Chapitre 16
Alors que je m'apprête à me détourner, je sens une main se poser sur la mienne.
— Evie... S'il te plaît, attends..., me supplie Yael.
Je tourne ma tête vers lui et réplique froidement.
— Quoi ?
Il semble blessé par mon attitude. Je dois reconnaître qu'il ne m'a pas personnellement fait du mal et qu'il ne mérite pas un tel emportement de ma part. Pourtant, c'est plus fort que moi.
— On n'a pas terminé les bières, tente-t-il presque timidement. Et puis j'aimerai bien essayer de t'expliquer...
— M'expliquer quoi ? Que tu n'es qu'un mec comme les autres qui a une bite à la place du cerveau ?
Il me tire de nouveau un peu plus par la main qu'il n'a pas lâché.
— Je t'en prie ?
Je soupire, lève les yeux au ciel, puis repousse sa main avant de m'asseoir en tailleur. J'attrape une bière dans le pack et la lui tends pour qu'il me l'ouvre. Ce qu'il fait instantanément avant de me la rendre. Je le remercie d'un mouvement de tête, attendant qu'il poursuive son pladoyé.
— Ecoute, Evie... Comprendrais-tu si je te disais que je ne suis qu'un être humain ? As-tu déjà souffert du manque d'attention dans un couple ?
Je bois une gorgée tout en méditant sur la question. Même si la vérité je la connais pertinemment.
— Non, pas vraiment. Je doute d'être restée suffisamment assez longtemps en couple pour que cela n'arrive. Mais mon premier amour m'a trompé. Alors je sais ce que cela fait dans ce sens. Et honnêtement, même si je t'apprécie... et même beaucoup, je ne peux m'empêcher de me dire que si jamais nous nous mettions ensemble, tu pourrais recommencer.
Yael boit une longue rasade de son propre breuvage, comme pour s'armer de courage.
— Oui, mais tu ne t'es jamais retrouvée dans la situation inverse non plus. Aimer au point de sentir tes entrailles se déchirer par tant d'indifférence... J'aurais dû la quitter avant, je le regrette. Mais je crois que j'étais tellement en manque d'attention et d'affection que... cela m'a rendu faible. Et j'ai cédé face à cette femme... Mais je peux te faire une promesse Evie...
Je relève mes yeux noisettes pour fixer mon attention sur lui, tentant de le regarder d'une manière aussi perçante que lui en est capable.
— Oui ?
— Je ne laisserai jamais les choses en arriver là entre nous si jamais tu acceptes de me faire confiance. Je te jure que jamais, jamais je ne trahirai ta confiance si tu acceptes de m'en honorer.
Je sens une sensation de chaleur traverser mon corps à ces mots. Je lui offre un petit sourire puis fais tinter ma bouteille contre la sienne.
— Excuse-moi d'être partie au quart de tour. Je sais que je peux avoir des réactions quelque peu violentes... Néanmoins, j'ai réellement beaucoup apprécié cette journée. Ce que tu m'as offert aujourd'hui ? C'était infiniment précieux. En si peu de temps, tu as fait tellement de choses pour me faire plaisir... Je ne sais pas comment te retourner ces présents...
Avec une infinie tendresse, il pose sa main sur ma joue et caresse ma tempe de son pouce.
— Je suis déjà entièrement récompensé lorsque je vois ton regard s'illuminer...
Je suis perturbée par ces mots. Non seulement car je ne parviens pas à décrypter ce que je ressens. Suis-je même capable de ressentir quoi que ce soit ? De cela, je ne suis pas persuadée. Pourtant, il y a bien quelque chose. Un frisson ? Du désir ? Oui, cela je le ressens. Ainsi qu'un besoin de contact infiniment charnel. Alors, sans lui laisser le temps de protester, je retire sa bouteille de sa main et la pose à l'écart avec la mienne. Je repousse doucement ses épaules afin qu'il puisse s'allonger sur l'herbe duveteuse. Ne réalisant pas vraiment ce que je suis en train de faire, je me positionne au-dessus de lui pour le chevaucher. Je le vois me dévorer de ses yeux brûlant d'un désir semblable au mien. Je m'empare aussitôt de ses lèvres avec les miennes et l'embrasse avec une passion ardente. Nos corps se raffermissent instantanément l'un à l'approche de l'autre. Ils se mouvent avec grâce en rythme de nos respirations effrénées, se pressant l'un contre l'autre. Je ne réalise même pas ce que je fais, que je ressens la texture de sa peau contre mes paumes, alors que mes mains mutines se sont glissées insidieusement sous le textile qui recouvre son torse. Je ressens alors pour la première fois la fermeté de ses abdos magnifiquement dessinés. A l'instar de ce que j'ai pu craindre, il n'y a en plus nulle trace de toison sur sa peau satinée. (Cela peut paraître idiot, mais j'ai toujours détesté les poils sur les torses masculins.) J'ai une infinie conscience de ce que mon traître de corps est en train de préparer. Pourtant, je me sens dans l'incapacité la plus totale de me détacher de cette étreinte. Bien au contraire, mes mains me trahissent de nouveau en agrippant le tissu pour le faire glisser au-dessus de la tête de Yael qui se laisse faire. A mon tour, je retire mon propre haut, découvrant à sa vue ma chaire mate et recouverte d'un certain nombre de tatouages. Mais, avant que les deux taquines ne parviennent à se positionner sur le bouton de son pantalon, il pose sa main sur les miennes pour les arrêter dans leur élan.
— Evie ! Evie... Arrête s'il-te-plaît ?
Je le regarde de manière interloquée. Pour être très honnête, je n'ai que rarement vu un homme refuser la bagatelle. Voire même jamais. D'accord, je me suis vraiment laissée emporter sur ce coup-là, mais j'avais le sentiment qu'on en avait tous les deux envie. Peut-être me suis-je trompée après tout. Cet homme est tellement différent de tout ce que j'ai toujours connu jusque-là...
— Un problème ? lui demandé-je.
Je le vois hésiter, comme s'il avait peur de me blesser de par ses propos. J'attends avec un calme apparent que je suis loin de ressentir intérieurement. J'avais le sentiment de marcher sur des charbons ardents. Viens-je de tout gâcher ? A une histoire qui n'avait même pas eu le temps de commencer ? Après tout, ce n'est pas la première fois que cela arrive. Ce ne sera qu'une déception supplémentaire à ajouter à ma liste déjà bien longue. Pourtant, Yael parvint pour la énième fois à créer la surprise dans mon esprit torturé.
— C'est juste que... Je ne veux pas que nous fassions cela de manière précipitée. Je prévois que pour notre première, je fasse les choses bien. Je veux te savourer et te faire l'amour comme il se doit... Nous ne sommes pas pressés.
Bien que j'apprécie son apparente délicatesse, c'est sur sa dernière phrase que je bloque. Je me mets donc à rougir violemment et m'empresse de remettre mon haut sur moi, comme si soudainement j'avais besoin de camoufler ma pudeur.
— Je ne suis pas une fille facile ! tenté-je de me défendre de manière ridicule.
Il me regarde comme si je l'avais giflé. Pourtant, ne prenant pas le temps d'attendre qu'il réagisse, j'attrape ma veste sur le sol.
— Ce n'est pas ce que...
— Rentrons ! l'interromps-je.
Je n'ai absolument pas envie d'entendre ce qu'il a à me dire, tant je me sens gênée par mon propre emportement. Je crois bien que, s'il m'avait laissé continuer, je l'aurais violé sur place. Peut-être parce que cela fait fort longtemps que je n'ai pas pu pratiquer la bagatelle. Ou alors peut-être est-ce dû au fait qu'il m'a tellement fait plaisir que cela a émoustillé mes émois. Evidemment, il ne me vient même pas à l'idée que cela soit parce qu'il me plaît, tout simplement. Oui, il réveille quelque chose chez moi. Quelque chose qui semble endormi depuis très longtemps. Cependant, je n'ai absolument aucune idée de ce que cela peut être. Je préfère vraiment ne pas m'attarder sur de quelconques sentiments à son égard. Les sentiments sont, à mes yeux, aussi éphémères que les flaques dans un désert. Ainsi était le néant de mes émotions depuis quelques années. Évidemment, hormis en ce qui concernait ma petite Crevette. Pour cela, la génétique ne m'avait pas vraiment laissé le choix. Quant au reste du monde ? Je préfère continuer d'évoluer comme s'il n'existe pas. Ne prêtant guère attention aux personnes qui m'entourent. Et surtout, surtout, ne pas m'attacher. Jamais. Je suis libre désormais. Libérée de l'attrait de quelques souffrances subtiles. Vous pensez que je fais l'autruche ? Non, je ne crois pas.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top