XLIX. Daggan : La main créatrice nous tuera tous.

Peu d'entre nous peuvent se venter d'avoir croisé l'apocalypse... Et d'y avoir survécu. Si moi j'en suis capable, ce n'est pas pour autant que je désire renouveler l'expérience.
Et ce malgré cette beauté inégalée, ces cheveux de sang, ces yeux d'un argent transcandant et ces lèvres tentatrices.

La quantité de pouvoir que j'ai vu déferler suffit à m'en dissuader. Cette folle est capable de tout détruire d'un claquement de doigt et pourtant elle préfère faire durer son plaisir le plus longtemps possible, détruisant à petit feu la Terre. Elle torture mortellement et sans relâche le monde sans pourtant l'achever totalement, comme un chat jouerai avec une souris sans la dévorer.

Je ne suis pas idiot, je sais que lorsque le chaos absolu sera là, même les ténébreux disparaîtront. C'est prévisible. Elle ne laissera vivre personne, pas même nous, à part ses cavaliers. Et Arcadias.

Nous savions tous que notre seigneur était au service d'une force supérieure puissante. Et plus encore, nous savions tous qu'il entretenait une relation avec cette force. Parfois il emmenait des démons qui ne revenaient jamais de cette rencontre.

Une folle qui pour se sortir de son ennui tue même les siens.
Et pourtant nous la suivons. Alors qui est le plus cinglé ? La folle ou les fous qui la suivent ?

« Daggan ?

Je souris en reconnaissant la voix de mon frère. À nous deux nous formons l'élite des ténébreux, nous sommes les lieutenants d'Arcadias depuis des millénaires. Malgré la rivalité morbide qui nous a toujours liés, notre lien est puissant. Le mal, nous le faisons à deux.

- Bonsoir Ephemis.

Je me tourne vers le démon aux cheveux blanc et aux yeux de la même couleur. Bien que nous sommes frères, nous n'avons aucune ressemblance physique. Seul notre pouvoir, identique et plus puissant lorsque nous sommes ensemble démontrent notre lien de parenté.
Ephemis joue avec une dague tout en m'interrogeant :

- Alors alors, qu'as-tu fais de mauvais ces derniers sinistres jours ?

- Tu ne me croiras jamais mon frère.

- Raconte toujours pour voir.

Une compétition presque malsaine à toujours existé entre nous malgré notre proximité. Alors aujourd'hui, lui raconter mon entrevue avec le chaos m'assure presque d'affirmer mon autorité.

Alors je lui conte les événements avec une satisfaction certaine, ravi de lui prouver encore une fois que je suis le plus fort. Cependant sa réaction n'est pas celle à laquelle je m'attendais.

- Alors c'est toi ?

- Comment ça ?

L'expression soudain presque terrifiée de mon frère, lui qui n'a jamais eu peur de toute son existence, fait naître en moi une sourde angoisse.

- Tu ne le sais donc pas ? Arcadias cherche le ténébreux qui aurait "fricotter" avec l'Apocalypse... Même si je suppose que la vérité n'est pas entièrement respectée... C'est toi ?

- Pourquoi me chercherai-t-i...

Je m'interrompt brusquement et un juron m'échappe. Ephemis poursuit quand même.

- Pour se débarrasser de toi.

La réalité le frappe en plein visage. Je suis dans les ennuis jusqu'au cou.

- Je dois fuir !

- Trop tard.

Le ricanement sinistre dans mon dos me fige et mon frère blêmit. Ses yeux blancs se mettent à scintiller. Je fais volte face, le menton haut. Pourtant dans ma poitrine, mon cœur se met à battre à cent à l'heure tandis que l'adrénaline se déverse dans mes veines. Ma fierté ne me sauvera peut être pas la vie mais jamais je n'échangerai ma dignité.

Le seigneur des ténèbres se dresse dans toute sa puissance. Ses yeux ruby flamboie dangereusement, ses lèvres sont tordus en un rictus cruel et ses traits sont crispés. Une aura terrifiante, meurtrière émane de lui.

- Bonjour Daggan.

Je m'incline raidement, sur mes gardes, tout comme mon frère.

- Mon seigneur.

Il chasse mes paroles d'un geste autoritaire.

- Alors mon cher lieutenant, as-tu rempli ta mission ?

Je hoche raidement de la tête. Ses aspects de serpents venimeux, passif jusqu'à qu'il ne t'attaque ne me dupent pas.

- Et n'aurais-tu pas croisé... L'apocalypse ?

La voilà la question piège. Je peux nier et me faire tuer. Ou affirmer et me faire tuer. Dans tous les cas je meurs. Je préfère ne rien répondre et braver son regard confiant.

- Dois-je prendre ceci pour une affirmation ?

Une étrange douleur naît en moi. Ce n'est pas normal. Rien de tout ceci ne l'est. Je sens derrière moi la présence de mon frère. Une lueur meurtrière passe dans les iris sanguinaires d'Arcadias et il ordonne autoritairement :

- Réponds!

- Oui. C'est oui.

Un sourire satisfait apparaît sur son visage. C'est clair, je vais mourir. Après tout le mal que j'ai causé, je vais périr des mains de mon seigneur simplement parce que j'ai passé du temps avec sa cinglée de chérie. Tout ça pour un malentendu puisqu'il croit qu'il s'est passé des choses entre elle et moi. Si ça n'est pas de la malchance, dites moi bien ce que c'est !

D'un geste sévère il ordonne à mon frère de s'en aller. Ephemis me lance un regard sombre. Nous avons toujours été proche et nous nous sommes promis un jour de ne jamais nous abandonner. S'il s'en va maintenant, il n'aura pas respecter ce pacte. Croyez le ou non, même chez les ténébreux les liens de parentes sont importants. Le mal nous l'avons toujours causé à deux.

Pourtant qu'il reste ou qu'il s'en aille n'y changera rien. Alors je capitule et d'un hochement de la tête lui confirme qu'il peut s'en aller. Ce geste me coûterai presque. Et dans un nuage sombre mon mon jumeau démoniaque disparaît.

Arcadias s'approche alors encore plus de moi, satisfait et menaçant. Affichant un sourire narquois et cruel, il gronde de sa voix caverneuse :

- Merci pour tes loyaux services. »

Une douleur terrible déchire ma poitrine alors que la main d'Arcadias y plonge, arrachant mon cœur. Une sensation de brûlure se propage en moi juste avant que je ne remarque que des flammes ont bel et bien pris possession de mon corps. Elles me dévorent, me tuent.
Alors que je tente de préserver toute la dignité que me confère ma puissance et mon orgueil, mon regard plonge dans ses yeux ruby. Et j'ai l'impression de brûler deux fois plus.

Et alors que le néant absolu m'accueille, une dernière pensé trône dans mon esprit : finalement, rencontrer l'apocalypse m'aura été fatale.

Ce qui nous a créé nous détruit aussi.

Hey !

Voici un petit chapitre du point de vue de Daggan. Depuis qu'Apocalypse a décidé de le dénoncer pour son plaisir personnel, le petit ténébreux n'a pas fait long feu... X)

Merci pour votre lecture ^^

Dredre

28 avril 2019

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