Chapitre 18
Lorsque j'ouvre la porte centrale du bâtiment, je le vois là, juste sur le parvis. Je me retiens de ne pas béer (voire de baver) face à la vision qu'il m'offre. Il est assis à cheval sur sa magnifique bécane, un casque sur le devant de l'engin et il lève un visage radieux et souriant. Il est si beau... Je n'arrive toujours pas à m'en remettre. A se demander si j'en serai même capable un jour. Malgré les douleurs faramineuses qui assaillent mon corps, je m'évertue à ne pas boiter et à marcher le plus normalement possible. Hors de question qu'il annule la patinoire parce qu'il croit que je suis handicapée, même si c'est le cas en réalité. Cependant, ça il ne doit pas le savoir. Du moins, pas pour le moment.
Je replie la canne pliante qu'il m'a offerte. Je le regarde la ranger dans le coffre, puis il m'offre un baiser plein de tendresse. Enfin, je lève le casque qu'il m'a offert la première fois qu'il est venu me chercher en moto et l'enfile avant de m'asseoir juste derrière lui et d'enserrer sa taille de mes deux bras. La beauté ronronnante se met à gronder lorsqu'il enraye l'accélérateur. Et enfin nous partons. Nous ne faisons pas beaucoup de route. Il faut dire que mon boulot se situe en plein cœur de la capitale. Il doit donc y avoir des patinoires partout.
Une fois garés, nous rejoignons la file d'attente. Je n'attends pas qu'il sorte son argent et j'ouvre mon sac à main pour y récupérer mon portefeuille.
— C'est moi qui paye ! m'exclamé-je.
— Pas question, rétoque-t-il.
Donc je lui fais les gros yeux en venant me placer juste devant lui. Je lève un doigt et lui pointe sous le nez.
— Je ne t'ai pas demandé ton avis, mon coco. Déjà, tu m'as déjà payé énormément de choses et je déteste être redevable. Ensuite, je suis sortie en retard du travail, donc c'est la moindre des choses que je tente de me faire pardonner. Et enfin, j'ai moi aussi envie de te faire plaisir. Donc tu te "chut" et tu gardes les mains bien dans tes poches.
Plutôt que de m'obéir, il lève les mains en signe de reddition, avec son petit sourire canaille.
— Est-ce que je peux au moins utiliser mes mains pour te serrer dans mes bras ? argue-t-il peu assuré.
Je me contente de hausser un sourcil, mais cela ne semble pas le décourager car il passe ses bras autour de mes épaules pour me serrer contre lui, ravissant mes sens entre la délicieuse odeur, le plaisir de toucher sa musculature sculpturale et de pouvoir observer son visage et ses beaux yeux bleus à satiété. Sans se départir de son sourire, il rapproche son visage du mien et m'embrasse doucement. Seulement, sans s'en rendre compte, il a mis le feu aux poudres. Je me sens électrisée. Je me colle toujours plus contre lui, pose ma main libre sur sa nuque et l'embrasse avec une profonde avidité. Tous mes sens s'embrasent. J'en oublie totalement où nous nous trouvons. Et apparemment, lui aussi.
C'est un toussotement prononcé qui nous sort de notre transe. Pourtant, nous continuons de faire tout petits baisers tendres, tous les deux un sourire juché sur les lèvres. Nous ne nous détachons qu'en entendant une vieille femme s'exprimer.
— Il y a des hôtels pour ça. Par pitié, de l'air !
Nous éclatons tous deux de rire en échangeant des regards complices, avant d'avancer dans la file que nous avons fortement ralentie du fait de nos hormones déchaînées.
Je parviens à arriver au comptoir avant lui. Un coup de chance. A moins qu'il n'ait vraiment compris ce que je lui disais tout à l'heure. Nul doute qu'avec sa force et sa taille il n'aurait pas eu la moindre difficulté pour me dépasser. Je paye donc nos deux places et la location des patins. Il me demande, alors que nous pénétrons dans l'établissement.
— Tu sais bien en faire ?
Je ne dois pas être très réactive car il ajoute.
— Du patin.
Je hausse alors les épaules.
— Je dois être pas mal rouillée.
Non, ce n'est pas de la fausse modestie. Oui, il y a une époque je faisais souvent du roller et allais souvent à la patinoire. Mais cette époque est révolue. Depuis l'apparition de mes symptômes, je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de ces excursions.
— Et toi ? finis-je par questionner à mon tour.
Il se racle la gorge, l'air gêné.
— Je dois être à peu près aussi doué en patins qu'en équitation...
J'ouvre grand la bouche avant de rétorquer.
— Pourquoi ne me l'as-tu pas dit ? J'aurais pu proposer une autre activité !
Il m'attire délicatement dans un coin et pose sa main légèrement rêche et pourtant si agréable sur mon visage avant de déposer un baiser sur mon front et de me regarder dans les yeux.
— Je ne te l'ai pas dit car la vérité c'est que mon bonheur je parviens à l'atteindre en te rendant heureuse, tout simplement.
Je rougis violement avant de chuchoter.
— Mais tu me connais à peine...
Néanmoins, cela n'a pas dû lui échapper puisqu'il me répond immédiatement.
— J'en sais bien assez...
J'hésite entre deux choses : l'embrasser ou fuir. Et comme toujours, je me targue "Courage, fuyons !" Je passe donc sous son bras et reprends la direction des vestiaires sans le regarder.
— Evie ! s'exclame-t-il.
Mais je ne lui réponds pas. Si je l'avais embrassé, cela n'aurait fait qu'amplifier les sentiments que nous semblons déjà partager. Et ça c'est hors de question !!! Je ne suis pas prête ! ça va beaucoup trop vite. J'en ai des vertiges. J'ai du mal à respirer. Alors que je ralentis le pas, Yael voit mon visage pâle et m'attrape par derrière et chuchote à mon oreille.
— Tout va bien, je suis là...
Je ne sais pas bien ce qu'il entend par là. Est-il présent maintenant ? Ou est-il présent pour toujours ? Je n'ai pas la réponse, pourtant je souffle.
— Et si tu t'en allais ?
Il me répond d'une voix rauque et pleine de... tendresse ? amour ? sentiments ? Je n'en sais rien.
— Je resterai toujours auprès de toi. Et je te soutiendrai tant que tu me le permettras...
Il semble hésiter, je ne sais pas quoi répondre, mais apparemment lui n'en a pas terminé.
— Même si tu ne me le permets pas en fait. Je ne laisse personne faire du mal aux personnes auxquelles je tiens. Même pas elle-même. Donc sache que je veillerai toujours à ton bien être.
J'ai l'impression d'avoir avalé de travers. Des mots, que des mots. Il y a tant d'hommes qui sont doués pour promettre monts et merveilles que je ne me laisserai plus berner. C'est d'une voix réfrigérée que je lui réponds.
— Ne fais pas de promesses que tu ne pourrais pas tenir.
Et, sans attendre sa réponse, je rejoins les vestiaires. Il ne semble pas vouloir me retenir cette fois. Je donne mon ticket pour récupérer une paire de patins, taille trente-neuf. C'est une taille ridiculement minuscule pour une femme mesurant un mètre soixante-seize. Sûrement pour ça que j'ai toujours eu des problèmes d'équilibre. Non loin, je vois Yael faire de même. Il me rejoint lorsque je m'assois sur l'un des petits bancs en bois.
— Je gagnerai ta confiance un jour. Je me fiche du temps que ça prendra. Je ferai mes preuves, murmure-t-il juste pour moi avant de reprendre plus fort. On partage un casier ?
Je soupire, cependant il m'a coupé l'herbe sous le pied en changeant de sujet, je fais donc comme lui et hoche la tête avant de me concentrer sur la chausse de mes patins.
— Tu veux que je regarde ta cheville ? me propose-t-il.
— Non, pas la peine, réponds-je un peu trop vivement avant de reprendre mon souffle. Merci, mais ce n'est pas nécessaire. Tu ne pourras rien faire.
— Ok..., finit-il par lâcher, même s'il ne semble pas déterminé à lâcher le sujet de si tôt. Je peux ?
Il a la main tendue vers ma canne, je hoche la tête. De toute façon, sur la glace, elle est inutile. Nous nous rendons à la patinoire faite de glace. Cette dernière a été nettoyée il y a peu, il y a plein d'eau, elle doit donc être particulièrement glissante.Je remarque la panique se dessiner sur le visage de Yael, je lui prends donc la main et la presse de manière réconfortante malgré les gants que nous portons.
— Tout va bien aller, je suis là, l'encouragé-je.
Il m'offre une petite grimace en guise de réponse; ce qui me fait rire bien évidemment. Puis nous entrons tous les deux sur la glace. Yael lui se tient au rebord et ne semble pas vouloir le quitter, ce qui m'amuse gentiment. Il met ses pieds sur le sol gelé et manque de s'éclater la figure. Heureusement, je suis là pour le souteni, même si cela me crée d'atroces douleurs.
— Je fais quelques tours pour que tu puisses regarder ma technique et ensuite je revient t'apprendre, ok ?
Il m'offre un sourire à tomber tout en m'invitant d'un geste de la main à effectuer ma démonstration. Je m'exécute donc. Un tour, deux tours, trois tours. Je viens ensuite glisser doucement à ses côtés et surprend un regard brillant d'admiration.
— T'es vachement douée...
— Il ne faut pas abuser non plus. Que je sois douée en équitation ok, mais en patinage... tout le monde peut faire ce que je viens de faire avec un petit peu d'entraînement. Allez, à ton tour !
Il grimace à ma demande, mais il lâche tout de même le parapet et commence quand même à glisser tout en bougeant ses bras dans tous les sens.
— Garde ton équilibre ! lui crié-je avant de le rejoindre.
— Plus facile à dire qu'à faire ! gromelle-t-il.
Je lui tends ma main afin qu'il s'y agrippe, ce qu'il s'empresse de faire immédiatement. Je l'encourage.
— Inspire, expire. Pied droit, pied gauche. Il suffit de se laisser glisser après ça.
Sauf qu'il tombe et m'entraîne dans sa chute. Ni une ni deux, je me retrouve dans ses bras. Je vois bien qu'il profite de la situation en me serrant contre lui alors que je suis hilare. Je parviens néanmoins à demander entre deux hoquets.
— Tu ne t'es pas fait mal j'espère ?
— Pas le moins du monde.
Il m'embrasse. Nos deux corps s'embrasent. J'ai le sentiment qu'ils pourraient faire fondre toute la glace qui nous entoure. Et c'est même peut-être bien le cas. Mais il semble que Yael ne s'en préoccupe pas plus que moi. Je suis vivante, je suis libre et je me sens bien. C'est tout ce qui compte pour le moment. Peu importe si tout ceci n'est qu'irréel...
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