'esprit de compétition, bien que j'en faisais lorsque je pratiquais la Gymnastique Rythmique. Mais, avec les chevaux, c'est différent. Lorsque je ne suis pas bien, mon premier réflexe est de me rendre dans mon centre équestre pour aller faire des câlins à mes chevaux préférés. Je me sens en harmonie avec les chevaux. Je monte réellement par passion. D'ailleurs, lorsque j'ai fait mes études d'assistante sociale, j'ai réalisé mon mémoire sur l'équithérapie pour les enfants ayant subi un traumatisme psychique suite à de la maltraitance parentale...
— Cela a l'air d'être un sujet qui te touche personnellement, intervient Yael avec une grande vivacité d'esprit.
— Je suis assistante sociale en protection de l'enfance, éludé-je à nouveau. Peut-être parce que je suis mère moi-même ?
Il secoue la tête.
— Non, répond-il d'une voix ferme. Ce n'est pas l'unique raison.
— Tu es médium ? demandé-je mi-amusée, mi-gênée.
— Non. Juste très observateur. J'espère juste qu'un jour tu me feras suffisamment confiance pour m'en parler.
— Ce n'est pas une histoire qu'on raconte au premier rencard, tenté-je de plaisanter.
— Alors je patienterai. Je te l'ai déjà dit, je ne suis pas pressé. Et je suis quelqu'un de très patient.
— Et toi alors ? Ton enfance ? tenté-je en souhaitant détourner l'attention de moi.
Il grimace à cette question.
— C'est peut-être trop personnel ? demandé-je. Excuse-moi.
— Non, non. Ne t'en fais pas. Ce n'est pas non plus une histoire que je raconte à tout le monde. Et encore moins lors d'un premier rendez-vous. Néanmoins, je souhaite que tu me fasses confiance, alors je vais tout te dire. J'ai été abandonné par mes parents à la naissance...
A ces mots, je serre les poings. Je trouve qu'abandonner ses enfants est quelque chose de cruel. Et j'ai du mal à comprendre les parents qui agissent de la sorte. Alors, par sollicitude, je repose ma main sur la sienne. Bien que je doive très rapidement la retirer puisque nos plats arrivent. Yael s'interrompt donc le temps que le serveur dépose les assiettes devant nous, jardinière de légumes et rumsteack pour moi, steack-frites pour l'homme qui m'accompagne, ainsi qu'une bouteille de rosée. Il nous sert nos verres, puis s'éclipse. Le blond charmant se trouvant en face de moi reprend donc son récit.
— J'ai passé pas mal d'années en foyers ou en familles d'accueil. Je ne dirais pas que c'était toujours facile, mais j'ai tenu bon. Et j'ai eu énormément de chance comparativement à la plupart des enfants car j'ai été adopté par un couple extraordinaire qui s'est occupé de moi avec énormément de patience et d'amour.
— Tu es toujours proche d'eux ? questionné-je.
— Oui, toujours.
Je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de jalousie. C'est souvent l'effet que cela me fait lorsque je vois des personnes proches de leurs parents. Je n'ai et n'aurai jamais cette chance. La vérité est que moi aussi je me sens abandonnée. Et souvent très seule. J'ai quelques amies que je vois de temps en temps, mais elles ne parviennent pas à combler ce manque. Il n'y a que Jade, ma meilleure amie, qui parvient à briser ma solitude quand je passe du temps avec elle. Le seul problème ? Nous habitons quasiment à sept cents kilomètres l'une de l'autre. Elle me manque horriblement. Il faut absolument que je l'appelle ce weekend. Que je m'organise aussi pour aller les voir elle et ma petite nièce Lia. Jade et moi nous ressemblons énormément. Et surtout, elle me comprend comme personne. Elle est la personne la plus importante de ma vie avec ma Crevette d'amour.
Je sens les larmes me monter aux yeux en pensant à tout cela et m'empresse de passer les mains sur mon visage pour masquer mon trouble à Yael. Mais il a un vrai oeil de lynx le bougre.
— Tout va bien ?
— Oui, oui... Tu as juste de la chance d'avoir des parents aussi merveilleux...
— Pourquoi ? Tu ne t'entends pas avec les tiens ?
Et voilà, je venais de mettre le pied en plein dans la fourmilière...
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