Chapitre 23
Le trajet me semble interminable. Mais enfin, j'arrive dans sa ville et je prends le bus qui me conduit directement chez lui. Il m'a dit que l'arrêt était juste en face de son appartement. Il ne faut donc pas que je me trompe d'arrêt. Je suis tellement nerveuse que mon coeur bat à vive allure et que j'ai les mains moites. Faire des sorties c'est une chose, mais aller chez un homme en est une autre. Je ne sais pas à quoi il s'attend. Je ne sais même pas à quoi je m'attends moi-même en réalité.
C'est là, je la vois, les lourdes double portes d'entrée. J'effectue le code qu'il m'a indiqué par message. Puis le deuxième. Jusque là tout va bien. Par contre, je suis à deux doigts d'avoir un malaise quand je découvre que c'est une ancienne bâtisse et qu'il n'y a pas d'ascenseur. Vous ai-je raconté qu'il habitait au quatrième étage ? Non ? Et bien voilà qui est fait.
Je prends une grande inspiration, serrant fortement ma canne dans ma main gauche et m'approchant pour me tenir à la rambarde de ma main libre. Et doucement, j'entreprends mon ascension. Je dois faire des pauses à chaque moitié d'escaliers et à chaque palier. J'en viens à me demander si je suis vraiment capable d'atteindre le dernier étage. Je fais plusieurs petits malaises, mais m'encourage.
— Je peux y arriver... Je le peux.
Je parviens enfin à mon but, mais je suis tellement essoufflée et douloureuse que je ne veux pas qu'il me voit dans cet état. Donc je ne sonne pas. A la place, j'avale quelques comprimés et je fais des exercices de relaxation et de détente. Malheureusement, Yael a dû m'entendre arriver car il ouvre soudainement la porte. Je le regarde en rougissant légèrement (heureusement, comme je suis métisse cela se voit à peine). Je me redresse du mieux que je peux et plaque un sourire pas du tout naturel sur mes lèvres.
— Salut ! m'exclamé-je.
— Ça va aller ? me demande-t-il avec inquiétude en voyant dans quel état je suis.
Je balais l'air de la main comme si je tentais de chasser une mouche.
— Mais oui, tu parles ! Je suis une sportive moi !
(Demi mensonge.)
— Je n'en doute absolument pas ! rigole-t-il. Allez, rentre, le repas est bientôt prêt !
Silencieuse, j'investie son antre très respectueusement. Je découvre, je regarde, j'ai les yeux bien grands ouverts. L'appartement est incroyablement bien rangé, ou si c'est occasionnel. Comme s'il avait lu dans mes pensées, Yael me dit.
— Je suis plutôt de nature bordélique, mais je tenais à faire un effort pour t'accueillir.
— J'apprécie, réponds-je.
Je découvre, je regarde partout. Mes yeux sont immanquablement attirés par les sculptures de serpents qui décorent l'appartement un peu partout. Je m'en rapproche et les caresses des doigts. Il y a des sculptures en bois, en plâtre et tant d'autres.
— Je vois que tu apprécies les serpents, remarque Yael.
J'émets un petit ricanement.
— Les apprécier ? Je les adore ! J'ai toujours aimé les reptiles. D'ailleurs mon premier tatouage est un lézard, dis-je en lui montrant mon mollet. J'ai toujours rêvé d'en avoir un...
— Moi aussi. Avant je voulais être herpétologue. Mais bon, la vie m'a poussé dans une autre direction. Mais je rêve toujours d'en avoir... Peut-être...
— Si nous finissons par rester ensemble, on pourra s'en prendre ?
— C'est exactement ce que je pensais, répond-il avec un sourire qui illumine toute la pièce.
La pièce, en dehors des décorations de serpents est plutôt sobre, il y a même une bibliothèque donc je m'approche et en regarde les titres.
— Tu aimes lire du fantastique ? demandé-je.
— J'adore ça. En réalité, je suis plutôt un geek, mais j'ai mes périodes littéraires. Et oui, j'adore le fantastique.
— Nous semblons avoir beaucoup de goûts en commun.
Je le regarde du coin de l'œil, il est dans la cuisine américaine, probablement en train de terminer de préparer le repas. Je me rapproche de la table à manger qui a déjà été dressée. De beaux verres à pied, assiettes et couverts de très bon goût. Nappe. Et au milieu, deux bouteilles de vin.
— Je ne savais pas ce que tu aimais, intervient Yael comme s'il avait lu dans mes pensées. Du coup j'ai pris un blanc et un rouge. Et j'ai un rosé au frais.
— J'aime le rouge et le rosé. Tu es vraiment très prévenant. J'apprécie énormément.
— Merci pour le compliment, même si cela n'explique pas ton comportement de la dernière fois.
Je tends une main vers lui au-dessus du bar et demande.
— Tu aurais un tir bouchon ?
On pouvait penser que j'étais en train d'éluder, alors que pas du tout. J'estimais juste qu'il valait mieux qu'on ait commencé à boire pour en discuter.
— Du blanc ou du rouge ? questionné-je.
— Blanc s'il te plaît.
J'ouvre donc les deux bouteilles et nous sert un verre à chacun. Je lui tends le sien et nous nous approchons pour trinquer. Néanmoins, Yael s'arrête en chemin.
— A quoi trinquons-nous ?
— Une ère nouvelle, réponds-je automatiquement.
Je vois sur son visage qu'il semble dubitatif. Je lui offre donc un sourire avec l'intention de le rassurer et nous finissons par trinquer finalement.
— Écoute... J'ai été idiote, commencé-je.
Il attend patiemment que je poursuive. Alors je prends une gorgée pour me donner un peu de courage. Puis je poursuis.
— Je sais que je dois te rendre dingue avec mon secret... Mais il y a quelque chose que je dois t'avouer. Quand ça a commencé, mon copain de l'époque avec qui j'étais depuis plus d'un an et qui avait même rencontré ma fille, il m'a largué comme une sombre merde. Après lui, je n'ai jamais réussi à me remettre en couple. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais tous me rejettent quand ils découvrent la terrible vérité. Après que mon coeur ait été réduit en charpie, j'ai tout arrêté. J'ai décidé que je me contenterai d'offrir ma vie aux autres à travers mon travail, m'occuperai de ma fille le mieux possible. Mais que je n'attendrai plus rien de la vie.
Yael semble estomaqué. Cependant, il questionne.
— Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?
Je le fixe droit dans les yeux et réponds d'une voix triste.
— Qui te dis que j'ai changé d'avis ?
Il semble décontenancé et il y a de quoi. Quand il va savoir ce que j'ai à lui dire, il risque fort bien de me mettre à la porte. Je m'y suis préparée. Mais j'ai juré de dire la vérité.
— Eh bien, bafouille-t-il. Le fait que tu sois là ? Avec moi ?
Je lui offre un sourire qui se veut rassurant, même si mes prochains mots ne le seront pas.
— Pour être tout à fait honnête, quand je suis retournée sur ce site, j'ai espéré reconstruire un petit peu ma confiance en moi. Mais je n'avais pas prévu de rencontrer qui que ce soit... jusqu'à toi. Cependant ne te méprends pas, tu fais davantage office d'expérience qu'autre chose.
Il ne semble pas avoir écouté ma dernière phrase puisqu'il me demande.
— Pourquoi moi ?
Je hausse une épaule et détourne le visage pour qu'il ne me voit pas mourir.
— Pourquoi pas toi ? plaisanté-je, avant de reprendre plus sérieusement. Disons que.. tu m'as redonné de l'espoir.
Je soulève mon haut pour lui montrer de nouveau le tatouage que j'ai sur les côtes.
— Alors pourquoi te projeter avec moi si je ne suis rien de plus qu'une expérience.
— Je n'ai pas dit que tu ne me plais pas, réponds-je mystérieusement.
Il se rapproche de moi, prends mon verre des mains et le pose avec le sien sur la table à manger, puis il prend mes mains et me regarde fixement dans les yeux.
— Alors pourquoi ne pas me révéler ce que tu me caches ?
Je baisse alors les yeux, observant mes pointes de pied et murmure ma réponse.
— Parce que je ne suis pas encore prête à te perdre.
Il lâche une de mes mains pour la faire glisser sous mon menton et me forcer à regarder son visage.
— J'espère que tu ne seras jamais prête pour ça, susurre-t-il. Mais tu vas quand même devoir finir par me le dire un jour.
J'utilise ma main libre pour caresser sa joue un peu rèche du fait de la pousse de sa barbe. Je passe mon pouce sur sa lèvre inférieure, avant de me pencher pour déposer un tendre baiser sur ses lèvres. Lorsque nous nous séparons de nouveau, je lui réponds alors.
— Je dois d'abord apprendre à te faire confiance si cela ne te dérange pas..., expliqué-je avant d'hésiter et de rajouter. En vérité, je dois surtout reprendre confiance en moi. Et ça ce n'est pas une mince affaire, je peux te l'assurer.
Il soupire, puis passe ses bras autour de mon cou pour ne serrer tout contre lui. Nous restons ainsi de longues minutes, à sentir le coeur battant de l'autre, à sentir l'effluve du parfum de l'autre, déposant de petits baisers dans le cou. Jusqu'à ce que je sente une odeur inappropriée. Je fronce le nez et demande.
— Il n'y a pas quelque chose qui est en train de brûler ?
— Merde ! s'écrie Yael. Le hachis !!!
Il court dans sa cuisine et sort le plat du four. Il me lance un regard penaud et propose avec hésitation.
— A table ?
Je m'installe à une des places et récupère nos verres que je remplis à nouveau pendant qu'il ramène le plat.
— Ceci est "ma" recette de hachis. J'ajoute des carottes aux pommes de terre.
Je regarde le plat avec étonnement.
— Effectivement, cela ne semble pas commun. Mais j'ai hâte de goûter.
Après le plat, qui était délicieux malgré le léger goût de griller, nous avons mangé des mousses au chocolat qu'il avait également fait maison. C'était un régal. Je l'aide à débarrasser et à faire la vaisselle, avant que nous ne retournions dans le salon. Nous étions comme deux adolescents, on ne savait pas quoi se dire mutuellement. Yael a mis une lumière douce, puis je l'ai suivi dans le canapé. Il finit par demander.
— Tu veux regarder la télé, jouer à un jeu ou mettre de la musique ?
Je ne regarde absolument jamais la télé et je ne suis clairement pas une geek donc je réponds.
— De la musique s'il te plaît.
Il s'exécute et revient s'asseoir. Il avait les mains contractées sur les cuisses, comme s'il se retenait de faire quelque chose. L'ambiance entre nous était très électrique. J'ai donc posé une main sur la sienne, immédiatement, nous nous sommes regardé dans les yeux quelques secondes, avons commencé à nous rapprocher tout doucement... Et...
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