Chapitre 17
CoeurdeLion
"Tu es bien rentrée ?"
Je souris à la lecture de ce message qui est survenu environ quarante minutes après que je sois rentrée chez moi. Par chance, ma génitrice n'est pas là, au moins j'ai le droit à un peu de tranquillité.
CrazyQueen
"Eh bien, étant donné que tu m'as déposé en bas de chez moi et que je n'avais que trois étages à monter, je n'ai pas vraiment eu l'occasion de me faire manger par un alligator."
CoeurdeLion
"Ne plaisante pas avec ça ! Il aurait pu s'être enfui d'un quelconque zoo et attendre après toi puisque tu as une odeur si appétissante."
Je pose une main sur ma bouche pour masquer le son qui peut être émis par mon pouffement de rire.
CrazyQueen
"Tu sais, il y a d'autres façons de faire la cour à une dame."
CoeurdeLion
"Une dame peut-être, mais personnellement elles ne m'intéressent nullement. Je ne m'intéresse qu'à toi. Et je pense que, vu ton caractère bien trempé, on ne peut pas vraiment te qualifier de dame."
CrazyQueen
"Goujat !"
CoeurdeLion
"Tu finis à quelle heure mercredi ?"
Intriguée par sa question, je décide de lui répondre pour voir où il veut en venir.
CrazyQueen
"Midi, pourquoi ?"
CoeurdeLion
"Je ne travaille pas ce jour-là. Tu serais d'accord pour qu'on se voit ?"
Est-ce qu'il tente de détourner mon attention, ou tente-t-il d'esquiver l'insulte ? Dans tous les cas, ça marche.
CrazyQueen
"Il faut que je consulte mon agenda. Qu'est-ce que tu me réserves cette fois comme sortie ?"
CoeurdeLion
"Je m'étais dit que pour une fois tu pouvais peut-être choisir ?"
CrazyQueen
"Eh ! C'était moi qui t'avais parlé du Manoir !"
CoeurdeLion
"J'en conviens. Excuse-moi, erreur de formulation. Je voudrais savoir ce qui peut te faire plaisir ?"
Je prends le temps de réfléchir à ma réponse, les doigts suspendus au-dessus de l'écran de mon téléphone. Mon cœur bat la chamade. Je finis par penser que je pourrais détourner son attention de mon état physique. C'est pourquoi je finis par proposer.
CrazyQueen
"Patinoire ?"
CoeurdeLion
"Ça va aller avec ta cheville ?"
CrazyQueen
"Ne t'inquiète pas petit loup."
CoeurdeLion
"C'est quoi ce surnom ?"
CrazyQueen
"Je ne t'ai pas dit que j'adorais les loups ? Je suis une maman louve. J'ai même une femme loup tatouée sur le mollet."
CoeurdeLion
"Un de ces jours il faudra que tu me montres tous tes tatouages et que tu m'en expliques le sens ! Histoire que je sois un peu moins perdu."
CrazyQueen
"On se calme Roméo. Tout le monde n'a pas le droit de voir tous mes tatouages !"
CoeurdeLion
"Parce que je suis tout le monde ?"
CrazyQueen
"On verra ça Roméo. On verra ça..."
Épuisée par la journée que nous avons passée, je pose mon téléphone et me glisse sous mon tas de couvertures. Je m'étais déjà mise en pyjama en rentrant et avalé mes médocs. Après tout, je n'ai pas passé un weekend très reposant et je suis censée travailler demain. Très vite, je me sens bercée par les bras de Morphée. Je suis tellement fatiguée que je passe une nuit sans rêve. Malheureusement, au réveil, les douleurs ne se sont toujours pas apaisées. Pire, elles ont même redoublé d'intensité. Je regarde la pièce simpliste à la recherche de mon sac à main. Et je vois que je l'ai laissé à l'autre bout de la chambre. Merde. Je m'efforce de me lever, les jambes très largement arquées. Cependant, ce n'est pas le pire. Non. Le pire c'est que, en me levant, je suis prise par un puissant vertige. Ma vision se voile de blanc, mes muscles se mettent à convulser sans raison apparente. Je tente de tendre une main vers le lit afin de pouvoir m'asseoir et d'attendre la fin de la crise en toute sécurité. Parfois ça marche, d'autres fois non. Et aujourd'hui est un jour sans. J'ai perdu le contrôle total de mon corps et je le sens se précipiter vers le sol. C'est douloureux, très douloureux. Heureusement, ou pas, je perds connaissance.
Tout doucement, mon esprit semble s'éveiller. Je reprends conscience du corps qui est mien. Enfin... surtout des douleurs qui sont miennes. Et pour parfaire le tout, je sens une grosse migraine poindre. La question ne se pose même pas, je ne vais pas pouvoir aller travailler. Cela m'apprendra à avoir fait des folies de mon corps tout le weekend. Ma directrice va râler. Déjà qu'elle me menace depuis un moment de me renvoyer pour cause de mes absences. Je vais encore lui donner du grain à moudre. Cependant, je n'ai clairement pas le choix. Impossible de prendre les transports dans cet état...
Je parviens enfin à attraper mon sac et récupère ma morphine active et celle de fond. Je retourne près de mon lit et prends ma petite bouteille d'eau d'urgence pour les avaler. Je me rallonge et attrape mon téléphone, sans prendre garde aux messages reçus. J'appelle en premier lieu le Dragon (c'est comme ça qu'on appelle notre directrice au boulot) et m'attends à subir une forte remontrance. Et je n'y échappe pas. "Vous savez comment c'est compliqué de vous faire remplacer sur vos dossiers ? (Oui, je sais.) Et tous vos jours d'absences ? Rien que ce mois-ci vous en êtes à sept."
— Je suis désolée madame la directrice...
Que dire d'autre ? Elle sait pertinemment que j'ai une carte de "Reconnaissance en Qualité de Travailleur Handicapé". Je ne peux pas faire mieux. Je donne déjà mon maximum. Mais merde alors ! Il faudrait que j'arrête d'avoir une vie sociale pour me concentrer uniquement sur le travail ? Même comme ça j'ai des absences, ce n'est donc pas faute d'avoir essayé.
Après avoir raccroché, je prends rapidement rendez-vous avec mon médecin généraliste par visio, je ne suis clairement pas en état de me déplacer aujourd'hui. Puis, faisant encore fi de mes messages, je retourne me coucher.
Le médecin m'a arrêté pour deux jours et augmenté mes doses de morphiniques. Super... Plutôt que de me confronter directement au Dragon, qui risque très probablement de cracher du feu cette fois, je lui envoie juste un message. J'ai vu que CoeurdeLion m'a envoyé des messages, mais je n'ai même pas la force de batifoler. J'arrive déjà à peine à manger car la morphine a cette tendance à me faire vomir. J'ai donc un seau à disposition afin que le peu d'aliments ou d'eau que j'ai pu ingurgiter je puisse le rendre à satiété.
Je n'ai quasiment fait que dormir et vomir pendant ces deux journées. Demain, je dois aller au travail. Les douleurs se sont, fort heureusement, apaisées. Je décide donc de réduire la prise de médicaments afin de pouvoir me nourrir et reprendre des forces pour le lendemain. Le soir venu, avant de prendre mes cachets du couché, je regarde enfin ses messages.
CoeurdeLion
"Comment vas-tu ma belle ?"
"Pas de réponse... C'est étange..."
"Réponds-moi, je m'inquiète."
"Tu ne veux plus me parler ?"
"Je suis à deux doigts de prendre ma moto pour débarquer chez toi."
"J'imagine que c'est mort pour demain ?"
Je lève les yeux au ciel, mais ne peut m'empêcher de sourire. C'est qu'il a vraiment l'air de s'inquiéter. J'ai rarement affaire à des hommes de ce type. Je dois dire que c'est plaisant. Je m'empresse de lui répondre.
CrazyQueen
"Pas besoin d'alerter l'armée ! Je vais bien, ne t'en fais pas. J'ai juste... été très occupée. Mais oui, ça tient toujours pour demain. Je vais te ridiculiser !"
Je n'ai peut-être jamais fait énormément de patinage (une ou deux fois par an seulement), mais quand j'étais jeune je faisais énormément de roller. Genre, vraiment tous les jours pendant une longue période. Une période où je n'avais pas d'amis.
D'ailleurs, une de ces fois-là, j'étais donc dans le petit parc en face de chez moi pour m'entraîner. Un homme grand marchait dans ma direction, mais ne me regardait pas, je n'y ai donc pas prêté grande attention. Erreur ! Il m'a attrapé et porté sur mon épaule. Heureusement, plutôt que de rester coit, je me suis mise à gesticuler, jusqu'à lui mettre un bon coup de genou dans les parties. Il m'a relâché immédiatement et j'ai pu m'enfuir. Ma mère à l'époque s'était quelque peu inquiétée. Mais elle n'a pas fait grand chose. Cette anecdote me suivra probablement jusqu'à la fin de ma vie. Comme quoi, cela n'arrive pas qu'aux autres.
CoeurdeLion
"Ok. Mais s'il te plaît, préviens-moi la prochaine fois. Je me suis fait un sang d'encre."
CrazyQueen
"Oui, j'ai pu constater ça en effet."
Je pouffais de rire face à nos échanges. Puis il me demande l'adresse et l'heure du rendez-vous, que je lui formule.
Le lendemain, je me colle une sympathique migraine au buzz de mon super réveil. Ce bruit est absolument insupportable, malheureusement, avec tous les traitements que je prends pour dormir, il n'y a que ça qui me réveille. J'ai déjà tenté de le mettre sur mon téléphone en mode répétition avec une jolie musique... Résultat des courses : je ne me suis jamais réveillée. J'avais éteint toutes les sonneries dans mon sommeil. Je préfère donc ne pas réitérer l'expérience.
Le réveil est dur. Avec la diminution des traitements, je suis évidemment plus douloureuse. Cela risque d'être folklorique pour la patinoire. Je ne suis pas vraiment sûre que ce soit une bonne idée, mais je n'ai pourtant pas envie d'en changer. Obstinée que je suis.
Je passe la première partie de la matinée dans un brouillard total. Je suis incapable de dire ce que je fais. J'agis juste de manière mécanique. Mais le pire est encore à venir. A dix heures, j'ai une réunion de deux heures... Je sens que je vais tenter la technique développer pendant mes études : faire la sieste les yeux ouverts. Plutôt efficace comme méthode, sauf lorsqu'on s'adresse directement à toi. Tant pis, de toute façon je n'ai pas la force de rester éveillée, malgré le nombre de café que j'ai avalé. J'en suis à cinq ou six ? Je ne sais même plus.
Je sursaute lorsque j'entends des coups toqués à la porte, qui s'ouvre sur la tête de Vans.
— Je t'accompagne à la réunion ma belle ?
— Je connais le chemin, réponds-je agacée.
— Oui mais ça fait quatre jours qu'on ne s'est pas vus, tu m'as manqué... argue-t-il piteusement.
Je lève les yeux, désespérée par son attitude, néanmoins je finis par hocher la tête.
— Ok. Mais vas me chercher un autre café, s'il te plaît, ordonné-je gentiment en lui tendant ma tasse. Quatre sucres !!!
— Comme si je pouvais oublier ça. Tu es une malade d'ingurgiter autant de sucre.
— Et pourtant je t'ai déjà dit que mon corps ne stocke pas le sucre et que j'en manque perpétuellement. Allez hop. Sinon on va être en retard.
En attendant ma caféïne, je range les dossiers sur lesquels j'ai tenté vainement de travailler. J'en sélectionne néanmoins quelques uns, ceux qui présentent le plus de problématiques et dont je dois discuter avec mes collègues.
***
Les deux heures me semblent interminables. Je jette donc un œil à mon téléphone. Pas étonnant que je trouve ça long, on a plus d'une demi-heure de retard. Je regarde discrètement les messages envoyés par Yael.
CoeurdeLion
"Je suis devant, je t'attends."
"Euh... tu m'as oublié ?"
CrazyQueen
"Désolée, j'ai un peu de retard. J'arrive."
Je regarde autour de moi, ils sont en train de discuter planning et autres choses que je trouve totalement insignifiantes. Donc je me permets de lever la main.
— Avons-nous terminé ? Je dois vraiment m'en aller...
Le Dragon me fusille du regard.
— Vous avez déjà raté deux jours et maintenant vous chipotez pour quelques minutes en plus ?
— Ca fait presque une demi-heure en plus, intervint la psychologue avec qui je me suis toujours parfaitement entendue. J'en profite pour ajouter.
— Je ne me sens pas très bien... Vous savez avec mon état en ce moment, je ne peux pas trop me passer de manger..., mens-je effrontément.
La directrice fait un geste de la main comme si elle désirait se débarrasser d'un moustiques insignifiant. Je baisse la tête et fait un signe de la main à mes collègues avant de réunir mes dossiers et de filer. Je vais tout ranger et envoie un nouveau message.
CrazyQueen
"Fais ronronner le moteur mon petit loup, j'arrive."
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