Chapitre 6


— Ahhhhhhh ! Putain de bordel de chiottes !!!!

— Ton langage, jeune fille ! répliqua Eric.

— Ta mère suce des bites en enfer ! Tu préfères ça ?

Eric retire l'aiguille de ma peau et éclate de rire. Mais le vrai fou rire, vous voyez celui où vous en pleurez. Je n'ai pas essayé de le faire rire. C'est la première fois de ma vie où je suis à deux doigts de regretter un tatouage. Non parce qu'il est moche. Non, au contraire, il est vraiment sublime et mon tatoueur est vraiment très doué. Par contre, bon sang, les côtes ? PLUS JAMAIS ! Sérieusement ? La douleur est juste abominable. Heureusement, il ne reste plus grand chose... Juste la partie sous l'aisselle... Rien que d'y penser, j'ai envie de pleurer.

— Arrête de te bidonner et termine avant que je ne parte en courant.

— Ouais, mais faut que t'arrêtes de me sortir des trucs comme ça, meuf !

— Aller... Qu'on en termine et vite !

Il pouffe, puis se remet au travail.

— Tu veux quelle couleur pour tes fleurs ?

— Mauve, réponds-je sans réfléchir.

Le rouge est bien trop classique. Je n'aime pas faire comme tout le monde. Bon, je n'ai pas eu le courage de regarder mon portable malgré le nombre de bip qu'il émet. Ce tatouage me demande toute ma concentration pour ne pas bouger. Et Dieu sait à quel point c'est difficile.

Lorsqu'Eric range enfin son matériel, je fonce regarder si CoeurdeLion, pardon Yael, m'a répondu. Les messages ne viennent pas de lui. Peut-être attend-t-il ma réponse ?

CrazyQueen

"Si tu fais ça, je serai bien capable de t'embrasser, fais attention !"

CoeurdeLion

"Et c'est censé être une menace ? Laisse-moi te dire que tu n'es pas très douée."

CrazyQueen

"Mince... Il va me falloir chercher d'autres arguments."

Eric me sert un nouveau verre de liqueure.

— Tiens, je pense que tu en as bien besoin.

— Oh oui ! Merci !

Il s'asseoit auprès de moi et se sert à son tour.

— Alors, comment il s'appelle ?

Je rougis violemment.

— Yael... Eric ? Merci pour ce tatouage... Tu as fait un travail incroyable.

Evidemment, après la séance, j'ai passé facile une demi-heure à le regarder dans la glace. Oui, j'ai souffert, mais qu'est-ce qu'il en vaut le coup. C'est très clairement ma plus belle pièce à ce jour.

— Et tes douleurs ? ça va ?

— Pendant la séance je n'y ai même pas pensé ! plaisanté-je. Mais maintenant que tu le dis...

Je me penche vers mon sac, attrape quelques comprimés rouges et les mets dans ma bouche avant de me servir de mon breuvage pour les avaler.

— Tu sais que je n'aime pas que tu prennes tes médicaments en buvant de l'alcool, intervient mon ami.

— Eric, je prends tout le temps des médicaments depuis sept ans. Si en plus tu m'enlèves l'alcool, je vais me foutre en l'air.

— Plaisante pas avec ça, répond-t-il sombrement.

Je lève les yeux au ciel.

— ça ne te colle pas au teint de te faire du souci.

— Tu crois que je vais oublier dans quel état je t'ai retrouvé il y a quelques années ?

Je soupire.

— Non, bien sûr que non. Mais je vais bien maintenant. Et c'est en grande partie grâce à toi. Alors cesse de te faire du soucis.

— Seulement si tu promets que si l'autre tarée te rends folle, tu viens directement à la maison.

Je souris pour l'apaiser et me penche pour déposer un baiser sur sa joue.

— Promis. Aller, je vais rentrer. Je suis épuisée et j'aimerai ne pas être dans un état trop lamentable demain.

J'avale mon verre d'une traite, puis sort un billet de mon sac que je lui tends.

— Tu peux me payer plus tard, si jamais...

— Non, ne t'inquiète pas. Tout va très bien. Ok ?

— Ok...

Je le prends dans mes bras, puis attrape ma veste pour l'enfiler. Je grimace en levant le bras.

— Oh la vache ! Comment ça se fait que j'ai encore mal ?

— ça va passer.

Je lui envoie un baiser de loin puis file reprendre les transports pour rentrer. Je suis à la limite de m'endormir dans le train. Et lorsque je dois monter ma carcasse dans l'escalier, je suis à deux doigts de m'effondrer.

J'ouvre la porte avec difficulté et tombe sur ma mère qui m'attend, les bras croisés.

— Où étais-tu ?

— Euh... Je te rappelle que je suis une adulte, peut-être ? Je n'ai pas besoin de ta permission pour faire ce qu'il me chante.

— Ma maison, mes règles.

Me sentant passablement ivre et un brin provocatrice, je souris.

— Je suis partie me faire tatouer.

— Encore ? T'en as pas marre ?

— Absolument pas.

— Tu sais que c'est un péch...

— Blablabla... Ouais, ouais, j'avais déjà compris le message la première fois il y a dix ans. Aller, bonne nuit.

Je passe devant elle, ignorant superbement ses paroles qui devenaient bien plus venimeuses, et partie m'enfermer dans ma chambre. Je prends soin de refaire mon pansement qui a séché sur le trajet, puis m'affale dans mon lit. Je regarde une dernière fois mon téléphone.

CoeurdeLion

"Je vais aller me coucher. Je ne voudrais pas faire mauvaise impression. Je dois rencontrer une fille qui est belle, drôle et intelligente. Je suis un peu nerveux."

CrazyQueen

"Aller arrête ton charme ! Je ne suis pas sensible aux compliments. Et essaie d'être en forme, je risque de te fatiguer très rapidement."

CoeurdeLion

"Aucune chance."

Et sur ces doux mots, je m'endors. Le réveil me tire de mon sommeil aux alentours de dix heures. Je fais habituellement des siestes le weekend. Néanmoins, je me réveille d'excellente humeur, le sourire aux lèvres. Je me lève, me sentant relativement en forme. Je pense idiotement que rien ne pourra venir perturber mon humeur. Je file sous la douche, passe vingt minutes à choisir les vêtements que je veux porter, avant d'aller toquer à la porte de mes sœurs. J'entre et tourne sur moi même.

— Vous en pensez quoi ?

— Canon ! Tu vas où ?

Je fais un "chut" du doigt et leur offre un clin d'œil, avant de retourner dans la salle de bain. Habituellement, je ne me maquille jamais. Pas même pour les rencards. J'aime être naturelle. Mais, cette fois, je décide de faire un effort. Ma mère entre dans la pièce et me regarde des pieds à la tête.

— Où vas-tu ?

— Je t'ai déjà dit de te mêler de ce qui te regarde.

— Tu vas encore voir un mec pour coucher ?

Enervée, je réplique.

— Ce n'est pas de ma faute si tu es frustrée et que personne ne veut de toi.

Elle me gifle et réponds.

— Tu abandonnes ta fille tout ça pour aller faire ta traînée.

Il n'en faut pas plus pour que la colère remonte. Je tolère énormément de choses. Mais jamais, jamais, qu'on me dise que j'ai abandonné ma fille. Me séparer d'elle a été la décision la plus difficile que j'ai eu à prendre de ma vie. Et je n'ai qu'une hâte, pouvoir la récupérer auprès de moi. Alors, ne contrôlant plus mes actes, j'attrape la tête de ma génitrice et l'enfonce dans la glace, explosant celui-ci.

— Mais t'es complètement folle ! s'écrit-elle.

— Ne parle plus jamais de ma fille, pétasse.

Et je quitte la salle de bain, me fichant bien de l'avoir blessée. Je m'empresse de récupérer mes effets. J'hésite devant ma béquille. Malheureusement, la colère a tendance à ne pas arranger mon état. Il vaut donc mieux que je la prenne... Il faudra que je trouve une excuse pour Yael, ne me sentant absolument pas prête pour lui dire la vérité.

Je regarde l'heure sur mon téléphone. Mince, je suis en avance. C'est pathétique... Je devrais peut-être faire quelque chose en attendant. Je trouverai bien sur place. Une fois arrivée au point de rendez-vous, je m'apprête à me diriger vers la sortie. J'ai plus de quinze minutes d'avance, alors quelle ne fut pas ma surprise de voir ce visage tant attendu me regarder avec un immense sourire. Les photos n'étaient pas trompeuses. Il est beau. Et même très beau. Ses yeux d'un bleu électrique me fixent intensément, comme si j'étais la seule et unique chose qui comptait à ses yeux. Les fossettes qui marquent ses joues alors qu'il sourit ne le rendent que plus craquant à mes yeux. Et, point important, il est grand.

Je me retrouve juste devant lui, intimidée par sa présence. Nous hésitons comme deux enfants.

— Je suis Yael... Je n'ai pas osé me déguiser en Joker, je le reconnais.

Je pouffe.

— Et moi c'est Evie... Enchantée.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top