Chapitre 10


Nous nous sommes énormément amusés au bowling. Bon, Yael a juste failli me perdre en cours de route car il ne trouvait plus le chemin. Comme je commençais à avoir beaucoup de mal à marcher, il a proposé de me porter, mais j'ai refusé. Foutue fierté. J'ai avalé discrètement quelques comprimés, j'ai serré les dents et je me suis amusée. Même si je me suis fait rétamer au niveau du score. Sans compter les quelques verres de plus, je ne tiens quasiment plus debout. Et pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Nous rions comme deux enfants en sortant de l'établissement. Yael me regardait toujours avec son regard insondable.

— Je peux te raccompagner ? me propose-t-il soudainement.

Je n'hésite qu'un très court instant avant de lui répondre.

— Oui, si tu veux.

Yael n'a rien tenté depuis le début de notre rencontre. Pourtant, dans les transports, je regarde ses lèvres pleines, me demandant quel goût elles peuvent bien avoir. Elles sont un appel à la dépravation. Et une tentation absolue pour ma pauvre petite personne. Chaque fois, je tente de détourner les yeux, mais mon regard ne cesse de se fixer à nouveau dessus, si bien que j'écoute à peine les paroles qui en sortent. Mes propres mots doivent lui sembler bien incohérents.

Une fois arrivés devant la gare, je le vois en pleine hésitation. Il semble vouloir me dire au revoir, mais ne sait pas comment s'y prendre. Alors, sans réfléchir, alors que mon cœur bat à cent mille à l'heure, je me hausse sur la pointe des pieds et dépose mes lèvres sur les siennes. Oui, on n'est pas censé embrasser au premier rendez-vous. Et puis merde ! Qui a inventé toutes ces règles débiles de toute façon ?

Je sens Yael nerveux, comme s'il ne savait pas comment réagir. Puis, tout naturellement, ses mains viennent encercler mon visage pour approfondir notre baiser. Et cela devient tout, j'ai le sentiment qu'un volcan en moi est en train d'entrer en éruption, comme si mon cœur allait s'envoler hors de ma poitrine. Notre échange devient beaucoup plus langoureux et, presque malgré moi, je sens mon corps se resserrer contre le sien. Je me demande bien si nous n'avons miraculeusement pas embrasé la gare dans notre sillage.

Alors que nos baisers et nos caresses deviennent enfin plus lents et paresseux, je souris contre les lèvres de Yael. Et il me sourit en retour.

— J'ai encore moins envie de partir maintenant, avoue-t-il.

Prise d'une inspiration soudaine, je lui attrape la main.

— Viens.

Je l'entraîne vers un parc se trouvant non loin. C'est un très joli parc avec des allées pavées, une jolie mare au centre et des bancs aux rebords de l'eau. Nous en trouvons un libre et nous y installons. Yael tend alors le bras pour que je vienne m'y enfouir, ce que je m'empresse de faire, et je le sens poser le nez contre ma chevelure pour en respirer l'odeur.

Bon Dieu, que suis-je en train de faire ? Une voix au fond de moi me dit que c'est une erreur, une GROSSE erreur et que je vais le regretter. Cependant, pour le moment, je n'ai pas envie de l'écouter. Nous alternons câlins et baisers pendant un temps indéfini, jusqu'à ce que je vois le soleil se coucher. Je regarde alors l'heure sur l'écran de mon téléphone et pouffe.

— Cela fait très exactement huit heures que nous sommes ensemble. Je crois, non je suis sûre, que je viens de vivre le plus long rencard de ma vie.

— Tu fais quoi demain, Evie ?

J'hésite. Avec la grosse journée que nous venons de vivre et la reprise du travail lundi, je ferai probablement mieux de me reposer. Et, en même temps, j'ai très envie de passer plus de temps avec ce sublime apollon qui m'honore de sa compagnie. Et puis zut, on n'a qu'une vie !

— Que me proposes-tu ?

— Et si nous allions à ce Manoir Hanté dont tu me parlais tout à l'heure ?

Mes yeux se mettent soudainement à pétiller et je lui tombe dans les bras.

— Oh oui ! C'est une merveilleuse idée !

— Et ne t'inquiète pas, tu pourras t'agripper à moi, petite trouillarde !

Je lui donne une frappe joueuse sur le bras.

— Eh ! Je ne te permets pas !

Il me fait un clin d'œil.

— Oh mais je n'ai pas besoin de ta permission, réponds-t-il en souriant avant de soupirer. Bon... Je vais devoir y aller...

— Attends ! intervins-je.

Je sors mon téléphone et le regarde.

— Une photo souvenir ?

Il vient se poser à mon côté et fixe l'objectif. Nous sourions tous les deux d'un air benêt. Mais au moins, pour une journée, j'ai ressenti du bonheur. De la peur, certes, mais également du bonheur.

— Là tu as les yeux qui rient aussi ! me chuchote Yael à l'oreille. Et j'avais raison, c'est magnifique à voir.

Il se redresse et attrape ma béquille qui avait clairement l'air très usagée. Il finit par ajouter d'une voix triste.

— Et peut-être qu'un jour tu m'avoueras la raison de cette béquille. La vraie raison s'entend.

Cherchant mes mots, j'entrouve les lèvres sans trop savoir que dire, mais il m'interrompt d'un geste de la main.

— Quand tu seras prête. Et surtout que tu me feras confiance. J'ai bien compris que ta confiance n'était pas une chose aisée à gagner. Et, je te l'ai déjà dit, j'ai tout mon temps.

Je lui vole un baiser et souffle contre ses lèvres.

— Merci d'être si compréhensif Yael.

— Avec une femme aussi merveilleuse que toi, ce n'est pas bien difficile.

Mais une question revient me tarauder soudainement. Je n'ai toujours pas eu de réponse à ma question. Je baisse les yeux et balbutie.

— Et en ce qui concerne le fait de ne pas avoir d'enfant ?

Il glisse tout doucement ses doigts sous mon menton pour me forcer à relever le visage et me regarder dans les yeux. Il répond alors d'une voix ferme.

— Si je trouve la femme qui me rend heureux, je suis près à quelques sacrifices. Même si je ne désespère pas de te faire changer d'avis un jour.

Je lève les yeux au ciel, même si sa réponse en réalité me touche. Néanmoins, je ne veux rien en laisser paraître.

— N'espère pas trop. Bon... Je te raccompagne à la gare ?

Et c'est ce que je fais. Nous avons beaucoup de mal à défaire nos lèvres les unes des autres. Et, finalement, je le regarde partir à contrecœur.

Sur le chemin du retour, je ne cesse de me remémorer cette journée passée. Je sens des papillons voleter dans mon ventre au souvenir de nos baisers échangés et du désir ardent qui m'avait gagné. Cet homme va me faire perdre la tête...

Quand je rentre au domicile, je ne ressens même plus la douleur. Et, lorsque ma mère me parle, ou plutôt me crie dessus, je n'entends même pas ses paroles haineuses. Je file m'enfermer dans ma chambre et cherche le téléphone de ma meilleure amie depuis dix ans maintenant. Je parle tous les jours avec elle, sa présence dans ma vie m'est aussi vitale que de respirer.

— Jade ?

— Evie !!! Poupoupidou ! Comment tu vas ma chérie ?

— Je vais... super bien ! lâché-je avec un large sourire.

— Oh oh ! Toi tu as des choses à me raconter ! Comment il s'appelle ?

— Yael.

— Et il fait quoi dans la vie ?

— C'est un interrogatoire ? rié-je. Il est infirmier.

— Comment tu l'as rencontré.

— Sur un site de rencontre. Nous avons eu notre premier rencard aujourd'hui et c'était merveilleux...

— Des détails !!!

J'éclate de rire et fais mine de réfléchir.

— Alors voyons... Déjà il est beau, très beau. Et sa manière d'embrasser... Je crois qu'aucun homme ne m'a embrassé comme ça.

— Oh la veinarde.

Ma meilleure amie et moi avons ça en commun, nous n'avons jamais été chanceuses en amour.

— Tu fais quoi le weekend prochain ? lui demandé-je.

— Hm... Rien de particulier. Pourquoi ?

— ça te dit que je vienne avec ta filleule ? Ma mère est encore en train de délirer à plein tube et... ça s'est un peu envenimé ce matin. Je préfère passer le plus de temps possible loin d'elle.

— Comment ça ?

— Je lui ai enfoncé la tête dans un miroir ? murmuré-je tout bas.

— Oh. Mon. Dieu ! s'exclame-t-elle avant d'éclater de rire. J'aurais tellement aimé être là pour voir ça !

— Lia sera là le weekend prochain ?

Lia est la fille de Jade. La plus belle petite fille qu'il m'est été donné de rencontrer. Après ma fille bien sûr !

— Oui, je vais m'arranger ! On se fera un super weekend entre poulettes !

— Super j'ai hâte ! Gros bisous, je t'aime fort.

— Moi aussi ma chérie !

Et je raccroche le sourire aux lèvres. Je me laisse tomber sur le dos, lorsque la porte de ma chambre s'ouvre.

— Tu n'as pas à tourner le dos à ta mère ! hurle cette dernière.

Je me lève, la pousse hors de ma chambre et lui claque la porte au nez avant de la fermer à clef. Hors de question que je la laisse gâcher cette journée parfaite.

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