XLVIII. Apo' : Même la mort a droit aux bonbons...
Lorsque Bhàs apparaît à mes côtés je lui adresse un petit signe de tête avant de reprendre mon activité qui constitue en une razzia de bonbons dans un paquet trouvé dans le sac de l'humain.
Sérieusement, qui tente d'échapper à l'Apocalypse en emportant des sucreries avec soit ? C'est stupide, digne des humains... Vraiment cette espèce me désespèrera toujours. Vivement que j'y mette fin.
Remarquant que mon cavalier me regarde, attendant certainement que je lui explique la raison de sa venue, je lui adresse un grand sourire que je sais resplendissant et magnifique et je demande :
<< Tu veux des bonbons ?
- Quoi ?
L'étonnement se marque sur le visage de mon cavalier. Je ricane en lui montrant le sachet que je tiens dans mes mains.
- J'ai trouvé ça en me promenant. Je m'ennuyais un peu, il est vrai. Enfin, bon. C'est délicieux. Je ne comprends pas que vous ne m'en ayez pas apporté durant mon enfermement. C'est sucré, doux... Délicieux.
En disant ces mots, j'en croque un et savoure exagérément la sucrerie.
- Je crois que ce sont des dragibus... Tu en veux un ?
- Je suis la Mort...
- Et alors ? Je t'en pris, même la mort à la droit aux bonbons. Je n'ai pas été assez cruelle pour te l'interdire.
- Non, en revanche, tu as été très généreuse en tortures...
Je chasse d'un geste de la main sa remarque tout en gloussant. J'avale une dernière dragée multicolore et réduis le paquet en cendre.
Relevant le menton, j'adresse un clin d'œil à Bhàs et m'exclame :
- Tant pis pour toi !
Il ne réagit pas, comme si il était perdu dans ses penses. Je me racle la gorge pour lui rappeler ma présence. Mais son regard se fait alors perçant et il s'approche un peu de moi avant de souffler d'un ton presque accusateur :
- Tu ne devineras jamais qui j'ai rencontré...
À croire qu'il a oublié qui je suis... Moqueuse, j'interroge :
- Laisse moi tout de même essayer... Et ce qu'il s'agit de ton alter ego bienfaisant, de sa longue chevelure aussi blanche que la neige et des ses yeux aussi doux que ceux d'une colombe ?
Il secoue la tête, serrant la mâchoire. Un soupire s'échappe d'entre ses lèvres et son souffle glacé me parvient. Je suis frappée par la force de ses ressentiments à mon égard. Il hait de tout son cœur cet amour. Il ne rêve que de le détruire.
Il est vrai que ce ne fut qu'un regrettable coup du sort qui lia la Vie à la Mort.
Mais ce même regrettable coup du sort se révéla fort bénéfique par le passé... Ou tout du moins, pour moi.
Je me mets sur la pointe des pieds, approchant mon visage de celui de la Mort et je souffle, mesquine :
- Dans ce cas, j'ai deviné.
Je retombe sur mes talons et prends mes distances. Mais Bhàs me saisit soudain le poignet et me retourne pour m'obliger à lui faire face d'un geste impulsif conduit par sa rancœur. Ce mouvement soulève la manche de sa cape sombre et dévoile ses doigts squelettiques, froids et sans vie. Alors, dans l'élan de son mouvement, je pose ma main sur son cœur et y donne un coup sec. Sa respiration se coupe tandis que peu à peu ses traits prennent quelque chose de plus humain, de moins terrifiant et démoniaque. Il halète, les yeux écarquillés. Même le glacial froid qu'il dégage s'en est allé. À présent, son cœur produit une grange chaleur, vivante... Oh que oui, il semble vivant, lui qui ne l'a jamais été.
Je me redresse à son niveau colle mon front contre le sien et gronde :
- Tu n'y peux rien Bhàs. Et tu le sais déjà... Nous avons tous notre malédiction. Et elles prendront toutes fin quand je régnerai. Pas avant.
Sa main humaine qui encercle mon poignet renferme sa poigne. Si j'avais été humaine, il aurait coupé la circulation sanguine de ma main tant il serre fort. Je ricane et effleure de ma main libre son visage devenu humain.
- La vie est ta malédiction. Les ténèbres sont les miennes.
- Qui en a décidé ainsi, hein ?
- L'univers Bhàs. Ce cruel univers que je me tue à détruire, qui régit nos rôles à Avènement et moi, qui fait en sorte que toi et ta douce Beatha soyez liée... Mon propre créateur.
Son regard plonge dans le mien. L'air semble chargé d'électricité alors même que la température chute dangereusement. Mon cavalier me lance, amer :
- Mais tu prends ton pieds à nous voir souffrir Apo'. Ne le déments pas.
- C'est vrai. Et pourtant je vous aime. Mais je suis l'apocalypse. Lorsque j'aime, je détruis. Toujours. Et le pire dans tout ça, c'est que vous m'aimez en retour ! Comme une mère, une sœurs, une amie, une amante ou même une reine. Pauvres idiots...>>
J'effleure ses lèvres des miennes et il lâche un grognement menaçant. Je retire alors ma main de sa cage thoracique et il redevient tel qu'il était auparavant. La Mort incarnée dans sa forme la plus effrayante.
Bhàs finit par céder et un rictus amusé apparaît sur ses lèvres tandis qu'il me relâche. Je lui adresse un clin d'œil et lui tend alors la main. Au creux de ma paume se trouve une dragée. Bhàs secoue la tête en s'exclaffant et s'en empare avant de l'avaler.
Je m'apprête à commenter quelque chose à propos du fait qu'il cédait enfin à la tentation des sucreries quand une voix s'élève derrière nous.
<< Je ne vous interrompts pas ?
Je recule d'un pas et me retourne, un grand sourire sur les lèvres, pour accueillir mon cavalier de la maladie, assis sur un rocher, nous observant de ses yeux perçants. Se sont les seuls choses qu'on aperçoit de son visage. Il porte son masque à bec de peste, un petit cadeaux de ma part pour le récompenser d'avoir créer une telle épidémie ! Un chef d'oeuvre dévastateur, une hécatombe...
- Tinneas, quelle bonne surprise ! Je ne m'attendais pas à te revoir de si tôt !
Mon cavalier saute de son perchoir avant de s'incliner. Puis il se relève et époussète ses vêtements.
- Moi non plus. Que faites-vous là ?
- Figure toi que je vous recherche. Mais je pensais que tu serais le dernier sur lequel je mettrais la main.
Il hausse des épaules et échange un regard avec Bhàs qui se contente de secouer la tête et de garder le silence.
- Si je t'ai surprise, tu m'en vois ravie.
- Vous n'êtes pas si prévisible que cela finalement...
Mon cavalier de la mort s'exclaffe et j'esquisse une petite moue. Je reporte mon attention sur Tinneas et interroge :
- Qu'as tu fais pendant tout ce temps ?
- Oh j'ai semé quelques maladies et détruits un peu plus la Vie. Rien de bien important.
Son regard montre qu'il s'est profondément ennuyé. Je crois qu'il est effectivement temps que l'action reprenne véritablement. Personne n'a le droit de s'ennuyer lors d'une Apocalypse. À part moi. Mais moi, j'ai tous les droits. Injustices diront certains. Pourtant, qui vient de passer des millénaires enfermée dans les ténèbres ? Moi, et moi seule.
Je penche la tête sur le côté et tend la main vers son visage dissimulé derrière son masque. Je saisis les bords de l'accessoire et le retire. Ses traits angéliques détonnent bien trop avec sa nature maléfique et le poison qui coule dans ses veines, dans sa chaire.
Lançant le masque par dessus mon épaule, je lui adresse un petit sourire et souffle :
- Bien. Tu devrais être ravi, parce que les choses importantes arrivent.
- Si par important, tu entends destruction finale, je n'ai qu'une chose à dire : enfin !
Bhàs interviens et me souffle :
- Malheureusement, même si c'est pour bientôt, je suis prêt à parier que tu as prévu autre chose en attendant.
- En effet.
Tinneas fronce des sourcils :
- Ah oui ?
- Oh, rien d'aussi monumental que ce qui a pu se passer jusque là. Mais il reste des choses à régler, que je réglerais avec vous. >>
Je fronce soudain des sourcils et observe, dédaigneuse, la forêt autour de nous. J'esquisse une petite moue. Elle ne devrait plus être debout... Je me tourne, autoritaire, vers Tinneas et d'un claquement de doigt lui ordonne de tout arranger.
Il lève les yeux au ciel, mi-agacé mi-amusé, mais je vois déjà le poison se former aux creux de ses mains.
Lorsqu'il les pose au sol, le venin noir que dégage mon cavalier de la maladie s'infiltre dans la terre et voilà la nature qui dépérit. Et alors que la Terre souffre, je jubile.
J'y suis presque !
Bonsoir, bonsoir ! Comment allez vous ?
Je suis de retour avec un nouveau chapitre du point de vue de notre chère Apocalypse qui retrouve ici ses deux cavaliers de la mort et de la maladie.
En espérant que ce chapitre vous ait plus et en vous remerciant pour votre lecture ^^
Dredre
19 mars 2019
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