Chapitre 27

Après que Yael se soit arrêté devant le bâtiment où je réside avec ma mère et mes sœurs, je descends de moto et me tourne vers le conducteur qui s'apprête à faire de même et je pose une main sur son bras.

— Il ne vaut mieux pas que tu montes avec moi.

Il me regarde avec étonnement et plaisante.

— Si c'est parce que c'est le bazar chez toi, sache que chez moi c'est loin d'être aussi souvent rangé que la fois où tu es venue...

J'ai un petit sourire en coin lorsque je l'interromps.

— Non, ce n'est pas ça. Je vis avec ma mère pour le moment. Et disons... qu'elle a un caractère plutôt particulier.

— Tu sais que j'ai bossé en psychiatrie par le passé ? Rien ne me fait peur.

— Toi peut-être, mais moi j'ai bien quelque chose qui me fait peur. Je te raconterai tout quand on sera chez toi. En attendant, tu acceptes de m'attendre là ?

Il hoche la tête avant de rajouter.

— Fais vite.

Je plaque un baiser sur sa joue puis me détourne pour traverser la rue en courant, après avoir bien évidemment vérifié qu'aucune voiture n'arrivait. Ma mère me questionne sur ce que je fais lorsqu'elle remarque que je suis en train de préparer un sac de sport qui pourra tenir dans le coffre de la moto.

— Je vais passer ma semaine de vacances en Bretagne avec mes copines assistantes sociales. On a pu reprendre la location de notre fin de diplôme.

Effectivement, mon petit groupe "d'amies" avait été très soudé pendant l'époque de nos études, puis un petit peu après ça. Maintenant je n'ai quasiment plus de nouvelles de personne. Il faut croire que tout le monde n'a pas la même notion de l'amitié. Heureusement que j'ai ma Jadou pour m'épauler envers et contre tout, malgré le fait que nous habitons à sept cents kilomètres l'une de l'autre.

— Pourquoi tu n'as pas emmené Megara avec toi ? questionne-t-elle.

Bordel de cul à nouilles, elle me fait sacrément chier là. Comment ne pas passer pour une mère indigne ? Bon, même si en soit je n'ai rien à prouver à cette bonne femme. Mais bon, mon cœur de maman a besoin de prouver que je suis une mère idéale. Même si je suis loin de l'être à cause de ma santé. Cependant, je culpabilise déjà assez comme ça.

— Parce que je n'ai pas pu décaler la location à la semaine prochaine, on s'y est prises sur le tard, et Igor avait déjà réservé ses vacances. Alors oui, j'aurais préféré partir avec ma fille, mais vu le taf de malade que je me tape en ce moment, j'ai bien besoin de souffler. Et ne t'en fais pas, j'ai prévu plein de sorties super à faire avec Megara la semaine prochaine. Maintenant, si tu pouvais me laisser ça m'arrangerait. Je suis un peu pressée.

Aniès me fixa avec des yeux plissés. Elle ne semblait pas croire à mon mensonge. Il faut dire que j'ai toujours été une piètre menteuse. Même si je crois que ma mère se satisfait bien de mes mensonges. Ou alors, elle est idiote. Je n'écarte pas totalement cette possibilité. Elle finit par lâcher en soufflant.

— Mouais. Bon, amuse-toi bien. Ramène-nous des souvenirs.

— Hm hm.

Sauf que je ne l'écoute déjà plus. Je ne pense qu'à Yael qui m'attend en bas sur sa moto. Je suis nerveuse à l'idée de passer toute une semaine avec lui. Alors, évidemment, je prends mes plus beaux sous-vêtements et mes plus belles robes. D'accord, ce n'était pas vraiment la saison, mais je doute que nous sortions énormément. Je m'attends davantage à une petite semaine coquine. Raison pour laquelle je prends également les pyjamas les plus sexy. Je compte bien le rendre plus accro à moi qu'il ne l'est déjà.

Au moment où je m'apprête à franchir la porte, j'ai ma plus petite sœur qui rentre, Alina. Elle me dévisage avant de demander.

— Tu vas où comme ça ?

Attirée tel un aimant, Astria nous rejoint dans le couloir et demande.

— Tu allais partir sans me dire au revoir ?

Je leur fais signe de parler plus doucement et me rapproche d'elle pour chuchoter.

— J'ai un nouveau copain. Depuis un mois maintenant. Je ne vous en avais pas encore parlé car ce n'est que le début. Mais là je vais passer quelques jours chez lui. J'ai dit à la matronne que j'allais en Bretagne avec mes copines assistantes sociales, je compte sur vous pour me couvrir.

— Et tu nous le présente quand ? questionne Alina d'un air buté.

Je m'empresse de leur répondre.

— Je ne sais pas, bientôt ! Je dois me dépêcher, les filles...

— Il t'attend en bas ? me coupe Astria.

Avant même que je n'ai le temps de répondre, Alina ajoute.

— Nous descendons avec toi.

Je soupire d'énervement.

— Bon d'accord, mais surtout vous n'en parlez pas à la Madré. Sinon, vous la connaissez, elle va péter un câble. Allez, go !

Nous descendons toutes les trois, je vois Yael nous regarder avec étonnement. Il attend que nous soyons près de lui pour parler.

— On dirait des clones, plaisante-t-il.

Je lui souris et viens me tenir tout près de lui, m'appuyant contre son corps pour soutenir ma carcasse pourrie.

— Yael, je te présente Alina et Astria. Vu notre différence d'âge, je pense que tu devineras que nous sommes "juste" des demi-soeurs. Mais le demi n'a jamais vraiment compté pour nous.

Je tourne ensuite mon regard vers les filles.

— Mes sœurs, je vous présente Yael. Nous sommes ensemble depuis un mois maintenant. Et c'est un homme adorable et qui prend bien soin de moi, alors vous n'avez pas besoin de vous inquiéter.

— Mouais, répond Astria avec sarcasme tout en regardant mon petit-ami de façon hautaine.

Yael semble mal à l'aise, alors que moi je ne peux m'empêcher de rigoler.

— Ton chéri ressemble à Klaus ! déclare ma petite sœur Alina.

Astria a treize ans de moins que moi. Elle et moi sommes le jour et la nuit. Elle a un caractère de cochon, mais elle s'est aussi laissée embrigader dans les croyances de notre mère. Elle peut se montrer très dure lorsque sa possessivité est mise en jeu. Elle ne lit pas. Genre, jamais. Et n'aime pas non plus les séries que je regarde.

Par contre Alina, avec nos seize ans d'écart, me ressemble bien davantage. On regarde les mêmes séries (comme The Originals dont le personnage principal s'appelle Klaus), elle lit mes livres de fantastiques. Et surtout, elle a l'âme d'une artiste. Contrairement à moi, elle dessine, mais nos âmes savent se retrouver, car moi j'écris.

— Bon allez, on a de la route. Et vous vous feriez mieux de rentrer avant que votre mère ne s'aperçoive de votre absence.

— C'est aussi ta mère, réplique Astria.

— Non, je l'ai répudiée.

Je tends mon sac à Yael, qui semble un peu perdu, pour qu'il le range dans son coffre, puis j'enfile le casque pendant que mes sœurs s'en vont en nous faisant quelques signes de leurs mains.

— Apparemment tu as beaucoup de choses à m'expliquer, constate mon homme avant de faire vrombir le moteur de sa moto.

Nous nous mettons en route. L'adrénaline monte dans mes veines. Et pour la première fois depuis très longtemps, je me sens soulagée. Soulagée de savoir que pendant une semaine je serai loin de ma génitrice malsaine. Soulagée parce que je n'aurais pas à prendre les transports matin et soir pour aller travailler. Soulagée parce que pour une fois ce ne sera pas moi qui m'occuperai des autres, mais ce sera Yael qui s'occupera de moi. Je pourrais être presque comblée s'il n'y avait pas ce tissu de mensonges entre nous. Sans compter que, après nos ébats dans le parc, je me sens fichtrement douloureuse et je redoute le fait qu'il s'en rende compte. Après tout, c'est un infirmier. Il a bien dû remarquer que j'avais du mal à marcher pour aller prendre mes affaires, tout comme en revenant. Mais il n'a rien dit. Je m'attends donc à tout ce soir. Je redoute tant cette discussion...

Je dois bien avouer que je suis épuisée. En descendant de la moto, je sens mon corps endurer mille supplices et hurler pour avoir enfin le droit à un peu d'attention. Il est vrai que depuis que j'ai rencontré Yael, je suis devenue plus audacieuse. Sauf que cela ne semble pas convenir à ma carcasse endommagée.

— Ça va aller ? questionne Yael avec inquiétude.

— Ouais ouais, mens-je. Pars devant, je te rejoins.

— Ça va pas la tête ? Je reste avec toi. Et si tu n'arrives pas à monter les escaliers, alors je te porterai.

— Arrête de dire des conneries.

Car, bien évidemment, je pense qu'il plaisante. Cependant, le regard qu'il pose sur moi semble dire tout le contraire. Je détourne la conversation en haussant les épaules.

— J'ai juste des courbatures à cause de nos galipettes dans la forêt !

— Ah oui d'ailleurs, s'amusa mon homme, je ne savais pas que tu avais des mœurs si débridées.

Je rougis violemment en détournant le regard. J'avoue que je ne suis pas fière de moi sur ce coup-là.

— Disons que j'étais à la diète depuis un peu trop longtemps... Mais bon, toi tu n'es pas mieux.

— Moi aussi j'étais à la diète, tenta-t-il de me rassurer.

— Arrête, tu déconnes ! T'as vu ta tête ? T'as vu ton corps ? Je suis sûre que tu n'as qu'à te baisser pour ramasser des femmes à la pelle.

Yael grimaça avant de répondre doucement.

— Je ne veux pas "des femmes", je n'en veux qu'une.

Je lève les yeux au ciel.

— T'es vraiment un beau parleur Roméo.

— Pas seulement un beau parleur.

A priori, il était sérieux. Car, me voyant galérer à monter les escaliers, il me donne mon sac qu'il portait et me prend dans ses bras pour grimper les trois étages restants. Je n'ai pas arrêté de lui dire "Mais t'es fou ! Arrête !", je ne suis pas parvenue à le dissuader. C'est vraiment un grand malade ! 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top