Scène 6
Chacun s'assoit dans son coin. Silence appuyé. Lumière rouge et ambiance anxiogène.
CAMILLE
On sait comment ça va arriver ?
PAUL
De quoi ?
CAMILLE
La fin du monde.
LAURA
On est vraiment obligé de parler de ça ?
ANGE
J'ai bien peur qu'il n'y ai pas grand-chose d'autre aux actualités.
LAURA
C'est morbide.
PAUL
Morbide ou pas, ça va nous arriver.
CAMILLE
Alors ?
Charlie rentre avec des verres et les distribue.
CHARLIE
Personne n'en sait trop rien. Les scientifiques parlent d'une collision avec quelque chose.
PAUL
Une météorite ?
CHARLIE
Possible.
RACHELLE
Une chose pareille, on la verrait arriver non ?
CAMILLE
Et les religieux ?
CHARLIE
C'est selon les fantaisies. Pluie torrentielle, volcans en éruptions, gouffres ouverts sous nos pieds...
ANGE
N'importe quoi... Silence. Et si ce n'était pas vrai ? Si ce n'était qu'une grande supercherie ?
PAUL
Ne soyons pas si prétentieux. C'est déjà arrivé il y a soixante-cinq millions d'année, je ne vois pas pourquoi on y aurait pas le droit.
ANGE
Juste pour nous faire peur ? Nous mettre un peu la tête dans notre propre merde ? Nous faire prendre conscience ? Ou alors seulement une psychose générale...
CAMILLE
On se rassure comme on peut.
LAURA
On pourrait parler d'autre chose ?
Camille hausse les épaules. Lourd silence d'attente. Finalement, un portable sonne, faisant sursauter tout le monde.
PAUL
C'est le mien.
RACHELLE
Et ?
PAUL
Et j'ai pas envie d'avoir de mauvaise nouvelle.
LAURA
J'approuve. On sait qu'on va mourir, pas besoin de savoir comment.
RACHELLE en regardant son portable
C'est étrange, moi je n'ai toujours pas de réseau.
La sonnerie s'éteint. Des groupes se forment mais personne ne parle, comme s'il fallait respecter le silence. Rachelle sort à la recherche de réseau. La scène se concentre un instant sur Ange et Mélanie.
MELANIE
Eh bien... Ça doit être particulier pour toi de mourir.
ANGE
C'est particulier pour tout le monde je pense.
MELANIE
Oui mais tu n'es pas tout le monde. Regarde ton maquillages, tes vêtements, tes talons. Tout ça alors que c'est la fin, c'est grandiose.
ANGE
C'est vrai, ça l'est. Ça l'a toujours été. La mort ne change pas grand-chose, ça reste un jour de plus dans cette vie. Un jour de rêve et de fable. A chaque fois, c'est la même chose : il suffit de devenir grande, de devenir colorée et lumineuse pour devenir quelqu'un.
MELANIE
Tout le monde est quelqu'un, on a pas besoin de ça.
ANGE
Tu as de la chance de le penser. Il y a certaines vies où on a besoin de perruques volumineuses et de robes à paillettes pour trouver sa place. Et ma place fut manifestement sur des talons de vingt centimètres.
MELANIE
Je trouve ça dommage.
ANGE
C'est comme ça. Pourquoi être un fantôme quand on peut être un ange, intouchable et respecté ?
MELANIE
Et aimé ?
ANGE
Ce n'est pas une question d'amour, ce n'a jamais été une question d'amour. Seulement d'exister. A quoi bon être aimé si son existence se résume à celle d'une larve rampant parmi les larves ? Je marche, on me laisse passer. Je parle, on m'écoute. Je vis, on m'accepte. Si tout cela n'était pas possible, comment est-ce qu'on pourrait m'aimer ?
MELANIE haussant les épaules après un silence dubitatif
De toute façon, tout meurt ce soir.
ANGE
Non. Pas moi.
MELANIE
Je suis désolée, mais ça semble relativement inévitable.
ANGE
Tu ne comprend pas. Ce n'est pas moi qui meurt, c'est Ange. Regarde ses lèvres, regarde ses hanches. Regarde- moi, qui vois-tu ? Nathan ou Ange ?
MELANIE
Je ne sais pas. Je ne connais pas Nathan.
ANGE
C'est bien la preuve qu'il n'est pas là.
MELANIE
Et du coup ?
ANGE
Du coup je ne vois pas comment est-ce qu'il pourrait mourir.
Silence.
MELANIE
Peut-être qu'il est déjà mort, non ?
Ange ne répond pas. Lourd silence.
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