La foudre frappe le sol de mon palais ténébreux au moment même où j'apparais au centre de l'immense salle du trône. La voute est si haute que l'on ne discerne que l'ombre et seul l'estrade sur laquelle mon siège royale est installé est illuminé sans pourtant que cette lumière n'ait une quelconque origine. Les colonnes se dressent fièrement, ornées de leurs terrifiantes gravure. Je m'imprègne de l'atmosphère sombre de la pièce. Lorsque je remporterait la bataille, je n'aurai plus besoins de retourner dans mon antre obscure. Je siégeai là haut une fois que j'y aurais emmené les ténèbres. Et même alors, jamais plus je ne retournerai dans ce palais aux allures de prisons. Je ferai ce qu'il faut pour cela.

Un éclaire frappe à nouveau et Cogadh apparait à mes côtés, sa cape de guerrier s'agitant sous l'effet du courant d'air à la fois glacé et brulant qui souffle dans ma prison souterraine. Il fronce des sourcils et croise les bras.

<< Qu'est ce qu'on fait ici ?

Je me contente de l'inviter à me suivre sans répondre avant de faire volte face et de dépasser mon sinistre trône en direction d'une petite caverne à l'arrière.

Sombre et exiguë, elle est éclairée par les éclats de centaines de fragments de joyaux au sol qui dégagent tous d'étranges luminescences. Mais un seul d'entre eux, encore intacte, attire mon attention.

Je saisis alors cette pierre écarlate, ce ruby qui luit dans l'obscure pénombre de mon palais de ténèbres. Les autres autour d'elle sont toutes brisées, ayant libéré leurs entités mineures. Si Tentation m'a trahit par le passé en devenant Millenia, son pouvoir peut toujours m'être utile. Autant me servir du nouveau contrôle que j'ai sur l'entité.

Je l'observe quelques instants, une expression fascinée mêlée à de l'amusement sur le visage. Du bout des doigts je caresse la surface aussi rouge que le sang. Des murmures, des chuchotements s'élèvent alors dans les airs et se répercutent dans toute la salle. Mon cavalier de la guerre semble surpris et plisse des yeux tentant d'en comprendre le sens. Mais plus les chuchotements s'envolent plus ils se mettent à ressembler à un sifflement. Un long sifflement de serpent. Je souris avant de la jetait avec violence contre le sol. La pierre se brise dans un bruit cristallin laissant échapper un brouillard rouge passion. Celui ci s'élève dans les airs et se met à flotter devant mon magnifique visage sous le regard intrigué de Cogadh qui observe la scène en silence, impatient de voir ce que je prépare par la suite. Je tend ma main vers le brouillard et mes doigts fins entre en contacte avec la fumerolle. Un hurlement terrible résonne alors tandis que l'entité semble prise d'une étrange frénésie, incapable de se défaire de mon douloureux contact. Je me retire alors avec satisfaction et m'exclame d'une voix autoritaire :

- Je sais que tu m'entends Millenia. Tu as été punie Tentation pour une raison bien évidente. Mais aujourd'hui tu as la chance de te racheter à mes yeux. Mène moi à Destinée et tu seras libre.

Le brouillard s'agite. Je sens la présence de Tentation hésiter. Livrer la position d'une de ses consoeurs ne semble pas lui plaire. Je grimace et décide de faire un petit rappel de force :

- Entendons nous bien. Quoique tu choisisses, j'aurai l'information que je désire. Tu as tout à gagner en me la donnant de ton plein gré. >>

Cette fois ci, l'entité est convaincue et je sais que j'obtiendrai ce que je désire. Après tout, nous sommes semblables sur un point, pour la liberté, nous sommes prête à tout et cela, elle le tient de moi, la créatrice de toute chose mauvaise...

Tentation nous a mené en Italie, sur le site archéologique de Cumes. A toute vitesse elle se dirige dans la direction opposée à ce que les flèches des panneaux humains indiquent. Mais je ne m'en fais pas. La réalité est souvent bien différente de leurs croyances...

L'entité s'arrête alors devant une imposante falaise à la roche jaune. Le brouillard s'agite de plus en plus, dégageant un éclat puissant. Un sourire étire mes lièvres tandis que mon sentiment de toute puissance s'accentue. Mon regard parcourt le falaise avec satisfaction et je m'adresse à l'identité de la séduction.

<< Tu as rempli ta part du marché Tentation, tu es à présent libre de semer le chaos...>>

Je claque des doigts et aussitôt le brouillard écarlate descend au sol avant de laisser s'échapper un énorme et magnifique serpent tentateur aux yeux ruby. Il se met à siffler, perfide avant d'onduler dans les hautes herbes, pliant la paille séchée, ses écailles ambre se fondant dans le décor. Le fléau des humains, cette Tentation si redoutée est relâchée et est de mon coté. Une nouvelle arme de destruction... Une féroce alliée d'Envie, ce péché si dévorant... Et en plus de tout cela, j'ai eut l'information que je désirais.

<< Où sommes nous ?

Je me tourne vers Cogadh qui semble totalement désintéressé de la situation bien qu'une lueur de curiosité brillait dans son regard,  et je lui sourit malicieusement.

- Devant la demeure de notre chère Destinée...

- Il me semblait que Tentation avait parlé d'une grotte.

- Mais nous sommes devant une grotte mon cher ami.

Son regard se promène alors sur la paroi de roche et il fronce des sourcils, l'air vraiment douteux et peu confiant. Cela m'amuse et je peux facilement concéder que cela peut être perturbant pour ceux qui ne peuvent voir les choses dissimulées. On ne peut pas tous avoir autant de puissance et de pouvoir que moi, et heureusement.

- L'entre de la Sybille n'est pas cette misérable grotte que les humains explorent depuis la nuit des temps bien qu'elle s'amuse parfois à s'y rendre. Ils sont du mauvais côté de la falaise. La cavité secrète abritant l'entité du savoir et du destin se trouve sous nos yeux, juste ici.

Je désigne la paroi de la main et effleure un rocher. Celui ci semble se troubler, comme si ça surface n'était qu'eau. Je secoue la tête et souffle :

- Malheureusement pour nous Ave' nous a devancé.

Le cavalier de la guerre fronce soudain des sourcils, subitement sur ses gardes. Il l'a sentit lui aussi... Sa main effleure le pommeau de son arme, un sourire terrible naissant sur son visage, tandis que je ferme les yeux, l'espace de quelques secondes. Je me mords la lèvre inférieur sentant l'excitation monter en moi et je murmure, presque en trépignant sur place :

- Elle ne voulait pas que j'aie accès à de telles informations... Que j'aie accès au savoir formidable de cette entité neutre...

- Et comment a-t-elle pensé t'arrêter ?

- Ave n'est pas originale. Elle utilise les mêmes techniques. Ma sœur a user de la même solution que pour protéger la boîte de Pandore. Elle a placé un gardien chargé de nous empêcher de passer...

Au moment même Cogadh fait volte face et attrape en plein vol le gardien qui se jetait sur nous. Toujours sur sa lancée, mon compagnon lance l'homme de toute ses forces contre la falaise. Le choc est si violent que des rochers en tombent. Ce gardien la n'a rien à voir avec celui qui veillait sur la boîte des péchés. Il es moins fort et surtout n'a aucun charme. Il s'est effondré au sol, entouré des roches qu'il a entraînées lors de sa collision. Je m'approche jusque lui et attrape l'épée de mon cavalier avant de la poser sur mon épaule, de façon décontractée. Sur la roche, à l'endroit où le gardien s'est "cogné", juste face à nous, se dessine une ouverture, une cavité. La cachette de Destinée. J'échange un regard ravis avec le cavalier de la guerre avant de reposer mes yeux argentés sur le gardien à mes pieds qui tente de se relever.

- Alors Cogadh que penses-tu que je devrai faire de lui ? Lui couper les mains ou les pieds d'abord ?

- C'est délicat comme choix...

Il hausse les épaules, l'air de n'en avoir rien à faire. Je penche la tête sur le côté et le métal froid de mon arme rencontre ma joue, mon regard moqueur ne quittant pas le gardien au sol. Je finis par souffler, adoptant une voix enjouée :

- Et si je faisais les deux en même temps... >>

Bonsoir !

Destinée doit se préparer à recevoir de la visite... Apo' semble décidée à la voir. Nous allons enfin découvrir l'entité neutre qui a prédit un destin si tragique au seigneur des ténèbres.

Merci pour votre lecture,

Dredre

20 Septembre 2018