Chapitre 3

Je n'étais pas pressée de rentrer chez ma mère. Un peu comme tous les soirs. Alors, une fois sortie du médecin, je me décide à prendre un chemin à rallonge. Je sais, c'est idiot, je suis déjà épuisée physiquement, la journée a été longue et éprouvante, je n'ai qu'une envie : m'étendre dans mon lit. Mais je sais qu'avant de l'atteindre je devrai affronter la marâtre. Ah oui ! J'ai oublié de vous dire ! En grandissant, j'ai découvert que ma mère souffrait de schizophrénie. Et oui, ceci explique cela. Alors, croyez le ou non, mais j'ai appris à ne même plus lui en vouloir pour tout ce que j'ai traversé à cause d'elle. Je ne la considère plus comme ma mère depuis longtemps et, pour être très honnête, j'ai fait le deuil de ma mère il y a bien longtemps. Pour moi elle est la femme qui m'a mise au monde, mais cela s'arrête là. Néanmoins, pour le bien de tout son entourage, je lui ai demandé d'aller voir un psy. Quand on est malade, on se soigne, c'est le B.A-BA. Sa réponse ? "J'étais malade, mais Dieu m'a guérie." D'ailleurs, il l'a tellement bien soignée que je peux rentrer un soir et me retrouver avec la femme la plus sympathique du monde, avec qui je parviens même à rire ! Ou alors rentrer et me prendre une assiette en pleine figure, voire pire...

La sonnerie typique du site de rencontre me tire de mes songes. Ni une ni deux, je sors le téléphone de ma poche. Mon cœur cogne déjà contre ma poitrine de nervosité. Cela peut être n'importe qui. La vérité c'est que je reçois des tonnes de messages à longueur de temps. Il faut faire un sacré tri dans le lot. Mais, voyant le pseudonyme apparaître, je prends le soin de m'arrêter. J'hésite à l'ouvrir... Aller Evie, t'es pas une dégonflée bon sang !

CoeurdeLion

"Je suis sincèrement désolé d'avoir pris aussi longtemps pour te répondre. Je ne voudrais pas que tu puisses penser que je t'évitais. En fait, j'ai travaillé cette nuit. Et la nuit a été longue et compliquée. Je n'ai pas eu une seule minute pour souffler. Je suis rentré totalement épuisé et je viens tout juste d'ouvrir les yeux. Raison pour laquelle je ne te réponds que maintenant.

Alors... tu vas peut-être me prendre pour un inculte, mais qui est le Docteur Harleen Quinzel ?

Parce que je suis infirmier ? Ahah ! C'est bon je plaisante. Je comprends, une magnifique femme comme toi doit avoir des tas de prétendants. J'ai été un peu rapide en besogne. Mais je trouvais que le feeling passait plutôt bien. Quoi qu'il en soit, je patienterai. Mon petit doigt me dit que tu en vaux le coup. Et puis, j'ai tout mon temps ! Alors j'irai à ton rythme.

Dans tous les cas, je suis triste d'apprendre que tu aies eu à endurer de telles souffrances. Sont-ce ces hommes qui ont mis toutes ces larmes dans tes yeux ? (Dis moi si je suis indiscret.) En tout cas, compte sur moi pour le découvrir. Je ne veux pas te presser, mais selon moi toute personne mérite d'être respectée à sa valeur. Je dois bien dire que le bonheur je ne connais plus depuis longtemps, mais j'ai envie de le redécouvrir. C'est, selon moi, l'objectif que tout le monde doit se fixer. On se le doit à soi-même.

Euh... Alors, malgré les apparences trompeuses, non, je ne cherche absolument pas à avoir un physique de rêve. Déjà j'adore les sports de combat (tu ne l'aurais pas deviné avoue ?). Mais déjà de base je n'ai que peu d'appétit, même si dans mon métier je mange très souvent mal et sur le pouce. Les horaires décalés n'aidant pas. D'ailleurs, que fais-tu toi dans la vie ? Je t'imagine bien modèle ou cascadeuse ! Dis-moi que j'ai bon !

T'es folle ? J'adore les enfants ! Comment s'appelle ta petite princesse ? Je suis sûr qu'elle doit être aussi belle que sa mère ! Moi je n'ai malheureusement jamais eu d'enfant. Mon ex-femme a fait une fausse couche. Notre mariage se cassait déjà la figure, je pense que cela a achevé de le détruire...

Alors dis-moi, comment vis-tu ta maternité ? Je suis tonton de deux petites jumelles dont je suis complètement amoureux. ça compense un petit peu ! Et ta fille, comment est-elle ?"

Pourquoi, pourquoi suis-je en train de sourire bêtement à la lecture de ce message ? Malheureusement, ce sourire je le perds rapidement. Je le sais, je ne suis pas au bout de mes peines avec ce type. Nos échanges risquent de s'annoncer délicats pendant quelque temps. D'ailleurs, je me demande si je dois lui parler directement de l'impitoyable vérité. Celle qui me serre le cœur. Celle qui m'accompagne jour et nuit. L'indésirable amie qui me suis telle une ombre importune. Mais qu'est-ce que je raconte ? Je ne vais jamais rencontrer cet homme. Je ne suis pas inscrite sur le site de rencontre pour cela. Je ne dois pas perdre mes objectifs de vue. Une étape après l'autre. Un combat à la fois. Je n'ai pas assez de force pour tous les mener de front de toute façon. Prendre le temps de réfléchir. Oui, c'est là la meilleure idée. Je dois... Je dois rentrer. Ma vue se trouble. L'épuisement est sur le point de me terrasser. Je fais tomber mon téléphone.

— Et merde !

Voilà que je jure tout haut. Un passant me regarde étrangement. Je m'efforce donc de lui sourire, de lui faire un petit signe de la tête, puis je me penche pour ramasser mon bien avec difficultés alors que mes hanches sont en train de crier grâce. D'ailleurs la gauche émet un énorme craquement qui me rappelle vite à l'ordre : rentrer. Je tente d'accélérer le pas avant de prendre le risque de m'effondrer sans pouvoir me relever. Une fois parvenue devant l'entrée de l'immeuble, je pâlie à la vue des escaliers qui me font face. Je prends pourtant ce trajet tous les jours, mais chaque fois c'est une épreuve. Et même pas de récompense à l'arrivée. Ma fille me manque tellement... Aller, quelques dizaines de marches et je pourrai l'appeler pour entendre sa douce voix enfantine.

Une fois enfin arrivée au dernier palier de l'immeuble, je suis essoufflée. J'entrouve discrètement la porte dans l'espoir de prendre la température de l'ambiance de la maisonnée. Des voix s'élèvent du salon. Ma mère n'est pas seule. Ouf. Au moins je n'aurais pas à m'embarrasser de la saluer. Je ne prête guère attention aux voix qui scandent le nom de "Jésus Christ le tout puissant sauveur" de je sais pas quoi. Il y a des jours où ça m'amuserait presque. Aujourd'hui ça ne fait que approfondir la fatigue que je ressens déjà. Ma mère ne se considère pas comme étant chrétienne. Elle et ses amies se donnent parfois des noms bizarres. Selon moi, il s'agirait éventuellement d'une secte. Ce qui est sûrement la raison pour laquelle elle me demande autant d'argent tous les mois. Enfin... Cela m'est égal. Je file m'enfermer dans ma chambre. Je lâche mon sac dans un coin sans aucun soin, dépose ma béquille contre le mur, retire mon manteau après avoir récupéré mon téléphone et m'effondre telle une baleine échouée sur le lit double au centre de la pièce. Directement je recherche dans mes contacts le nom du papa, puis je compte le nombre de sonneries. Une. Deux...

— Salut, répond une voix gutturale.

— Ouais, salut Igor.

— ça va ?

— Je pète le feu, lui mens-je. Je peux avoir ma fille s'il-te-plaît ?

— Oui bien sûr. Attends je vais te la passer. En tout cas, t'en fais pas, elle va très bien ta fille.

— D'accord.

Je laisse le silence s'installer quelques secondes jusqu'à entendre cette voix qui, à mes oreilles, est la plus merveilleuse de l'univers.

— Allô, maman ?

— Hey ! Ma Crevette ! Comment tu vas ?

— ça va et toi ?

— Non... Tu me manques fort fort fort. Tu sais que je t'aime ?

— Oui, je sais. Moi aussi je t'aime.

La conversation est expéditive et ne dure pas plus de quelques minutes, comme toujours. Ma fille est l'enfant la plus merveilleuse qui soit à mes yeux et a énormément de qualités. Mais elle déteste le téléphone. Alors je me contente du peu qu'elle me donne. Même si ce n'est pas simple au vu de ma situation. Après avoir raccroché, je prends mon courage à deux mains et relis le message de CoeurdeLion...

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