Chapitre 22


Je passe les jours suivants comme étant hantée. Je n'arrête pas de regarder par-dessus mon épaule, comme si j'espérais le voir sortir de nulle part. Je regarde également mon téléphone toutes les deux minutes pour savoir s'il m'a envoyé un message et me proposer une rencontre. Les jours passent avec une lenteur extrême, les minutes s'égrènent, mais toujours aucune nouvelle. Je suis tellement mal que même au travail j'ai des difficultés à me concentrer, ce qui dans un boulot comme le mien peut s'avérer passablement compliquées. Pourtant, je regarde toutes ces personnes parader dans mon bureau, ne les écoutant que d'une oreille. Quel jour est-on au juste ? Je crois que j'ai bien largement perdu la notion du temps. Je fonctionne tel un automate. Pas besoin de réfléchir dans ce cas. Enfin, pas besoin de réfléchir à mes occupations, car je peux vous assurer que mon cerveau carbure à cent mille.

Et enfin, un jour, mon téléphone émit la sonnerie des messages de Yael. Je suis en réunion et je sais que cela ne se fait pas, mais je n'en ai cure, je farfouille dans mon sac en lâchant un "désolée !" sauf qu'au lieu de l'éteindre, je le prends dans mes mains pour regarder discrètement sous la table. Je viens de remarquer qu'on est déjà jeudi !

CoeurdeLion

"Tu veux venir dîner à la maison demain soir ? Je pense que ce sera ce qu'il y a de mieux pour discuter."

Mon coeur fait un bond. Aller chez lui est une grande étape à passer. Pourtant, même si cette perspective m'effraie, je repense à tout ce que m'a dit Jade et je me lance.

CrazyQueen

"Avec plaisir."

Une nouvelle réponse ne se fait pas tarder, sauf qu'elle n'indique absolument rien des sentiments de cet étranger que j'apprends à apprécier. Il s'agit seulement d'une indication de lieu et il me prévient que je peux venir directement après le travail. Heureusement, car je ne pense pas que j'aurais eu la force de rentrer et de repartir, surtout en sachant qu'il y a environ une heure de transports entre chez ma mère et chez lui.

Le soir en rentrant, je suis tellement perdue dans mes pensées, essayant de démêler mes sentiments, que je n'entends rien de ce que ma merveilleuse mère peut me dire. Je ne prends d'ailleurs même pas la peine de lui répondre. Je vois bien pourtant que son visage a tourné au rouge tomate, mais je n'en ai cure. Je fais un petit mouvement de la main comme si j'essayais de faire fuir un maudit moustique, puis je pars m'enfermer dans ma chambre.

Je suis tellement nerveuse que je n'ai pas réussi à dormir de la nuit. Je me suis donc levée aux alentours de quatre heure du matin pour faire une toilette de fond (au cas où vous ne l'auriez pas compris, c'est-à-dire m'épiler de partout; après tout on ne sait jamais ce qu'iil peut se passer, nous pourrions nous laisser emporter et faire la bagatelle). Je lave, je frotte, je gomme et j'hydrate chaque millimètre de ma peau. Je souhaite être parfaite pour Yael ce soir. Par contre la chose que je ne me fais pas, c'est de me maquiller. Pas la peine de lui vendre un rêve qu'il ne pourra jamais atteindre. Il m'arrive très occasionnellement de me maquiller. Disons trois fois par an (Halloween - oui oui, ça compte - Noël et Jour de l'An). Le reste du temps, je préfère rester nature et ce n'est pas prêt de changer. Pour aucun mec au monde je ne ferai cela. Au moins comme ça les choses sont claires.

Après avoir passé près d'une heure dans la salle de bain, je retourne dans ma chambre enroulée de ma serviette. Je choisis des sous-vêtements de grandes occasions (qui ont clairement pris la poussière au cours de ces dernières années). Puis je choisis des vêtements qui mettront en avant mon physique. Oui, en tant qu'ancienne mannequin, je suis fine et grande - c'est de nature - malgré que je mange comme quatre (talent dont ma fille a hérité), par contre, à mon grand damn, je suis aussi plate qu'une limande.

Sachant que j'ai dû retard sur mon travail, je saisis cette occasion pour me rendre plus tôt au bureau dans l'espoir de tenter de le rattraper quelque peu. Tout est éteint à l'exception de la loge du gardien. Cela me fait étrange. Et comme la luminosité est faible, car le soleil commence à peine à se lever, il me faut prêter une grande attention à ma marche pour ne pas m'étaler de tout mon long. Je passe des heures, lunettes sur le nez, à éplucher mes dossiers. Je ne me rends même pas compte que des collègues commencent à arriver, jusqu'à ce que Vans passe sa tête dans l'entrebâillement de ma porte et qu'il pousse un sifflement admiratif.

— Tu es particulièrement canon aujourd'hui, c'est pour quelle occasion ?

Je dois faire attention avec lui. Je sais qu'il rêve depuis un certain temps de me voir dans son lit. C'est un charmeur de ces dames qui a tendance à changer de partenaires comme de slips. Et puis, non seulement ce ne serait pas professionnel, mais aussi désagréable, d'avoir un flirt sur mon lieu de travail, surtout qu'il ne me plaît absolument pas. La question a donc été tout de suite réglée de mon côté. J'ai tenté de lui faire comprendre à de très nombreuses reprises, donc soit il est plus idiot qu'il n'y paraît, soit il est très obstiné.

— J'ai rien fait de spécial..., bredouillé-je.

— Oh allez, à d'autres ! répliqua Vans.

Puis je me dis que c'était peut-être l'occasion pour l'envoyer promener une bonne fois et qu'il cesse de me draguer.

— J'ai un rendez-vous galant ce soir, fini-je par répondre en évitant de le regarder dans les yeux.

A mon grand étonnement, je le vois approcher et contourner mon bureau. Il prend mon menton dans sa main droite, pour faire redresser mon visage et me forcer à le regarder dans les yeux. Ses pupilles pétillent, mais ce n'est de malice, non je voyais quelque chose de beaucoup plus dangereux qui s'y dessine. Vans me fait peur. Voilà, c'est dit.

— Flirt autant que tu veux, chuchote-t-il d'un ton dur. Mais n'oublie pas qu'à la fin tu seras mienne et à personne d'autre.

Choquée par sa véhémence, je le repousse de toutes mes forces en criant (au cas où quelqu'un pourrait venir m'aider).

— Va-t'en de mon bureau.

Une de mes collègues vient voir ce qu'il se passe. Vans lève les mains en signe de reddition.

— Ça va, ça va. Je plaisantais juste.

J'ai le cœur qui bat la chamade de tout ce qui vient de se passer. Je m'empresse donc de sortir ma petite bouteille d'eau pour en boire quelques goulées. Entretemps, mes deux collègues étaient partis. Je peux donc mieux respirer.

La journée m'a semblé interminable. Et puis j'ai encore fait des heures supplémentaires. Ce travail aura ma peau, ça au moins c'est clair comme de l'eau de roche. Enfin, il finira pas avoir ma peau si je ne me fais pas licencier avant. Et ça, laissez moi vous dire que ce n'est pas gagné. Je ne suis que depuis peu de temps sur ce poste - un mois ? deux mois ? je ne sais plus - tout cela pour dire que je n'ai pas encore passé ma période d'essai. Et vu la manière dont me regarde ma directrice, je suis intimement persuadée qu'elle ne me gardera pas. Ce n'est pas comme si c'était la première fois. Même si, en toute honnêteté, ça commence à me plomber pas mal le moral. Toujours s'investir, faire de son mieux, et finalement pour se faire licencier pour une faute qui ne vous incombe pas vraiment. Vie de merde.

Ce qui m'aide à tenir ce soir-là, c'est de savoir ce qui m'attend à la fin de cette journée. Même si cela me rend aussi nerveuse qu'une collégienne, j'ai tout de même vraiment hâte de le retrouver. Le serrer contre moi, sentir son odeur, percevoir le toucher délicat de ses lèvres sur les miennes, écouter sa douce voix me sussurer des mots doux. J'ai l'impression que tous mes sens prennent vie à l'idée de le revoir. Et surtout, je me sens intimement plus féminine.

Je m'empresse de fermer la porte de mon bureau, quand je vois le lourdaud me tourner de nouveau autour.

— Qu'est-ce que tu veux Vans ?

Il hausse nonchalamment les épaules, se rapproche à une distance non réglementaire de mon espace vital et me répond.

— Je voulais en apprendre plus sur ton petit "date" de ce soir.

Je le regarde sévèrement.

— Cela ne te regarde absolument pas.

Je vois se rapprocher encore davantage pour faire venir glisser sa main dans le creux de mon dos. Cette fois, c'est clair, je le repousse donc avec violence avant de le gifler et de grogner.

— Ne me touche plus jamais sans mon autorisation. Si le message n'est pas suffisamment clair, je porterai plainte. Et si ça ne te suffit toujours pas, je te couperai les deux mains pour que tu ne puisses plus jamais rien toucher. Est-ce que j'ai été clair ?

Vans semble plus que surpris. La jeune femme à la canne qui a du mal à marcher et qui est assez innofensive n'est plus. Je sais être une louve quand il le faut. C'est toujours ce que je fais quand je dois protéger quelqu'un qui m'est cher. Non pas que Yael me soit cher ! Enfin... Non... Ou plutôt oui... Non. Passons. Bref !

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